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Arrêt
publié le 24 octobre 2007

Extrait de l'arrêt n° 128/2007 du 10 octobre 2007 Numéro du rôle : 3027 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen, introduit par l'ASBL « Advocaten voor de Were La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, des juges P. Marte(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 128/2007 du 10 octobre 2007 Numéro du rôle : 3027 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer relative au mandat d'arrêt européen, introduit par l'ASBL « Advocaten voor de Wereld ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, du président émérite A. Arts, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 juin 2004 et parvenue au greffe le 22 juin 2004, l'ASBL « Advocaten voor de Wereld », dont le siège est établi à 9000 Gand, Koophandelsplein 23, a introduit un recours en annulation totale ou partielle (les articles 3, 5, §§ 1er et 2, et 7) de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer relative au mandat d'arrêt européen (publiée au Moniteur belge du 22 décembre 2003, deuxième édition).

Par arrêt n° 124/2005 du 13 juillet 2005, la Cour a posé deux questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes, qui y a répondu par arrêt du 3 mai 2007.

Par ordonnance du 16 mai 2007, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 27 juin 2007, après avoir invité les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire à introduire le 15 juin 2007 au plus tard, leurs observations éventuelles à la suite de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes précité. (...) II. En droit (...) B.1.1. La loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer relative au mandat d'arrêt européen transpose en droit interne la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres.

B.1.2. En ce qui concerne la collaboration policière et judiciaire en matière pénale, l'article 34, paragraphe 2, du Traité sur l'Union européenne (ci-après : Traité UE) énonce que le Conseil, sous la forme et selon les procédures appropriées, prend des mesures et favorise la coopération en vue de contribuer à la poursuite des objectifs de l'Union. A cet effet, il peut arrêter des positions communes, des décisions-cadres et des décisions ou établir des conventions.

B.1.3. Selon l'article 34, paragraphe 2, sous b), le Conseil peut arrêter à cet effet des décisions-cadres aux fins du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres. Ces décisions-cadres lient les Etats membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Elles ne peuvent entraîner d'effet direct.

B.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11, combinés avec les articles 36, 167, § 2, et 168, de la Constitution.

B.2.2. La partie requérante considère que la décision-cadre n'est pas valide parce que la matière du mandat d'arrêt européen aurait dû être mise en oeuvre par convention et non par décision-cadre, dès lors qu'en vertu de l'article 34, paragraphe 2, sous b), du Traité UE, les décisions-cadres ne peuvent être arrêtées que pour le « rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres », ce qui ne serait pas le cas en l'occurrence.

B.2.3. Ne pas régler par traité la matière du mandat d'arrêt européen porterait atteinte à la compétence des chambres législatives prévue par l'article 168 de la Constitution. Cette disposition étant conçue par le Constituant comme une garantie accordée à tous les justiciables, sa méconnaissance constituerait une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.3.1. Par son arrêt n° 124/2005 du 13 juillet 2005, la Cour a posé la question préjudicielle suivante à la Cour de justice des Communautés européennes au sujet de la validité de la décision-cadre : « La décision-cadre du Conseil de l'Union européenne 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres est-elle compatible avec l'article 34, paragraphe 2, point b), du Traité sur l'Union européenne, selon lequel les décisions-cadres ne peuvent être arrêtées qu'aux fins du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ? ».

