publié le 11 août 2003
Extrait de l'arrêt n° 94/2003 du 2 juillet 2003 Numéros du rôle : 2392 et 2407 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 14 décembre 2001 « pour quelques permis de construire pour lesquels valent des raisons La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, (...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 94/2003 du 2 juillet 2003 Numéros du rôle : 2392 et 2407 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 14 décembre 2001 « pour quelques permis de construire pour lesquels valent des raisons obligatoires d'intérêt général », introduits par J. Creve et autres et par G. Van Mieghem et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 mars 2002 et parvenue au greffe le 19 mars 2002, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 14 décembre 2001 « pour quelques permis de construire pour lesquels valent des raisons obligatoires d'intérêt général » (publié au Moniteur belge du 20 décembre 2001) a été introduit par J.Creve, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 111, M. Vergauwen, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 12, R. Van Buel, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 80, M. Rijssens, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 80, L. Adriaenssen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, G. Adriaenssen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, I. Tempelaer, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, P. Van Broeck, demeurant à 9130 Kieldrecht, Belgische Dreef 4, C. Coolen, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 87, H. Van Reeth, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 111, J. Soetens, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 12, G. Van De Walle, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 61, M. Aspers, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 61, I. De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 65, B. Brijs, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 51, G. Snoeck, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 16, R. Van Lomberghe, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 16, R. Marin, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 6, R. Marin, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 27, H. Barbieres, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 13, E. Peeters, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 13, J. Fierlefijn, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 14, L. Hack, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 19, M. De Lee, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 20, M. Van Den Keybys, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 21, C. Kimpe, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 21, J. Malcorps, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 11, J. Gillis, demeurant à 9130 Doel, Liefkenshoekstraat 28, M. Windey, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 5, C. De Wael, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 28, W. De Nijs, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 28, S. De Graef, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 47, J. Kouijzer, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 47, M. De Spiegeleer, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 19, M. Janssens, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 78, R. De Maayer, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 78, C. De Caluwe, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 82, A. Cool, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 82, W. Paelinck, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 25, H. Orleans, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 11, S. Collier, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 100, R. Buisseret, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 100, H. Versmissen, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 13, G. Verelst, demeurant à 9130 Doel, Dreefstraat 1, Jeanne De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 55, Jerome De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 65, I. Huybrechts, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 51, L. De Cleene, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 44, L. Lockefeer, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 55, S. Lockefeer, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 55, P. Peeters, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 1, K. Suykens, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 21, D. Barnes, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 21, D. Severius, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 30, S. Geuens, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 10, S. Schoetens, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 10, H. Hermans, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 9c , J. Tronckoe, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 9c , S. Van De Craen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 9c, A. De Man, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 24, E. Sonck, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 24, L. Hooft, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 25, G. De Pette, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 25, J. Meul, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 27, G. Gillis, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 33, P. Meulen, demeurant à 9130 Doel, Liefkenshoekstraat 20, L. De Vos, demeurant à 9130 Doel, Liefkenshoekstraat 20, S. Moenssen, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 41, A. Helmut, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 21, K. Van Gijsel, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 21, N. Poppe, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 18, V. Druyts, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 18, G. Maesen, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 668, P. Borghs, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 68, I. Struys, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 45, D. Boeckling, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 45, L. Gys, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 33, R. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 4, F. Verhulst, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 4, F. Dejonck, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 26, D. Vercauteren, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 26, T. Wille, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 30a , K. Caps, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 14, L. De Rijcke, demeurant à 9130 Kieldrecht, Sint-Engelbertusstraat 27, R. Bleijenberg, demeurant aux Pays-Bas, Nieuw Namen, Kerkpad 15, T. Werkers, demeurant à 9130 Doel, Sint-Engelbertusstraat, L. Buysrogge, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 8, J. De Cleene, demeurant à 9130 Doel, Sint-Engelbertusstraat 22, S. De Bruyn, demeurant à 9130 Doel, Sint-Engelbertusstraat 20, L. Fransen, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 7, I. Weyenberg, demeurant à 9130 Doel, Ouden Doel 19, M. Jacobs, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 26, C. Smet, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 77, W. Aelbrecht, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 73, W. Faure, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 53, B. De Decker, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 41, L. D'Hamers, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 116, O. Van As, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 63, B. De Bock, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 26, R. De Bock, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 26, A. Geerts, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 3, P. Onghena, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 26, K. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 24, M. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 24, A. Collier, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 118, J. De Vriendt, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 8, J. De Smet, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 9, et F. Van Gijsel, demeurant à 9130 Verrebroek, Gemenestraat 22. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 avril 2002 et parvenue au greffe le 3 avril 2002, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 14 décembre 2001 « pour quelques permis de construire pour lesquels valent des raisons obligatoires d'intérêt général » (publié au Moniteur belge du 20 décembre 2001) a été introduit par G.Van Mieghem, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 3, P. Cleiren, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 16, C. Van Haelst, demeurant à 9130 Kieldrecht, Molenstraat 43, J. Anne, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arenberg 57, B. Anne, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arenberg 57A , P. Weelmaes, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arenberg 92, E. Onghena, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 26, K. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 24, C. Smet, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 77, O. Vanas, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 65, et K. Smet, demeurant à 9130 Kieldrecht, Kreek 106.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 2392 (a) et 2407 (b) du rôle de la Cour, ont été jointes.
