publié le 24 décembre 2007
Extrait de l'arrêt n° 149/2007 du 5 décembre 2007 Numéro du rôle : 4104 En cause : le recours en annulation de l'article 2 et de l'annexe du décret de la Région flamande du 2 juin 2006 modifiant le dé(...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, des juges P. Marte(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 149/2007 du 5 décembre 2007 Numéro du rôle : 4104 En cause : le recours en annulation de l'article 2 et de l'annexe (composition des districts électoraux) du décret de la Région flamande du 2 juin 2006 modifiant le décret provincial du 9 décembre 2005, introduit par l'association de fait « Groen ! » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, du président émérite A. Arts, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 décembre 2006 et parvenue au greffe le 22 décembre 2006, un recours en annulation de l'article 2 et de l'annexe (composition des districts électoraux) du décret de la Région flamande du 2 juin 2006 modifiant le décret provincial du 9 décembre 2005 (publié au Moniteur belge du 30 juin 2006, deuxième édition) a été introduit par l'association de fait « Groen ! », dont le siège est établi à 1070 Bruxelles, rue Sergent De Bruyne 78-82, Elisabeth Meuleman, demeurant à 9700 Audenarde, Borgveld 9, Joke Vandeputte, demeurant à 9300 Alost, Koolstraat 73, Henk Vandaele, demeurant à 8952 Heuvelland, Dorpstraat 7, Sandra Bamps, demeurant à 3500 Hasselt, Andreas Vesaliuslaan 23, et Gerd Basteyns, demeurant à 2440 Geel, Lieventier 1A. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 2, y compris l'annexe à laquelle cet article fait référence, du décret de la Région flamande du 2 juin 2006 modifiant le décret provincial du 9 décembre 2005, qui énonce : « A l'article 6, § 1er, du décret provincial du 9 décembre 2005 sont apportées les modifications suivantes : 1° dans l'alinéa premier, les mots ' tels que visés à l'article 88 du Code électoral ' sont supprimés;2° le troisième alinéa est remplacé par ce qui suit : ' La liste des districts et la désignation du chef-lieu de district sont établies dans le tableau joint en annexe au présent décret.La répartition des conseillers entre les districts électoraux est, lors de chaque renouvellement intégral des conseils provinciaux, mise en rapport par le Gouvernement flamand avec la population sur base des chiffres de la population, établis conformément à l'article 5 '. ».
B.1.2. Avant sa modification par la disposition attaquée, l'article 6, § 1er, du décret provincial du 9 décembre 2005 énonçait : « Le conseil provincial est intégralement renouvelé tous les six ans.
Les membres sont élus directement. Ils peuvent être réélus. Les élections se font par district. Un district comprend un ou plusieurs cantons électoraux tels que visés à l'article 88 du Code électoral.
Chaque district compte autant de conseillers que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur provincial, obtenu en divisant le chiffre de la population de la province par le nombre total de sièges à conférer, les sièges restants étant attribués aux districts ayant le plus grand excédent de population non encore représenté.
La répartition des conseillers entre les districts électoraux est, lors de chaque renouvellement intégral des conseils provinciaux, mise en rapport par le Gouvernement flamand avec la population sur base des chiffres de la population. Le nombre de la population à prendre en compte est le nombre de personnes inscrites au Registre national des personnes physiques qui au 1er janvier de l'année précédant le renouvellement intégral des conseils provinciaux avaient leur résidence principale dans les communes du district concerné.
Cette liste est publiée au Moniteur belge au plus tard 5 mois avant le renouvellement intégral des conseils provinciaux ».
B.2. Au cours des travaux préparatoires, la disposition attaquée a été commentée comme suit : « Par cette modification, l'on reprend dans le décret provincial le fondement juridique de la fixation des districts électoraux à l'occasion du renouvellement intégral des conseils provinciaux. C'est ce qui est fait en annexant au décret le tableau qui fixe la liste des districts électoraux et le chef-lieu du district. Afin de promouvoir la transparence, l'on supprime aussi, à l'article 6, § 1er, la référence au Code électoral et l'on indique aussi dans le tableau quelles communes appartiennent à un canton électoral. Jusqu'à présent, le tableau comportant la répartition des districts était fixé à l'article 2 de la loi provinciale » (Doc. parl., Parlement flamand, 2005-2006, n° 815/1, p. 3).
