Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 02 décembre 2003

Extrait de l'arrêt n° 119/2003 du 24 septembre 2003 Numéro du rôle : 2419 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 87 et suivants de la loi du 1 er août 1985 portant des mesures fiscales et autres La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2003201751
pub.
02/12/2003
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 119/2003 du 24 septembre 2003 Numéro du rôle : 2419 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 87 et suivants de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres (protection des personnes créancières et débitrices de certains pouvoirs publics et organismes d'intérêt public), posée par la Cour du travail d'Anvers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, M. Bossuyt, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 19 avril 2002 en cause de la s.a. Rederij Flandria contre l'Office national de sécurité sociale (O.N.S.S.), dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 26 avril 2002, la Cour du travail d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 87 et suivants de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres violent-ils les articles 6 et/ou 6bis de la Constitution, plus précisément en excluant la suspension de l'exigibilité des dettes, notamment de l'Office national de sécurité sociale, pour les créances que le demandeur possède, en raison de travaux, de fournitures ou de services, à l'égard de la Région flamande, à laquelle l'Etat belge a transféré d'office les mêmes compétences à partir du 1er janvier 1989, par suite de la réforme de l'Etat réalisée en Belgique ? » (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 87, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres, qui dispose : « L'exigibilité des créances de l'Etat au titre de l'impôt des personnes physiques, de l'impôt des sociétés, de l'impôt des non-résidents et de la taxe sur la valeur ajoutée et l'exigibilité des créances de l'Office national de sécurité sociale et de l'Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants sont suspendues dans le cas où le débiteur, personne physique ou personne morale de droit privé, possède une ou des créances certaines, exigibles et libres de tout engagement à l'égard des tiers, dont lui sont redevables, en raison de travaux, de fournitures ou de services, l'Etat ou les organismes d'intérêt public visés par la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public à l'exception des entreprises publiques autonomes classées à l'article 1er, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, que le Roi désigne par arrêté délibéré en Conseil des Ministres. » B.1.2. Le juge a quo demande à la Cour si cette disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution « en excluant la suspension de l'exigibilité des dettes, entre autres [...] de sécurité sociale, pour les créances que le demandeur possède, en raison de travaux, de fournitures ou de services, à l'égard de la Région flamande, à laquelle l'Etat belge a transféré d'office les mêmes compétences à partir du 1er janvier 1989, par suite de la réforme de l'Etat réalisée en Belgique. » B.2. En adoptant la disposition en cause, le législateur a voulu améliorer la situation financière des entreprises qui contractent avec l'autorité publique et sont souvent confrontées à des retards de paiement de la part des administrations publiques (Doc. parl. , Sénat, 1984-1985, no 873-1, p. 33, et no 873-2/5o, p. 34). Les bénéficiaires du système sont toutes les personnes physiques ou personnes morales de droit privé qui possèdent une créance certaine, exigible et libre de tout engagement à l'égard des tiers, dont l'Etat est redevable en raison de travaux, de fournitures ou de services. Si ces créanciers sont en même temps débiteurs des services de sécurité sociale ou du fisc, ils peuvent demander la suspension de ces dettes à concurrence du montant de leur créance sur l'Etat. Si la suspension est accordée, l'Office national de sécurité sociale, ou le fisc peut réclamer directement à l'Etat le paiement de la créance et cette réclamation de paiement vaut saisie-arrêt entre les mains de l'Etat ou de l'organisme d'intérêt public débiteur (articles 88 et 89).

B.3.1. La question d'une éventuelle violation du principe d'égalité ne peut, en l'espèce, être examinée sans avoir égard au partage de compétences entre l'Etat et les régions réglé par la Constitution et les lois de réformes institutionnelles.

B.3.2. Ainsi que l'expriment les articles 1er, 2 et 3 de la Constitution, la Belgique est un Etat fédéral et chacune des communautés et régions puise dans ces dispositions le fondement d'une autonomie qui se traduit par la répartition de compétences.

Compte tenu de cette autonomie, le législateur fédéral n'est pas compétent pour étendre, par une loi ordinaire, le mécanisme de la suspension des dettes, notamment de sécurité sociale, tel qu'il est réglé dans la disposition en cause, aux créances que le débiteur possède sur les régions ou les organismes d'intérêt public qui en dépendent.