Par arrêt no 116/2002 du 26 juin 2002 (publié au Moniteur belge du 12 septembre 2002), la Cour a rejeté les demandes de suspension des mêmes normes. (...) III. En droit (...) Quant à l'intérêt B.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.
Affaire no 2392 B.2. Le Gouvernement flamand et la Régie portuaire communale d'Anvers (« Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen », ci-après : « le G.H.A. ») allèguent que le recours en annulation du décret du 14 décembre 2001 « pour quelques permis de construire pour lesquels valent des raisons obligatoires d'intérêt général » doit être rejeté faute d'intérêt. En effet, le préjudice que les parties requérantes prétendent subir ne résulterait pas du décret attaqué lui-même, mais des décisions préjudiciables aux parties requérantes qui ont été prises sur la base du décret attaqué.
B.3.1. Le recours en annulation a été introduit par diverses personnes qui habitent à proximité d'un des chantiers déclarés d'intérêt général ou qui sont propriétaires ou locataires de terres à cet endroit. Le décret attaqué autorise le Gouvernement flamand, lorsque celui-ci accorde des permis d'urbanisme, et les autres autorités compétentes, lorsqu'elles délivrent d'autres autorisations ou prennent acte des avis qui sont nécessaires à l'exécution de ces travaux, à déroger aux affectations prévues par les plans d'aménagement.
Le décret attaqué habilite en outre le Gouvernement flamand à déroger, dans les limites prévues par le décret, aux règles de procédure inscrites notamment dans le décret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire » et dans le décret du 28 juin 1985 « relatif à l'autorisation anti-pollution », ce qui a pour effet de priver les parties requérantes de certains mécanismes de protection juridique. Les parties requérantes justifient par conséquent d'un intérêt suffisant pour attaquer le décret du 14 décembre 2001.
B.3.2. L'exception soulevée par le Gouvernement flamand et le G.H.A. est rejetée.
Affaire no 2407 B.4.1. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au B.2, le G.H.A. conteste l'intérêt des parties requérantes dans l'affaire no 2407.
B.4.2. Le Gouvernement flamand et le G.H.A. déduisent également de la requête que les moyens formulés par les parties requérantes sont dirigés contre l'article 2, 5o, du décret attaqué, de sorte que leur recours en annulation ne serait recevable qu'en tant qu'il porte sur cette disposition.
B.5.1. Le recours en annulation a été introduit par diverses personnes qui, en tant que locataires ou propriétaires de terres agricoles, sont directement touchées par l'article 2, 5o, du décret du 14 décembre 2001. A cause des mesures compensatoires que cette disposition déclare « de grand intérêt général et stratégique obligatoire », le mode d'exploitation et la valeur des terres des parties requérantes ainsi que la liberté de choix de celles-ci concernant les cultures et les procédés culturaux seraient menacés. Pour les raisons mentionnées dans le deuxième alinéa du B.3.1, les parties requérantes justifient également d'un intérêt suffisant pour attaquer tous les articles du décret précité.
B.5.2. Les exceptions soulevées par le Gouvernement flamand et le G.H.A. sont rejetées.
Quant au fond En ce qui concerne la comparabilité B.6. Lors de l'examen des moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, la catégorie de personnes confrontées à des travaux d'intérêt général tels que ceux visés par le décret attaqué ne peut être comparée, selon le G.H.A., qu'avec la catégorie des personnes qui sont confrontées à des demandes portant sur des travaux d'intérêt général auxquels est appliquée la procédure prescrite par l'article 127 du décret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire » et non avec la catégorie des personnes auxquelles s'appliquent les procédures générales prévues dans le décret précité.
B.7. La Cour examinera la comparabilité des catégories de personnes lors de l'examen des différents moyens pris à l'encontre du décret attaqué.
Premier moyen dans l'affaire no 2392 B.8. Dans le premier moyen, les parties requérantes dénoncent une violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le décret attaqué, et en particulier ses articles 3, 5, 6 et 8, déroge sans justification objective et raisonnable aux règles de droit commun en matière de modification des plans d'aménagement et d'octroi des permis d'urbanisme et d'autres autorisations.
B.9.1. A l'article 2 du décret attaqué, le législateur décrétal a déclaré « de grand intérêt général et stratégique obligatoire » une série de travaux, d'opérations et d'aménagements destinés à agencer et à rendre opérationnel le « Deurganckdok » et il a considéré que les permis d'urbanisme nécessaires à cette fin devaient être délivrés, par dérogation à certaines règles, sous certaines conditions et sous son contrôle (article 5).
