publié le 23 janvier 2009
Extrait de l'arrêt n° 165/2008 du 20 novembre 2008 Numéro du rôle : 4419 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 333, alinéas 1 er et 2, 339 et 346 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 165/2008 du 20 novembre 2008 Numéro du rôle : 4419 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 333, alinéas 1er et 2, 339 et 346 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de Bruges.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 16 janvier 2008 en cause de Laurent Vandemaele et Greta Vervaeke contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 janvier 2008, le Tribunal de première instance de Bruges a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 333, alinéas 1er et 2, 339 et 346 du Code des impôts sur les revenus 1992 violent-ils le principe d'égalité et de non-discrimination dans l'interprétation (administrative) selon laquelle ils donnent à l'administration le droit de contrôler, même en dehors du délai de contrôle de l'article 333, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, le contribuable qui ne peut récupérer les pertes qu'il a subies que sur les résultats des derniers exercices d'imposition, alors que ces mêmes articles n'accordent pas ce droit de contrôle à l'administration pour le contribuable qui peut récupérer immédiatement les pertes qu'il a subies sur les autres résultats positifs du même exercice d'imposition ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Les dispositions en cause font partie du titre VII « Etablissement et recouvrement des impôts » du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992).
B.1.2. L'article 333 fait partie du chapitre III « Investigations et contrôle », section IV « Dispositions communes aux investigations à l'égard du contribuable et des tiers », du titre VII du CIR 1992. Cet article dispose : « Sans préjudice des pouvoirs conférés à l'administration par les articles 351 à 354, celle-ci peut procéder aux investigations visées au présent chapitre et à l'établissement éventuel d'impôts ou de suppléments d'impôts, même lorsque la déclaration du contribuable a déjà été admise et que les impôts y afférents ont été payés.
Les investigations susvisées peuvent être effectuées sans préavis, dans le courant de la période imposable ainsi que dans le délai prévu à l'article 354, alinéa 1er et dans le délai prévu à l'article 354, alinéa 4.
Elles peuvent en outre être exercées pendant le délai supplémentaire de deux ans prévu à l'article 354, alinéa 2, à condition que l'administration ait notifié préalablement au contribuable, par écrit et de manière précise, les indices de fraude fiscale qui existent, en ce qui le concerne, pour la période considérée. Cette notification préalable est prescrite à peine de nullité de l'imposition ».
B.1.3. L'article 339 fait partie du chapitre IV « Moyens de preuve de l'administration » du titre VII du CIR 1992. Cet article dispose : « La déclaration est vérifiée et la cotisation est établie par l'administration des contributions directes. Celle-ci prend pour base de l'impôt les revenus et les autres éléments déclarés, à moins qu'elle ne les reconnaisse inexacts.
Lorsque le contribuable est dispensé de l'obligation de déclaration en exécution de l'article 306, l'imposition est établie sur la base des éléments mentionnés dans la proposition d'imposition, celle-ci étant corrigée, le cas échéant, en fonction des remarques du contribuable ».
B.1.4. L'article 346 fait partie du chapitre V « Procédure de taxation », section I « Rectification de la déclaration », du titre VII du CIR 1992. Cet article dispose : « Lorsque l'administration estime devoir rectifier les revenus et les autres éléments que le contribuable a soit mentionnés dans une déclaration répondant aux conditions de forme et de délais prévues aux articles 307 à 311 ou aux dispositions prises en exécution de l'article 312, soit admis par écrit, elle fait connaître à celui-ci, par lettre recommandée à la poste, les revenus et autres éléments qu'elle se propose de substituer à ceux qui ont été déclarés ou admis par écrit en indiquant les motifs qui lui paraissent justifier la rectification. Lorsque l'administration fait usage du moyen de preuve prévu à l'article 342, § 1er, alinéa premier, elle communique de la même manière le montant des bénéfices ou profits de trois contribuables similaires ainsi que les éléments nécessaires pour établir proportionnellement le montant des bénéfices ou profits du contribuable concerné.
Un délai d'un mois à compter de l'envoi de cet avis, ce délai pouvant être prolongé pour de justes motifs, est laisse au contribuable pour faire valoir ses observations par écrit; la cotisation ne peut être établie avant l'expiration de ce délai, éventuellement prolongé, sauf si le contribuable a marqué son accord par écrit sur la rectification de sa déclaration ou si les droits du Trésor sont en péril pour une cause autre que l'expiration des délais d'imposition.