Quant à la recevabilité B.3.1. La première partie requérante est le parti politique « Groen ! ».
B.3.2. Aux termes de l'article 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la partie requérante devant la Cour doit être une personne physique ou morale justifiant d'un intérêt. Les partis politiques qui sont des associations de fait n'ont pas, en principe, la capacité requise pour introduire un recours devant la Cour.
Il en va toutefois autrement lorsqu'ils agissent dans les matières, telle la législation électorale, pour lesquelles ils sont légalement reconnus comme formant des entités distinctes et que, alors que leur intervention est légalement reconnue, certains aspects de celle-ci sont en cause.
B.3.3. Les autres parties requérantes invoquent leur qualité de candidat et/ou d'électeur aux élections provinciales.
B.4. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt des parties requérantes du fait que le législateur décrétal n'a pas modifié, quant au contenu, la répartition en districts électoraux précédemment réglée par la législation fédérale, et a uniquement repris cette répartition afin de lui donner un fondement « plus clair et plus transparent ».
Il conteste en outre l'intérêt des deuxième, troisième, cinquième et sixième parties requérantes, au motif qu'elles habitent dans un district électoral où le seuil électoral naturel est particulièrement bas.
B.5. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.6. Le droit de vote est le droit politique fondamental de la démocratie représentative. Tout électeur ou candidat justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation de dispositions susceptibles d'affecter défavorablement son vote ou sa candidature.
B.7.1. La disposition attaquée s'inscrit dans le cadre de la réglementation des élections provinciales et règle notamment la répartition du territoire des provinces en circonscriptions électorales. L'annexe à laquelle se réfère cette disposition contient la liste des circonscriptions électorales et en fixe l'étendue.
L'étendue d'une circonscription électorale peut influencer de manière défavorable le poids du vote d'un électeur, la candidature d'un candidat et, plus généralement, les chances d'un parti politique d'obtenir des représentants dans un organe représentatif.
B.7.2. Le fait que le législateur décrétal reprenne, pour la Région flamande, des règles législatives existantes ne prive pas les parties requérantes de leur intérêt puisque c'est précisément le maintien de la situation antérieure qui fait l'objet de leur critique.
Il n'est en outre pas nécessaire qu'une éventuelle annulation procure aux parties requérantes un avantage immédiat. La circonstance que les parties requérantes obtiendraient une chance que leur situation soit réglée plus favorablement à la suite de l'annulation de la disposition attaquée suffit à justifier leur intérêt à attaquer cette disposition.
B.7.3. Dès lors que l'intérêt des première et quatrième parties requérantes est établi, le recours en annulation est recevable et il n'y a pas lieu d'examiner si les autres parties requérantes justifient également de l'intérêt requis.
Quant au fond B.8. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 3 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et, pour autant que nécessaire, avec l'article 14 de cette Convention, en ce que la disposition attaquée crée de grandes différences en ce qui concerne le nombre de circonscriptions électorales par province, ce qui génère des différences considérables au niveau du seuil électoral naturel aux élections provinciales, selon la province et la circonscription électorale, différences pour lesquelles il n'existe pas de justification objective et raisonnable.
B.9. Il ressort du moyen tel qu'il est développé par les parties requérantes que le recours est dirigé contre le tableau des circonscriptions électorales à utiliser aux élections provinciales, tableau qui est annexé au décret.
B.10. Les parties requérantes font valoir que l'étendue des circonscriptions électorales influence le seuil électoral naturel applicable aux élections et que la répartition en circonscriptions électorales, inscrite dans l'annexe à la disposition attaquée, aboutit à de grandes différences quant au seuil électoral naturel précité, ce qui donne lieu à des différences de traitement entre électeurs, candidats et partis politiques, selon la province, l'arrondissement administratif et le district électoral.
B.11.1. L'article 3 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Les Hautes Parties contractantes s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif ».
B.11.2. Les élections des conseils provinciaux organisées en Région flamande ne concernent pas le « choix du corps législatif » au sens de la disposition précitée. Par conséquent, l'article 3 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas applicable.
