publié le 03 mars 2004
Extrait de l'arrêt n° 172/2003 du 17 décembre 2003 Numéro du rôle : 2582 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 67, §§ 1 er et 2, du(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 172/2003 du 17 décembre 2003 Numéro du rôle : 2582 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 67, §§ 1er et 2, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, et à l'article 155, §§ 1er et 2, du même Code, tel qu'il a été modifié par le décret de la Région wallonne du 27 novembre 1997, posée par la Cour d'appel de Mons.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 3 décembre 2002 en cause du ministère public contre C. Guinchon et Y. Fourmeau, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 10 décembre 2002, la Cour d'appel de Mons a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 10 et 11 de la Constitution, ainsi que l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, sont-ils violés par les articles 67, §§ 1er et 2, du CWATUP, arrêté du 14 mai 1984, et 155, §§ 1er et 2, du CWATUP, décret [du] 27 novembre 1997, qui permettent au fonctionnaire délégué de l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire de la Région wallonne d'intervenir au procès pénal pour y poursuivre, sans être titulaire de l'action publique et sans devoir se soumettre aux règles qui gouvernent la constitution de partie civile, une action qui ressortit à l'action publique et a pour objet une demande à caractère civil ? » (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 67 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (C.W.A.T.U.P.) (arrêté de l'Exécutif wallon du 14 mai 1984) dispose, dans la rédaction qui est la sienne à l'époque où ont eu lieu les faits dont le juge a quo est saisi : « § 1er. Outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins, mais moyennant leur commun accord dans les cas visés aux 2o et 3o : 1o soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive; 2o soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement; 3o soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction pour autant qu'il ne soit ni inscrit sur la liste de sauvegarde ni classé.
Le tribunal fixe à cette fin un délai qui, dans les cas visés aux 1o et 2o ne peut dépasser un an.
En cas de condamnation au paiement d'une somme, le tribunal fixe celle-ci à tout ou partie de la plus-value acquise par le bien et ordonne que le condamné pourra s'exécuter valablement en remettant les lieux en état dans le délai d'un an. Le paiement de la somme se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget.
Les droits de la partie civile sont limités pour la réparation directe à celle choisie par l'autorité compétente, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du condamne. § 2. Sans préjudice de l'application du chapitre XXIII du livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire, le jugement ordonne que, lorsque les lieux ne sont pas remis en état ou les travaux et ouvrages ne sont pas exécutés dans le délai prescrit, le fonctionnaire délégué, le collège et éventuellement la partie civile pourront pourvoir d'office à son exécution. L'administration ou le particulier qui exécute le jugement, a le droit de vendre les matériaux et objets résultant de la remise en état des lieux, de les transporter, de les entreposer et de procéder à leur destruction en un lieu qu'il choisit.
Le condamné est contraint au remboursement de tous les frais d'exécution, déduction faite du prix de la vente des matériaux et objets, sur présentation d'un état taxé et rendu exécutoire par le juge des saisies. § 2bis . Lorsque le jugement ordonne à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins conformément à l'article 67, § 1er, soit la remise en état des lieux, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, ceux-ci sont exécutés par le condamné sans qu'il doive obtenir le permis prévue a l'article 41.
Toutefois, le condamné est tenu de prévenir le collège des bourgmestre et échevins, huit jours avant le début des travaux; le collège pourra imposer des conditions d'exécution, notamment en ce qui concerne la sécurité et la salubrité publique. § 3. Lorsque l'infraction ne consiste pas dans l'exécution de travaux ou l'accomplissement d'actes contraires aux prescriptions des plans d'aménagement, ces règlements pris en exécution du présent livre ou d'un permis de lotir et que des travaux et actes sont susceptibles de recevoir le permis requis eu égard au bon aménagement des lieux, l'exécutif ou le fonctionnaire délégué de commun accord avec le collège des bourgmestre et échevins peut transiger avec le contrevenant, moyennant paiement dans le délai qu'il indiquera d'une somme égale au double du montant de la taxe sur les bâtisses, laquelle reste néanmoins due à la commune. L'exécutif détermine les sommes à payer par catégories de travaux et d'actes qui ne sont pas soumis à la taxe sur les bâtisses.
