publié le 18 mai 2009
Extrait de l'arrêt n° 63/2009 du 25 mars 2009 Numéro du rôle : 4506 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 102 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, posée par la Cour du trava La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 63/2009 du 25 mars 2009 Numéro du rôle : 4506 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 102 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, posée par la Cour du travail de Liège.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 5 août 2008 en cause de l'Office national de l'emploi contre Nathalie Befays, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 août 2008, la Cour du travail de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 102 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, interprété comme n'ouvrant le droit à une allocation (ou indemnité) d'interruption de carrière aux travailleurs occupés à temps plein que s'ils sont occupés auprès d'un seul employeur, instaure-t-il une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée entre, d'une part, les travailleurs occupés à temps plein au service d'un seul et même employeur et, d'autre part, les travailleurs occupés à temps plein par le fait qu'ils cumulent au moins deux emplois à temps partiel, travailleurs qui, contrairement aux premiers, seraient du fait qu'ils ont plusieurs employeurs privés du droit à un congé parental à temps partiel pendant plus de trois mois ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de l'article 102 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales (ci-après : la loi de redressement).
Quant au contexte de la disposition en cause B.2.1. Les articles 99 à 107 de la loi de redressement organisent un système d'interruption de la carrière professionnelle, afin d'« améliorer la flexibilité dans l'organisation du travail » (Doc. parl. , Sénat, 1984-1985, n° 757/1, p. 2).
Ces dispositions entendent ainsi « contribuer à la répartition du travail disponible » (ibid. , p. 36).
B.2.2. En ce qui concerne les dispositions relatives à l'interruption de carrière, le ministre a précisé : « Les dispositions de la présente section ont une double intention.
D'une part, on part de l'idée qu'il faut donner au travailleur individuel la possibilité de répondre de manière plus souple à ses aspirations et besoins personnels, au cours de sa carrière professionnelle. Ceux-ci peuvent avoir un caractère familial, tel que l'accueil des enfants après la naissance ou en cas d'adoption, l'assistance prêtée à la famille ou aux amis en cas de maladie ou de décès, ou un caractère personnel tel que le recyclage, les voyages, e.a.
Actuellement, cette forme de flexibilité personnelle fait défaut. Et l'on doit se résoudre à prendre un 'congé sans solde', ce qui implique la perte de toute sécurité sociale, ou à renoncer à son emploi.
C'est pourquoi un cadre légal est constitué, au sein duquel les employeurs et les travailleurs peuvent négocier l'interruption ou l'aménagement de la carrière professionnelle. [...] Etant donné que d'autre part, ces mesures se situent dans le contexte d'une politique de redistribution du travail disponible, l'octroi d'un revenu de remplacement est subordonné au remplacement par un chômeur indemnisé.
De la sorte, sur base de conventions individuelles ou collectives entre les employeurs et les travailleurs, des formules, telles que le congé parental, le congé de formation, les postes de travail à temps partagé, les emplois créés par les sorties progressives précédant la fin de carrière, peuvent se réaliser dans le secteur privé et peuvent être développées davantage dans le secteur public » (Doc. parl. , Chambre, 1984-1985, n° 1075/21, p. 172).
B.3.1. L'article 102 de la loi de redressement permet d'accorder une indemnité d'interruption de carrière au travailleur qui réduit ses prestations de travail.
Dans sa version initiale, cet article disposait : « § 1er. Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, prévoir l'octroi d'une indemnité au travailleur occupé à temps plein, lorsque ce dernier convient avec son employeur d'être occupé à mi-temps ou lorsqu'il demande l'application d'une convention collective de travail qui prévoit un tel régime, et ce pour autant que le travailleur soit remplacé par un chômeur complet indemnisé. § 2. Le travailleur doit introduire sa demande par écrit trois mois avant le début du nouveau régime de travail à mi-temps. § 3. La convention visée au § 1er est constatée par écrit, conformément aux dispositions de l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail fermer relative aux contrats de travail ».
B.3.2. Les travaux préparatoires mentionnaient, en ce qui concerne cette disposition : « L'article 91 de la présente section [devenu l'article 102 de la loi de redressement] prévoit qu'un travailleur à temps plein, qui souhaite poursuivre, avec l'accord de son employeur, ses prestations à temps partiel, a droit, sous certaines conditions, à une indemnité.
