publié le 12 mars 2010
Extrait de l'arrêt n° 10/2010 du 4 février 2010 Numéro du rôle : 4790 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 73 de la loi-programme du 27 décembre 2006, posée par le Juge de paix du canton de Péruwelz - Leuze-en-Haina(...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Martens et M. Bossuyt, et des juges M. Mel(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 10/2010 du 4 février 2010 Numéro du rôle : 4790 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, posée par le Juge de paix du canton de Péruwelz - Leuze-en-Hainaut.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Martens et M. Bossuyt, et des juges M. Melchior, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 14 septembre 2009 en cause de Franck Deudon contre Daniel Bral, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 octobre 2009, le Juge de paix du canton de Péruwelz - Leuze-en-Hainaut a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 73 de la loi-programme du 27.12.2006 - Moniteur belge du 28.12.2006, 3ème édition - est-il source de discrimination et viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il limite par l'effet de l'insertion entre les alinéas 2 et 3 de l'article 3 § 5 du livre III, titre VIII, chapitre II, section II du C.C., la sanction de la non-application d'un délai de congé et de toute indemnité aussi longtemps que le contrat de bail n'est pas enregistré, aux seuls baux d'une durée principale de neuf ans alors que l'exposé des motifs du projet de loi programme (Chambre session ordinaire 2006-2007, documents parlementaires n° 51-2773/1, p. 56) prévoyait expressément que ladite sanction était applicable à l'ensemble des baux, en ce compris ceux de courte durée ? ».
Le 18 novembre 2009, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les juges-rapporteurs J.-P. Snappe et L. Lavrysen ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur la différence de traitement qui résulte de la modification, par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, de l'article 3, § 5, de la loi du 20 février 1991 portant sur les baux relatifs à la résidence principale du preneur, entre, d'une part, le preneur qui a conclu un contrat de bail d'une durée de neuf années et se voit appliquer ladite disposition en l'absence d'enregistrement du bail par le bailleur et, d'autre part, le preneur qui a conclu un contrat de bail de plus courte durée et ne peut se voir appliquer la disposition en cause dans la même hypothèse.
Le juge a quo renvoie dans la question préjudicielle à l'exposé des motifs de l'article 73 de la loi-programme précitée qui, selon lui, « prévoyait expressément que ladite sanction était applicable à l'ensemble des baux, en ce compris ceux de courte durée ».
B.2. L'article 3, § 5, du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, du Code civil dispose, depuis sa modification par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 : « Il peut être mis fin au bail par le preneur à tout moment, moyennant un congé de trois mois.
Toutefois, si le preneur met fin au bail au cours du premier triennat, le bailleur a droit à une indemnité. Cette indemnité est égale à trois mois, deux mois ou un mois de loyer selon que le bail prend fin au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième année.
Après la période de deux mois visée à l'article 32, 5°, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe et aussi longtemps que le contrat de bail n'est pas enregistré, tant le délai du congé visé à l'alinéa 1er que l'indemnité visée à l'alinéa 2 ne sont pas d'application.
Lorsque le bailleur met fin au contrat conformément aux §§ 2 à 4, le preneur peut lui aussi à tout moment mettre fin au bail moyennant un congé d'un mois. Dans ce cas, il n'est pas redevable de l'indemnité prévue à l'alinéa précédent ».
Le paragraphe 6 du même article dispose : « Par dérogation au § 1er, un bail peut être conclu, par écrit, pour une durée inférieure ou égale à trois ans.
Ce bail n'est pas régi par les dispositions des §§ 2 à 5.
Il ne peut être prorogé qu'une seule fois, et seulement par écrit et sous les mêmes conditions, sans que la durée totale de location ne puisse excéder trois ans.
Il prend fin moyennant un congé notifié par l'une ou l'autre des parties au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue.
Nonobstant toute clause ou toute convention contraires, à défaut d'un congé notifié dans les délais ou si le preneur continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur, et même dans l'hypothèse où un nouveau contrat est conclu entre les mêmes parties, le bail est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans à compter de la date à laquelle le bail initial de courte durée est entré en vigueur et est dès lors régi par les §§ 1er à 5. Dans ce cas, le loyer et les autres conditions demeurent inchangés par rapport à ceux convenus dans le bail initial de courte durée, sans préjudice de l'application des articles 6 et 7 ».
