publié le 23 février 2004
Extrait de l'arrêt n° 20/2004 du 4 février 2004 Numéros du rôle : 2625 et 2634 En cause : les recours en annulation de la loi du 11 décembre 2002 « portant assentiment à la Con(...)
Extrait de l'arrêt n° 20/2004 du 4 février 2004 Numéros du rôle : 2625 et 2634 En cause : les recours en annulation de la loi du 11 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/2002 pub. 20/12/2002 numac 2002015174 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, aux Protocoles Ier et II et à l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001 (2) fermer « portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, aux Protocoles Ier et II et à l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001 », introduits par H. Bleijlevens et par J. Groeneveld et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, M. Bossuyt, E. De Groot, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 4 et 14 février 2003 et parvenues au greffe les 5 et 17 février 2003, un recours en annulation de la loi du 11 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/2002 pub. 20/12/2002 numac 2002015174 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, aux Protocoles Ier et II et à l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001 (2) fermer « portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, aux Protocoles Ier et II et à l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001 » (publiée au Moniteur belge du 20 décembre 2002, deuxième édition), dans la mesure où l'assentiment porte sur l'article 18, § 2, de la Convention, a été introduit par : - H. Bleijlevens, demeurant à 3620 Lanaken, Pannestraat 259; - J. Groeneveld, demeurant à 2460 Kasterlee, Kattenberg 132, A. Huart, demeurant à 1160 Bruxelles, avenue J. Van Horenbeeck 204, A. Moulijn, demeurant à 2970 Schilde, Gouwberg 4, J. Ramaer, demeurant à 1560 Hoeilaart, Sterrenlaan 5, A. Schuur, demeurant à 2920 Kalmthout, Rodeweg 30, C. van Sambeek, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue de Messidor 95, et J. van Vliet, demeurant à 2360 Oud-Turnhout, Corsendonk 9.
La demande de suspension de la même norme, introduite par H. Bleijlevens, a été rejetée par l'arrêt no 45/2003 du 9 avril 2003, publié au Moniteur belge du 28 juillet 2003.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 2625 et 2634 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la convention fiscale belgo-néerlandaise du 5 juin 2001 B.1.1. La Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que les Protocoles Ier et II et l'échange de lettres, qui font partie intégrante de cette Convention, ont été signés à Luxembourg le 5 juin 2001.
La loi portant assentiment à cette Convention, aux Protocoles et à l'échange de lettres date du 11 décembre 2002. Les seuls articles de cette loi disposent comme suit : «
Article 1er.La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2.La Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, les Protocoles Ier et II et l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001, sortiront leur plein et entier effet. » En application de l'article 33, § 1er, de la Convention, les Etats contractants se sont mutuellement informés, le 16 décembre 2002, de l'accomplissement des procédures de droit interne requises pour l'entrée en vigueur de cette Convention.
Conformément aux dispositions de l'article 33, § 1er, de la Convention, celle-ci est entrée en vigueur le 31 décembre 2002.
La loi d'assentiment, la Convention, les Protocoles et les lettres ont été publiés au Moniteur belge du 20 décembre 2002.
B.1.2. L'article 18 de la Convention précitée règle le pouvoir d'imposition de la Belgique et des Pays-Bas en matière de pensions et d'autres rémunérations similaires payées à un résident d'un Etat contractant au titre d'un emploi antérieur, ainsi qu'en matière de rentes et d'allocations - périodiques ou non - provenant de l'épargne-pension, de fonds de pension et d'assurances de groupe, qui sont payées à un résident d'un Etat contractant (article 18, § 1er, a, de la Convention).