Le versement se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget. Il éteint l'action publique et le droit pour les autorités publiques à demander toute autre réparation. § 4. A la demande des acquéreurs ou des locataires, le tribunal peut annuler aux frais du condamné, leur titre d'acquisition ou de location, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du coupable. » B.1.2. L'article 155 du C.W.A.T.U.P. modifié par le décret du 27 novembre 1997 dispose : « § 1er. Le fonctionnaire délégué ou le collège des bourgmestre et échevins, d'initiative ou dans le délai que lui fixe le fonctionnaire délégué, peuvent poursuivre devant le tribunal correctionnel l'un des modes de réparation visés au paragraphe 2 et s'en informent simultanément. § 2. Outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins : 1. soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive;2. soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement;3. soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction pour autant qu'il ne soit ni inscrit sur la liste de sauvegarde, ni classé. Le tribunal fixe à cette fin un délai qui, dans les cas visés aux 1o et 2o, ne peut dépasser un an.
En cas de condamnation au paiement d'une somme, le tribunal fixe celle-ci à tout ou partie de la plus-value acquise par le bien et ordonne que le condamné pourra s'exécuter valablement en remettant les lieux en état dans le délai d'un an. Le paiement de la somme se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget de la Région. § 3. Les droits de la partie civile sont limités pour la réparation directe à celle choisie par l'autorité compétente, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du condamné. § 4. Sans préjudice de l'application du chapitre XXIII du livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire, le jugement ordonne que, lorsque les lieux ne sont pas remis en état ou les travaux et ouvrages ne sont pas exécutés dans le délai prescrit, le fonctionnaire délégué, le collège des bourgmestre et échevins et éventuellement la partie civile pourront pourvoir d'office à son exécution.
L'administration ou la partie civile qui exécute le jugement a le droit de vendre les matériaux et objets résultant de la remise en état des lieux, de les transporter, de les entreposer et de procéder à leur destruction en un lieu qu'elle choisit.
Le condamné est contraint au remboursement de tous les frais d'exécution, déduction faite du prix de la vente des matériaux et objets, sur présentation d'un état taxé et rendu exécutoire par le juge des saisies. § 5. Lorsque le jugement ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins conformément au paragraphe 1er, soit la remise en état des lieux, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, ceux-ci sont exécutés par le condamné sans qu'il doive obtenir le permis visé à l'article 84.
Toutefois, le condamné est tenu de prévenir le collège des bourgmestre et échevins, huit jours avant le début des travaux; le collège pourra imposer des conditions d'exécution, notamment en ce qui concerne la sécurité et la salubrité publique. § 6. Lorsque l'infraction ne consiste pas dans l'exécution de travaux ou l'accomplissement d'actes contraires aux prescriptions des plans d'aménagement, des règlements pris en exécution du présent livre ou d'un permis de lotir et que ces travaux et actes sont susceptibles de recevoir le permis d'urbanisme requis eu égard à la destination générale de la zone et à son caractère architectural, le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué de commun accord avec le collège des bourgmestre et échevins peut transiger avec le contrevenant, moyennant paiement dans le délai qu'il indiquera d'une somme égale au double du montant de la taxe sur les bâtisses, laquelle reste néanmoins due à la commune. Le Gouvernement détermine les sommes à payer par catégorie de travaux et d'actes qui ne sont pas soumis à la taxe sur les bâtisses.
Le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué ne peut proposer valablement une transaction qu'au cas où le procureur du Roi n'a pas marqué son intention de poursuivre dans les nonante jours de la demande qui lui est faite.
Le versement du montant de la transaction se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget de la Région. Il éteint l'action publique et le droit pour les autorités publiques à demander toute autre réparation. § 7. A la demande des acquéreurs ou des locataires, le tribunal peut annuler leur titre d'acquisition ou de location, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du coupable. » B.1.3. La question préjudicielle indique qu'elle a pour objet les « articles 67, §§ 1er et 2, du C.W.A.T.U.P., arrêté du 14 mai 1984, et 155, §§ 1er et 2, du C.W.A.T.U.P., décret [du] 27 novembre 1997, qui permettent au fonctionnaire délégué de l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire de la Région wallonne d'intervenir au procès pénal pour y poursuivre, sans être titulaire de l'action publique et sans devoir se soumettre aux règles qui gouvernent la constitution de partie civile, une action qui ressortit à l'action publique et a pour objet une demande à caractère civil ».
B.1.4. L'arrêté de l'Exécutif wallon du 14 mai 1984 précité a été modifié par le décret du 27 novembre 1997; une large partie du livre Ier a été remplacée et les dispositions qui figuraient à l'article 67 figurent, depuis la modification de 1997, à l'article 155 de l'arrêté modifié (et non du décret du 27 novembre 1997).
Les modifications que le décret apporte à cette disposition comprennent l'ajout d'un paragraphe 1er et d'un paragraphe 3, de sorte que les paragraphes 1er et 2 de l'article 67 correspondent depuis ces modifications aux paragraphes 2 et 4 de l'article 155.