B.11.3. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ne pouvant être invoqué qu'en combinaison avec un droit ou une liberté figurant dans la Convention, cette disposition n'est pas davantage applicable en l'espèce.
B.11.4. En ce qu'il invoque l'article 3 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 14 de cette Convention, le moyen est irrecevable.
La Cour limite par conséquent son contrôle aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.12. L'annexe à la disposition attaquée fixe pour chaque province le nombre et la composition des districts électoraux par arrondissement administratif.
Selon cette annexe, il y a dans la province d'Anvers huit districts et trois arrondissements administratifs, dans la province de Limbourg treize districts et trois arrondissements administratifs, dans la province de Flandre orientale quatorze districts et six arrondissements administratifs, dans la province du Brabant flamand cinq districts et deux arrondissements administratifs, et dans la province de Flandre occidentale douze districts et huit arrondissements administratifs.
B.13. Selon l'article 6, § 1er, alinéa 2, du décret provincial du 9 décembre 2005, chaque district compte autant de conseillers que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur provincial, obtenu en divisant le chiffre de la population de la province par le nombre total de sièges à conférer. Les sièges restants sont attribués aux districts ayant le plus grand excédent de population non encore représenté.
Il s'ensuit que le nombre de sièges à répartir dans un district électoral dépend du chiffre de la population de ce district.
B.14. La répartition des sièges et la désignation des élus aux conseils provinciaux sont réglées aux articles 19 et 20 de la loi électorale provinciale du 19 octobre 1921.
Ces dispositions établissent une distinction selon qu'il est fait ou non usage du droit accordé aux candidats par l'article 15 de la loi électorale provinciale de se grouper avec les candidats de listes qui sont présentées dans d'autres districts électoraux du même arrondissement administratif.
Dans les districts électoraux où il n'a pas été fait usage de ce droit, les sièges revenant à chaque district, sont exclusivement répartis au niveau du district conformément aux règles figurant à l'article 19 de la loi électorale provinciale.
Dans les districts électoraux où il a été fait usage du droit de se grouper, les sièges sont d'abord répartis au niveau du district, conformément aux règles figurant à l'article 20 de la loi électorale provinciale. Les sièges qui ne sont pas encore attribués lors de cette première répartition sont répartis, via le système de l'« apparentement », au niveau de l'arrondissement administratif. Sont admises à cette répartition complémentaire les seules listes (ou groupes de listes) qui ont obtenu dans au moins un district un nombre de voix au moins égal à 66 p.c. du diviseur électoral, fixé conformément à l'article 20, § 1er, alinéa 1er, de la loi électorale provinciale. Ce diviseur est le résultat de la division du total général des suffrages valables dans le district électoral par le nombre de sièges à attribuer dans le district.
B.15.1. A la différence de ce qui est le cas pour les élections de la Chambre des représentants et du Sénat (articles 62, alinéa 2, et 68, § 1er, de la Constitution), la Constitution ne précise pas, pour les élections provinciales, qu'elles se déroulent selon le système de la représentation proportionnelle.
Le choix de ce système, qui implique que les mandats soient répartis entre les listes de candidats et les candidats proportionnellement au nombre de votes recueillis, découle cependant des articles 19 et 20 de la loi électorale provinciale du 19 octobre 1921.
Le principe de l'application de la représentation proportionnelle pour les élections provinciales a du reste été confirmé par l'article 6, § 1er, VIII, 4°, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, aux termes duquel une majorité des deux tiers est requise lorsque les régions souhaitent modifier la réglementation en la matière dans un sens moins proportionnel.
B.15.2. Même si les élections ont lieu suivant un système de représentation strictement proportionnelle, on ne saurait éviter le phénomène des « voix perdues ». Il s'ensuit que chaque suffrage n'a pas un poids égal quant aux résultats des élections et que tout candidat n'a pas des chances égales d'être élu.
En outre, aucune disposition de droit international ou de droit interne n'interdit au législateur qui a opté pour un système de représentation proportionnelle de prévoir des limitations raisonnables afin de garantir le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
B.16. En ce qui concerne le choix des règles déterminant quel est le poids des votes exprimés dans le résultat des élections, la Cour ne dispose pas de la liberté d'appréciation du législateur décrétal.