B.3.2. Par arrêt du 3 mai 2007 dans l'affaire C-303/5, la Cour de justice a jugé que la décision-cadre ne méconnaît pas l'article 34, paragraphe 2, sous b), du Traité UE. B.3.3. La Cour de justice est arrivée à cette conclusion sur la base des considérations suivantes : « 28. Ainsi qu'il ressort en particulier de l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre et de ses cinquième à septième et onzième considérants, celle-ci a pour objet de remplacer le système d'extradition multilatéral entre Etats membres par un système de remise entre autorités judiciaires de personnes condamnées ou soupçonnées aux fins d'exécution de jugements ou de poursuites fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle. 29. La reconnaissance mutuelle des mandats d'arrêt émis dans les différents États membres conformément au droit de l'Etat d'émission concerné exige le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres relatives à la coopération judiciaire en matière pénale et, plus spécifiquement, des règles concernant les conditions, procédures et effets de la remise entre autorités nationales.30. Tel est précisément l'objet de la décision-cadre en ce qui concerne notamment les règles relatives aux catégories d'infractions énumérées pour lesquelles il n'y a pas de contrôle de la double incrimination (article 2, paragraphe 2), aux motifs de non-exécution obligatoire ou facultative du mandat d'arrêt européen (articles 3 et 4), au contenu et à la forme de ce dernier (article 8), à la transmission d'un tel mandat et aux modalités de celle-ci (articles 9 et 10), aux garanties minimales qui doivent être accordées à la personne recherchée ou arrêtée (articles 11 à 14), aux délais et aux modalités de la décision d'exécution dudit mandat (article 17) et aux délais pour la remise de la personne recherchée (article 23).31. La décision-cadre est fondée sur l'article 31, paragraphe 1, sous a) et b), UE, qui prévoit que l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale tend, respectivement, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire pour ce qui est de la procédure et de l'exécution des décisions, ainsi qu'à faciliter l'extradition entre Etats membres.32. Contrairement à ce que soutient Advocaten voor de Wereld, rien ne permet de conclure que le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres par l'adoption de décisions-cadres au titre de l'article 34, paragraphe 2, sous b), UE ne viserait que les seules règles de droit pénal de ces derniers mentionnées à l'article 31, paragraphe 1, sous e), UE, à savoir celles relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans les domaines énumérés à cette dernière disposition.33. En vertu de l'article 2, premier alinéa, quatrième tiret, UE, le développement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice figure parmi les objectifs poursuivis par l'Union et l'article 29, premier alinéa, UE prévoit que, afin d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un tel espace, une action en commun est élaborée entre les Etats membres, notamment dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale.Selon le second alinéa, deuxième tiret, du même article, participe à la réalisation de cet objectif une ' coopération plus étroite entre les autorités judiciaires et autres autorités compétentes des Etats membres, [...], conformément aux articles 31 [UE] et 32 [UE] '. 34. L'article 31, paragraphe 1, sous a) et b), UE ne comporte toutefois aucune indication relative aux instruments juridiques devant être utilisés à cette fin.35. Par ailleurs, c'est dans des termes généraux que l'article 34, paragraphe 2, UE énonce que le Conseil ' prend des mesures et favorise la coopération en vue de contribuer à la poursuite des objectifs de l'Union ' et habilite ' [à] cet effet ' le Conseil à adopter différents types d'actes, énumérés audit paragraphe 2, sous a) à d), parmi lesquels figurent les décisions-cadres et les conventions.36. En outre, ni l'article 34, paragraphe 2, UE ni aucune autre disposition du titre VI du Traité UE n'opèrent une distinction quant aux types d'actes pouvant être adoptés en fonction de la matière sur laquelle porte l'action en commun dans le domaine de la coopération pénale.37. L'article 34, paragraphe 2, UE n'établit pas non plus un ordre de priorité entre les différents instruments qui sont énumérés à cette disposition, en sorte qu'il n'est pas exclu que le Conseil puisse avoir le choix entre plusieurs instruments afin de régler une même matière, sous réserve des limites imposées par la nature de l'instrument choisi.38. Dans ces conditions, l'article 34, paragraphe 2, UE, en tant qu'il énumère et définit, dans des termes généraux, les différents types d'instruments juridiques qui peuvent être utilisés pour ' réaliser les objectifs de l'Union ' énoncés au titre VI du traité UE, ne saurait être interprété comme excluant que le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres par l'adoption d'une décision-cadre au titre dudit paragraphe 2, sous b), puisse concerner des domaines autres que ceux mentionnés à l'article 31, paragraphe 1, sous e), UE et, en particulier, la matière du mandat d'arrêt européen.39. L'interprétation selon laquelle le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres par l'adoption de décisions-cadres n'est pas seulement autorisé dans les domaines visés à l'article 31, paragraphe 1, sous e), UE est corroborée par le même paragraphe 1, sous c), qui énonce que l'action en commun tend également à ' assurer, dans la mesure nécessaire à l'amélioration de cette coopération [judiciaire en matière pénale], la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres ', sans distinguer entre les différents types d'actes pouvant être utilisés aux fins du rapprochement de ces règles.40. En l'occurrence, dans la mesure où l'article 34, paragraphe 2, sous c), UE exclut que le Conseil puisse recourir à une décision afin de procéder au rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres et que l'instrument juridique de la position commune au sens du même paragraphe 2, sous a), doit se limiter à définir l'approche de l'Union sur une question déterminée, la question se pose alors de savoir si, au contraire de ce que soutient Advocaten voor de Wereld, le Conseil pouvait valablement régler la matière du mandat d'arrêt européen par la voie d'une décision-cadre plutôt qu'au moyen d'une convention conformément à l'article 34, paragraphe 2, sous d), UE.41. S'il est vrai que le mandat d'arrêt européen aurait également pu faire l'objet d'une convention, il relève du pouvoir d'appréciation du Conseil de privilégier l'instrument juridique de la décision-cadre, dès lors que, comme en l'espèce, les conditions d'adoption d'un tel acte sont réunies.42. Cette conclusion n'est pas infirmée par la circonstance que, conformément à l'article 31, paragraphe 1, de la décision-cadre, celle-ci remplace à partir du 1er janvier 2004, dans les seules relations entre Etats membres, les dispositions correspondantes des conventions antérieures relatives à l'extradition qui sont énumérées à cette disposition.Toute autre interprétation, qui ne trouve appui ni sur l'article 34, paragraphe 2, UE ni sur aucune autre disposition du Traité UE, risquerait de priver de l'essentiel de son effet utile la faculté reconnue au Conseil d'adopter des décisions-cadres dans des domaines réglés auparavant par des conventions internationales. 43. Il s'ensuit que la décision-cadre n'a pas été adoptée en méconnaissance de l'article 34, paragraphe 2, sous b), UE » (Cour de justice, 3 mai 2007, C-303/05). B.4. Il découle de ce qui précède que le premier moyen n'est pas fondé.