Cet avantage est également accordé au travailleur qui demande l'application d'une convention collective de travail qui prévoit un régime similaire » (Doc. parl. , Sénat, 1984-1985, n° 757/1, p. 38).
B.3.3. Dans sa version actuelle, l'article 102 de la loi de redressement, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal n° 424 du 1er août 1986 et par les lois du 21 décembre 1994, du 22 décembre 1995 et du 20 décembre 2001, dispose : « § 1. Une indemnité est accordée au travailleur qui convient avec son employeur de réduire ses prestations de travail d'1/5, 1/4, 1/3 ou 1/2 du nombre normal d'heures de travail d'un emploi à temps plein ou qui demande l'application d'une convention collective de travail prévoyant un régime semblable ou qui fait appel aux dispositions de l'article 102bis.
Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, le montant de l'allocation ainsi que les conditions particulières et les modalités d'octroi de cette allocation. § 2. La convention visée au § 1er est constatée par écrit, conformément aux dispositions de l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail fermer ».
B.4.1. La possibilité de réduire les prestations de travail et de bénéficier d'une indemnité d'interruption de carrière conformément à l'article 102 de la loi de redressement est accordée notamment aux travailleurs, hommes et femmes, qui souhaitent s'occuper de leur enfant dans le cadre d'un congé parental.
B.4.2. Ainsi, afin de permettre la conciliation de la vie professionnelle et familiale, la directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 « concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES » dispose : « Clause 2 : Congé parental 1. En vertu du présent accord, sous réserve de la clause 2.2, un droit individuel à un congé parental est accordé aux travailleurs, hommes et femmes, en raison de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, pour pouvoir s'occuper de cet enfant pendant au moins trois mois jusqu'à un âge déterminé pouvant aller jusqu'à huit ans, à définir par les Etats membres et/ou les partenaires sociaux. 2. Pour promouvoir l'égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes, les parties signataires du présent accord considèrent que le droit au congé parental prévu à la clause 2.1 devrait, en principe, être accordé de manière non transférable. 3. Les conditions d'accès et modalités d'application du congé parental sont définies par la loi et/ou les conventions collectives dans les Etats membres, dans le respect des prescriptions minimales du présent accord.Les Etats membres et/ou les partenaires sociaux peuvent notamment : a) décider si le congé parental est accordé à temps plein, à temps partiel, de manière fragmentée, ou sous forme d'un crédit-temps;b) subordonner le droit au congé parental à une période de travail et/ou une période d'ancienneté qui ne peut dépasser un an;c) ajuster les conditions d'accès et modalités d'application du congé parental aux circonstances particulières de l'adoption;d) fixer des périodes de notification données à l'employeur par le travailleur qui exerce son droit au congé parental, précisant le début et la fin de la période de congé;e) définir les circonstances dans lesquelles l'employeur, après consultation conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales, est autorisé à reporter l'octroi du congé parental pour des raisons justifiables liées au fonctionnement de l'entreprise (par exemple lorsque le travail est de nature saisonnière, lorsqu'un remplaçant ne peut être trouvé pendant la période de notification, lorsqu'une proportion significative de la main-d'oeuvre demande le congé parental en même temps, lorsqu'une fonction particulière est d'une importance stratégique).Toute difficulté découlant de l'application de cette clause doit être résolue conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales; f) en plus du point e), autoriser des arrangements particuliers pour répondre aux besoins de fonctionnement et d'organisation des petites entreprises.4. Afin d'assurer que les travailleurs puissent exercer leur droit au congé parental, les Etats membres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise de congé parental, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.5. A l'issue du congé parental, le travailleur a le droit de retrouver son poste de travail ou, en cas d'impossibilité, un travail équivalent ou similaire conforme à son contrat ou à sa relation de travail.6. Les droits acquis ou en cours d'acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu'à la fin du congé parental.A l'issue du congé parental, ces droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de la pratique nationale, s'appliquent. 7. Les Etats membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de la relation de travail pour la période du congé parental.8. Toutes les questions de sécurité sociale liées au présent accord devront être examinées et déterminées par les Etats membres conformément à la législation nationale, en tenant compte de l'importance de la continuité des droits aux prestations de sécurité sociale pour les différents risques, en particulier les soins de santé ». B.4.3. La directive précitée 96/34/CE a été mise en oeuvre par la convention collective de travail n° 64 du 29 avril 1997 du Conseil national du travail, instituant un droit au congé parental (rendue obligatoire par un arrêté royal du 29 octobre 1997), et par l'arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l'introduction d'un droit au congé parental dans le cadre d'une interruption de la carrière professionnelle (ci-après : l'arrêté royal du 29 octobre 1997).
