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Arrêt
publié le 28 décembre 2005

Extrait de l'arrêt n° 153/2005 du 5 octobre 2005 Numéros du rôle : 3729 à 3735, 3744 à 3747 et 3749 à 3752 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 69bis des lois relatives à la police de la circulation routière, coord La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 153/2005 du 5 octobre 2005 Numéros du rôle : 3729 à 3735, 3744 à 3747 et 3749 à 3752 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 69bis des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l'arrêté royal du 16 mars 1968, inséré par l'article 33 de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, posées par les Tribunaux correctionnels de Dinant et de Namur.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et L. Lavrysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par sept jugements du 30 mai 2005 en cause du ministère public contre différents prévenus, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 22 juin 2005, le Tribunal correctionnel de Dinant a posé la question préjudicielle suivante : « La loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer, portant diverses dispositions en matière de sécurité routière et spécialement son article 33 ayant introduit l'article 69bis de l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière (lois coordonnées), viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 2, alinéa 2, du Code pénal, en ce que la personne poursuivie devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel en degré d'appel, pour des faits ayant été commis avant l'entrée en vigueur de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer et qui serait appelée à comparaître postérieurement à l'entrée en vigueur de ladite loi, pourrait se voir infliger, subsidiairement à une peine d'amende, une déchéance du droit de conduire de 8 jours à un mois conformément à l'article 69bis de l'arrêté royal du 16 mars 1968 en lieu et place de l'emprisonnement prévu par l'article 40 du Code pénal ? ». b. Par jugement du 28 juin 2005 en cause du ministère public contre E.G., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 4 juillet 2005, le Tribunal correctionnel de Namur a posé la même question préjudicielle. c. Par sept jugements des 13, 20 et 27 juin 2005 en cause du ministère public contre différents prévenus, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage les 6, 12 et 19 juillet 2005, le Tribunal correctionnel de Dinant a posé la même question préjudicielle. Ces affaires, inscrites sous les numéros 3729 à 3735, 3744 à 3747 et 3749 à 3752 du rôle de la Cour, ont été jointes. a) Dans les affaires nos 3729 à 3735 et 3744 Le 13 juillet 2005, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs P.Martens et M. Bossuyt ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) b) Dans les affaires nos 3745 à 3747, 3749 et 3750 à 3752 Le 25 juillet 2005, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs J.-P. Snappe et A. Alen ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. Il ressort du libellé de la question préjudicielle et des motifs des jugements de renvoi que les juges de renvoi interrogent la Cour, dans les présentes affaires, sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 33 de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer qui introduit un article 69bis dans les lois relatives à la police de la circulation routière, en ce qu'il est applicable à des infractions commises avant l'entrée en vigueur de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer.

Cet article 69bis dispose : « Pour l'application de la présente loi, par dérogation à l'article 40 du Code pénal, à défaut de paiement dans le délai de deux mois à dater de l'arrêt ou du jugement, s'il est contradictoire, ou de sa signification, s'il est rendu par défaut, l'amende pourra être remplacée par une déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur dont la durée sera fixée par le jugement ou l'arrêt de condamnation, et qui n'excédera pas un mois et ne pourra être inférieure à huit jours ».

L'article 40 du Code pénal dispose : « A défaut de paiement dans le délai de deux mois à dater de l'arrêt ou du jugement, s'il est contradictoire, ou de sa signification, s'il est par défaut, l'amende pourra être remplacée par un emprisonnement dont la durée sera fixée par le jugement ou l'arrêt de condamnation, et qui n'excédera pas six mois pour les condamnés à raison de crime, trois mois pour les condamnés à raison de délit, et trois jours pour les condamnés à raison de contravention.

Les condamnés soumis à l'emprisonnement subsidiaire pourront être retenus dans la maison où ils ont subi la peine principale.

S'il n'a été prononcé qu'une amende, l'emprisonnement, à subir à défaut de paiement, est assimilé à l'emprisonnement correctionnel ou de police, selon le caractère de la condamnation ».

