publié le 28 juillet 2006
Extrait de l'arrêt n° 75/2006 du 10 mai 2006 Numéro du rôle : 3924 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 39 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, avant sa modif La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. Lavrysen, J(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 75/2006 du 10 mai 2006 Numéro du rôle : 3924 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 39 du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, avant sa modification par le décret du 7 juillet 1998, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 9 février 2006 en cause de T. Maes et V. Le Compte contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 16 février 2006, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 39 du décret du Conseil flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 viole-t-il la Constitution au motif que le moyen est disproportionné par rapport au but poursuivi, dans l'interprétation qu'en fait la Communauté flamande, selon laquelle, avant l'insertion de l'article 39, § 2, alinéa 3, par le décret du 7 juillet 1998, il était impossible d'invoquer la force majeure sur d'autres bases que celles formellement prévues par le décret, de sorte que, en cas d'inoccupation, une taxe est toujours due même si l'inoccupation est imputable à un cas de force majeure ? ».
Le 8 mars 2006, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs L. Lavrysen et J.-P. Snappe ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. Le décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 a instauré, dans la Région flamande, une « redevance visant à lutter contre la désaffectation et la dégradation des bâtiments et/ou habitations ».
B.2. Les termes de la question et les motifs du jugement de renvoi font apparaître que le juge demande à la Cour si l'article 39, § 2, de ce décret viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il soumet aussi à la taxe d'inoccupation les propriétaires dont l'habitation est inoccupée pour des raisons indépendantes de leur volonté et les traite ainsi de la même manière que les autres propriétaires d'habitations inoccupées.
B.3. En vertu de l'article 39, § 2, dans sa version actuelle, le Gouvernement flamand peut décider que, pour des raisons de force majeure, la taxe ne doit pas être payée ou ne doit l'être que partiellement. La question du juge a quo porte toutefois sur l'exercice fiscal 1997, pour lequel cette possibilité n'existait pas encore.
B.4. L'article 39, § 2, tel qu'il s'applique à l'exercice fiscal 1997, disposait : « Le redevable peut interjeter appel auprès du Gouvernement flamand par une requête motivée, dans les 30 jours de l'envoi de l'imposition.
Celui-ci statue dans les trois mois à compter de la date d'envoi de la requête d'appel. Lorsqu'il est fait droit à l'appel, le Gouvernement flamand décide que la redevance n'est pas due en tout ou en partie, ou bien que le bâtiment et/ou l'habitation est rayé de la liste.
A défaut d'une décision dans le délai fixé, l'appel est réputé être rejeté. [...] ».
B.5. Compte tenu de l'obligation faite, par l'article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, aux législateurs, et notamment aux législateurs régionaux, de garantir le droit à un logement décent et compte tenu des compétences régionales en la matière, qui résultent de l'article 134 de la Constitution et de l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980, une taxe d'inoccupation régionale peut en principe être considérée comme une mesure qui est raisonnablement justifiée.
B.6. Toutefois, lorsque même les titulaires d'un droit de propriété ou d'autres droits réels sur des immeubles inoccupés et bien entretenus dont le logement est inoccupé pour des raisons indépendantes de leur volonté sont, sans exception, soumis à la taxe, la mesure est disproportionnée par rapport à cet objectif de la politique du logement.
Certes, le législateur fiscal peut prendre des mesures à caractère général et il est nécessairement amené à n'appréhender la réalité qu'avec un certain degré d'approximation. Mais ces contraintes, qui ne l'empêchent d'ailleurs pas d'accorder des exonérations, ne sont nullement de nature à justifier le caractère disproportionné de la mesure.
B.7. La disposition litigieuse viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas aux personnes dont le logement est inoccupé pour des raisons indépendantes de leur volonté d'invoquer la force majeure pour éviter de devoir payer la taxe d'inoccupation.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 39, § 2, du décret flamand du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996, tel qu'il était en vigueur pour l'exercice fiscal 1997, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 mai 2006.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, A. Arts.