publié le 30 avril 2004
Extrait de l'arrêt n° 23/2004 du 4 février 2004 Numéro du rôle : 2655 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 309, alinéa 1 er , 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964, posée par la Cour de cassation. La composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, et du président A. Arts, et des juges M(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 23/2004 du 4 février 2004 Numéro du rôle : 2655 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 309, alinéa 1er, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964, posée par la Cour de cassation.
La Cour d'arbitrage, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, et du président A. Arts, et des juges M. Bossuyt, E. De Groot, A. Alen, J.-P. Snappe et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le juge P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 20 février 2003 en cause de l'Association mutuelle médicale d'assurances contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 6 mars 2003, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 309, 3°, du Code des impôts sur les revenus (1964) (devenu l'article 419, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992), rapproché de l'article 308 du Code des impôts sur les revenus (1964) (devenu l'article 418 du Code des impôts sur les revenus 1992), est-il contraire aux principes d'égalité et de non-discrimination consacrés par les articles 10 et 11 de la Constitution du fait qu'il établit une différence de traitement en ce qui concerne l'allocation d'intérêts moratoires entre les contribuables selon qu'ils obtiennent la restitution d'un impôt à la suite d'une décision du directeur régional accueillant une réclamation introduite conformément à l'article 267 du Code des impôts sur les revenus 1964, dans le délai prescrit par l'article 272 du même Code, ou à la suite d'une décision du directeur régional accordant, par application de l'article 277 du même Code (devenu l'article 376 du Code des impôts sur les revenus 1992) le dégrèvement d'office d'une surtaxe apparue à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l'allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs, dans le cas où cette surtaxe a été constatée par l'administration ou signalée par le redevable à celle-ci dans les trois ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi ? » (...) III. En droit (...) Les dispositions en cause B.1.1. L'article 277, § § 1er et 2, du Code des impôts sur les revenus 1964 (C.I.R. 1964) (devenu l'article 376, §§ 1er et 2, du C.I.R. 1992), tel qu'il était d'application pour l'exercice auquel a trait le litige pendant devant la Cour de cassation, disposait : « § 1er. Le directeur des contributions ou le fonctionnaire délégué par lui, accorde d'office le dégrèvement des surtaxes résultant d'erreurs matérielles, de doubles emplois, ainsi que de celles qui apparaîtraient à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l'allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs à condition que : 1° ces surtaxes aient été constatées par l'Administration ou signalées par le redevable à celle-ci dans les trois ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi;2° la taxation n'ait pas déjà fait l'objet d'une réclamation ayant donné lieu à une décision définitive sur le fond. § 2. N'est pas considéré comme constituant un élément nouveau, un nouveau moyen de droit ni un changement de la jurisprudence administrative ou judiciaire. » Ces dispositions ont pour origine l'article 2 de la loi du 30 mai 1949 instaurant des mesures exceptionnelles et interprétatives en matière d'impôts directs (Moniteur belge , 19 juin 1949). Cet article modifiait l'article 61 de l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 portant coordination des lois et arrêtés relatifs aux impôts sur les revenus (Moniteur belge , 21 janvier 1948).
B.1.2. L'article 308, alinéa 1er, du C.I.R. 1964 (devenu l'article 418, alinéa 1er, du C.I.R. 1992) disposait : « En cas de restitution d'impôts, des intérêts moratoires sont alloués au taux de 0,8 p.c. par mois civil. » Cette disposition a pour origine l'article 20 de la loi du 28 février 1924 modifiant la législation en matière d'impôts sur les revenus (Moniteur belge , 2 mars 1924). Ce texte fut repris à l'article 74 de l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 portant coordination des lois et arrêtés relatifs aux impôts sur les revenus (Moniteur belge , 21 janvier 1948).