B.5.1. L'article 7 de la convention collective de travail n° 64 dispose : « § 1er. En cas d'exercice du droit au congé parental, l'exécution du contrat de travail est suspendue totalement pendant 3 mois. § 2. L'employeur et le travailleur peuvent toutefois s'accorder sur l'exercice du droit au congé parental de manière fragmentée ou par le biais d'une réduction des prestations de travail. Il peut ainsi s'agir d'une réduction des prestations de travail à concurrence d'un mi-temps pendant 6 mois.
Dans le cas d'une réduction des prestations de travail et conformément aux dispositions de l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail fermer relative aux contrats de travail, le contrat de travail est constaté par écrit; cet écrit mentionne le régime de travail à temps partiel et l'horaire convenus ».
Le commentaire de cette disposition précise : « Il y a lieu de noter que la réduction des prestations de travail à concurrence d'un mi-temps pendant 6 mois, telle qu'elle figure à l'alinéa 1er du § 2 du présent article est donnée à titre exemplatif et n'est donc pas exclusive d'autres modalités ».
B.5.2. L'article 2 de l'arrêté royal du 29 octobre 1997, tel qu'il a été remplacé par l'arrêté royal du 15 juillet 2005, dispose : « § 1er. Afin de prendre soin de son enfant, le travailleur a le droit : - soit de suspendre l'exécution de son contrat de travail comme prévu à l'article 100 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales pendant une période de trois mois; au choix du travailleur, cette période peut être fractionnée par mois; - soit de poursuivre ses prestations de travail à temps partiel sous la forme d'un mi-temps durant une période de six mois comme prévu à l'article 102 de la loi susmentionnée, lorsqu'il est occupé à temps plein; au choix du travailleur, cette période peut être fractionnée en périodes de deux mois ou un multiple de ce chiffre; - soit de poursuivre ses prestations de travail à temps partiel sous la forme d'une réduction d'un cinquième durant une période de quinze mois comme prévu à l'article 102 de la loi susmentionnée, lorsqu'il est occupé à temps plein; au choix du travailleur, cette période peut être fractionnée en périodes de cinq mois ou un multiple de ce chiffre. § 2. Le travailleur a la possibilité dans le cadre de l'exercice de son droit au congé parental de faire usage des différentes modalités prévues au paragraphe 1er. Lors d'un changement de forme, il convient de tenir compte du principe qu'un mois de suspension de l'exécution du contrat de travail est équivalent à deux mois de réduction des prestations à mi-temps et équivalent à cinq mois de réduction des prestations de travail d'un cinquième ».
B.5.3. L'article 7 de l'arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l'octroi d'allocations d'interruption (ci-après : l'arrêté royal du 2 janvier 1991) dispose : « § 1er. Les travailleurs occupés dans un régime de travail à temps plein qui, en application de l'article 102 de la loi du 22 janvier 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/01/1985 pub. 12/08/2013 numac 2013000511 source service public federal interieur Loi de redressement contenant des dispositions sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée, réduisent leurs prestations de travail d'un cinquième, d'un quart, d'un tiers ou de la moitié ont droit à des allocations d'interruption, à condition : 1° que la durée prévue de la réduction des prestations de travail soit de trois mois au moins;2° qu'ils introduisent une demande d'allocations selon les conditions et modalités fixées par le présent arrêté, dans laquelle l'employeur s'engage à les remplacer selon les dispositions fixées au § 2. § 2. L'employeur est tenu de remplacer le travailleur qui réduit ses prestations de travail de la moitié ou d'un tiers, par un chômeur complet indemnisé qui bénéficie d'allocations pour tous les jours de la semaine ou par une personne assimilée.