B.5.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec son article 12 et avec les articles 5.2, 5.4 et 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Selon la partie requérante, la loi attaquée ne confère pas à une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen en vue de poursuites, les mêmes garanties, en cas de privation de liberté, que celles prévues par la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive. La critique de la partie requérante porte principalement sur le fait que la décision de privation de liberté est prise sur la base du mandat d'arrêt européen, alors que l'autorité judiciaire d'émission reste en possession du dossier relatif aux poursuites.

B.5.2. Aux termes de l'article 2, § 3, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer, le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par l'autorité judiciaire compétente d'un Etat membre de l'Union européenne, appelée autorité judiciaire d'émission, en vue de l'arrestation et de la remise par l'autorité judiciaire compétente d'un autre Etat membre, appelée autorité d'exécution, d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté.

B.5.3. Le but du mandat d'arrêt européen est d'assouplir et d'accélérer l'actuelle procédure d'extradition au sein de l'Union européenne (Préambule de la décision-cadre du 13 juin 2002, points 1, 5 et 6). Le législateur formule comme suit l'idée de base de ce mandat : « Le mandat d'arrêt européen constitue, on l'a dit, la première mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle. Ce principe [...] découle de l'idée d'un espace de justice commun, englobant le territoire des Etats membres de l'Union et dans lequel les décisions de justice circuleraient librement. Traduit en des termes plus concrets, il consiste en ce que, dès lors qu'une décision est prise par une autorité judiciaire qui est compétente en vertu du droit de l'Etat membre dont elle relève, en conformité avec le droit de cet Etat, cette décision ait un effet plein et direct sur l'ensemble du territoire de l'Union et que les autorités compétentes de l'Etat membre sur le territoire duquel la décision peut être exécutée prêtent leur concours à l'exécution de cette décision comme s'il s'agissait d'une décision prise par une autorité compétente de cet Etat » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-279/001, p. 7).

B.5.4. Le rôle du juge d'instruction dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen diffère fondamentalement de son rôle dans le cadre de la loi relative à la détention préventive, dès lors qu'un mandat d'arrêt a déjà été délivré par les autorités compétentes d'un autre Etat membre. Son intervention porte uniquement sur l'éventuelle détention de la personne recherchée dans l'attente d'une décision relative à la remise demandée.

B.5.5. Conformément à l'article 2, § 4, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer, un mandat d'arrêt européen est établi dans les formes prescrites en annexe de la loi. Pour être valide, le mandat d'arrêt doit contenir les données énumérées à l'article 2, § 4, de la loi. Ces mentions doivent permettre à l'autorité judiciaire d'exécution de vérifier la régularité du mandat d'arrêt et de s'assurer que les conditions de la remise sont remplies.

Si le juge d'instruction estime que les informations communiquées par l'Etat membre d'émission dans le mandat d'arrêt européen sont insuffisantes pour permettre la décision sur la remise, il demande la fourniture d'urgence des informations complémentaires nécessaires (article 15).

B.5.6. En vertu de l'article 10 de la loi attaquée, l'arrestation d'une personne recherchée sur la base d'un mandat d'arrêt européen est soumise à l'article 2 de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, ce qui implique notamment que l'intéressé ne peut être mis à la disposition de la justice que pour une durée ne dépassant pas vingt-quatre heures, la décision de privation de liberté ne pouvant être prise que par le procureur du Roi. Selon l'article 11, la personne concernée est présentée au juge d'instruction dans les vingt-quatre heures qui suivent la privation effective de liberté; celui-ci l'informe notamment de l'existence et du contenu du mandat d'arrêt européen et du droit de choisir un avocat et un interprète. Le juge d'instruction entend ensuite la personne concernée sur le fait de son éventuelle mise en détention et ses observations à cet égard.

A l'issue de l'audition, le juge d'instruction peut ordonner la mise ou le maintien en détention, sur la base du mandat d'arrêt européen et en tenant compte des circonstances de fait mentionnées dans celui-ci de même que de celles invoquées par la personne concernée.

Les garanties qui entourent la privation de liberté en vue de l'éventuelle remise sont donc dans une large mesure équivalentes à celles prévues par la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive.