Il s'ensuit que l'objet de la question préjudicielle doit être précisé.
B.1.5. L'intervention du fonctionnaire délégué, qui est au centre de la question préjudicielle, fait l'objet de l'article 67, §§ 1er et 2, et de l'article 155, §§ 1er, 2 et 4. La Cour constate que la motivation de l'arrêt a quo ne permet pas d'identifier avec précision celles de ces dispositions qui sont en cause : l'arrêt énonce en effet (p. 6) : « Attendu que le fonctionnaire délégué de la Région wallonne est intervenu à la cause à la suite des poursuites diligentées par le ministère public; Que si l'interprétation de l'article 67 du C.W.A.T.U.P., décret [lire : arrêté] du 14 mai 1984, a donné lieu à de nombreuses controverses quant à la possibilité de cette intervention aux fins de poursuivre devant le tribunal correctionnel l'un des modes de réparation visés à la même disposition, l'article 155 du C.W.A.T.U.P., décret du 27 novembre 1997, actuellement en vigueur, prévoit expressément la possibilité de cette intervention;
Que les prévenus relèvent, à cet égard, que l'article 67, § 1er, du C.W.A.T.U.P., arrêté du 14 mai 1984, et à sa suite l'article 155, § 1er, décret du 27 novembre 1997, introduisent dans le procès pénal un nouvel acteur chargé de la défense d'un intérêt public, intervenant qui appartient au pouvoir exécutif régional ».
Il faut constater cependant que le décret du 27 novembre 1997 est entré en vigueur le 1er mars 1998 (article 19 du décret), c'est-à -dire postérieurement aux faits pour lesquels les intimés devant le juge a quo sont poursuivis. La Cour constate par ailleurs que tant le Tribunal correctionnel de Charleroi statuant en première instance dans la même affaire (jugement du 26 mai 1997) que les intimés dans leurs conclusions devant le juge a quo - en ce compris le texte de la question préjudicielle qu'ils demandaient à celui-ci de poser à la Cour - ne se sont référés qu'à l'article 67, § 1er.
B.1.6. La question préjudicielle doit donc être entendue comme portant sur l'article 67, §§ 1er et 2, de l'arrêté précité du 14 mai 1984.
B.1.7. Dans son mémoire, le fonctionnaire délégué estime que la question préjudicielle est irrecevable si elle est entendue comme remettant en cause le principe même de son intervention volontaire devant les juridictions : le juge de première instance a en effet déclaré cette intervention recevable et il n'a pas été fait appel de cette décision.
Contrairement à ce que soutient le fonctionnaire délégué, la question préjudicielle ne tend pas à remettre en cause le principe même de son intervention mais à vérifier si l'action qu'il exerce et qui, selon la question préjudicielle, ressortit à l'action publique et a pour objet une demande à caractère civil, peut, en respectant les normes qu'elle cite, être exercée sans que le fonctionnaire délégué soit titulaire de l'action publique et sans qu'il doive se soumettre aux règles qui gouvernent la constitution de partie civile.
B.2.1. L'article 67 précité établit une différence de traitement entre les personnes poursuivies du chef d'infraction au Code wallon de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme et les autres justiciables, en ce qu'il permet au fonctionnaire délégué représentant l'administration régionale d'intervenir dans l'instance pénale à laquelle les premières sont parties. Selon l'argumentation défendue devant le juge a quo par les prévenus, telle qu'elle figure dans la motivation de l'arrêt qui saisit la Cour, cette intervention permettrait au fonctionnaire délégué, sans se constituer partie civile, de solliciter une mesure à caractère civil relevant de l'exercice de l'action publique et priverait, faute de constitution de partie civile, le justiciable acquitté de la possibilité de demander des dommages et intérêts sur la base de l'article 191 du Code d'instruction criminelle. Il est donc reproché aux dispositions en cause de permettre, selon les termes de l'arrêt a quo, qu'une « mesure à caractère civil qui ressortit à l'exercice de l'action publique » puisse être sollicitée sans constitution de partie civile, alors qu'une constitution de partie civile serait requise pour obtenir, dans d'autres matières, une mesure analogue.
B.2.2. L'article 191 du Code d'instruction criminelle dispose : « Si le fait n'est réputé ni délit ni contravention de police, le tribunal annulera l'instruction, la citation et tout ce qui aura suivi, renverra le prévenu, et statuera sur les demandes en dommages-intérêts. » B.3.1. Le pouvoir, conféré au fonctionnaire délégué, de poursuivre devant le tribunal correctionnel les mesures de réparation en cause a été inscrit à l'article 65 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, dont le paragraphe 1er (dans la rédaction qui lui avait été donnée par la loi du 22 décembre 1970) prévoyait : « Outre la pénalité, le tribunal ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins, mais moyennant leur commun accord dans les cas visés aux b et c : a) soit la remise en état des lieux;b) soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement;c) soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction. Le tribunal fixe à cette fin un délai qui, dans les cas visés aux a et b, ne peut dépasser un an.