La règle générale veut que l'Etat de résidence du bénéficiaire détienne le pouvoir d'imposition (article 18, § 1er). Par dérogation à ce principe, le paragraphe 2 de l'article 18 accorde également à l'Etat de la source un pouvoir d'imposition si certaines conditions sont simultanément remplies. L'article 18, §§ 1er et 2, énonce : « Pensions, rentes, allocations de sécurité sociale et rentes alimentaires 1. a) Sous réserve des dispositions de l'article 19, paragraphe 2, les pensions et autres rémunérations similaires, payées à un résident d'un Etat contractant au titre d'un emploi antérieur, ainsi que les rentes et allocations - périodiques ou non - provenant de l'épargne-pension, de fonds de pension et d'assurances de groupe, qui sont payées à un résident d'un Etat contractant, ne sont imposables que dans cet Etat.b) Les pensions et autres allocations, périodiques ou non, payées en exécution de la législation sociale d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans ce dernier Etat.2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1er, un élément de revenu visé dans ce paragraphe est aussi imposable dans l'Etat contractant d'où il provient et selon la législation de cet Etat si et dans la mesure où : a) en ce qui concerne les éléments de revenu visés au paragraphe 1, a, le droit à cet élément de revenu a été exempté d'impôt dans l'Etat contractant d'où il provient, ou les cotisations payées à ce titre au fonds de pension, au fonds d'épargne-pension ou à la société débitrice de cet élément de revenu ont été par le passé, soit déduites lors de la détermination du revenu imposable dans cet Etat, soit prises en considération pour l'octroi d'un autre avantage fiscal dans cet Etat; et b) en ce qui concerne les éléments de revenu visés au paragraphe 1er, a et b, cet élément de revenu n'est pas soumis, dans l'Etat contractant dont le bénéficiaire est un résident, au taux d'imposition généralement applicable aux revenus de professions dépendantes ou moins de 90 pour cent du montant brut de cet élément de revenu est soumis à l'impôt dans cet Etat. Les dispositions qui précèdent ne s'appliquent toutefois que lorsque le montant brut total des éléments de revenu qui, en vertu des dispositions qui précèdent, seraient imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, excède au cours de l'année civile un montant de 25.000 euros. » B.2. Il se déduit des requêtes dans les affaires nos 2625 et 2634, ainsi que des interventions dans l'affaire citée en dernier lieu, qu'il est demandé à la Cour d'annuler la loi du 11 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/2002 pub. 20/12/2002 numac 2002015174 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, aux Protocoles Ier et II et à l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001 (2) fermer « portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, aux Protocoles Ier et II et à l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001 », en tant qu'elle approuve l'article 18, § 2, de la Convention précitée.
B.3. L'article 2 de la loi d'assentiment du 11 décembre 2002 dispose que la convention, les Protocoles et l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001, « sortiront leur plein et entier effet ».
Le contrôle de la Cour implique l'examen du contenu des dispositions de la Convention et des Protocoles. La Cour devra donc exercer son contrôle en tenant compte de ce qu'il ne s'agit pas d'un acte de souveraineté unilatéral mais d'une norme conventionnelle par laquelle la Belgique a pris un engagement de droit international à l'égard d'un autre Etat.
B.4. Les parties intervenantes H. Bleijlevens, également requérant dans l'affaire no 2625, et G. Starmans dénoncent, dans leur mémoire en intervention dans l'affaire no 2634, la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Seule l'hypothèse visée à l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 permet que des moyens nouveaux soient articulés. Etant donné que le mémoire en intervention n'est pas fondé sur l'article 85, mais sur l'article 87 de la loi précitée, le moyen nouveau qui y est formulé est irrecevable.
B.5.1. En vertu de l'article 18 de la Convention entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et à régler certaines autres questions en matière fiscale, signée à Bruxelles le 19 octobre 1970 (ci-après « l'ancienne convention fiscale »), les pensions et autres rémunérations similaires versées à un résident d'un Etat contractant au titre d'un emploi antérieur ne sont imposables que dans cet Etat. En vertu de cette disposition, l'Etat de résidence du bénéficiaire est compétent pour percevoir l'impôt.
La « nouvelle convention fiscale » est constituée par la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, les Protocoles Ier et II et l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001. L'article 18, § 1er, a, de la Convention maintient ce principe et prévoit une imposition dans l'Etat de résidence pour les pensions et autres rémunérations similaires payées à un résident d'un Etat contractant au titre d'un emploi antérieur ainsi que pour les rentes et allocations - périodiques ou non - provenant de l'épargne-pension, de fonds de pension et d'assurances de groupe.