L'examen par la Cour de la compatibilité avec le principe d'égalité et de non-discrimination de la disposition attaquée doit dès lors se limiter à vérifier si le législateur décrétal n'a pas pris une mesure qui ne peut être raisonnablement justifiée.
B.17. Il appartient en principe au législateur décrétal d'apprécier s'il est souhaitable d'organiser les élections provinciales sur la base d'une seule ou de plusieurs circonscriptions électorales.
Toutefois, lorsqu'il opte pour un système électoral basé sur de petites circonscriptions électorales, il doit prendre en considération que le chiffre de la population d'une circonscription électorale détermine le seuil électoral naturel qui doit être atteint afin d'obtenir un siège.
Le seuil naturel est intrinsèquement lié au nombre de sièges à pourvoir dans une circonscription électorale, ce qui dépend, comme il est rappelé en B.13, du chiffre de la population de cette circonscription électorale. La hauteur du seuil naturel est inversement proportionnelle au nombre de sièges à pourvoir et donc aussi au chiffre de la population de la circonscription électorale.
B.18. Il apparaît de l'arrêté du Gouvernement flamand du 9 juin 2006 « portant répartition des conseillers provinciaux entre les districts électoraux », qui a été édicté en vue des élections provinciales organisées en 2006, que l'annexe à la disposition attaquée implique des différences considérables quant au nombre de sièges à pourvoir dans les districts électoraux et les arrondissements administratifs.
Etant donné que la hauteur du seuil naturel est inversement proportionnelle au nombre de sièges à pourvoir, ces différences donnent également lieu à des différences considérables quant au seuil électoral naturel et quant au seuil d'apparentement, selon la circonscription électorale et l'arrondissement administratif.
B.19. Les travaux préparatoires du décret attaqué font apparaître que le législateur décrétal n'avait pas l'intention de modifier quant au contenu la répartition en circonscriptions électorales réglée auparavant par la législation fédérale : « Le ministre confirme qu'il n'y a jamais eu de malentendu quant à la délimitation des districts : l'on a dit dès le départ qu'il s'agirait d'un statu quo » (Doc. parl., Parlement flamand, 2005-2006, n° 815/3, p. 7). B.20.1. La répartition en districts électoraux réglée dans le décret attaqué trouve son origine dans la « loi organique des élections provinciales » du 19 octobre 1921.
B.20.2. L'exposé des motifs de cette loi fait apparaître que le législateur s'est laissé guider, pour déterminer les circonscriptions électorales, par les propositions d'une « commission pour la révision de la loi électorale provinciale » créée par arrêté ministériel. Dans le rapport de cette commission, qui fait partie intégrante de l'exposé des motifs, l'on peut lire : « Jusqu'ici les élections provinciales se sont faites par cantons de justice de paix. Ces cantons étant d'importance très différente quant au nombre de leurs habitants, leur représentation au Conseil provincial est naturellement très différente aussi. Plus de cent cantons, - exactement 104 sur 222 - n'ont droit qu'à un ou deux conseillers. Encore en est-il qui ne doivent leur unique conseiller qu'au bénéfice du maintien des situations acquises.
On a vu longtemps dans cette situation, un obstacle à l'application de la représentation proportionnelle.
Notre Commission, unanimement favorable à cette application, mais soucieuse de ménager les intérêts régionaux divers de la province, a examiné dans cette pensée les différents systèmes antérieurement préconisés. L'un d'eux, celui que la Section centrale de la Chambre des Représentants avait accueilli avec faveur en 1909 a particulièrement retenu son attention.
Dans ce système où les circonscriptions sont maintenues intégralement dans leurs limites actuelles, les candidats appartenant, d'après leurs déclarations, à un même parti, un même groupe électoral peuvent bien que présentés dans des cantons différents du même arrondissement s'unir ' s'apparenter ' suivant l'expression nouvelle. [...] A côté d'avantages incontestables, ce système a un défaut grave. Il sacrifie les petits cantons, ceux qui ne disposent que d'un siège ou même de deux. Ces cantons ne retireraient généralement rien de la première répartition : certainement rien s'ils n'ont qu'un conseiller à élire. [...] Ce danger n'est pas à craindre au même point dans les collèges électoraux élisant au moins 4 ou 5 conseillers, car là , la plupart des élus sont véritablement les élus directs de la circonscription même; [...] Pour ces motifs, notre Commission a été unanime dans la décision de ne pas maintenir des collèges n'élisant qu'un ou deux conseillers. A quel minimum fallait-il s'arrêter ? L'un des membres de la Commission proposait le minimum de trois seulement, estimant ce minimum suffisant pour que la Proportionnelle produise ses effets et désirable pour éviter de devoir fusionner des cantons à intérêts nettement distincts.
