Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 12 août 2010

Extrait de l'arrêt n° 55/2010 du 12 mai 2010 Numéros du rôle : 4759 et 4785 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 69 et 70 de(...) La Cour constitutionnelle, composée du président émérite P. Martens, conformément à l'article 60(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2010203068
pub.
12/08/2010
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 55/2010 du 12 mai 2010 Numéros du rôle : 4759 et 4785 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 69 et 70 (« Fonds de fermeture d'entreprises - Confirmation de l'arrêté royal du 3 juillet 2005 ») de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer portant des dispositions diverses (I), posées par le Tribunal du travail de Bruxelles et par le Tribunal du travail de Charleroi.

La Cour constitutionnelle, composée du président émérite P. Martens, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, et du président M. Bossuyt, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par jugement du 27 juillet 2009 en cause de Régis Parizot contre la SA « Dexia », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 août 2009, le Tribunal du travail de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 69 et 70 de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer, qui confirment avec effet à la date du 1er juillet 2005 l'arrêté royal du 3 juillet 2005, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, tant lus isolément qu'en combinaison avec les principes de non rétroactivité des lois, de sécurité juridique, de confiance et de procès équitable, et avec l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme en ce que les parties, qui ont introduit leur litige avant la promulgation de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer (procédure pendante) et souhaitaient soulever l'illégalité de l'arrêté royal du 3 juillet 2005 et demander sa non-application sur base de l'article 159 de la Constitution ne peuvent plus faire contrôler par une juridiction la légalité de celui-ci, alors que les parties qui ont obtenu une décision judiciaire avant la date de promulgation de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer ont pu, quant à elles, faire contrôler par une juridiction la légalité de l'arrêté royal précité ? ».b. Par jugement du 12 octobre 2009 en cause de Nathalie Gobbe contre la SA « Aurelio Cigna », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 octobre 2009, le Tribunal du travail de Charleroi a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 69 et 70 de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer, qui confirment avec effet à la date du 1er juillet 2005 l'arrêté royal du 3 juillet 2005, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les parties qui ont introduit leur litige avant la promulgation de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer (procédure pendante) et souhaitent soulever l'illégalité de l'arrêté royal du 3 juillet 2005 et demander sa non-application sur base de l'article 159 de la Constitution ne peuvent plus faire contrôler par une juridiction la légalité de celui-ci alors que les parties qui ont obtenu une décision judiciaire avant la date de la promulgation de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer ont pu, quant à elles, faire contrôler par une juridiction la légalité de l'arrêté royal précité ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 4759 et 4785 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause et à leur contexte B.1.1. Tel qu'il était rédigé avant sa modification par l'article 82 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer relative aux fermetures d'entreprises, l'article 10 de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer concernant la protection de la rémunération des travailleurs disposait : « La rémunération porte intérêt de plein droit à dater de son exigibilité ».

B.1.2. La Cour de cassation a considéré à plusieurs reprises que, selon les termes et l'objectif de l'article 10, la notion de « rémunération » ne visait que la rémunération que le travailleur peut réclamer à l'employeur. La Cour de cassation a ajouté que, sauf clause contraire, le travailleur n'avait pas le droit de réclamer le montant du précompte professionnel, pas plus qu'il ne pouvait réclamer le montant de ses cotisations de sécurité sociale, de sorte que les intérêts ne sont pas dus au travailleur sur les montants précités (Cass., 10 mars 1986, Pas., 1986, I, p. 868; Cass., 17 novembre 1986, Pas., 1987, I, p. 337).

B.2.1. Le législateur s'est opposé à cette jurisprudence en insérant, respectivement par les articles 81 et 82 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer relative aux fermetures d'entreprises, un article 3bis dans la loi sur la protection de la rémunération ainsi qu'un alinéa 2 dans l'article 10 de cette loi.

B.2.2. Tel qu'il a été inséré par l'article 81 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer, l'article 3bis de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer précité dispose : « Le travailleur a droit au paiement par l'employeur de la rémunération qui lui est due. Ce droit au paiement de la rémunération porte sur la rémunération, avant imputation des retenues visées à l'article 23 ».

Tel qu'il a été modifié par l'article 82 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer, l'article 10 de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer précitée dispose : « La rémunération porte intérêt de plein droit à dater de son exigibilité.

Cet intérêt est calculé sur la rémunération, avant l'imputation des retenues visées à l'article 23 ».

B.2.3. Selon les travaux préparatoires, ces deux ajouts s'expliquent, d'une part, par l'objet de la loi, à savoir la protection du paiement de ce qui est dû au travailleur et, en corollaire, du droit du travailleur au paiement de sa rémunération brute et, d'autre part, par le calcul des intérêts de retard sur la rémunération brute du travailleur, parce que la rémunération brute constitue la rémunération à laquelle le travailleur a droit en vertu de son contrat de travail.