B.9.2. Les motifs pour lesquels le législateur décrétal a agi de cette manière ont été exposés de manière détaillée au cours des travaux préparatoires du décret attaqué (Doc ., Parlement flamand, 2001-2002, no 872/1, pp. 1-16; no 872/5, pp. 6-7, 9 et 19-27) et peuvent être résumés comme suit : - le « Deurganckdok » est considéré comme un projet stratégique pour la Région flamande, dont la réalisation a été décidée depuis longtemps déjà et dont l'exécution a été entamée mais a été arrêtée après que des irrégularités dans la procédure administrative eurent été constatées; - le projet revêt une très grande importance, tant du point de vue social, collectif et économique que du point de vue écologique et du point de vue de l'aménagement du territoire, et il doit être réalisé et rendu opérationnel sans délai; - l'intérêt social réside dans les effets sur l'emploi qui sont censés liés à la réalisation dudit projet et à la perte d'emplois en cas de non-exécution de celui-ci; il concerne également l'aspect de la sécurité après l'arrêt des travaux; - l'intérêt économique concerne aussi bien les conséquences économiques et budgétaires de l'arrêt des travaux (dont le coût direct est estimé à 9,4 millions de francs par jour et le coût total à au moins 18,4 millions de francs par jour) que la perte d'attractivité du port d'Anvers pour le transport par conteneurs si le projet n'est pas réalisé; - l'intérêt pour la collectivité tient à l'économie escomptée en matière de mobilité; - l'intérêt écologique tient à l'obligation de réaliser conjointement les mesures compensatoires des préjudices environnementaux imposée par la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
En ce qui concerne l'article 3 B.10. Les parties requérantes estiment que l'article 3 du décret du 14 décembre 2001 viole les articles 10 et 11 de la Constitution parce qu'il autorise le Gouvernement flamand à délivrer des permis d'urbanisme en contradiction avec les plans d'aménagement.
B.11.1. Il ressort des travaux préparatoires que la disposition attaquée autorise le Gouvernement flamand à déroger, lors de l'octroi de permis d'urbanisme et d'autres permis, aux affectations prévues par les plans d'aménagement. Cette autorisation est toutefois accordée uniquement « en raison de l'intérêt général et stratégique exceptionnel des travaux limitativement énumérés » (Doc. , Parlement flamand, 2001-2002, no 872/1, p. 17). En outre, l'autorisation accordée est limitée, d'une part, quant à son objet et, d'autre part, quant à sa durée de validité (ibid ., p. 5).
B.11.2. La différence de traitement entre les tiers intéressés à l'égard desquels les prescriptions des plans d'aménagement doivent être respectées et les tiers intéressés à l'égard desquels il peut être dérogé à ces mêmes prescriptions repose sur un critère objectif, à savoir la circonstance que la demande de permis concerne ou non les travaux, opérations et aménagements énumérés à l'article 2 du décret attaqué, lesquels ont été déclarés « de grand intérêt général et stratégique obligatoire ».
B.11.3. Le critère de distinction est raisonnablement justifié à la lumière de l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, qui est d'accorder au Gouvernement flamand, et, le cas échéant, à d'autres autorités compétentes pour délivrer des permis, une autorisation limitée de déroger aux prescriptions des plans d'aménagement lors de l'octroi des permis d'urbanisme et d'autres permis, en raison de la nécessité de reprendre le plus rapidement possible les travaux interrompus au « Deurganckdok ». Compte tenu des conséquences économiques et budgétaires liées au respect des procédures de modification des plans d'aménagement, le législateur décrétal pouvait autoriser une dérogation aux prescriptions des plans d'aménagement lors de l'octroi de ces permis.
B.11.4. En tant qu'il est dirigé contre l'article 3 du décret attaqué, le premier moyen dans l'affaire no 2392 ne peut être admis.
En ce qui concerne l'article 5 B.12. Les parties requérantes estiment que l'article 5 du décret du 14 décembre 2001 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il prévoit une procédure de confirmation des permis d'urbanisme par le Parlement flamand, ce qui a pour effet qu'une modification des plans peut être réalisée par décret et non conformément à la procédure normale.
B.13.1. Il ressort des travaux préparatoires qu'« en raison du caractère exceptionnel de l'autorisation octroyée au Gouvernement flamand à l'article 3, les auteurs de la proposition considèrent qu'il est nécessaire que le Parlement flamand renforce son contrôle sur le Gouvernement » (Doc. , Parlement flamand, 2001-2002, no 872/1, p. 19).