L'employeur est tenu de remplacer le travailleur qui réduit ses prestations d'un quart ou d'un cinquième lorsqu'il a à son service un autre membre du personnel qui a réduit ses prestations d'un quart ou d'un cinquième et qui n'a pas été remplacé. Dans ce cas, il doit remplacer les deux travailleurs à partir du début de la réduction de travail du deuxième travailleur. § 3. Par dérogation au § 1er, les travailleurs qui, autrement qu'en vertu de l'article 102 de la loi du 22 janvier 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/01/1985 pub. 12/08/2013 numac 2013000511 source service public federal interieur Loi de redressement contenant des dispositions sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée, sont employés dans un régime de travail à temps partiel dont le nombre d'heures de travail hebdomadaires est, en moyenne, au moins égal aux trois quarts du nombre d'heures de travail hebdomadaires prestées en moyenne par un travailleur qui est occupé à temps plein dans la même entreprise ou, à défaut, dans la même branche d'activité, peuvent passer à un régime de travail à temps partiel dont le nombre d'heures de travail égale la moitié du nombre d'heures de travail du régime de travail à temps plein.
L'employeur est obligé de remplacer le travailleur visé à l'alinéa précédent par un chômeur complet indemnisé ou par une personne assimilée lorsque le nombre d'heures libérées par le passage à un régime de travail à mi-temps est supérieur ou égal au nombre d'heures d'un régime de travail à tiers-temps ou s'il a son service un autre membre du personnel qui a réduit ses prestations de travail et n'a pas été remplacé. Dans ce cas, il doit remplacer les deux travailleurs à partir du début de la réduction des prestations de travail du deuxième travailleur ».
En vertu de l'article 7bis de l'arrêté royal du 2 janvier 1991, les travailleurs qui réduisent leurs prestations en vertu de l'arrêté royal du 29 octobre 1997 doivent être remplacés selon les dispositions de l'article 7, § 2 ou § 3, précités.
B.6. Il ressort des dispositions précitées que le travailleur qui souhaite bénéficier d'un congé parental a la possibilité de convenir avec son employeur soit de suspendre totalement l'exécution de son travail pendant trois mois, soit de réduire ses prestations de travail sur une période de plus de trois mois.
Quant au fond B.7.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de l'article 102 de la loi de redressement, auquel se réfèrent l'arrêté royal du 29 octobre 1997 et l'arrêté royal du 2 janvier 1991, si cette disposition est interprétée comme n'ouvrant le droit à une indemnité d'interruption de carrière pour congé parental aux travailleurs occupés à temps plein que s'ils sont occupés auprès d'un seul employeur, et non s'ils cumulent au moins deux emplois à temps partiel : dans cette interprétation, les travailleurs occupés à temps plein auprès de plusieurs employeurs seraient privés du droit à un congé parental à temps partiel pendant plus de trois mois.
B.7.2. Le litige pendant devant le juge a quo concerne la situation d'une travailleuse cumulant deux emplois à mi-temps et qui sollicitait un congé parental à mi-temps durant six mois; après avoir obtenu un congé parental de trois mois pour l'un de ses emplois à mi-temps, elle souhaitait bénéficier d'un congé parental de trois mois pour son autre emploi à mi-temps.
La Cour limite son examen à cette hypothèse.
B.8.1. Il ressort des termes mêmes de l'article 102 de la loi de redressement que la réduction des prestations de travail et l'indemnité pour interruption de carrière accordée au travailleur qui réduit ses prestations de travail à temps partiel étaient conçues à l'égard du seul travailleur « occupé à temps plein ».
B.8.2. Si la réduction des prestations de travail dans le cadre d'un congé parental à temps partiel vise un travailleur occupé à temps plein, les termes de l'article 102 de la loi de redressement, de même que les textes relatifs au congé parental, cités en B.5, ne semblent cependant pas avoir envisagé la situation d'un travailleur occupé à temps plein, en cumulant deux emplois à mi-temps auprès de deux employeurs.
B.9. En prévoyant que le travailleur peut convenir d'une réduction de ses prestations de travail avec « son employeur », la disposition en cause ne peut pas viser l'ensemble des employeurs qui occupent un travailleur cumulant différents emplois à temps partiel, équivalant à un temps plein.