B.5.7. La décision du juge d'instruction de mettre en détention en exécution d'un mandat d'arrêt européen une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales est une ordonnance d'un juge qui répond aux exigences de l'article 12 de la Constitution et des articles 5.2 et 5.4 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Une telle mesure ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence telle qu'elle est consacrée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'il doit encore être statué sur le fond de l'affaire dans le respect des droits de la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt.

B.6.1. La partie requérante objecte encore que le principe d'égalité et de non-discrimination serait violé du fait que la loi entreprise n'établit aucune distinction à l'égard de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen selon que l'intéressé est recherché en vue d'être poursuivi ou a déjà été condamné, alors qu'en droit interne, ces situations sont régies par des règles différentes.

B.6.2. La partie requérante n'indique pas quelles dispositions de la loi elle attaque, ni en quoi les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés. En cette branche, le moyen est irrecevable, dès lors qu'il ne satisfait pas aux conditions prévues par l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

B.7. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

B.8.1. Le troisième moyen est dirigé contre l'article 7 de la loi attaquée et est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec son article 13 et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'article 7 de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer dispose : « Lorsque le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté prononcée par une décision rendue par défaut, et si la personne concernée n'a pas été citée personnellement ni informée autrement de la date et du lieu de l'audience qui a mené à la décision rendue par défaut, la remise peut être subordonnée à la condition que l'autorité judiciaire d'émission donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt européen qu'elle aura la possibilité de demander une nouvelle procédure de jugement dans l'Etat d'émission et d'être jugée en sa présence.

L'existence d'une disposition dans le droit de l'Etat d'émission qui prévoit un recours et l'indication des conditions d'exercice de ce recours desquelles il ressort que la personne pourra effectivement l'exercer doivent être considérées comme des assurances suffisantes au sens de l'alinéa premier. » La partie requérante reproche à la disposition attaquée de conduire, lors de son application par l'autorité d'exécution belge, à un traitement inégal des personnes condamnées par défaut dans différents pays de l'Union européenne, dès lors que les garanties relatives au caractère contradictoire de la procédure pénale ne sont pas réglées de manière uniforme dans les différents Etats membres et que l'autorité judiciaire d'exécution belge devra établir cas par cas s'il existe des garanties suffisantes dans l'Etat d'émission. Ils estiment également que la possibilité de recours n'offre pas une garantie suffisante.

B.8.2. L'article 7 de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer transpose en droit belge l'article 5, point 1, de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 qui énonce : « L'exécution du mandat d'arrêt européen par l'autorité judiciaire d'exécution peut être subordonnée par le droit de l'Etat membre d'exécution à l'une des conditions suivantes : 1) lorsque le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté prononcées par une décision rendue par défaut et si la personne concernée n'a pas été citée à personne ni autrement informée de la date et du lieu de l'audience qui a mené à la décision rendue par défaut, la remise peut être subordonnée à la condition que l'autorité judiciaire d'émission donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt européen qu'elle aura la possibilité de demander une nouvelle procédure de jugement dans l'Etat membre d'émission et d'être jugée en sa présence;».

B.8.3. L'article 7 attaqué de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer doit être lu en combinaison avec l'article 4, 5°, de cette loi, aux termes duquel l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée s'il y a des raisons sérieuses de croire que l'exécution de ce mandat aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne.

B.8.4. Relève notamment de ces droits, le droit à un procès équitable tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui implique qu'une personne accusée d'une infraction a le droit de participer au traitement de sa cause à l'audience. Si le droit national autorise le déroulement d'un procès nonobstant l'absence de l'accusé, ce dernier doit pouvoir obtenir ultérieurement qu'un juge statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation portée contre lui, s'il n'est pas établi qu'il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre (CEDH, 12 février 1985, Colozza c. Italie, §§ 27 et 29; CEDH, 13 février 2001, Krombach c. France, § 85; CEDH, grande chambre, 1er mars 2006, Sejdovic c. Italie, § 82).

B.8.5. La disposition attaquée tend à éviter que l'autorité judiciaire d'exécution belge collabore à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré à la suite d'une condamnation prononcée sans que le condamné ait pu se défendre, lorsqu'il n'a pu le faire en raison de son absence.

Les Etats membres de l'Union européenne peuvent librement choisir les moyens propres à permettre à leur système judiciaire de répondre aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Du fait que les Etats règlent de manière très différente le jugement de l'accusé en son absence, une appréciation cas par cas s'imposera pour établir la présence de garanties suffisantes en la matière. Le modèle obligatoire du mandat d'arrêt européen prévoit à cet effet une case spécifique dans laquelle il y a lieu d'indiquer quelles garanties le droit interne prévoit en cas de décision judiciaire rendue en l'absence de la personne recherchée.