En cas de condamnation au paiement d'une somme, le tribunal fixe celle-ci à tout ou partie de la plus-value acquise par le bien et ordonne que le condamné pourra s'exécuter valablement en remettant les lieux en état dans le délai d'un an. Le paiement de la somme se fait entre les mains du receveur de l'enregistrement à un compte spécial du budget dont le Ministre a la gestion.
Les droits de la partie civile sont limités pour la réparation directe à celle choisie par l'autorité compétente, sans préjudice du droit à l'indemnisation à charge du condamné. » Ce faisant, cette disposition, entre-temps reprise à l'article 67 de l'arrêté en cause, subordonnait déjà à une demande, le cas échéant, du fonctionnaire délégué les mesures de réparation, autres que l'indemnisation, ordonnées par le tribunal correctionnel.
B.3.2. Le législateur qui, en 1962, n'avait prévu d'autre mode de réparation que la remise en état des lieux, avait entendu que la loi, grâce à la mesure en cause, ne reste pas lettre morte, d'autant que « pareille carence [...] porte toujours atteinte au prestige de l'autorité publique » (Doc. parl., Sénat, 1969-1970, no 525, p. 66); il avait souligné la spécificité de la mesure en constatant : « Le système de la réparation des infractions, en matière de voirie notamment, est possible soit par un texte exprès, soit même en l'absence de toute disposition légale.
La jurisprudence estime, en effet, qu'en vertu de l'article 161 du Code d'instruction criminelle [...], le tribunal répressif prononçant la peine statue par le même jugement sur les demandes en restitution et en dommages-intérêts.
Il en résulte qu'en l'absence de texte exprès, le juge peut ordonner la remise des lieux en état, puisqu'aussi bien on ne saurait laisser perpétuer l'atteinte aux lois et règlements. L'on ne peut dès lors plus dire que cette réparation soit civile, puisqu'il s'agit surtout d'un intérêt de police, sans que ce soit une peine. C'est un accessoire de la peine comminée, faisant essentiellement partie de la répression de l'infraction. » (Doc. parl., Sénat, 1958-1959, no 124, p. 81) Lors de la modification de l'article 65 précité en 1970, le ministre avait relevé « que l'on se trouve en matière de réparation et non de peine proprement dite ».(Doc. parl., Sénat, 1969-1970, no 525, p. 68) Il s'agissait donc essentiellement de faire en sorte que force reste à la loi.
Le législateur a par ailleurs jugé que le fonctionnaire délégué faisait partie de ceux qui sont en mesure d'apprécier le caractère opportun et l'importance d'une réparation (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, no 559, p. 49).
B.3.3. Eu égard à ces éléments, le législateur a pu estimer que l'habilitation ainsi conférée au fonctionnaire délégué constituait une mesure pertinente au regard de l'objectif poursuivi; celui-ci ne requiert pas qu'il soit fait usage du mécanisme de l'action civile à laquelle se réfère la question, dès lors que cette action vise à permettre à la victime d'une infraction d'obtenir du juge pénal la réparation de son dommage; l'habilitation conférée au fonctionnaire délégué a pour fonction de lui permettre de remplir la mission d'intérêt général dont il est chargé, la réparation en cause étant fonction du bon aménagement des lieux et non du dommage subi par des personnes déterminées.
B.4. La mesure en cause ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des prévenus : ceux-ci disposent, devant le tribunal correctionnel, des garanties juridictionnelles reconnues à tout justiciable; ils disposent en outre de celle consistant en l'octroi de dommages et intérêts sanctionnant une intervention du fonctionnaire délégué constituant une faute au sens de l'article 1382 du Code civil.
Les différences entre cette dernière action et les demandes de dommages et intérêts visées à l'article 191 du Code d'instruction criminelle, auquel la motivation de l'arrêt a quo se réfère, peuvent être justifiées par les spécificités du pouvoir conféré au fonctionnaire délégué, telles qu'elles figurent sub B.3.1 à B.3.3.
B.5. Il est également demandé à la Cour de contrôler les dispositions en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ce contrôle aboutit à la même conclusion en raison des considérations qui précèdent.
B.6. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 67, §§ 1er et 2, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 décembre 2003.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.