Un autre membre suggérait, au contraire, l'adoption pour circonscription électorale, de l'arrondissement administratif tout entier.
Après discussion, la Commission s'est arrêtée au minimum de 4 ou 5 conseillers : plutôt 5 que 4, conciliant ainsi la représentation des intérêts régionaux - qu'auraient compromis des groupements trop étendus - avec la représentation proportionnelle des groupes politiques. [...] Si le groupement proposé est admis, le pays comprendrait 101 districts électoraux. Dans 62 d'entre eux, le nombre des conseillers serait de 5 à 7. Un seul district, celui de Furnes-Nieuport, n'obtient que 3 conseillers. Un groupement plus étendu n'était pas possible, la circonscription embrassant l'arrondissement tout entier. 13 districts n'éliront que 4 conseillers et 19 districts en éliront de 8 à 10. Ce chiffre de 10 n'est dépassé que dans 6 districts dont le territoire comprend des chefs-lieux de province qui à eux seuls disposent de plus de 10 sièges (Bruxelles, Anvers, Gand, Liège, Bruges et Namur » (Doc. parl., Chambre, 1920-1921, n° 314, pp. 3-5).
B.20.3. Dans le rapport des activités de la « Section centrale » de la Chambre des représentants, il fut affirmé : « Une solution du problème qui fut suggérée dans toutes les sections de la Chambre et qui fut défendue par un des membres de la Section centrale : la formation de circonscriptions électorales correspondant aux arrondissements administratifs existants, a été repoussée en Section centrale par 5 voix contre 1. En faveur de cette solution on avait fait observer que seule, grâce au nombre élevé des conseillers provinciaux à nommer par chaque district électoral, elle assurait, sans qu'il fut besoin à recourir à l'apparentement, une représentation au conseil de tous les groupes honorés lors d'une élection d'un certain nombre de suffrages. Mais la majorité des membres de la Section centrale a repoussé cette solution; d'abord, parce qu'elle sacrifiait les intérêts régionaux (p. 4 in fine de l'exposé des motifs); ensuite, parce que l'élection par arrondissement donnait dans certaines provinces aux élus d'un arrondissement la majorité absolue des voix au sein du conseil provincial et dans d'autres provinces une influence trop prépondérante à ces élus » (Doc. parl., Chambre, 1920-1921, n° 430, p. 3).
B.21.1. Les limites des districts électoraux créés par la loi précitée du 19 octobre 1921 furent par la suite corrigées sur certains points, notamment par les normes suivantes.
B.21.2. Par la loi du 20 février 1963 « relative au dédoublement du canton électoral de Hasselt », le district électoral de Hasselt fut scindé en deux districts, à savoir Hasselt et Genk. Les travaux préparatoires de cette loi font apparaître que cette scission faisait suite à l'« énorme expansion démographique qu'allait connaître le centre du Limbourg et notamment la région minière de Genk », qui aurait eu pour effet que « les communes de Hasselt et de Genk ont constitué peu à peu, avec les communes avoisinantes, deux agglomérations distinctes » (Doc. parl., Sénat, 1961-1962, n° 29, p. 1). Il fut ajouté : « D'ailleurs, le législateur a jugé nécessaire, voici environ trois ans, d'ériger l'agglomération de Genk en canton de justice de paix séparé. Il est donc tout aussi justifié de scinder le canton électoral de Hasselt en deux cantons électoraux d'importance à peu près égale : 66.109 habitants pour Hasselt et 60.437 pour Genk » (ibid., pp. 1 et 2).