B.3.3. En adoptant l'article 87 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer, le législateur fédéral n'a dès lors pas pu violer le principe d'égalité en autorisant la suspension des dettes envers l'Office national de sécurité sociale lorsque le débiteur possède une créance sur l'Etat, mais non lorsqu'il possède une créance sur la région, car le législateur fédéral ordinaire n'était pas compétent dans ce dernier cas.

Inversement, les régions ne pourraient pas non plus étendre la réglementation en cause aux créances résultant de travaux, fournitures et services réalisés pour leur compte, étant donné que leur compétence ne s'étend pas à l'Office national de sécurité sociale, lequel relève de la compétence du législateur fédéral.

B.3.4. La différence de traitement trouve dès lors son origine dans la répartition des compétences entre l'Etat et les régions et elle est justifiée par l'autonomie des différents législateurs qui est inscrite dans la Constitution.

B.4.1. Selon l'appelante devant la Cour du travail, il doit aussi être tenu compte, pour répondre à la question préjudicielle, de l'article 61 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. Cette disposition règle la succession juridique des régions à l'Etat dans les matières qui leur sont attribuées par la loi spéciale du 8 août 1988 modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Dans l'affaire pendante devant le juge a quo , c'est l'application de l'article 87 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer qui est en cause, concernant les créances dont l'autorité publique est redevable en raison de l'exploitation d'un service de bacs sur l'Escaut. La matière des services de bacs relève de la compétence en matière de travaux publics et de transport et a été transférée aux régions par l'article 6, § 1er, X, 6o, de la loi spéciale du 8 août 1980, inséré par la loi spéciale du 8 août 1988. Selon l'appelante devant le juge a quo , les créanciers doivent pouvoir demander l'application de la disposition en cause tout au moins pour les créances que la région a reprises de l'Etat concernant des prestations de services de bacs antérieures au 1er janvier 1989.

B.4.2. La règle générale en matière de succession juridique est contenue dans l'article 61, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale précitée du 16 janvier 1989, lequel dispose : « A moins que la présente loi n'en dispose autrement, les Communautés et les Régions succèdent aux droits et obligations de l'Etat relatifs aux compétences qui leur sont attribuées par la loi du 8 août 1988 modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce compris les droits et obligations résultant de procédures judiciaires en cours et à venir. » L'article 61, § 1er, alinéa 1er, établit en principe une succession juridique intégrale de la région à l'Etat à partir du 1er janvier 1989, date de l'entrée en vigueur de la loi spéciale de financement. A titre exceptionnel, l'Etat demeure toutefois lié par certaines dettes antérieures à cette date, en vertu de l'article 61, dans les cas et aux conditions fixés par cet article.

B.4.3. Quand l'Etat demeure lié, en vertu de la loi spéciale du 16 janvier 1989, par des dettes du passé dans des matières qui ont été transférées aux régions par la loi spéciale du 8 août 1988, les créanciers peuvent invoquer l'application de l'article 87 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer à ces créances.

B.4.4. Quand, en vertu de l'article 61, § 1er, alinéa 1er, la région doit reprendre des dettes de l'Etat datant de la période antérieure au 1er janvier 1989, dans des matières qui ont été transférées à la région par la loi spéciale du 8 août 1988, cette succession crée pour le créancier de l'Etat une novation légale par changement de débiteur.

B.4.5. Puisque la succession juridique est dans ce cas intégrale, les créanciers doivent pouvoir demander l'application de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer pour ces créances. Une autre interprétation conduirait à un traitement inégal des créanciers, pour des prestations antérieures au 1er janvier 1989, selon que la créance qu'ils détenaient sur l'Etat avait trait à une matière demeurée de la compétence de l'Etat ou à une matière transférée aux régions et, dans ce dernier cas, selon que le législateur spécial a ou non prévu la succession juridique. Elle porterait également atteinte, de manière discriminatoire, au principe selon lequel nul ne peut céder que des droits ou obligations dont il est titulaire. En vertu de ce principe, la succession des régions à l'Etat ne peut mettre en cause un mécanisme légal de suspension dont les conditions d'application étaient réalisées avant le 1er janvier 1989.

B.4.6. Il appartient au juge du fond d'examiner si et dans quelle mesure les créances que détient l'appelante devant la Cour du travail ont trait à des prestations antérieures au 1er janvier 1989.

B.5. Sous la réserve exprimée en B.4.5, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Sous la réserve exprimée en B.4.5, l'article 87 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 24 septembre 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

^