publié le 24 novembre 2005
Extrait de l'arrêt n° 164/2005 du 16 novembre 2005 Numéro du rôle : 3139 En cause : le recours en annulation partielle de la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine, introduit par le Gouvernement flamand. composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, (...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 164/2005 du 16 novembre 2005 Numéro du rôle : 3139 En cause : le recours en annulation partielle de la
loi du 7 mai 2004Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
07/05/2004
pub.
18/05/2004
numac
2004022376
source
service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement
Loi relative aux expérimentations sur la personne humaine
fermer relative aux expérimentations sur la personne humaine, introduit par le Gouvernement flamand.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 novembre 2004 et parvenue au greffe le 18 novembre 2004, le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation partielle de la loi du 7 mai 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/2004 pub. 18/05/2004 numac 2004022376 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi relative aux expérimentations sur la personne humaine fermer relative aux expérimentations sur la personne humaine (publiée au Moniteur belge du 18 mai 2004, deuxième édition). (...) II. En droit (...) B.1.1. Le Gouvernement flamand demande l'annulation de la loi du 7 mai 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/2004 pub. 18/05/2004 numac 2004022376 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi relative aux expérimentations sur la personne humaine fermer relative aux expérimentations sur la personne humaine, en tant qu'elle porte sur la recherche scientifique dans des matières qui relèvent de la compétence des communautés ou des régions.
B.1.2. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 6bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lu isolément et, pour autant que de besoin, en combinaison avec les articles 39 et 127 à 130 de la Constitution et les articles 4 à 6 de la même loi spéciale du 8 août 1980, en particulier l'article 4, 9°, l'article 5, § 1er, I, 2°, et l'article 6, § 1er, II, 1°.
B.2.1. La loi entreprise contient une réglementation concernant la mise en oeuvre d'expérimentations sur des personnes dans le but de développer des connaissances biologiques ou médicales et elle règle donc la recherche scientifique. Le chapitre II définit une série de notions utilisées dans la loi ainsi que le champ d'application de celle-ci. Dans les chapitres suivants, le législateur détermine les conditions que les expérimentations doivent remplir et il règle le rôle des différents acteurs qui sont associés aux expérimentations sur des personnes, comme le participant, le promoteur, l'investigateur, les comités d'éthique et le ministre compétent. La loi prête à cet égard une attention particulière à la protection des sujets.
B.2.2. La loi définit l'expérimentation comme « tout essai, étude ou investigation menée chez la personne humaine en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales » (article 2, 11°). Un essai est « toute investigation menée sur la personne humaine, afin de déterminer ou de confirmer les effets cliniques, pharmacologiques et/ou les autres effets pharmacodynamiques d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux et/ou de mettre en évidence tout effet indésirable d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux et/ou d'étudier l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux dans le but de s'assurer de leur innocuité et/ou efficacité » (article 2, 7°).
L'investigateur est un médecin ou toute autre personne exerçant une profession visée à l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, qualifiés pour mener une expérimentation (article 2, 17°).
B.3.1. Les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions en matière de recherche scientifique sont fixées par l'article 6bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, qui énonce : « § 1er. Les Communautés et les Régions sont compétentes pour la recherche scientifique, dans le cadre de leurs compétences respectives, en ce compris la recherche en exécution d'accords ou d'actes internationaux ou supranationaux. § 2. L'autorité fédérale est toutefois compétente pour : 1° la recherche scientifique nécessaire à l'exercice de ses propres compétences, en ce compris la recherche scientifique en exécution d'accords ou d'actes internationaux ou supranationaux;2° la mise en oeuvre et l'organisation de réseaux d'échange de données entre établissements scientifiques sur le plan national et international;3° la recherche spatiale dans le cadre d'institutions, d'accords ou d'actes internationaux ou supranationaux;4° les établissements scientifiques et culturels fédéraux, en ce compris les activités de recherche et de service public de ces derniers.Le Roi désigne ces établissements par arrêté délibéré en Conseil des Ministres. L'avis conforme des Gouvernements de Communauté et de Région est requis pour toute modification ultérieure de cet arrêté; 5° les programmes et actions nécessitant une mise en oeuvre homogène sur le plan national ou international dans des domaines et suivant des modalités fixés par des accords de coopération visés à l'article 92bis, § 1er;6° la tenue d'un inventaire permanent du potentiel scientifique du pays suivant des modalités fixées par un accord de coopération visé à l'article 92bis, § 1er;7° la participation de la Belgique aux activités des organismes internationaux de recherche suivant des modalités fixées par des accords de coopération visés à l'article 92bis, § 1er. § 3. Sans préjudice des dispositions du § 1er, l'autorité fédérale peut prendre des initiatives, créer des structures et prévoir des moyens financiers pour la recherche scientifique dans les matières qui sont de la compétence des Communautés ou des Régions, et qui, en outre : a) soit fait l'objet d'accords ou d'actes internationaux ou supranationaux auxquels la Belgique est partie contractante ou considérée comme telle;b) soit se rapporte à des actions et programmes qui dépassent les intérêts d'une Communauté ou d'une Région. Dans ces cas, l'autorité fédérale soumet, préalablement à sa décision, une proposition de collaboration aux Communautés et/ou aux Régions, sur avis du Conseil fédéral de la politique scientifique composé conformément a l'article 92ter.