B.1.3. L'article 309, alinéa 1er, 3°, du C.I.R. 1964 (devenu l'article 419, alinéa 1er, 3°, du C.I.R. 1992) disposait : « Aucun intérêt moratoire n'est alloué en cas de restitution : [...] 3° de surtaxes visées à l'article 277, §§ 1er et 2, effectuée d'office, après l'expiration des délais de réclamation et de recours; [...] ».
La disposition à l'origine de l'article 309, alinéa 1er, 3°, du C.I.R. 1964 est l'alinéa 2 de l'article 5 de la loi du 27 juillet 1953 instaurant des mesures en vue d'activer le recouvrement des impôts directs (Moniteur belge , 19 août 1953). Cet article modifiait l'article 74 de l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 portant coordination des lois et arrêtés relatifs aux impôts sur les revenus (Moniteur belge , 21 janvier 1948).
B.2. Depuis leur modification par la loi du 15 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/1999 pub. 27/03/1999 numac 1999003180 source ministere des finances Loi relative au contentieux en matière fiscale fermer (Moniteur belge du 27 mars 1999), qui n'est pas en cause, les articles 418 et 419 du C.I.R. 1992 (anciennement articles 308 et 309 du C.I.R. 1964) ont été modifiés, de telle sorte que l'article 419 du C.I.R. 1992 (anciennement l'article 309 du C.I.R. 1964) ne renvoie plus à la procédure visée à l'article 376 du C.I.R. 1992 (anciennement l'article 277 du C.I.R. 1964).
Quant au fond B.3.1. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 309, alinéa 1er, 3°, du C.I.R. 1964 (devenu l'article 419, alinéa 1er, 3°, du C.I.R. 1992), rapproché de l'article 308 du C.I.R. 1964 (devenu l'article 418 du C.I.R. 1992), avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.3.2. La différence de traitement soumise à l'appréciation de la Cour est celle que feraient les dispositions en cause entre, d'une part, les contribuables qui se voient restituer un impôt par suite d'une décision du directeur régional accueillant une réclamation introduite dans les délais prescrits par l'article 272 du C.I.R. 1964 et, d'autre part, les contribuables qui se voient restituer le même impôt par suite d'un dégrèvement d'office d'une surtaxe apparue à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dès lors que seuls les premiers ont droit à l'allocation d'intérêts moratoires.
B.4. L'allocation d'intérêts moratoires en cas de restitution d'impôts (article 308, alinéa 1er, du C.I.R. 1964) a été motivée par un souci d'équité : « La perception des intérêts de retard repose sur la considération qu'il est équitable d'exiger une réparation civile, consistant en la récupération d'un profit que le redevable retire de la détention de fonds revenant de droit à l'Etat. [...] Par identité de motifs, il n'est que juste d'accorder des intérêts moratoires aux contribuables, chaque fois que l'Etat restitue un impôt payé, même dans le cas où la restitution est la conséquence d'une erreur imputable au contribuable. » (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, pp. 9 et 10) B.5. L'article 309, alinéa 1er, du C.I.R. 1964 écartait toutefois l'allocation d'intérêts moratoires dans un certain nombre d'hypothèses. L'une d'entre elles concernait le cas du dégrèvement d'office.
Les travaux préparatoires justifiaient cette exception de la manière suivante : « [...] En cas de remboursement d'office, en dehors des délais de réclamation et de recours, d'impôts versés au Trésor, aucun intérêt moratoire ne sera dû sur les montants remboursés puisqu'en l'occurrence, le contribuable a laissé périmer ses droits de réclamation et de recours et ne possède donc plus aucun droit de créance. » (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, p. 10) B.6. Il appartient à la Cour de vérifier si, en considération de la finalité des intérêts moratoires, d'une part, et des caractéristiques respectives de la réclamation et du dégrèvement d'office, d'autre part, il est justifié d'allouer des intérêts moratoires en cas de réclamation et de ne pas en allouer en cas de dégrèvement d'office.
B.7.1. De façon générale, la procédure de réclamation était réglée par les articles 267 à 276 du C.I.R. 1964 (devenus les articles 366 à 375 du C.I.R. 1992).