B.21.3. Par la loi du 2 avril 1965 « apportant des modifications aux circonscriptions électorales », les limites des districts électoraux furent à nouveau corrigées et ceci comme conséquence de la loi du 8 novembre 1962 « modifiant les limites des provinces, arrondissements et communes et modifiant la loi du 28 juin 1932 sur l'emploi des langues en matière administrative et la loi du 14 juillet 1932 concernant le régime linguistique de l'enseignement primaire et de l'enseignement moyen », qui a modifié les frontières des provinces, arrondissements et communes sur certains points en vue de conférer un « caractère fixe » à la frontière linguistique. Au cours des travaux préparatoires, ces modifications ont été motivées comme suit : « La loi du 8 novembre 1962 modifiant les limites des provinces, arrondissements et communes ne contient aucune disposition adaptant la loi électorale aux modifications intervenues.
Cette absence, si elle n'était corrigée, risquerait, non seulement de voir des régions n'avoir aucune représentation, mais encore de priver leurs habitants du droit de vote.
Sans modifier en rien la répartition des sièges entre les provinces et à l'intérieur de celles-ci entre les arrondissements existants ou changés, le présent projet de loi a pour but : 1° d'assurer le droit de vote à ceux qui l'ont perdu, sans raison, lors de l'entrée en vigueur de la loi du 8 novembre 1962.2° de permettre une répartition des mandats de conseillers provinciaux en fonction des modifications territoriales intervenues » (Doc.parl., Chambre, 1963-1964, n° 690/8, p. 1).
B.21.4. Les frontières des districts électoraux ont à nouveau été corrigées sur certains points à l'occasion de la « fusion des communes » opérée dans les années 1970 et 1980.
Dans le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 10 mars 1977, il fut souligné que les adaptations se limitaient « strictement à tirer les conséquences de cette nouvelle situation » (rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 10 mars 1977 modifiant : a) le tableau déterminant la composition des cantons électoraux; b) le tableau groupant les cantons électoraux, désignant les chefs-lieux de districts et attribuant le nombre de conseillers à chaque district, Moniteur belge du 12 mars 1977, p. 3072).
Dans le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 15 mars 1984, il fut affirmé que « l'adaptation des cantons et districts électoraux se limite aux conséquences de l'installation, à la date du 1er janvier 1983, de la nouvelle commune fusionnée Anvers » (rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 15 mars 1984 modifiant : a) le tableau déterminant la composition des cantons électoraux; b) le tableau groupant les cantons électoraux, désignant les chefs-lieux de districts et attribuant le nombre de conseillers à chaque district, Moniteur belge du 17 mars 1984, p. 3445).
B.21.5. Les circonscriptions électorales de l'ancienne province de Brabant furent finalement revues à l'occasion de la scission de cette province, opérée dans les années 1990, en une province du Brabant flamand et une province du Brabant wallon : l'arrondissement administratif de Bruxelles fut scindé en un arrondissement de Bruxelles et un arrondissement de Hal-Vilvorde.
B.22.1. Il peut se déduire de ce qui précède que le législateur a jugé souhaitable de répartir le territoire des provinces en circonscriptions électorales afin de garantir aux régions socio-économiques existant dans ces provinces qu'elles aient des représentants provinciaux.
En fixant les limites des circonscriptions électorales, le législateur est parti du principe que les cantons judiciaires, qui servaient auparavant de circonscriptions électorales, constituaient dans certains cas un obstacle à l'application du système de la représentation proportionnelle, et plus précisément les cantons où le nombre de représentants à élire était faible. C'est pourquoi il fut prévu que les circonscriptions électorales devaient satisfaire à certaines conditions minimales pour ce qui est du nombre d'habitants, afin d'aboutir de cette façon à un nombre suffisant de représentants à élire dans ces circonscriptions.
Par ailleurs, il fut considéré que les circonscriptions électorales ne pouvaient être trop étendues, étant donné que, dans certains cas, cela impliquerait que les représentants d'une circonscription électorale puissent obtenir la majorité absolue - ou une supériorité numérique considérée comme trop grande - au conseil provincial, raison pour laquelle il fut choisi de ne pas utiliser les arrondissements administratifs comme circonscriptions électorales, sauf en ce qui concerne l'« apparentement ».