Le paragraphe 2 contient une exception à cette règle et octroie également à l'Etat de la source, c'est-à -dire l'Etat d'où proviennent les éléments de revenu précités, un droit d'imposition afférent aux éléments de revenu précités si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : a) la constitution des revenus en question a fait l'objet, dans l'Etat de la source, d' « avantages fiscaux », ce qui implique que le droit à la pension dans l'Etat de la source a été constitué en exemption d'impôt ou que les cotisations ont fait l'objet d'avantages fiscaux dans l'Etat de la source; b) les revenus en question ne sont pas taxés, dans l'Etat de résidence du bénéficiaire, au taux d'imposition généralement applicable aux revenus de professions dépendantes, ou moins de 90 p.c. du montant brut des revenus en question est soumis à l'impôt dans l'Etat de résidence; c) le montant brut total des revenus en question excède, au cours de l'année civile, un montant de 25.000 euros.
En cas d'application du paragraphe 2, la double imposition est évitée conformément à l'article 23 de la nouvelle convention fiscale.
B.5.2. Les requérants déclarent bénéficier de pensions extralégales périodiques répondant aux conditions émises au paragraphe 2 de l'article 18 de la nouvelle convention fiscale, de sorte qu'ils seront imposés aux Pays-Bas dès le 1er janvier 2003, où ils sont en principe imposés sur une base progressive. Sous l'empire de l'ancienne convention fiscale, ils étaient en revanche imposés en Belgique, où ces pensions, selon les requérants, étaient imposées sur la base de l'article 39, § 2, 2o, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : C.I.R. 1992) au titre de revenus du patrimoine mobilier, ce qui donnait lieu à un taux d'imposition inférieur.
La Cour limite son examen à la situation des personnes qui, en tant que particuliers, bénéficient de pensions complémentaires périodiques.
B.6. Il ressort des travaux préparatoires de la loi d'assentiment qu'une réforme de la convention préventive de la double imposition de 1970 s'imposait afin de trouver une solution « pour un certain nombre de problèmes délicats soulevés au cours des dernières années, comme notamment l'imposition [...] des pensions et l'émigration fiscale » (Doc. parl., Sénat, 2001-2002, no 2-1293/1, p. 7).
A cet égard, le ministre compétent déclara au Sénat que la Belgique plaide déjà depuis 1989 au sein de l'O.C.D.E. en faveur du principe de l'imposition dans l'Etat de la source pour certaines pensions et ce, pour des raisons d'équité fiscale, et que, plus particulièrement, « une telle imposition dans l'Etat de la source est également justifiée étant donné les circonstances propres à l'imposition des pensions privées dans les relations entre la Belgique et les Pays-Bas [...] » (Doc. parl., 2002-2003, no 2-1293/3, pp. 8 et 9).
Plus spécifiquement, l'attention a été attirée sur le problème de la « fuite des pensions », ce qui implique qu'un habitant des Pays-Bas déménage en Belgique, transfère le capital pension qu'il a constitué en exemption d'impôt aux Pays-Bas à un assureur pension établi en Belgique et rachète ensuite le capital pension, ce qui peut se faire, sous certaines conditions, en exemption d'impôt en Belgique (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, no 2-1293/2, p. 44), et, de façon plus générale, sur le souhait des Etats contractants de réaliser un équilibre « au niveau de l'imposition des pensions lors de la phase de constitution et lors de la phase de versement des prestations » (ibid., no 2-1293/3, p. 9).
Conformément à l'exposé des motifs commun de la nouvelle convention fiscale, « l'idée directrice [de l'article 18 de la nouvelle convention belgo-néerlandaise] est de garantir un fonctionnement transfrontalier cohérent du système applicable en matière de pensions et de rentes, qui consiste, d'une part, à permettre la constitution en exemption d'impôt - via la déduction des cotisations - des droits aux pensions ou aux rentes et, d'autre part, à imposer les prestations de retraite.
A cet égard, la répartition des pouvoirs d'imposition convenue à l'article 18 permet d'obtenir un équilibre entre les avantages fiscaux accordés lors de la constitution des droits aux pensions ou rentes et l'imposition des pensions et rentes ou des capitaux et valeurs de rachat » (ibid., no 2-1293/2, p. 45).
Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.7. Dans un premier moyen dans l'affaire no 2634 et dans l'affaire no 2625, il est soutenu que l'article 18, § 2, de la nouvelle convention fiscale viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 172 de la Constitution, en ce qu'il soumet des revenus de pension provenant des Pays-Bas à une imposition dans l'Etat de la source, alors que les revenus des pensions provenant de Belgique (première branche du moyen) ou d'un autre Etat contractant (deuxième branche du moyen) sont soumis à l'imposition dans l'Etat de résidence et sont donc imposés en Belgique. Les contribuables résidant en Belgique seraient dès lors traités de manière inégale suivant l'origine de leur pension. Selon les requérants, l'imposition litigieuse dans l'Etat de la source n'est pas pertinente au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, étant donné qu'elle frappe tant les contribuables participant à la fuite des pensions que les contribuables qui ont déménagé en Belgique pour d'autres raisons que des raisons fiscales.
B.8.1. L'article 18, § 2, de la nouvelle convention fiscale est applicable à une catégorie de contribuables objectivement déterminée, les résidents de Belgique ou des Pays-Bas qui perçoivent des revenus de pension définis à l'article 18, § 1er, a, de ladite convention, qui proviennent de l'autre Etat et qui satisfont aux trois conditions visées à l'article 18, § 2, a et b : premièrement, avoir été constitués sous le régime d'avantages fiscaux dans le pays d'où provient l'élément du revenu, deuxièmement, ne pas être imposés de manière progressive dans l'Etat de résidence ou être imposable pour moins de 90 p.c. et, troisièmement, s'élever annuellement à plus de 25.000 euros bruts. Seuls ces contribuables sont imposés dans l'Etat de la source, alors que les contribuables qui ne répondent pas à cette définition sont imposés dans l'Etat de résidence.
B.8.2. L'imposition dans l'Etat de la source critiquée par les requérants est adéquate au regard de l'objectif du législateur belge qui, d'abord, poursuit un équilibre fiscal, s'agissant de l'imposition de pensions extralégales, entre l'imposition dans la phase de constitution et l'imposition dans la phase de versement et qui, ensuite, consiste à lutter contre la « fuite des pensions », de nombreux Néerlandais transférant leur domicile en Belgique pour des raisons principalement fiscales. En effet, une telle imposition dans l'Etat de la source rend l'émigration fiscale des Néerlandais vers la Belgique moins attrayante et permet à la Belgique, en conformité avec sa politique, de taxer les allocations de pension constituées fiscalement en Belgique même lorsqu'elles sont versées aux Pays-Bas, tout comme elle permet aux Pays-Bas de mener en la matière une politique fiscale équilibrée.
L'argument des requérants, selon lequel il existe aussi un déséquilibre fiscal, dans un contexte purement belge, s'agissant de l'imposition de pensions extralégales, entre l'imposition dans la phase de constitution et l'imposition dans la phase de versement, fait fi de la circonstance qu'il s'agit en l'occurrence de revenus de pension de résidents de Belgique qui ont été constitués en Belgique et qui n'entrent pas dans le champ d'application d'une quelconque convention préventive de la double imposition et à l'égard desquels la Belgique, sur la base du principe de la souveraineté fiscale de l'Etat, peut mener la politique fiscale qu'elle estime souhaitable.
B.8.3. L'imposition litigieuse dans l'Etat de la source ne peut pas davantage être considérée comme disproportionnée, même si l'on tient compte du fait que la fiscalité belge relative à l'imposition d'allocations de pension serait moins lourde que la fiscalité néerlandaise. Le principe d'égalité n'exige pas que, dans chacune des conventions qu'elle négocie avec les Etats voisins pour éviter les phénomènes de double imposition, la Belgique se préoccupe d'assurer cas par cas aux contribuables le régime qui leur serait à tout moment le plus favorable.
B.8.4. La seconde branche du moyen selon laquelle les allocations de pension provenant d'un autre pays que les Pays-Bas sont en principe imposables en Belgique et non dans l'Etat de la source, de sorte qu'il existerait une distinction injustifiée au sein de la catégorie des résidents de Belgique qui perçoivent une pension constituée à l'étranger, manque de fondement : le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination n'implique nullement que l'Etat belge ne puisse conclure des conventions avec d'autres parties contractantes qu'à la condition que ces conventions règlent les mêmes matières de manière analogue. La Cour doit seulement examiner s'il existe, parmi les contribuables qui entrent dans le champ d'application d'une telle convention, des différences de traitement insusceptibles de justification raisonnable. Le fait que des contribuables qui entrent dans le champ d'application de conventions internationales différentes soient traités différemment n'est pas en soi discriminatoire.
B.8.5. Le moyen ne peut être accueilli.