Avant de pouvoir décider la remise, l'autorité judiciaire belge devra donc vérifier si la condamnation par défaut peut faire l'objet d'un recours conduisant à une nouvelle appréciation quant au fond. Le droit à un recours effectif prévu à l'article 7, alinéa 2, de la loi attaquée peut être considéré comme une garantie suffisante.

B.8.6. Contrairement à ce que soutient la partie requérante, la disposition entreprise ne conduit pas à un traitement inégal de personnes condamnées mais vise précisément à garantir à tous, de manière égale, les droits inscrits à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.9. Le troisième moyen n'est pas fondé.

B.10.1. Les quatrième et cinquième moyens sont dirigés contre l'article 5, §§ 1er et 2, de la loi attaquée, qui dispose : « § 1er. L'exécution est refusée si le fait qui est à la base du mandat d'arrêt européen ne constitue pas une infraction au regard du droit belge. § 2. Le paragraphe précédent ne s'applique pas si le fait constitue une des infractions suivantes, pour autant qu'il soit puni dans l'Etat d'émission d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins trois ans : 1° participation à une organisation criminelle;2° terrorisme;3° traite des êtres humains;4° exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie;5° trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes;6° trafic illicite d'armes, de munitions et d'explosifs;7° corruption;8° fraude, y compris la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes au sens de la Convention du 26 juillet 1995 relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes;9° blanchiment du produit du crime;10° faux monnayage et contrefaçon de l'euro;11° cybercriminalité;12° crimes contre l'environnement, y compris le trafic illicite d'espèces animales menacées, et le trafic illicite d'espèces et d'essences végétales menacées;13° aide à l'entrée et au séjour irréguliers;14° homicide volontaire, coups et blessures graves;15° trafic illicite d'organes et de tissus humains;16° enlèvement, séquestration et prise d'otage;17° racisme et xénophobie;18° vols organisés ou avec arme;19° trafic illicite de biens culturels y compris antiquités et oeuvres d'art;20° escroquerie;21° racket et extorsion de fonds;22° contrefaçon et piratage de produits;23° falsification de documents administratifs et trafic de faux;24° falsification de moyens de paiement;25° trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance;26° trafic illicite de matières nucléaires et radioactives;27° trafic de véhicules volés;28° viol;29° incendie volontaire;30° crimes relevant de la juridiction de la Cour pénale internationale;31° détournement d'avions ou de navires;32° sabotage ». B.10.2. L'article 5, § 1er, de la loi attaquée applique la règle de la double incrimination, qui implique que l'exécution du mandat d'arrêt européen est refusée lorsque les faits sur lesquels porte le mandat ne sont pas punissables en droit belge.

En vertu de l'article 5, § 2, cette règle n'est pas applicable si le fait constitue une des infractions énumérées dans cette disposition, pour autant qu'il soit puni dans l'Etat d'émission d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins trois ans.

Toutefois, l'article 5, § 4, de la loi attaquée dispose : « Pour l'application du paragraphe 2, 14°, les faits d'avortement visés par l'article 350, alinéa 2, du Code pénal et les faits d'euthanasie visés par la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie ne sont pas considérés comme couverts par la notion d'homicide volontaire ».

B.10.3. L'article 5, § 2, précité transpose en droit interne l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre du Conseil européen du 13 juin 2002, qui énonce : « Les infractions suivantes, si elles sont punies dans l'Etat membre d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté d'un maximum d'au moins trois ans telles qu'elles sont définies par le droit de l'Etat membre d'émission, donnent lieu à remise sur la base d'un mandat d'arrêt européen, aux conditions de la présente décision-cadre et sans contrôle de la double incrimination du fait : - participation à une organisation criminelle, - terrorisme, - traite des êtres humains, - exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie, - trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, - trafic illicite d'armes, de munitions et d'explosifs, - corruption, - fraude, y compris la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes au sens de la convention du 26 juillet 1995 relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, - blanchiment du produit du crime, - faux monnayage, y compris la contrefaçon de l'euro, - cybercriminalité, - crimes contre l'environnement, y compris le trafic illicite d'espèces animales menacées et le trafic illicite d'espèces et d'essences végétales menacées, - aide à l'entrée et au séjour irréguliers, - homicide volontaire, coups et blessures graves, - trafic illicite d'organes et de tissus humains, - enlèvement, séquestration et prise d'otage, - racisme et xénophobie, - vols organisés ou avec arme, - trafic illicite de biens culturels, y compris antiquités et oeuvres d'art, - escroquerie, - racket et extorsion de fonds, - contrefaçon et piratage de produits, - falsification de documents administratifs et trafic de faux, - falsification de moyens de paiement, - trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance, - trafic illicite de matières nucléaires et radioactives, - trafic de véhicules volés, - viol, - incendie volontaire, - crimes relevant de la juridiction de la Cour pénale internationale, - détournement d'avion/navire, - sabotage ».