B.2. L'article 2 du Code pénal dispose : « Nulle infraction ne peut être punie de peines qui n'étaient pas portées par la loi avant que l'infraction fût commise.

Si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée ».

B.3. Saisis d'infractions commises avant le 1er mars 2004 (date d'entrée en vigueur de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer) et appelés à rendre un jugement après cette date, les juges de renvoi constatent que, pour des faits antérieurs au 1er mars 2004, la Cour de cassation décide que la peine subsidiaire à l'amende infligée aux prévenus est la peine prévue par l'article 69bis des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l'arrêté royal du 16 mars 1968, parce que la peine subsidiaire de la déchéance du droit de conduire est plus douce que la peine subsidiaire d'emprisonnement prévue par l'article 40 du Code pénal.

B.4. L'article 2 du Code pénal crée une différence de traitement entre justiciables suivant que leur cause est jugée avant ou après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Cette différence de traitement aurait en l'espèce des effets disproportionnés en ce que, pour déterminer la loi la plus douce qu'il doit appliquer en vertu de l'article 2 précité, le juge doit tenir compte de la jurisprudence, relative à cette disposition, selon laquelle la loi qui prévoit comme peine subsidiaire à une amende une déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur est réputée plus douce que la loi ancienne qui prévoyait une peine subsidiaire d'emprisonnement.

B.5.1. Une différence de traitement, qui est fonction de la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, étant mise en cause, la Cour examine si, en l'absence de régime transitoire, les dispositions en cause sont ou non compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.2. Les articles 10 et 11 de la Constitution ne requièrent pas, en principe, qu'une loi nouvelle soit assortie de mesures transitoires.

B.5.3. Toutefois, en l'espèce, comme la Cour l'avait déjà relevé dans son arrêt n° 45/2005 du 23 février 2005, il apparaît que le législateur a constaté que les peines prévues par la loi qu'il modifiait ne répondaient pas de manière adéquate à la nécessité de remédier à l'augmentation du nombre de victimes d'accidents de la circulation et que celle-ci requérait une répression plus sévère des infractions qui en sont la cause. L'exposé des motifs indique en effet : « Le texte du présent projet procède à la suppression d'un grand nombre de peines de prison et place la peine de déchéance du droit de conduire ou le retrait immédiat du permis comme peines incapacitantes principales » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1915/001, p. 12; dans le même sens p. 15 ainsi que Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1915/001, pp. 12 et 15; DOC 50-1915/006, pp. 34 et 80; Doc. parl., Sénat, 2002-2003, n° 2-1402/3, p. 13).

B.5.4. L'argument du Conseil des ministres, selon lequel le législateur a en réalité recherché non pas une plus grande sévérité, mais bien une efficacité accrue de la peine, ne modifie en rien le fait que le contrôle de la Cour doit porter sur l'intensité de la gravité de la peine pour ceux qui la subissent.

B.5.5. Connaissant la portée de l'article 2, alinéa 2, du Code pénal, rappelée en B.4, selon laquelle la loi nouvelle doit néanmoins être considérée comme la plus douce, dès lors qu'elle ne prévoit plus la peine d'emprisonnement figurant dans la loi ancienne, le législateur a toutefois permis que des justiciables soient sanctionnés, après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, pour des faits commis avant cette entrée en vigueur, d'une manière que le législateur a voulue lui-même plus sévère qu'ils ne l'auraient été s'ils avaient été jugés avant cette entrée en vigueur. L'application rétroactive de la loi nouvelle aux infractions commises avant son entrée en vigueur est par conséquent discriminatoire.

B.6. Les questions préjudicielles appellent une réponse positive.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 33 de la loi du 7 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/02/2003 pub. 25/02/2003 numac 2003014044 source service public federal mobilite et transports Loi portant diverses dispositions en matière de sécurité routière fermer portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, qui a introduit un article 69bis dans les lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l'arrêté royal du 16 mars 1968, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il est applicable à des infractions commises avant le 1er mars 2004.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 5 octobre 2005.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux M. Melchior.

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