B.13.2. Lorsque, pour l'octroi des permis d'urbanisme délivrés en exécution du décret attaqué, il est dérogé aux plans d'aménagement existants - ce qui, en soi, n'est pas l'objectif du législateur décrétal -, une exception particulière est effectivement faite, en raison de la confirmation qui s'ensuit par le Parlement flamand, aux procédures de droit commun de modification de tels plans, spécialement en ce qui concerne la protection juridique offerte aux tiers intéressés. A la lumière de la justification exposée au B.11.3, il n'est pas déraisonnable d'instaurer une procédure particulière de contrôle par le Parlement flamand, sous forme de confirmation, laquelle peut à son tour être contestée par un recours en annulation auprès de la Cour.
B.13.3. En tant qu'il est dirigé contre l'article 5 du décret attaqué, le premier moyen dans l'affaire no 2392 ne peut être admis.
En ce qui concerne l'article 6 B.14. Selon les parties requérantes, l'article 6 du décret du 14 décembre 2001 viole les articles 10 et 11 de la Constitution parce que, d'une part, le lien entre le permis d'urbanisme et le permis d'environnement est rompu et, d'autre part, les possibilités de contrôle dont disposaient la commune et l'inspecteur urbaniste sont supprimées, sans qu'existe pour cela une justification raisonnable.
B.15.1. Les travaux préparatoires de l'article 6, alinéa 1er, font apparaître que le but du législateur décrétal était de reprendre aussi rapidement que possible les travaux interrompus, « compte tenu des objectifs de ce décret et, en particulier, des conséquences économiques et budgétaires liées à l'arrêt des travaux » (Doc. , Parlement flamand, 2001-2002, no 872/1, p. 19).
En adoptant l'alinéa 2 de l'article 6, le législateur décrétal souhaitait anticiper la modification du décret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire », à savoir la dissociation de la transaction et du permis de régularisation, sans que l'application de la transaction, après délivrance du permis, soit exclue (ibid. ).
B.15.2. La différence instaurée par la disposition attaquée, qui est fondée sur un critère dont l'objectivité a suffisamment été démontrée, est raisonnablement justifiée par la réalisation de l'objectif du législateur décrétal, à savoir d'une part, reprendre le plus rapidement possible les travaux arrêtés et, d'autre part, anticiper la modification du décret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire ».
La dissociation du permis d'urbanisme et du permis d'environnement n'a pas pour effet que les procédures de droit commun existantes en matière d'aménagement du territoire et d'environnement pour l'octroi des permis en cause ne devraient plus être suivies. S'agissant de la prétendue violation concernant les possibilités de contrôle par la commune et par l'inspecteur urbaniste, la Cour observe que la dissociation du permis de régularisation et de la transaction est devenue dans l'intervalle une réalité dans le droit commun de l'aménagement du territoire, à la suite du décret du 8 mars 2002 « portant modification du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire et du décret relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996 », de sorte que le législateur décrétal a pu anticiper cette modification dans le décret attaqué. Le principe inscrit à l'article 6, alinéa 2, est raisonnablement justifié à la lumière de l'objectif poursuivi par le législateur décrétal.
B.15.3. En tant qu'il est dirigé contre l'article 6 du décret attaqué, le premier moyen dans l'affaire no 2392 ne peut être admis.
En ce qui concerne l'article 8 B.16. Les parties requérantes allèguent que l'article 8 du décret du 14 décembre 2001 viole les articles 10 et 11 de la Constitution, parce que l'affectation d'un plan d'exécution spatial est indirectement fixée par décret alors qu'elle est normalement déterminée par le Gouvernement flamand et qu'il n'existerait pour cette différence de traitement aucune justification raisonnable.
B.17. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal entendait obliger le Gouvernement flamand à conformer, par le biais de plans d'exécution spatiaux, les nouvelles affectations spatiales aux « travaux et compensations de grand intérêt général et stratégique obligatoire » énumérés à l'article 2 (Doc. , Parlement flamand, 2001-2002, no 872/1, p. 20), de sorte que ce n'est que temporairement, compte tenu de l'intérêt général et stratégique exceptionnel des travaux, qu'il sera dérogé aux prescriptions d'affectation.
B.18.1. L'article 8 du décret attaqué impose au Gouvernement flamand de dresser les plans d'exécution spatiaux devant permettre de respecter les obligations, en particulier concernant les compensations environnementales qui constituent le corrélat indispensable de la réalisation des travaux « de grand intérêt général et stratégique obligatoire » en cause. Sans doute est-il dérogé, en l'espèce, aux principes qui s'appliquent à l'élaboration de ces plans d'exécution, mais cette mesure ne peut pas être considérée comme injustifiée compte tenu des objectifs poursuivis par le décret attaqué.
B.18.2. En tant qu'il est dirigé contre l'article 8 du décret attaqué, le premier moyen dans l'affaire no 2392 ne peut être admis.
Deuxième moyen dans l'affaire no 2392 B.19. Les parties requérantes allèguent que le décret attaqué, et en particulier ses articles 2, 3, 5 et 8, violent les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec la répartition constitutionnelle de compétences entre les pouvoirs législatif et exécutif, laquelle trouve notamment son expression dans les articles 33, 36, 37, 39, 115, § 2, et 121, § 2, de la Constitution, et combinés avec l'interdiction du détournement de pouvoir.