L'article 2, paragraphe 4, de la décision-cadre dispose : « Pour les infractions autres que celles visées au paragraphe 2, la remise peut être subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le mandat d'arrêt européen a été émis constituent une infraction au regard du droit de l'Etat membre d'exécution, quels que soient les éléments constitutifs ou la qualification de celle-ci ».

B.11. Dans le quatrième moyen, la partie requérante fait valoir que l'article 5, § 2, de la loi attaquée viole le principe d'égalité et de non-discrimination en ce que, pour les faits punissables mentionnés dans cette disposition, en cas d'exécution d'un mandat d'arrêt européen, il est dérogé sans justification objective et raisonnable à l'exigence de la double incrimination, alors que cette exigence est maintenue pour d'autres infractions.

B.12.1. Dans le cinquième moyen, la partie requérante fait valoir que l'abandon de l'exigence de la double incrimination pour les infractions énumérées à l'article 5, § 2, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec son article 14 et avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.12.2. Selon elle, la disposition attaquée ne satisfait pas aux conditions du principe de légalité en matière pénale, en ce qu'elle n'énumère pas d'infractions ayant un contenu normatif suffisamment clair et précis mais seulement des catégories vagues de comportements indésirables. L'autorité judiciaire qui doit décider de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ne dispose pas, selon la partie requérante, d'informations suffisantes pour contrôler effectivement si les infractions pour lesquelles la personne recherchée est poursuivie, ou pour lesquelles une peine a été prononcée à son encontre, relèvent d'une des catégories mentionnées à l'article 5, § 2, de la loi.

L'absence d'une définition claire et précise des infractions visées à l'article 5, § 2, conduira, selon la partie requérante, à une application disparate par les diverses autorités qui sont chargées de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen et viole de ce fait également le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.13.1. Il existe certes une différence entre la décision-cadre et la loi dans la mesure où, conformément à l'article 2, paragraphe 4, de la décision-cadre, l'exigence de la double incrimination peut être maintenue pour d'autres infractions que celles énumérées à l'article 2, paragraphe 1, alors que, conformément à l'article 5, § 1er, de la loi, la condition de la double incrimination doit être maintenue pour les infractions autres que celles mentionnées à l'article 5, § 2.

B.13.2. Ce qui précède n'empêche cependant pas que la décision-cadre comme la loi contiennent une règle particulière pour une série d'infractions pour lesquelles le contrôle de l'exigence de la double incrimination est abandonné.

B.14. Dès lors que le contrôle de la validité d'une décision-cadre prise en vertu de l'article 34, paragraphe 2, sous b), du Traité UE relève, selon les articles 35 et 46 de ce Traité, de la compétence de la Cour de justice des Communautés européennes, dont la Belgique a admis la compétence en la matière, la Cour, par son arrêt n° 124/2005 du 13 juillet 2005, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, en tant qu'il supprime le contrôle de l'exigence de la double incrimination pour les infractions qui y sont mentionnées, est-il compatible avec l'article 6, paragraphe 2, du Traité sur l'Union européenne, et plus spécifiquement avec le principe de légalité en matière pénale et avec le principe d'égalité et de non-discrimination garantis par cette disposition ? ».

B.15.1. Par arrêt du 3 mai 2007 dans l'affaire C-303/05, la Cour de justice a jugé que l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre, en tant qu'il supprime le contrôle de la double incrimination pour les infractions mentionnées à cette disposition, n'est pas invalide.

B.15.2. La Cour de justice est arrivée à cette conclusion sur la base de la motivation suivante : « 45. Il convient de relever d'emblée que, en vertu de l'article 6 UE, l'Union est fondée sur le principe de l'Etat de droit et respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. Il s'ensuit que les institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes avec les traités et les principes généraux du droit, de même que les États membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (voir, notamment, arrêts du 27 février 2007, Gestoras Pro Amnistia e.a./Conseil, C-354/04 P, non encore publié au Recueil, point 51, et Segi e.a./Conseil, C-355/04 P, non encore publié au Recueil, point 51). 46. Il est constant que, parmi ces principes, figurent tant le principe de la légalité des délits et des peines que le principe d'égalité et de non-discrimination, lesquels ont également été réaffirmés respectivement aux articles 49, 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p.1). 47. Il appartient dès lors à la Cour d'examiner la validité de la décision-cadre au regard desdits principes. Sur le principe de légalité des délits et des peines 48. Selon Advocaten voor de Wereld, la liste de plus de trente infractions pour lesquelles la condition traditionnelle de la double incrimination est abandonnée dès lors que l'Etat membre d'émission punit celles-ci d'une peine privative de liberté maximale de trois ans au moins est à ce point vague et floue qu'elle enfreint, ou à tout le moins peut enfreindre, le principe de légalité en matière pénale.Les délits mentionnés sur cette liste ne seraient pas assortis de leur définition légale, mais constitueraient des catégories très vaguement définies de comportements indésirables. La personne privée de sa liberté en exécution d'un mandat d'arrêt européen sans vérification de la double incrimination ne bénéficierait pas de la garantie selon laquelle la loi pénale doit répondre aux conditions de précision, de clarté et de prévisibilité permettant à chacun de savoir, au moment de la commission d'un acte, si ce dernier constitue ou non un délit, et cela contrairement à ceux qui sont privés de leur liberté en dehors d'un mandat d'arrêt européen. 49. Il convient de rappeler que le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege ), qui fait partie des principes généraux du droit se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, a également été consacré par différents traités internationaux, et notamment à l'article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (voir en ce sens, notamment, arrêts du 12 décembre 1996, X, C-74/95 et C-129/95, Rec.p.