En ce qui concerne le deuxième moyen B.9. Dans le deuxième moyen dans l'affaire no 2634, les requérants dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 10, 18, 39, 43 et 49 du Traité C.E. (respectivement les anciens articles 5, 8A, 48, 52 et 59 du Traité C.E.). L'imposition contestée dans l'Etat de la source constituerait une entrave à la libre circulation des personnes et des services en ce que le résident (futur ou non) de Belgique sera contraint de cesser ses activités professionnelles aux Pays-Bas s'il veut éviter que sa pension provenant des Pays-Bas dépasse les 25.000 euros bruts (première branche). Ensuite, cette imposition dans l'Etat de la source rendrait inattrayant le séjour en Belgique, étant donné que les citoyens retraités de l'Union européenne auxquels l'imposition litigieuse dans l'Etat de la source serait applicable seront incités à s'établir dans d'autres Etats qui ont conclu avec les Pays-Bas des conventions ne prévoyant pas d'imposition dans l'Etat de la source (deuxième branche). Enfin, l'imposition dans l'Etat de la source compromettrait la faculté de pouvoir faire usage des possibilités du marché intérieur (troisième branche).
B.10. Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, en l'absence de mesures d'unification ou d'harmonisation communautaire, les Etats membres sont compétents pour déterminer les critères d'imposition des revenus et de la fortune en vue d'éliminer, le cas échéant par la conclusion de conventions fiscales bilatérales, les doubles impositions. Dans ce contexte, les Etats membres sont libres, dans le cadre des conventions bilatérales, de fixer les facteurs de rattachement qui répartissent la compétence fiscale. Toutefois, en ce qui concerne l'exercice du pouvoir d'imposition ainsi réparti, les Etats membres sont tenus de se conformer aux règles communautaires et, plus particulièrement, de respecter le principe du traitement égal des ressortissants des autres Etats membres et de leurs propres ressortissants qui ont fait usage des libertés garanties par le Traité (C.J.C.E., 12 mai 1998, no C-336/96, Gilly c. Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin, Rec., 1998, I, 2793, points 24 et 30; C.J.C.E., 12 décembre 2002, no C-385/00, F.W.L. de Groot c. Staatssecretaris van Financiën, points 93 et 94).
A supposer que la situation des requérants entre dans le champ d'application des articles 39 et 43 du Traité C.E., la Cour n'aperçoit pas, en l'espèce, en quoi une règle telle celle visée à l'article 18, § 2, de la nouvelle convention fiscale porterait atteinte aux droits garantis par les articles 39 et 43 du Traité C.E., en particulier à l'interdiction de discrimination fondée sur la nationalité - étant donné que la règle entreprise est applicable quelle que soit la nationalité du résident en question - et à l'interdiction d'entraver la jouissance des droits précités. Au sens strict, la disposition en question se borne à fixer les critères de répartition du pouvoir d'imposition. En effet, selon la Cour de justice, « le caractère favorable ou défavorable du traitement fiscal des contribuables concernés ne découle pas à proprement parler du choix du facteur de rattachement, mais du niveau d'imposition de l'Etat compétent, en l'absence d'harmonisation, sur le plan communautaire, des barèmes d'impôts directs ». Par ailleurs, « l'objet d'une convention telle que celle en cause est seulement d'éviter que les mêmes revenus soient imposés dans chacun des deux Etats. Il n'est pas de garantir que l'imposition à laquelle est assujetti le contribuable dans un Etat ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans l'autre. » (C.J.C.E., 12 mai 1998, no C-336/96, Gilly c. Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin, Rec., 1998, I, 2793, points 34 et 46).
Il résulte de ce qui précède que les violations alléguées des articles 18, 39 et 43 du Traité C.E. ne peuvent être retenues. Pour les mêmes raisons, la Cour n'aperçoit pas en quoi l'article 49 du Traité C.E. serait violé.
N'étant pas fondée sur d'autres arguments que ceux qui ont été examinés ci-avant, la troisième branche du moyen ne doit pas être examinée plus avant.
En ce qui concerne le troisième moyen B.11. Par leur troisième moyen dans l'affaire no 2634 ainsi que dans l'affaire no 2625, les requérants font valoir que le critère des « 25.000 euros par année civile », visé à l'article 18, § 2, de la nouvelle convention fiscale, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 172 de la Constitution, au motif que pareil critère ne serait ni pertinent (première branche), ni proportionné (deuxième branche).