Les alinéas précédents sont également applicables aux revenus et autres éléments qui sont repris dans la proposition d'imposition visée à l'article 306, lorsque ladite proposition d'imposition, complétée par les éléments qui ont été communiqués par le contribuable dans le délai mentionné à l'article 306, § 3, est inexacte ou incomplète ou lorsque l'Administration marque son désaccord sur les remarques dont le contribuable lui fait par dans le délai de l'article 306, § 3.
Au plus tard le jour de l'établissement de la cotisation, l'administration fait connaître au contribuable, par lettre recommandée a la poste, les observations que celui-ci a formulées conformément à l'alinéa 3 du présent article, et dont elle n'a pas tenu compte, en indiquant les motifs qui justifient sa décision ».
B.2. Le juge a quo interroge la Cour pour savoir si les articles cités violent le principe d'égalité et de non-discrimination « dans l'interprétation (administrative) selon laquelle ils donnent à l'administration le droit de contrôler, même en dehors du délai de contrôle de l'article 333, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, le contribuable qui ne peut récupérer les pertes qu'il a subies que sur les résultats des derniers exercices d'imposition, alors que ces mêmes articles n'accordent pas ce droit de contrôle à l'administration pour le contribuable qui peut récupérer immédiatement les pertes qu'il a subies sur les autres résultats positifs du même exercice d'imposition ».
B.3. L'article 333 du CIR 1992 a pour but de préciser les périodes et délais pendant lesquels l'administration peut exercer ses pouvoirs d'investigation.
L'administration peut exercer ses droits d'investigation pendant la période imposable, laquelle, à l'impôt des personnes physiques, coïncide en règle générale avec l'année précédant celle dont le millésime désigne l'exercice d'imposition, pendant le délai de trois ans dont il est question à l'article 354, alinéa 1er, du même Code - c'est-à -dire en cas d'absence de déclaration, de remise tardive de celle-ci, ou lorsque l'impôt dû est supérieur à celui qui se rapporte aux revenus imposables et aux autres éléments mentionnés sous les rubriques à ce destinées d'une déclaration régulière - et pendant le délai supplémentaire de deux ans dont il est question à l'article 354, alinéa 2, du même Code - c'est-à -dire en cas d'infraction aux dispositions du CIR 1992 ou des arrêtés pris pour son exécution, commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.
B.4. Ainsi qu'il ressort des faits de la cause et de la formulation de la question préjudicielle, qui porte en substance sur l'article 333 du CIR 1992, cette disposition crée une différence de traitement entre deux catégories de contribuables qui, dans leur déclaration à l'impôt des personnes physiques, portent en déduction une perte professionnelle, selon que celle-ci se rapporte à la même période imposable ou à une période imposable antérieure.
Lorsqu'il s'agit d'une perte professionnelle relative à la même période imposable, les investigations de l'administration, et en particulier celles concernant la perte professionnelle, doivent être effectuées dans le délai fixé à l'article 333, alinéa 2.
Lorsqu'il s'agit d'une perte professionnelle d'une période imposable antérieure, les investigations pourraient être effectuées par l'administration en dehors du délai fixé à l'article 333, alinéa 2.
B.5. Lorsqu'une perte professionnelle d'une période imposable antérieure est portée en déduction, les investigations effectuées par l'administration se rapportent à l'exercice d'imposition pour lequel cette perte a été déclarée. Sauf en cas de contestation dans les délais de la déclaration des exercices d'imposition antérieurs, les investigations ne peuvent mettre en cause la déduction faite au cours d'un exercice d'imposition antérieur.
B.6. Etant donné que la déduction d'une perte professionnelle relative à une période imposable antérieure influence la détermination du revenu imposable de l'exercice d'imposition visé, il n'est pas manifestement déraisonnable que le contrôle pour cet exercice d'imposition s'étende à cette déduction.
B.7. Le fait que la déduction d'une perte professionnelle soit répartie sur plusieurs années fournit dès lors une justification objective et raisonnable au fait que le contrôle de cette déduction s'étende sur plusieurs années.
B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 333, 339 et 346 du Code des impôts sur les revenus 1992 ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils permettent que les investigations effectuées par l'administration concernant la déclaration d'un exercice d'imposition donné s'étendent à la perte professionnelle d'une période imposable antérieure, portée en déduction dans cette déclaration.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 20 novembre 2008.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Bossuyt