publié le 05 mars 2010
Extrait de l'arrêt n° 4/2010 du 20 janvier 2010 Numéro du rôle : 4679 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 25 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, tel qu'il a La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et P. Martens, et des juges R. Hen(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 4/2010 du 20 janvier 2010 Numéro du rôle : 4679 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 25 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, tel qu'il a été modifié par l'article 3 du décret du 7 mai 2004, posée par la Cour d'appel de Gand.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et P. Martens, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 24 mars 2009 en cause de la ville d'Ostende contre Ronny Dufoort, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 6 avril 2009, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « Les dispositions de l'article 25 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 violent-elles les dispositions de l'article 170 de la Constitution en ce que l'article 25 du décret du 22 décembre 1995 porte atteinte à l'autonomie fiscale des communes en prévoyant que celles-ci ne peuvent instaurer une taxe d'inoccupation propre qu'à condition de reprendre au minimum la réglementation décrétale, alors que, conformément aux dispositions de l'article 170, § 4, de la Constitution, seul le législateur fédéral peut, relativement aux impôts communaux, déterminer les exceptions dont la nécessité est démontrée, de sorte que les régions ne sont aucunement compétentes en la matière ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Le décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 a instauré une taxe régionale sur les bâtiments désaffectés et/ou laissés à l'abandon et les habitations désaffectées, laissées à l'abandon, inadaptées et/ou inhabitables.
L'article 25 de ce décret disposait à l'origine : « La Région flamande impose une redevance relative aux bâtiments désaffectés et/ou laissés à l'abandon et les habitations désaffectées, laissées à l'abandon, inadaptées et/ou inhabitables figurant à l'inventaire visé par la sous-section 3 de la présente section ».
B.1.2. L'article 3 du décret du 7 mai 2004 « portant modification du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 et du décret du 15 juillet 1997 portant le Code flamand du Logement, en ce qui concerne la lutte contre l'inoccupation et le délabrement de bâtiments et/ou d'habitations » a ajouté un alinéa 2 à l'article 25. L'alinéa 2 dispose : « Les communes qui satisfont à trois des critères stipulés à l'article 193, § 1er, alinéa premier, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, peuvent être dispensées à leur demande, en fonction de certaines conditions fixées par le Gouvernement flamand, de la redevance communale [lire : régionale] et appliquer un système de redevance propre. Ce système de redevance reprend au minimum le règlement de ce décret et peut le compléter. La commune mène également une politique de logement et une politique foncière et immobilière, dans laquelle le système de redevance proposé cadre. Afin de satisfaire aux conditions, les communes peuvent conclure des accords de coopération intercommunaux. Après la signature d'un contrat dans lequel d'autres règles sont fixées, le Gouvernement flamand peut mandater les communes. La Région flamande peut attribuer une subvention de départ.
Pour la déclaration de caractère inapproprié et d'insalubrité, le chapitre III du décret du 15 juillet 1997 portant le Code flamand du Logement reste intégralement d'application ».
B.2.1. Avant l'instauration de la taxe régionale par le décret du 22 décembre 1995, un certain nombre de villes et de communes avaient déjà établi leur propre taxe d'inoccupation ou taxe sur les taudis. Dans les travaux préparatoires du décret du 22 décembre 1995, il est dit à propos de la relation entre la taxe régionale d'inoccupation et les éventuelles taxes communales : « Au niveau communal, il existe déjà depuis bien plus longtemps des règlements en vue de combattre la taudisation et l'inoccupation. Le présent règlement en a tenu compte dans la mesure du possible » (Doc. parl., Conseil flamand, 1995-1996, n° 147/1, p. 17).
B.2.2. En ce qui concerne l'alinéa 2, inséré par l'article 3 du décret du 7 mai 2004, il a été déclaré : « [...] les communes qui veulent réagir plus rapidement obtiennent dorénavant [la] possibilité [de mener leur propre politique, complémentaire à la taxe]. De cette manière, les communes ou les associations intercommunales pourraient à nouveau appliquer elles-mêmes leur propre système si elles satisfont à des conditions bien précises. Ainsi, la taxe continue quand même à couvrir le territoire » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1678/6, p. 7).
B.3. La question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur le point de savoir si l'article 25, alinéa 2, du décret du 22 décembre 1995 est compatible avec l'article 170 de la Constitution, en ce que cette disposition est interprétée en ce sens que les communes ne pourraient instaurer leur propre taxe d'inoccupation qu'à la condition de reprendre au minimum la réglementation du décret, limitant ainsi l'autonomie fiscale communale, alors que, conformément à l'article 170, § 4, de la Constitution, seul le législateur fédéral pourrait déterminer les exceptions relatives aux impôts communaux.
B.4. Conformément à l'article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, la loi détermine, en ce qui concerne les impôts communaux, les exceptions dont la nécessité est démontrée. Il s'agit donc d'une matière réservée par la Constitution au législateur fédéral, de sorte que les communautés et les régions ne peuvent régler cette matière que dans la mesure où cette intervention est nécessaire à l'exercice de leur compétence (article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).