B.20.1. La Cour n'est pas compétente pour censurer une disposition qui violerait la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sauf si cette violation méconnaît les règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions ou si un législateur, en imposant à une autorité administrative de prendre une mesure qui ne relève pas de la compétence de celle-ci, prive ainsi une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue par la Constitution.
B.20.2. En l'espèce, les parties requérantes se bornent à soutenir que le législateur décrétal flamand aurait exercé une compétence appartenant au Gouvernement flamand, mais elles n'indiquent pas en quoi elles auraient été privées, de manière discriminatoire, d'une garantie constitutionnelle, l'intervention d'une autorité législative étant, au contraire, de nature à renforcer leur protection juridique.
B.20.3. A supposer que le moyen doive s'entendre comme étant pris de la violation du principe d'égalité combiné avec des règles répartitrices de compétences, ce moyen manque en droit. Les articles 36, 37 et 39 de la Constitution, qui y sont invoqués, concernent les compétences respectives des pouvoirs fédéraux. Quant aux articles 33, 115, § 2, et 121, § 2, de la Constitution, ils n'impliquent par eux-mêmes aucune règle répartitrice de compétences au sens de l'article 1er, 1o, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
B.20.4. Pour le surplus, l'exposé du deuxième moyen dans l'affaire no 2392 ne contient aucun argument auquel il n'ait pas été répondu lors de l'examen du premier moyen.
En tant que le moyen dénonce la différence de protection juridique qui résulte des dispositions d'habilitation et de confirmation contenues dans le décret attaqué, il se confond avec le troisième moyen à examiner ci-après.
B.20.5. Le deuxième moyen dans l'affaire no 2392 ne peut être admis.
Troisième moyen dans l'affaire no 2392 B.21. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation, par le décret attaqué, et en particulier par ses articles 3, 5, 6, alinéa 2, et 8, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la répartition constitutionnelle des compétences entre le pouvoir législatif, d'une part, et le pouvoir judiciaire et le Conseil d'Etat, d'autre part, telle que celle-ci ressort entre autres des articles 33, 36, 39, 40, 115, § 2, et 160 de la Constitution, et combinés avec les articles 13 et 160 de la Constitution, avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'interdiction du détournement de pouvoir, parce que le décret attaqué interviendrait « sciemment et volontairement » dans une série de procédures juridictionnelles pendantes, sans qu'existe pour ce faire une justification raisonnable. De surcroît, le droit d'accès au juge serait limité de manière discriminatoire.
B.22. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, le législateur décrétal n'intervient pas dans des procédures juridictionnelles pendantes, étant donné que le décret attaqué ne confirme aucun acte administratif qui soit attaqué devant une instance juridictionnelle.
Le décret confère seulement une habilitation à prendre des actes administratifs qui doivent être confirmés par décret dans les brefs délais définis à l'article 5. Les tiers intéressés ne sont pas privés du droit d'attaquer ces actes administratifs devant le Conseil d'Etat avant leur confirmation et devant la Cour, après celle-ci. En outre, ils devaient savoir, dès la publication du décret, que ces actes administratifs ou bien deviendraient des actes législatifs, ou bien seraient caducs.
Les parties requérantes ne se voient donc pas privées de leur droit à une protection juridictionnelle effective.
B.23. Même si l'on considérait que le décret attaqué a de facto pour effet que la procédure pendante devant le Conseil d'Etat visant à l'annulation d'un acte administratif suspendu dans l'intervalle n'aura plus d'effet, il ne s'ensuit pas que les dispositions invoquées au moyen soient violées.
L'existence d'un arrêt de suspension du Conseil d'Etat n'empêche pas que le législateur décrétal, qui est compétent en cette matière, intervienne pour l'avenir, afin de poursuivre un objectif identique à celui que visait l'autorité administrative dont la décision a été suspendue. Le bénéfice résultant de la suspension de l'acte administratif ne peut être considéré comme étant à ce point intangible qu'il rendrait à jamais impossible toute intervention du législateur compétent.
B.24. Le troisième moyen dans l'affaire no 2392 ne peut être admis.
Quatrième moyen dans l'affaire no 2392 et deux premières branches du premier moyen dans l'affaire no 2407 B.25. Les parties requérantes dénoncent la violation par le décret attaqué, et en particulier par ses articles 3, 5, 6, alinéa 1er, et 8, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 16, 22 et 23 de celle-ci, avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette même Convention, en ce que le décret attaqué les discriminerait dans l'exercice de plusieurs droits fondamentaux, à savoir le droit de propriété, le droit à la protection de l'environnement, le droit au respect de la vie privée et la liberté d'exercice d'une activité ou d'une profession.