B.12.1. Le critère critiqué par les requérants établit une distinction au sein de la catégorie des résidents de Belgique et des résidents des Pays-Bas qui perçoivent des pensions et d'autres revenus visés à l'article 18, § 1er, a, de la nouvelle convention fiscale, lesquels proviennent de l'autre Etat, où ils ont été constitués sur la base d'avantages fiscaux et qui ne sont pas imposés dans l'Etat de résidence au taux d'imposition généralement applicable aux revenus de professions dépendantes, selon que le montant brut total de ces éléments de revenu qui seraient imposables dans l'Etat d'où ils proviennent excède le montant de 25.000 euros au cours de l'année civile (appelé ci-après la « limite de 25.000 euros »). Le principe de l'imposition dans l'Etat de la source n'est applicable qu'au-delà du montant de 25.000 euros bruts par année civile. En dessous de ce plafond, c'est le principe de l'imposition dans l'Etat de résidence qui est applicable.
B.12.2. Les travaux préparatoires font apparaître que dans le cadre de la répartition de la compétence fiscale, il a été tenté de réaliser un « équilibre » entre les avantages fiscaux accordés lors de la constitution de la pension et l'imposition lors du versement. A cet égard, le ministre compétent a déclaré que la limite de 25.000 euros bruts « forme [...] le point charnière d'un rapport acceptable entre les avantages fiscaux accordés par l'Etat de la source pendant la phase de constitution de la pension et le régime d'imposition ultérieurement appliqué aux prestations dans l'Etat de résidence » (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, no 2-1293/3, pp. 10 et 11).
B.12.3. Le critère du montant de 25.000 euros bruts par année civile est objectif et pertinent. L'exposé des motifs commun de la nouvelle convention fiscale fait apparaître que ce montant « a été obtenu en extrapolant sur un grand nombre d'années dans le futur le montant moyen des prestations payées en 1999 aux Pays-Bas pour les régimes de retraite du premier et du second pilier. Cette limite permet donc de garantir que seule la règle principale du paragraphe 1er de l'article 18 est applicable dans le cas des personnes ne percevant pas plus qu'une telle pension moyenne » (ibid., p. 48).
B.12.4. Même s'il devait apparaître, comme le soutiennent les requérants, que le « déséquilibre », constaté entre les avantages fiscaux obtenus lors de la constitution de la pension et l'imposition lors du versement, existe également dans le contexte interne belge, que les pensions jusqu'à 25.000 euros bruts par an ont également fait l'objet d'avantages fiscaux aux Pays-Bas et que le « déséquilibre » précité pour les pensions jusqu'à 25.000 euros bruts par an est le même aux Pays-Bas que pour les pensions dépassant 25.000 euros bruts dans un contexte belgo-néerlandais, la limite de 25.000 euros est malgré tout pertinente par rapport à l'objectif du législateur, qui entend réaliser un équilibre raisonnable entre les facilités obtenues lors de la constitution et l'imposition lors du versement. En effet, le critère en question permet de ne toucher que les bénéficiaires d'une pension supérieure à la moyenne, les Etats contractants estimant que la discordance entre les facilités fiscales obtenues lors de la constitution de ces pensions supérieures et l'imposition lors du versement est tellement importante que seules ces situations sont considérées comme déséquilibrées.
B.12.5. La limite de 25.000 euros ne peut pas davantage être considérée comme manifestement disproportionnée. Les Etats contractants peuvent estimer que, pour les pensions jusqu'à un montant de 25.000 euros bruts par an, le principe de l'imposition dans l'Etat de résidence peut être maintenu parce que le déséquilibre entre les facilités fiscales obtenues lors de la constitution d'une telle pension et l'imposition lors du versement est perçu comme moins gênant, contrairement à ce qui est prévu pour les pensions au-delà d'un montant de 25.000 euros bruts par année civile.