B.5.1. Les travaux préparatoires du décret du 22 décembre 1995 font apparaître que le législateur décrétal considérait qu'il n'était pas compétent pour supprimer une taxe établie par une commune. Il a été dit à ce sujet : « La Région flamande ne porte pas atteinte au pouvoir autonome des communes de taxer elles-mêmes l'inoccupation ou la taudisation, mais leur offre la possibilité de lever, sans aucune limite, des centimes additionnels à la taxe régionale. Bien que le projet ne le prévoie pas expressément, il est tout de même évident qu'elles ne peuvent combiner les centimes additionnels avec une taxe levée en vertu d'un règlement communal sur l'inoccupation ou la taudisation, parce que cela serait contraire à la règle ' non bis in idem '. En d'autres termes, les communes doivent choisir entre les centimes additionnels à la taxe régionale ou le maintien du règlement communal. [...] La Région flamande est compétente pour imposer des taxes visant à combattre l'inoccupation et l'abandon sur la base de l'article 6, § 1er, I, 4° et 5° (matières concernant la rénovation urbaine et la rénovation des sites d'activité économique désaffectés) et de l'article 6, § 1er, IV (matières concernant le logement).
En adoptant les règles proposées, le législateur décrétal n'a pas l'intention d'intervenir dans la fiscalité des provinces, des communes, des agglomérations ou fédérations de communes et respecte les règles de compétence en la matière. En effet, les communes ne sont pas obligées d'adhérer au système régional. Elles ont la liberté d'établir des centimes additionnels à la taxe. Le législateur décrétal ne prend aucune disposition juridique visant à supprimer - totalement ou partiellement - des taxes qui ont été établies par un pouvoir subordonné. Les communes conservent la compétence autonome de décider de se rallier au système régional ou de conserver leurs propres règlements sur l'inoccupation et la taudisation. L'article 170, § 3 [lire : § 4], de la Constitution coordonnée est respecté » (Doc. parl., Parlement flamand, 1995-1996, n° 147/1, pp. 18-19).
B.5.2. Dans la circulaire BA 92/9 du ministère de la Communauté flamande du 29 avril 1996 « relative à la redevance visant à lutter contre la désaffectation et la dégradation des bâtiments et/ou habitations », la relation entre la taxe régionale et une éventuelle taxe communale a été expliquée comme suit : « La Région flamande ne porte nullement atteinte au pouvoir autonome des communes de taxer elles-mêmes l'inoccupation et la taudisation.
Les communes demeurent donc totalement libres de conserver leur propre règlement.
Mais le décret offre la possibilité d'établir des centimes additionnels à la taxe régionale. Ce n'est que dans le cas où cette solution est choisie que le règlement communal doit être abrogé (application de la règle ' non bis in idem ' : une même situation ou un même objet ne peuvent pas être taxés deux fois par une même autorité à charge du même contribuable).
En résumé, les possibilités suivantes peuvent se présenter : - une commune sans règlement n'établit pas de centimes additionnels : seule la taxe régionale est due; - une commune sans règlement établit des centimes additionnels : taxe régionale + centimes additionnels; - une commune sans règlement instaure son propre règlement : taxe régionale + taxe communale; - une commune ayant un règlement maintient celui-ci : taxe régionale + taxe communale; - une commune ayant un règlement retire celui-ci : seule la taxe régionale est due; - une commune ayant un règlement passe aux centimes additionnels : taxe régionale + centimes additionnels (+ retrait du règlement !) ».
B.6.1. Dans un avis antérieur du 17 février 1994 (Doc. parl., Conseil flamand, 1993-1994, n° 591/1, pp. 58-60), la section de législation du Conseil d'Etat avait formulé un certain nombre d'objections concernant un avant-projet de décret remplaçant la taxe d'inoccupation communale par une taxe régionale sur laquelle les communes pouvaient lever des centimes additionnels, à la suite desquelles le législateur décrétal a choisi de ne pas faire usage, dans le décret du 22 décembre 1995, de la compétence que lui confère l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.6.2. Lorsque le législateur décrétal introduit, à l'article 25, alinéa 2, du décret du 22 décembre 1995, la possibilité pour les communes d'être dispensées de la taxe régionale et d'utiliser leur propre système de taxation, cette faculté signifie uniquement que le droit d'obtenir cette dispense est accordé aux communes. Par conséquent, chaque commune peut, à tout moment, maintenir, instaurer, adapter ou supprimer sa propre taxe d'inoccupation communale, mais lorsque les conditions du décret ne sont pas remplies, la taxe d'inoccupation régionale continue de coexister avec la taxe d'inoccupation locale.
B.6.3. Par conséquent, la possibilité de dispense visée à l'article 25, alinéa 2, du décret du 22 décembre 1995 doit être interprétée de manière conforme à la Constitution; cette interprétation trouve d'ailleurs appui dans les travaux préparatoires ainsi que dans les directives de la Région flamande.
B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 25 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, tel qu'il a été modifié par l'article 3 du décret du 7 mai 2004, ne viole pas l'article 170, § 4, de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 20 janvier 2010.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Bossuyt.