B.26.1. En tant que les parties requérantes considèrent qu'elles sont discriminées dans l'exercice de leur droit de propriété, il convient d'observer que l'aménagement du territoire peut légitimement impliquer des restrictions au droit de propriété. Les limitations apportées au droit de propriété par les autorités sont permises si elles respectent un juste équilibre entre l'intérêt général de la société et la protection des droits fondamentaux de l'individu (voy. notamment Cour européenne des droits de l'homme, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède ; 25 octobre 1989, Allan Jacobson c. Suède ; 20 novembre 1995, Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique ; 23 octobre 1997, National and Provincial Building Society, The Leeds Permanent Building Society et The Yorkshire Building Society c.
Royaume-Uni ; 23 novembre 2000, Ex-Roi de Grèce et autres c. Grèce ; 9 juillet 2002, Balanescu c. Roumanie ; 12 décembre 2002, Wittek c.
Allemagne ; 16 janvier 2003, Nastou c. Grèce ).
B.26.2. Les mesures visées dans le décret attaqué doivent être considérées comme des restrictions que l'autorité publique impose au droit de propriété dans l'intérêt général, à savoir l'intérêt général et stratégique exceptionnel des travaux limitativement énumérés. Elles reposent sur une mise en balance de l'intérêt général du projet stratégique pour l'ensemble de la Région flamande et des intérêts dignes de protection de l'individu. Compte tenu de leur nature, des garanties dont elles sont entourées et de l'indemnisation à laquelle elles donnent lieu, les restrictions de propriété, envisagées globalement, ne peuvent raisonnablement pas être considérées comme ayant des effets disproportionnés pour les preneurs ou les propriétaires des terres auxquelles elles s'appliqueraient.
B.27.1. Les parties requérantes allèguent également la violation des articles 10 et 11 combinés avec l'article 22 de la Constitution et avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.27.2. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit. » L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » B.27.3. Le droit au respect de la vie privée et familiale a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée, leur vie familiale, leur domicile et leur correspondance.
La proposition qui a précédé l'adoption de l'article 22 de la Constitution insistait sur « la protection de la personne, la reconnaissance de son identité, l'importance de son épanouissement et celui de sa famille » et soulignait la nécessité de protéger la vie privée et familiale des « risques d'ingérence que peuvent constituer, notamment par le biais de la modernisation constante des techniques de l'information, les mesures d'investigation, d'enquête et de contrôle menées par les pouvoirs publics et organismes privés, dans l'accomplissement de leurs fonctions ou de leurs activités » (Doc. parl. , Sénat, S.E. 1991-1992, no 100-4/2o, p. 3).
B.27.4. Il ressort en outre des travaux préparatoires de l'article 22 de la Constitution que le Constituant a cherché « le plus possible la [...] concordance avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [...], afin d'éviter toute contestation sur le contenu respectif de l'article de la Constitution et de l'article 8 de la [convention] » (Doc. parl. , Chambre, 1993-1994, no 997/5, p. 2).
B.27.5. Il résulte du texte même de l'article 22 de la Constitution que les régions, dans l'exercice de leurs compétences, doivent garantir le respect de la vie privée.
B.27.6. Aucune des mesures prises dans les dispositions attaquées ne peut être considérée comme une immixtion directe ou une ingérence injustifiée dans l'épanouissement personnel ou familial des parties requérantes.
Les mesures en cause exercent certes sur celui-ci une influence, laquelle est en particulier la conséquence des restrictions précitées imposées au droit de propriété. Ceci ne suffit toutefois pas pour conclure à la violation des droits fondamentaux cités dans le moyen.
En effet, le législateur décrétal remplit toutes les conditions formelles et matérielles susceptibles de justifier une ingérence, en particulier le caractère nécessaire de celle-ci dans une société démocratique, dans l'intérêt du bien-être économique de la région qui, comme il a déjà été démontré, est recherché en l'espèce.
B.28.1. S'agissant de la violation, alléguée par les parties requérantes dans l'affaire no 2407, des articles 10 et 11 combinés avec l'article 23 de la Constitution, il convient de constater que ce dernier article, qui inclut le droit au libre choix d'une activité professionnelle parmi les droits économiques, sociaux et culturels, prévoit qu'il appartient au législateur compétent de déterminer les conditions d'exercice de ces droits. Le législateur compétent peut donc imposer des limites au libre choix d'une activité professionnelle.
Ces restrictions ne seraient discriminatoires que si le législateur les introduisait à l'égard de certaines catégories de personnes sans nécessité ou si ces restrictions avaient des effets manifestement disproportionnés au but poursuivi.
B.28.2. Il n'apparaît pas que tel soit le cas du décret attaqué du 14 décembre 2001. Tant en considération des objectifs poursuivis par le législateur décrétal que des modalités retenues - en particulier l'habilitation conférée au Gouvernement flamand, laquelle est limitée tant dans sa durée que dans son objet, et la nécessaire confirmation du Parlement flamand -, les restrictions apportées au libre choix d'une activité professionnelle ne sont pas dépourvues de la justification requise.