Chaque Communauté et chaque Région peut refuser toute participation en ce qui la concerne et en ce qui concerne les établissements relevant de sa compétence ».
B.3.2. L'article 6bis, §§ 1er et 2, de la loi spéciale de réformes institutionnelles répartit la compétence en matière de réglementation de la recherche scientifique entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions selon le système dit de l'exercice parallèle de compétences exclusives, chaque législateur étant compétent pour régler la recherche scientifique dans les matières qui relèvent de sa compétence. L'article 6bis, § 3, autorise l'autorité fédérale, dans les deux cas mentionnés en a) et b) de cette disposition et moyennant le respect de la procédure prévue, à prendre des initiatives, à créer des structures et à prévoir des moyens financiers pour la recherche scientifique dans les matières qui sont de la compétence des communautés et des régions.
B.4.1. En ce qui concerne les expérimentations sur la personne humaine réglées par la loi, il y a lieu de distinguer, d'une part, les essais cliniques visés à l'article 2, 7°, et, d'autre part, les autres expérimentations désignées à l'article 2, 11°, comme étant une « étude » ou une « investigation » en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales.
B.4.2. Le législateur fédéral est compétent pour la réglementation en matière de médicaments (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, 434-1, p. 7, Doc. parl., Sénat, 1979-1980, 434-2, p. 125, et Doc. parl., Chambre, 1979-1980, 627/10, p. 52). Sur la base de cette compétence, il peut édicter une réglementation pour des essais sur la personne humaine, réalisés dans le cadre de la recherche scientifique biomédicale portant sur les médicaments, visée à l'article 2, 7°, de la loi entreprise, et il ne viole pas les règles qui déterminent les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions en matière de recherche scientifique.
B.4.3. Comme le fait apparaître l'article 2, 11°, de la loi attaquée, la réglementation critiquée ne s'applique cependant pas uniquement aux expérimentations à l'aide de médicaments mais également de manière générale à d'autres études ou investigations sur la personne humaine en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales, quisont effectuées par un médecin ou une autre personne visée à l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé.
B.4.4. Certaines matières sur lesquelles peut porter cette recherche scientifique sont incontestablement de la compétence du législateur fédéral. C'est ainsi, entre autres, que les thérapies expérimentales propres à l'exercice de l'art de guérir visé à l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relèvent de la compétence du législateur fédéral.
B.4.5. En raison de la manière fort large dont la loi définit son champ d'application à l'article 2, 11°, elle peut toutefois également s'appliquer dans des matières qui relèvent de la compétence des communautés et des régions. Ainsi, il ressort des pièces déposées par le Gouvernement flamand que la loi est censée s'appliquer, entre autres, soit à des études et investigations menées dans le cadre des soins de santé préventifs ou de la pratique sportive dans le respect des impératifs de santé, lesquelles relèvent, en vertu des articles 5, § 1er, I, 2°, et 4, 9°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de la compétence des communautés, soit à des études et investigations réalisées dans le cadre de la protection de l'environnement, ce qui constitue une compétence régionale en vertu de l'article 6, § 1er, II, 1°, de cette même loi spéciale.
De surcroît, il ne saurait être exclu que la loi puisse s'appliquer dans d'autres domaines relevant de la compétence des communautés ou des régions.
B.5.1. Sans doute l'article 6bis, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles permet-il au législateur fédéral, à certaines conditions, de prendre des initiatives, de créer des structures ou de prévoir des moyens financiers en vue de la recherche scientifique dans les matières qui relèvent de la compétence des communautés ou des régions.
B.5.2. Indépendamment du fait que, dans un tel cas, l'autorité fédérale doit, préalablement à sa décision, soumettre une proposition de coopération aux communautés et aux régions, ce qui n'a pas eu lieu en l'occurrence, il n'est pas satisfait aux exigences posées par le législateur spécial en ce qui concerne les expérimentations menées sur la personne humaine.
B.6. Il découle de ce qui précède que le législateur fédéral a excédé sa compétence en édictant une réglementation relative à des expérimentations sur la personne humaine qui va au-delà des essais cliniques visés à l'article 2, 7° et 11°, de la loi attaquée.
B.7. Le deuxième moyen ne doit pas être examiné puisqu'il ne saurait mener à une annulation plus ample.
Par ces motifs, la Cour annule, à l'article 2, 11°, de la loi du 7 mai 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/2004 pub. 18/05/2004 numac 2004022376 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi relative aux expérimentations sur la personne humaine fermer relative aux expérimentations sur la personne humaine, les termes « étude ou investigation ».
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 16 novembre 2005.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, A. Arts.