Etant donné que les retenues fiscales (précompte professionnel) et sociales (cotisations personnelles du travailleur) ne pourraient être effectuées si le travailleur n'avait pas droit au paiement de sa rémunération brute, le droit du travailleur au paiement de sa rémunération porte sur la rémunération brute (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1687/001, p. 48).

B.2.4. Dans ses arrêts n° 48/2009 du 11 mars 2009 et n° 86/2009 du 14 mai 2009, la Cour a jugé : « La rémunération brute - soit la rémunération nette, les cotisations de sécurité sociale et le précompte professionnel - constitue [...] la rémunération à laquelle le travailleur a droit en vertu de son contrat de travail. La circonstance que le précompte professionnel et les cotisations de sécurité sociale sont versés par l'employeur aux institutions publiques concernées avant que le travailleur puisse disposer de sa rémunération ne signifie pas que ces cotisations n'appartiendraient pas au travailleur. Les cotisations du travailleur et le précompte professionnel constituent en effet des retenues sur ce qui est déjà la rémunération et font partie de la rémunération que l'employeur s'est engagé à payer ».

B.3.1. L'article 90 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer précitée dispose : « Le Roi fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi ».

B.3.2. Les articles 1er et 2 de l'arrêté royal du 3 juillet 2005 « relatif à l'entrée en vigueur des articles 81 et 82 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer relative aux fermetures d'entreprises » disposent : «

Art. 1er.Les articles 81 et 82 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer relative aux fermetures d'entreprises entrent en vigueur le 1er juillet 2005.

Art. 2.L'article 1er s'applique à la rémunération dont le droit au paiement naît à partir du 1er juillet 2005 ».

B.4.1. Les articles 69 et 70 de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer portant des dispositions diverses (I) disposent : «

Art. 69.L'arrêté royal du 3 juillet 2005 relatif à l'entrée en vigueur des articles 81 et 82 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer relative aux fermetures d'entreprises est confirmé.

Art. 70.L'article 69 produit ses effets le 1er juillet 2005 ».

Il s'agit des dispositions en cause.

B.4.2. Ces dispositions furent justifiées comme suit au cours des travaux préparatoires : « L'arrêté royal du 3 juillet 2005 relatif à l'entrée en vigueur des articles 81 et 82 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises type loi prom. 26/06/2002 pub. 20/07/2002 numac 2002003351 source ministere des finances Loi de confirmation des arrêtés royaux du 14 juin 2001, 13 juillet 2001 et 11 décembre 2001 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et adaptant diverses dispositions légales à l'euro fermer relative aux fermetures d'entreprises a fixé la date d'entrée en vigueur de ces mêmes articles au 1er juillet 2005.

Les articles 81 et 82 susmentionnés avaient pour objet de modifier certaines dispositions de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer concernant la protection de la rémunération des travailleurs. Ces dispositions ainsi introduites prévoient que les intérêts sur la rémunération du travailleur qui lui est due doivent se calculer sur la rémunération brute.

Une jurisprudence minoritaire (C. Trav. Anvers, 25 avril 2007, RG 2060515; C. trav. Anvers, 22 octobre 2007, RG 2060682 et 2070095) estime, en se basant sur un vice de forme, que l'arrêté royal du 3 juillet 2005 est illégal, alors que la jurisprudence majoritaire ne conteste pas la validité de cet arrêté royal et accorde les intérêts sur la rémunération brute du travailleur (C. trav. Bruxelles, 16 janvier 2006, JTT, 2006, 214; C. trav. Bruxelles, 21 avril 2006, JTT, 2006, 280; C. trav. Bruxelles, 7 novembre 2006, JTT, 2007, 125; C. trav. Liège, 11 janvier 2007, JTT, 2007, 249).

Afin de remédier à l'insécurité juridique née de ce constat et pour des motifs impérieux d'intérêt général (arrêt n° 55/2006 du 19 avril 2006 de la Cour d'Arbitrage), l'article 129 a pour objet de confirmer l'arrêté royal du 3 juillet 2005 susmentionné dans ses dispositions.

L'urgence se justifie, d'une part, par l'insécurité juridique qui a été créée par la jurisprudence (minoritaire) qui juge que ces dispositions ne sont pas d'application et, d'autre part, par le fait que les pouvoirs publics sont tenus, en vertu de cette jurisprudence, de payer les dédommagements et les frais de procédure » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-1012/001, p. 49).

En raison de leur caractère rétroactif, les dispositions en cause orientent de manière décisive l'issue de litiges en cours dont certains, à tout le moins, préexistaient à l'adoption de la loi.

Quant à l'objet des questions préjudicielles B.5. Les juridictions a quo demandent à la Cour si les dispositions en cause violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les employeurs qui avaient soulevé, dans une procédure pendante, l'illégalité de l'arrêté royal précité et demandé sa non-application en vertu de l'article 159 de la Constitution ne peuvent plus faire contrôler par une juridiction la légalité de celui-ci, alors que les employeurs qui ont obtenu une décision judiciaire avant la date de promulgation de la loi en cause ont pu, quant à eux, faire contrôler par une juridiction la légalité de l'arrêté royal précité.