B.29. Le quatrième moyen dans l'affaire no 2392 et le premier moyen dans ses première et deuxième branches dans l'affaire no 2407 ne peuvent être admis.
Cinquième et sixième moyens dans l'affaire no 2392 B.30. Dans le cinquième moyen, les parties requérantes dénoncent la violation par le décret attaqué, et en particulier par ses articles 3, 5, 6 et 8, des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'interdiction du détournement de pouvoir et avec les principes de bonne législation. Dans le sixième moyen, les parties requérantes invoquent la violation, par les articles 3, 5, 6, alinéa 1er, et 8 du décret attaqué, des règles répartitrices de compétences inscrites dans la Constitution, et en particulier la violation de l'article 160 de celle-ci, en ce que la Région flamande n'est pas compétente pour limiter ou supprimer des compétences du Conseil d'Etat.
B.31. Les cinquième et sixième moyens s'appuient sur les mêmes arguments que les premier et troisième moyens. S'agissant en particulier du sixième moyen, il a déjà été démontré aux B.22 et B.23 que les parties requérantes ne sont pas discriminées dans leur droit d'accès au juge. Le moyen pris de la violation des dispositions répartitrices de compétences et de l'article 160 de la Constitution en particulier est également dénué de fondement. En effet, les dispositions attaquées ne limitent pas les compétences du Conseil d'Etat, de sorte que le législateur décrétal n'a pas empiété sur la compétence réservée en l'espèce au législateur fédéral.
B.32. Les cinquième et sixième moyens dans l'affaire no 2392 ne peuvent être admis.
Septième moyen dans l'affaire no 2392 B.33. Dans le septième moyen, les parties requérantes dénoncent la violation par le décret attaqué, et en particulier par son article 5, des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 10 du Traité C.E. et avec l'article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (ci-après directive Habitat).
B.34.1. Soulignant l'obligation imposée à cette fin à chaque juridiction statuant en dernier ressort, les parties requérantes ont demandé à la Cour, à l'audience, de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice des Communautés européennes : « Une disposition législative, en l'occurrence les décrets des 14 décembre 2001 et 29 mars 2002, qui a pour effet que la force exécutoire de permis de bâtir concernant un projet qui porte atteinte à des zones protégées par l'article 4 de la directive sur les oiseaux et/ou l'article 6 de la directive Habitat et que les riverains attaquent sur la base de ces directives est subordonnée à une confirmation législative, laquelle empêche du même coup de contester ces permis, en droit interne, devant les juridictions administratives normales et exclut dès lors toute possibilité de suspension et d'annulation erga omnes , est-elle contraire aux exigences de protection juridictionnelle effective et équivalente découlant de l'article 10 du Traité C.E. et doit-elle par conséquent être écartée, de sorte que la suspension et l'annulation desdits permis de bâtir doivent néanmoins pouvoir être demandées devant le juge national et, plus précisément, devant la juridiction normalement compétente en cette matière, tout au moins sur la base de moyens tirés du droit communautaire ? » B.34.2. L'article 234 du Traité C.E. énonce : « La Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation du présent traité;b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE;c) sur l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, lorsque ces statuts le prévoient. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des Etats membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice. » B.34.3. La question préjudicielle proposée par les parties requérantes est étrangère aux trois hypothèses dans lesquelles, en vertu de l'article 234 du Traité C.E., une question préjudicielle peut ou doit être posée à la Cour de justice des Communautés européennes. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande.
B.35. L'article 10 du Traité C.E. dispose : « Les Etats membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission.
Ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité. » L'article 6 de la directive Habitat dispose : « 1. Pour les zones spéciales de conservation, les Etats membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d'autres plans d'aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d'habitats naturels de l'annexe I et des espèces de l'annexe II présents sur les sites. 2. Les Etats membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d'espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d'avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d'affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d'autres plans et projets, fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site.Compte tenu des conclusions de l'évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu'après s'être assurées qu'il ne portera pas atteinte à l'intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l'avis du public. 4. Si, en dépit de conclusions négatives de l'évaluation des incidences sur le site et en l'absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l'Etat membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L'Etat membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.