Le congé parental à mi-temps durant six mois ne bénéficie donc qu'au travailleur occupé à temps plein auprès d'un seul employeur, et non au travailleur occupé à temps plein auprès de deux employeurs qui l'occupent chacun à mi-temps.
B.10. La Cour doit dès lors examiner si la disposition en cause ne crée pas une discrimination entre travailleurs occupés à temps plein.
B.11.1. Le Conseil des ministres estime que la question préjudicielle porte en réalité sur l'arrêté royal du 29 octobre 1997, et non sur l'article 102 de la loi de redressement, de sorte que la Cour n'est pas compétente.
B.11.2. Si la disposition en cause ne concerne pas spécifiquement le congé parental, elle organise de manière générale la possibilité de réduire les prestations de travail et les formalités à respecter en cas de réduction des prestations de travail, auxquelles se réfèrent les dispositions de l'arrêté royal du 29 octobre 1997.
C'est par conséquent la disposition en cause, et non l'arrêté royal du 29 octobre 1997, qui est susceptible de créer une différence de traitement entre les travailleurs, appliquée au cas d'un congé parental.
B.11.3. L'exception est rejetée.
B.12. Des travailleurs occupés à temps plein auprès d'un seul employeur et des travailleurs occupés à temps plein en raison d'un cumul de deux emplois à mi-temps auprès de deux employeurs sont dans une situation comparable en ce qui concerne la durée du temps de travail.
B.13.1. En vertu des dispositions en matière de congé parental, citées en B.5, le congé parental est un droit individuel reconnu à tous les travailleurs, indépendamment de la durée, à temps partiel ou à temps plein, de leurs prestations de travail et ce droit peut être octroyé sous la forme d'une réduction des prestations de travail.
B.13.2. L'article 4 de la loi du 5 mars 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/03/2002 pub. 13/03/2002 numac 2002012456 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative au principe de non-discrimination en faveur des travailleurs à temps partiel fermer relative au principe de non-discrimination en faveur des travailleurs à temps partiel dispose : « Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein se trouvant dans une situation comparable au seul motif qu'ils travaillent à temps partiel, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.
Lorsque c'est approprié, leurs droits peuvent être déterminés en proportion de la durée de leur travail.
Lorsque des raisons objectives le justifient, l'accès à des conditions d'emploi particulières peut être subordonné à une période d'ancienneté, une durée du travail ou des conditions de salaire ».
Cette disposition tend à mettre en oeuvre la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES, dont la clause 4 établit un principe de non-discrimination.
B.14. En écartant du bénéfice du droit au congé parental à mi-temps pour une période de six mois, les travailleurs qui sont occupés à temps plein par le cumul de deux emplois à mi-temps auprès de deux employeurs, la disposition en cause traite de manière différente des travailleurs occupés à temps plein, pour la seule raison qu'ils occupent deux emplois à mi-temps, par rapport aux travailleurs occupés à temps plein auprès d'un seul employeur, sans que cette différence de traitement soit justifiée.
En effet, pour un travailleur qui est occupé à mi-temps auprès de deux employeurs, il n'existe aucune difficulté pratique ni aucun risque de perturber le bon fonctionnement des entreprises susceptible de justifier le refus d'accorder un congé parental à mi-temps pendant six mois, et les indemnités afférentes à ce congé : il est ainsi possible pour le travailleur de convenir d'un congé parental de trois mois avec un de ses employeurs l'occupant à mi-temps, puis de compléter ce congé parental par un congé parental de trois mois, convenu avec son second employeur.
De la sorte, chacun des employeurs est appelé à supporter la réduction du temps de travail, à concurrence du temps de travail presté. La réduction du temps de travail du travailleur et les indemnités qui lui seront versées seront ainsi les mêmes que s'il était occupé à temps plein auprès d'un seul employeur.
B.15. La question préjudicielle appelle une réponse positive.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : En ce qu'il n'accorde pas le droit à une indemnité d'interruption de carrière pour un congé parental de six mois à des travailleurs occupés à temps plein par le cumul de deux emplois à mi-temps auprès de deux employeurs, l'article 102 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 25 mars 2009.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.