I-6609, point 25, et du 28 juin 2005, Dansk ROrindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, points 215 à 219). 50. Ce principe implique que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment.Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêt Coëme e.a. c. Belgique du 22 juin 2000, Recueil des arrêts et décisions 2000-VII, § 145). 51. Conformément à l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre, les infractions énumérées à cette disposition, ' si elles sont punies dans l'Etat membre d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté d'un maximum d'au moins trois ans telles qu'elles sont définies dans le droit de l'Etat membre d'émission ', donnent lieu à remise sur la base du mandat d'arrêt européen sans contrôle de la double incrimination du fait.52. Par conséquent, même si les Etats membres reprennent littéralement l'énumération des catégories d'infractions figurant à l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre aux fins de la mise en oeuvre de celle-ci, la définition elle-même de ces infractions et les peines applicables sont celles qui résultent du droit ' de l'Etat membre d'émission '.La décision-cadre ne vise pas à harmoniser les infractions pénales en question quant à leurs éléments constitutifs ou aux peines dont elles sont assorties. 53. Dès lors, si l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre supprime le contrôle de la double incrimination pour les catégories d'infractions mentionnées à cette disposition, la définition de celles-ci et des peines applicables continue de relever de la compétence du droit de l'Etat membre d'émission, lequel, comme il est d'ailleurs énoncé à l'article 1er, paragraphe 3, de cette même décision-cadre, doit respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés à l'article 6 UE et, par conséquent, le principe de légalité des délits et des peines.54. Il s'ensuit que l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre, en tant qu'il supprime le contrôle de la double incrimination pour les infractions mentionnées à cette disposition, n'est pas invalide en raison d'une violation du principe de légalité des délits et des peines. Sur le principe d'égalité et de non-discrimination 55. Selon Advocaten voor de Wereld, le principe d'égalité et de non-discrimination est méconnu par la décision-cadre dans la mesure où, pour les infractions autres que celles visées à l'article 2, paragraphe 2, de celle-ci, la remise peut être subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le mandat d'arrêt européen a été émis constituent une infraction au regard du droit de l'Etat membre d'exécution.Cette distinction ne serait pas objectivement justifiée.

La suppression du contrôle de la double incrimination serait d'autant plus contestable qu'aucune définition circonstanciée des faits pour lesquels la remise est demandée ne figure dans la décision-cadre. Le régime de cette dernière aboutirait à une différence injustifiée de traitement entre les justiciables selon que les faits incriminés se sont déroulés dans l'Etat membre d'exécution ou en dehors de cet Etat.

Ces mêmes justiciables seraient donc jugés différemment quant à leur privation de liberté sans que cela soit justifié. 56. Il y a lieu de relever que le principe d'égalité et de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun, C-248/04, non encore publié au Recueil, point 72 et jurisprudence citée).57. S'agissant, d'une part, du choix des 32 catégories d'infractions énumérées à l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre, le Conseil a pu considérer, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et eu égard au degré élevé de confiance et de solidarité entre les Etats membres, que, soit en raison de leur nature même, soit en raison de la peine encourue d'un maximum d'au moins trois ans, les catégories d'infractions concernées font partie de celles dont la gravité de l'atteinte à l'ordre et à la sécurité publics justifie que le contrôle de la double incrimination ne soit pas exigé.58. Dès lors, à supposer même que la situation de personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions relevant de la liste figurant à l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre ou condamnées pour avoir perpétré de telles infractions soit comparable à celle de personnes soupçonnées d'avoir commis ou condamnées pour avoir commis des infractions autres que celles énumérées à cette disposition, la distinction est, en tout état de cause, objectivement justifiée.59. En ce qui concerne, d'autre part, le fait que le manque de précision dans la définition des catégories d'infractions en question risquerait d'entraîner une mise en oeuvre divergente de la décision-cadre dans les différents ordres juridiques nationaux, il suffit de relever que l'objet de celle-ci n'est pas d'harmoniser le droit pénal matériel des Etats membres et qu'aucune disposition du titre VI du Traité UE, dont les articles 34 et 31 ont été désignés comme constituant le fondement juridique de cette décision-cadre, ne subordonne l'application du mandat d'arrêt européen à l'harmonisation des législations pénales des Etats membres dans le domaine des infractions concernées (voir par analogie, notamment, arrêts du 11 février 2003, Gözütok et Brügge, C-187/01 et C-385/01, Rec.p. I-1345, point 32, ainsi que du 28 septembre 2006, Gasparini e.a., C-467/04, non encore publié au Recueil, point 29). 60. Il s'ensuit que l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre, en tant qu'il supprime le contrôle de la double incrimination pour les infractions mentionnées à cette disposition, n'est pas invalide en raison d'une violation de l'article 6, paragraphe 2, UE et, plus spécifiquement, des principes de légalité des délits et des peines ainsi que d'égalité et de non-discrimination » (Cour de justice, 3 mai 2007, C-303/05). B.16. La motivation de l'arrêt de la Cour de justice concernant la décision-cadre 2002/584/JAI vaut également mutatis mutandis à l'égard de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer qui met en oeuvre en droit belge la décision-cadre précitée.