En substance, il s'agissait d'un recours administratif permettant au redevable de l'impôt de contester devant le directeur des contributions compétent l'imposition établie à sa charge, dans une réclamation écrite, signée et motivée.
Le contribuable devait, jusqu'à l'exercice d'imposition 1998, envoyer sa réclamation au plus tard le 30 avril de l'année qui suit celle au cours de laquelle l'impôt est établi, sans cependant que le délai puisse être inférieur à six mois à partir de la date de l'avertissement- extrait de rôle. L'article 259 du C.I.R. 1964 (devenu l'article 354 du C.I.R. 1992) était applicable à la procédure de réclamation et prévoyait la prolongation des délais d'imposition et d'investigation. La réclamation permettait donc de revoir la base imposable. Si le grief du contribuable était fondé, l'administration devait lui rembourser la somme indûment perçue majorée d'intérêts moratoires. Enfin, en vertu de l'article 275 du C.I.R. 1964 (devenu l'article 374 du C.I.R 1992), l'administration disposait, lors de l'instruction de la réclamation, de certains moyens de preuve et d'investigation.
B.7.2. L'article 277, §§ 1er et 2, du C.I.R. 1964 (devenu l'article 376, §§ 1er et 2, du C.I.R. 1992) permettait au directeur des contributions d'accorder d'office au contribuable le dégrèvement de certaines surtaxes pour autant que celles-ci aient été constatées par l'administration ou signalées par le redevable dans les trois ans à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi, et pour autant que la taxation n'ait pas déjà fait l'objet d'une réclamation ayant donné lieu à une décision définitive sur le fond.
Le dégrèvement d'office était à l'origine considéré comme une mesure d'ordre gracieux relevant de l'administration (Doc. parl., Chambre, 1948-1949, n° 323, p. 4). Par la suite, il est apparu clairement qu'en cas de procédure de dégrèvement d'office, l'administration avait l'obligation de restituer l'impôt indûment perçu et le contribuable avait droit à cette restitution (Doc. parl., Chambre, 1956-1957, n° 415-1, p. 3).
Les articles 259 et 275 du C.I.R. 1964 (devenus respectivement les articles 354 et 374 du C.I.R. 1992) n'étaient pas applicables à la procédure de dégrèvement d'office.
L'article 309 du C.I.R. 1964 (devenu l'article 419 du C.I.R. 1992) excluait l'allocation d'intérêts moratoires en cas de remboursement des sommes perçues indûment par l'administration à la suite d'un dégrèvement d'office.
B.8. Compte tenu de la finalité des intérêts moratoires - sans que la Cour doive se prononcer sur l'importance et les modalités de ces derniers - et malgré les caractéristiques respectives des procédures de réclamation et de dégrèvement d'office, il n'apparaît pas justifié d'accorder dans le premier cas des intérêts moratoires et de les refuser dans le second. Dans les deux cas, il s'agit d'une dette d'impôt dont le caractère indu est reconnu par le directeur des contributions. Cette reconnaissance mène à l'obligation de restituer au contribuable les sommes qu'il a indûment versées au fisc. Par ailleurs, les éléments spécifiques à l'une et l'autre procédures, mentionnés en B.7, sont sans pertinence au regard de l'attribution ou non d'intérêts moratoires dans les hypothèses auxquelles ces procédures s'appliquent respectivement.
B.9. La question préjudicielle, en ce qu'elle vise l'article 309, alinéa 1er, 3°, du C.I.R. 1964, appelle une réponse positive.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 309, alinéa 1er, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964 (devenu l'article 419, alinéa 1er, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992), avant sa modification par l'article 44 de la loi du 15 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/1999 pub. 27/03/1999 numac 1999003180 source ministere des finances Loi relative au contentieux en matière fiscale fermer relative au contentieux en matière fiscale, en ce qu'il s'applique à un dégrèvement d'office accordé par le directeur régional des contributions, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 février 2004.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président f.f., P. Martens.