B.22.2. Il peut également se déduire de l'historique décrit en B.20.1 à B.21.4 que le législateur, en vue de déterminer les districts électoraux, a voulu prendre en considération, d'une part, les réalités administratives, comme le territoire des communes et les subdivisions existantes du territoire en cantons judiciaires et en arrondissements administratifs et, d'autre part, les réalités socio-économiques, plus précisément la circonstance que certaines régions de la province, pour des raisons socio-économiques, devaient être considérées comme des entités distinctes.
B.23. En reprenant dans la disposition attaquée la liste des districts électoraux figurant auparavant dans la législation fédérale, le législateur décrétal s'est approprié les considérations émises en B.22.1 et B.22.2.
B.24.1. Bien que le législateur décrétal puisse choisir, afin de garantir la représentation des régions socio-économiques dans la province, d'organiser les élections provinciales sur la base de districts électoraux, il doit prendre en considération les différences quant au seuil électoral naturel qui en découlent.
L'objectif consistant à garantir la représentation des régions socio-économiques dans la province ne peut justifier les différences quant au seuil électoral naturel qui découlent de la répartition en circonscriptions électorales que si ces différences demeurent dans des limites raisonnables.
B.24.2. Comme le font valoir les parties requérantes, l'annexe à la disposition attaquée donne lieu à des seuils électoraux naturels qui varient, en fonction du district électoral, d'environ 3 p.c. à plus de 16 p.c., ce qui n'est par ailleurs nullement réfuté par le Gouvernement flamand.
La répartition en circonscriptions électorales attaquée implique dès lors, dans certaines circonstances, que le poids qui est attribué à un vote émis aux élections provinciales est fortement influencé par la circonscription électorale où ce vote est émis. Les chances pour un candidat d'être élu peuvent aussi fortement dépendre de la circonscription électorale où la candidature est posée.
B.24.3. Bien que chaque répartition en circonscriptions électorales mène à des différences quant au seuil électoral naturel, les différences découlant de la disposition attaquée ne peuvent être considérées comme restant dans des limites raisonnables.
B.24.4. Lorsque le législateur décrétal choisit d'organiser les élections selon le système de la représentation proportionnelle, il doit en outre tenir compte de ce que ce système ne peut être appliqué utilement que si, dans les circonscriptions électorales, un nombre minimum de représentants peuvent être élus.
B.24.5. Les travaux préparatoires, cités en B.20.2, de la « loi organique des élections provinciales » du 19 octobre 1921 font apparaître que le législateur a estimé que l'application du système de la représentation proportionnelle suppose en principe qu'il y ait, dans chaque circonscription électorale, au moins quatre ou cinq (de préférence cinq) représentants à élire.
B.24.6. Il apparaît de l'arrêté du Gouvernement flamand du 9 juin 2006 « portant répartition des conseillers provinciaux entre les districts électoraux », cité au B.18, que, dans plusieurs districts électoraux, il y a moins de cinq mandats à répartir. Sur un total de cinquante-deux, neuf districts ont quatre représentants (Bree, Looz, Bilzen, Zottegem, Zele, Evergem, Renaix, Dixmude et Furnes), deux districts ont trois représentants (Herck-la-Ville et Audenarde) et un district a deux représentants (Poperinge).
B.24.7. Bien qu'il puisse être admis qu'un district électoral où quatre mandats sont à répartir est compatible avec le système de la « représentation proportionnelle » utilisé aux élections provinciales, tel n'est pas le cas pour les districts où seuls deux ou trois mandats sont à répartir et où le seuil électoral naturel est, pour cette raison, déraisonnablement élevé.
B.25. Le moyen est fondé.
Le « tableau mentionné à l'article 6, § 1er, alinéa 3, du décret provincial du 9 décembre 2005 » qui est annexé au décret par la disposition attaquée doit être annulé.
B.26. Pour des raisons de stabilité politique et de sécurité juridique, il y a lieu de maintenir les effets de la disposition annulée, ainsi qu'il est dit au dispositif.
Par ces motifs, la Cour - annule le « tableau visé à l'article 6, § 1er, alinéa 3, du décret provincial du 9 décembre 2005 » qui est annexé, par l'article 2 du décret de la Région flamande du 2 juin 2006 modifiant le décret provincial du 9 décembre 2005, à ce décret; - maintient les effets de la disposition annulée en ce qui concerne les élections provinciales qui ont précédé la publication du présent arrêt.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 5 décembre 2007.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, A. Arts.