B.3. Dans son arrêt n° 109/2009 du 9 juillet 2009, la Cour a jugé comme suit en réponse à plusieurs questions préjudicielles analogues concernant la même disposition législative : « B.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi-programme du 27 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021362 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme (1) fermer que le législateur entendait accroître le nombre de baux présentés à l'enregistrement et offrir ainsi une meilleure protection aux preneurs : ' L'accomplissement de la formalité de l'enregistrement donne date certaine au contrat de bail. A partir de cette date, le locataire est protégé contre toute expulsion lorsque le bien loué est vendu.
Le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe impose déjà actuellement, tant au propriétaire, qu'au locataire, l'obligation de présenter le contrat de bail à l'enregistrement. Dans la pratique, il semble que les locataires ne sont pas toujours au courant de cette obligation fiscale pas plus que de l'avantage qui en découle pour eux sur le plan de la protection contre l'expulsion par le nouveau propriétaire lors de la vente de l'habitation.
C'est pourquoi le gouvernement a décidé désormais d'imposer, du moins en ce qui concerne les biens immeubles affectés exclusivement à l'habitation, l'obligation de présentation à la formalité de l'enregistrement aux bailleurs qui, normalement, sont bien au courant de cette obligation fiscale.
La formalité est gratuite. Le locataire peut encore toujours présenter le contrat de bail à l'enregistrement - il a en effet toujours tout intérêt à ce que le contrat ait le plus vite possible date certaine - mais il n'y est plus obligé fiscalement et ne sera donc pas non plus sanctionné s'il ne le fait pas. Le bailleur par contre peut encore encourir l'amende pour enregistrement tardif (amende de 25 euros). En outre, du moins lorsque le contrat de bail concerne la résidence principale, le bailleur est incité à demander l'enregistrement par le fait que, aussi longtemps que la formalité n'aura pas été exécutée, il ne pourra pas réclamer l'indemnité prévue par le Code civil en cas de résiliation anticipée du bail par le locataire ' (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2773/001, pp. 53-54).
Quant à la disposition en cause, elle a fait l'objet du commentaire suivant : ' La modification du Code civil entraîne que aussi longtemps que la convention de bail n'est pas enregistrée, le preneur ne sera pas tenu de respecter le délai de préavis et le bailleur ne pourra pas réclamer du locataire l'indemnité pour résiliation anticipée du contrat de bail. Ceci devrait inciter le bailleur à faire enregistrer le contrat de bail. Il faut cependant remarquer que cet incitant ne vaut pas pour tous les contrats de bail visés à l'article 19, 3°, a), du C.enreg., mais seulement pour les contrats de bail relatifs à la résidence principale du locataire. Car c'est dans le cadre de cette dernière sorte de location que le locataire doit être le mieux protégé ' (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51- 2773/001, p. 56).
B.4. La différence de traitement entre les parties à un contrat de bail de résidence principale repose sur un critère objectif, à savoir la durée du bail pour une durée déterminée.
En outre, la limitation de la mesure aux contrats de bail de neuf ans est raisonnablement justifiée puisque la sanction du non-enregistrement du contrat de bail dans le chef du bailleur concerne exclusivement le régime relatif au délai de préavis des baux et à l'indemnité de préavis qui serait éventuellement due par le locataire à cette occasion, un régime dont l'article 3, § 6, alinéa 2, exclut expressément l'application aux baux de résidence principale de trois ans ou moins.
En effet, en juger autrement perturberait l'économie de la différence de régime des contrats de bail de neuf ans et des contrats de bail de trois ans maximum.
Par ailleurs, le législateur pouvait partir du principe que les effets civils du non-enregistrement du contrat de bail étaient plus sérieux dans le cas des contrats de bail conclus pour une longue durée de neuf ans que pour les contrats de bail à durée limitée, auquel cas le locataire pourrait se protéger en prenant lui-même l'initiative de procéder à l'enregistrement gratuit. Dans cette optique, la mesure n'a donc pas d'effets déraisonnables ».
B.4. Le commentaire précité de la disposition en cause est complété en ces termes : « Par ailleurs, il est souligné que cette nouvelle réglementation sera applicable à tous ces types de baux quelle que soit la date de la conclusion du contrat. Cet article a été adapté suite aux remarques du Conseil d'Etat » (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2773/001, p. 56).
Ce commentaire a pour seul objet de préciser les conditions d'application dans le temps de la règle nouvelle à « ces » types de baux, c'est-à -dire à ceux qui font l'objet de l'article 73. Il ne saurait être déduit de ce commentaire que la règle serait applicable à « l'ensemble des baux, en ce compris ceux de courte durée ».
B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 4 février 2010.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, P. Martens.