B.17.1. La décision-cadre, comme la loi attaquée et la genèse de celle-ci, font apparaître que l'exigence de la double incrimination pour les infractions énumérées à l'article 5, § 2, n'est pas abandonnée, mais qu'il n'est pas contrôlé s'il est satisfait à cette exigence, parce que, eu égard à leur gravité, les faits sont réputés punissables dans tous les Etats membres de l'Union européenne (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-279/001, p. 13).

B.17.2. L'abandon du contrôle de la double incrimination n'a pas pour effet que l'autorité judiciaire d'exécution doive automatiquement donner suite à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen. La règle inscrite à l'article 5, § 2, de la loi doit être appréciée à la lumière des autres conditions auxquelles la remise est subordonnée.

B.18.1. La disposition attaquée doit avant tout être appréciée en combinaison avec la règle inscrite à l'article 6, 5°, de la loi, qui transpose l'article 4, point 7), sous b) et c), de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

B.18.2. En vertu de cette disposition, l'exécution du mandat d'arrêt européen peut être refusée lorsque celui-ci porte sur des infractions qui ont été commises en tout ou en partie sur le territoire belge ou en un lieu assimilé à ce territoire ou qui ont été commises hors du territoire de l'Etat membre d'émission et que le droit belge n'autorise pas la poursuite pour les mêmes infractions commises hors du territoire belge.

B.18.3. Si le mandat d'arrêt portait sur un fait qui est mentionné dans la liste et qui ne serait pas punissable conformément au droit belge, la remise pourrait donc néanmoins être refusée, sauf en raison de faits commis sur le territoire de l'Etat d'émission ou hors de ce territoire, mais dans une hypothèse où le droit belge autorise la poursuite pour un fait commis hors du territoire belge. Dans ce cas, la personne recherchée doit savoir qu'il s'agit de comportements punissables et doit se conformer aux lois pénales du pays où elle réside. La poursuite repose sur le principe de territorialité même élargie, qui constitue l'élément essentiel de toute législation relative au champ d'application de la loi pénale nationale et il n'est pas porté atteinte au principe de légalité en matière pénale.

B.18.4. S'agissant des faits commis hors du territoire de l'Etat d'émission à l'exception des cas de compétence extraterritoriale prévus dans le droit belge, la condition de la double incrimination peut être maintenue, ce qui tempère sensiblement les effets de l'abandon du contrôle exercé dans le cadre de l'article 5, § 2, de la loi attaquée (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-279/001).

B.19. Par ailleurs, outre le motif de refus facultatif inscrit à l'article 6, 5°, de la loi attaquée, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen doit être refusée s'il existe une loi d'amnistie en Belgique (article 4, 1°), en raison du principe « non bis in idem » (article 4, 2°), si la personne recherchée n'est pas pénalement responsable eu égard à son âge, conformément au droit belge (article 4, 3°), et si l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la loi belge (article 4, 4°).

B.20. Enfin, de façon générale, un Etat ne pourra collaborer à la remise d'une personne recherchée lorsqu'il existe un risque, dans l'Etat d'émission, qu'il soit porté atteinte à ses droits fondamentaux. A cet égard, il convient de se référer à l'article 4, 5°, de la loi attaquée, en vertu duquel l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée s'il y a des raisons sérieuses de croire que l'exécution du mandat européen aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du Traité UE. Ainsi l'autorité judiciaire d'exécution pourra-t-elle toujours tenir compte, lors de la remise, des circonstances concrètes de chaque situation.

B.21. Les quatrième et cinquième moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 10 octobre 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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