Le Tribunal du travail de Bruxelles sollicite également de la Cour qu'elle vérifie la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus non seulement isolément, mais aussi en combinaison avec les principes de non-rétroactivité des lois, de sécurité juridique, de confiance et de procès équitable et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Quant à la recevabilité des questions préjudicielles B.6. Selon le Conseil des ministres, les questions préjudicielles sont sans objet en ce qu'elles visent l'article 69 de la loi en cause, lequel ne confère aucun effet rétroactif à la confirmation législative qu'il contient.

La notion juridique de « confirmation » a pour objet et pour effet de donner valeur législative à l'arrêté royal visé à la date de l'entrée en vigueur de celui-ci. La confirmation a donc un effet rétroactif.

La circonstance que l'article 70 de la loi en cause prévoit que l'article 69 produit ses effets à dater du 1er juillet 2005 n'a pas pour conséquence de faire disparaître le caractère rétroactif que contient en lui-même cet article 69.

B.7. L'exception est rejetée.

Quant au fond B.8.1. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise. La rétroactivité peut uniquement être justifiée lorsqu'elle est indispensable pour réaliser un objectif d'intérêt général.

S'il s'avère en outre qu'elle a pour but d'influencer dans un sens déterminé l'issue d'une ou de plusieurs procédures judiciaires ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient cette intervention du législateur qui porte atteinte, au détriment d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.8.2. L'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement [...] par un tribunal [...] qui décidera [...] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil [...] ».

Cette règle s'oppose à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influencer l'issue d'une procédure juridictionnelle pendante, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général (CEDH, grande chambre, Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c. France, 28 octobre 1999, § 57; Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, 27 avril 2004, § 64; CEDH, grande chambre, Scordino c. Italie, 29 mars 2006, § 126; SCM Scanner de l'Ouest Lyonnais et autres c. France, 21 juin 2007, § 28; Sarnelli c. Italie, 17 juillet 2008, § 34).

L'effet, la méthode et le moment de l'ingérence du pouvoir législatif révèlent son but (CEDH, grande chambre, Zielenski et Pradal et Gonzalez et autres c. France, 28 octobre 1999, § 58; CEDH, Agoudimos et Cefallonian Sky Shipping Co. c. Grèce, 28 juin 2001, § 31).

B.9. Etant donné que les dispositions peuvent avoir pour effet de modifier l'issue des procédures judiciaires en cours, la Cour doit examiner si l'effet rétroactif de ces dispositions est justifié par des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général.

B.10. Comme le relèvent les travaux préparatoires de la loi en cause, une insécurité juridique s'était installée, du fait que certaines juridictions du travail refusaient d'appliquer l'arrêté royal du 3 juillet 2005. Le législateur a entendu remédier à cette insécurité juridique qui est d'autant plus grande que les constats posés par les juridictions du travail ne valaient qu'inter partes.

B.11. La seule existence de recours pendants devant les juridictions du travail n'empêche pas que les irrégularités dont pourrait être entaché l'arrêté royal litigieux puissent être redressées avant même qu'il soit statué sur sa régularité dans le cadre desdits recours.

Les vices allégués devant les juridictions du travail contre l'arrêté royal litigieux sont l'omission de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat, le dépassement des limites de la délégation de compétence sur la base de laquelle cet arrêté royal a été adopté et la méconnaissance par le Roi du principe de l'application immédiate de la loi. Ces irrégularités, à les supposer établies, n'ont pu faire naître en faveur des parties qui contestaient cet arrêté royal devant les juridictions du travail, le droit intangible d'être dispensées à jamais de l'application de tout ou partie de son dispositif alors même que cette application serait fondée sur un acte nouveau dont la constitutionnalité serait incontestable.

L'existence même des actuelles questions préjudicielles démontre que, si l'intervention du législateur a empêché ces parties de faire écarter par les juridictions du travail l'arrêté royal confirmé, elle ne les prive pas du droit de soumettre à la Cour l'inconstitutionnalité de la loi par laquelle le législateur a exercé la compétence qu'il avait initialement déléguée.

B.12. Par ailleurs, les dispositions en cause ne sont pas davantage source d'insécurité juridique. Elles ont certes un effet rétroactif, mais elles ne contiennent pas de nouvelles dispositions par rapport à celles qui figuraient dans l'arrêté royal précité, de sorte qu'elles n'ont fait que confirmer des dispositions dont les destinataires connaissaient la portée.

B.13. Pour toutes ces raisons, l'effet rétroactif des dispositions en cause est justifié par des motifs impérieux d'intérêt général.

B.14. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 69 et 70 de la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer portant des dispositions diverses (I) ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général de non-rétroactivité des lois.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 12 mai 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, P. Martens.

^