Ainsi qu'il a été dit au B.8.3, le principe d'égalité n'exige pas que, dans chacune des conventions qu'elle négocie avec les Etats voisins pour éviter les phénomènes de double imposition, la Belgique se préoccupe d'assurer cas par cas au contribuable le régime qui lui serait à tout moment le plus favorable. Ni la circonstance que l'imposition soit plus lourde aux Pays-Bas que celle qui serait perçue en Belgique sans modification de la compétence fiscale, ni le fait que le régime fiscal applicable aux pensions inférieures à 25.000 euros bruts, par suite de leur imposabilité en Belgique, soit plus favorable que le régime fiscal néerlandais applicable aux pensions dépassant 25.000 euros bruts, ne sont dès lors de nature à rendre le critère du montant de 25.000 euros bruts disproportionné.
En ce qui concerne le quatrième moyen B.13. Dans un quatrième moyen, les parties requérantes dans l'affaire no 2634 dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec le principe de la sécurité juridique. Dans une première branche, elles font valoir que les effets de la loi d'assentiment ne sont pas proportionnés aux objectifs poursuivis par le législateur, étant donné que la nouvelle convention fiscale ne prévoit pas de mesures transitoires pour les contribuables de Belgique qui perçoivent certes des pensions provenant des Pays-Bas mais qui ne sont pas mus par la fuite des pensions. Dans une deuxième branche, elles estiment que l'article 18, § 2, concerne une situation fiscale révolue et a de facto un effet rétroactif, sans que des conditions particulières soient invoquées pour ce faire et sans que la convention prévoie une mesure transitoire, de sorte qu'elles sont affectées de manière excessive dans leurs droits à la pension. Dans une troisième branche, les requérants font valoir que les résidents de Belgique qui, au moment où leur pension a pris cours, ont choisi le rachat ou le versement en capital sont traités différemment par rapport à ceux qui ne l'ont pas fait ou ne l'ont pu faire.
B.14.1. En tant qu'il est fondé sur la thèse des requérants selon laquelle l'article 18, § 2, revêt de facto un effet rétroactif « puisque la constitution d'une pension s'étale par définition sur une très longue période », le quatrième moyen ne peut être accueilli. Aux termes de l'article 33, § 2, a, de la nouvelle convention fiscale, la convention s'applique aux impôts dus à la source sur les revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier de l'année qui suit immédiatement celle de l'entrée en vigueur de la convention, soit le 1er janvier 2003.
B.14.2. En réalité, le moyen dénonce l'absence de dispositions transitoires dans la convention elle-même pour les prestations périodiques qui courent déjà , lesquelles sont déjà versées au moment où l'article 18, § 2, de la nouvelle convention fiscale entre en vigueur. Ces prestations, qui étaient, les dernières années, soumises à une imposition favorable en Belgique, sont également, à partir du 1er janvier 2003, sur la base de l'article 18, § 2, de la nouvelle convention fiscale, imposées aux tarifs fiscaux progressifs aux Pays-Bas.
B.14.3. Si l'autorité estime qu'un changement de politique s'impose d'urgence, elle peut décider de lui donner un effet immédiat et elle n'est en principe pas obligée de prévoir un régime transitoire. Tout changement de politique destiné à faire face à une nécessité urgente deviendrait impossible si l'on partait du principe que les articles 10 et 11 de la Constitution exigent que le régime antérieur soit maintenu pendant une période déterminée ou que les dispositions constitutionnelles précitées seraient violées par cela seul que ce changement déjouerait les calculs de ceux qui se sont fiés à la situation ancienne.
S'agissant de l'article 18, § 2, de la nouvelle convention fiscale, auquel se limite l'examen de la Cour dans l'actuel recours, il est clair que si cette disposition n'avait été applicable qu'aux pensions qui ne donneraient lieu à des prestations périodiques qu'après l'entrée en vigueur de la nouvelle convention fiscale, cela reviendrait en pratique à ce que la règle contenue dans l'article 18 antérieur de l'ancienne convention fiscale reste applicable pour une durée indéterminée et pour un grand nombre de situations. Eu égard à ce qui a été exposé au B.6, pareille longue période transitoire ferait obstacle à l'objectif poursuivi par les parties contractantes.
Enfin, il convient d'observer que, bien qu'il soit exact, comme les requérants le soutiennent dans leur troisième branche, que le rachat de la pension avant la fin de 2002 était la seule solution pour éviter l'imposition dans l'Etat de la source, cette circonstance tient à l'application temporelle de deux conventions successives.
Par ces motifs, la Cour rejette les recours.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 février 2004.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, A. Arts.