Lorsque le site concerné est un site abritant un type d'habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l'homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ou, après avis de la Commission, à d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur. » L'article 7 de la même directive dispose : « Les obligations découlant de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l'article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive 79/409/CEE en ce qui concerne les zones classées en vertu de l'article 4 paragraphe 1 ou reconnues d'une manière similaire en vertu de l'article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un Etat membre en vertu de la directive 79/409/CEE si cette dernière date est postérieure. » B.36.1. Par arrêté du Gouvernement flamand du 17 octobre 1988 « portant désignation des zones de protection spéciale au sens de l'article 4 de la Directive 79/409/CEE du Conseil des Communautés européennes du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages » (Moniteur belge , 29 octobre 1988), modifié par l'arrêté du Gouvernement flamand du 20 septembre 1996 (Moniteur belge , 12 octobre 1996), par l'arrêté du Gouvernement flamand du 23 juin 1998 (Moniteur belge , 25 juillet 1998) et par l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 juillet 2000 (Moniteur belge , 31 août 2000), a été désignée comme zone de protection spéciale au sens de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 79/409/CEE précitée (ci-après directive Oiseaux) : « 3.6. la zone désignée à l'annexe 13 du présent arrêté, sise dans les communes d'Anvers, Beveren et Sint-Gillis-Waas et connue sous le nom 'Schorren en polders van de Beneden-Schelde' : - vasières et prés salés; - digues; - criques et leur végétation rivulaire. » En vertu de l'article 5 de cet arrêté, cette désignation a pris effet à la date de publication de l'arrêté au Moniteur belge , c'est-à -dire le 29 octobre 1988. En application de l'article 7 de la directive Habitat, les dispositions de l'article 6 de cette directive sont applicables à partir de cette date à la zone précitée.
B.36.2. Les parties ne contestent pas que les travaux, opérations et installations visés à l'article 2, 1o, 2o, 3o et 4o, du décret attaqué du 14 décembre 2001 ont partiellement trait à la zone décrite au B.36.1. Elles ne contestent pas non plus que ces travaux, opérations et installations doivent être considérés comme « un plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site » et que celui-ci est « susceptible d'affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d'autres plans et projets » au sens de l'article 6, paragraphe 3, de la directive Habitat.
Il s'ensuit qu'un tel plan ou projet ne peut être réalisé que pour autant que toutes les conditions posées à cet égard dans la directive Habitat soient remplies : - il doit être procédé à une évaluation appropriée des incidences sur le site, eu égard aux objectifs de conservation de celui-ci (article 6, paragraphe 3); - si, en dépit de conclusions négatives de l'évaluation des incidences sur le site et en l'absence de solutions de rechange, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, toutes les mesures compensatoires nécessaires pour assurer que la cohérence globale de « Nature 2000 » est protégée doivent être prises et l'Etat membre informe la Commission européenne des mesures compensatoires adoptées (article 6, paragraphe 4).
B.36.3. En application de l'article 6, paragraphe 3, de la directive Habitat, un rapport d'incidence sur l'environnement a été établi et approuvé le 5 octobre 2001. Ce rapport vaut comme « évaluation des incidences sur le site, eu égard aux objectifs de conservation de celui-ci ».
Il est apparu de l'examen des autres moyens que le législateur décrétal a estimé, sans excéder son pouvoir d'appréciation, que le projet devait être réalisé sans retard pour des raisons impératives d'intérêt public majeur.
En application de l'article 6, paragraphe 4, de la directive Habitat, des mesures compensatoires ont été prévues à l'article 2, 5o, du décret attaqué. Le respect de la réglementation européenne et régionale pertinente en matière de conservation de la nature est en outre garanti par l'article 4 du décret attaqué. La Cour constate que ces mesures compensatoires sont plus larges que celles qui avaient été prévues dans le plan de secteur révisé, suspendu entre-temps par le Conseil d'Etat.
Il n'appartient pas à la Cour mais à la Commission européenne, assistée du Comité visé à l'article 20 de la directive Habitat, de juger s'il est satisfait à la condition que toutes les mesures compensatoires nécessaires aient été prises pour assurer que la cohérence globale du réseau écologique européen « Natura 2000 » soit protégée, étant donné que ce réseau n'est pas encore délimité définitivement, en application de l'article 4, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive Habitat et qu'il reste d'ailleurs du temps pour ce faire jusqu'au 10 juin 2004, en application de l'article 4, paragraphe 4, de cette directive. La Cour peut se borner à constater que toutes les mesures compensatoires indiquées dans le rapport d'incidence précité ont été prises.
Selon les pièces introduites par le Gouvernement flamand, et en particulier la Note au Gouvernement flamand (VR/2002/18.03/DOC.0207) du 18 mars 2002, le décret attaqué, ainsi qu'il a du reste été explicitement annoncé dans les travaux préparatoires de celui-ci, a été communiqué à la Commission européenne en application de l'article 6, paragraphe 4, de la directive Habitat.
B.36.4. Sous réserve d'une autre décision de la Commission européenne ou du Conseil, sous le contrôle éventuel de la Cour de justice, la Cour ne dispose pas d'éléments qui conduisent à conclure que le décret attaqué viole l'article 6 de la directive Habitat combiné avec l'article 10 du Traité C.E. On n'aperçoit dès lors pas en quoi il serait porté atteinte de manière discriminatoire aux droits que les parties requérantes puiseraient dans ces dispositions.
B.36.5. Le septième moyen dans l'affaire no 2392 ne peut être admis.
La troisième branche du premier moyen dans l'affaire no 2407 B.37. Le premier moyen formulé par les parties requérantes dans l'affaire no 2407 est dans sa troisième branche pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 33 du Traité C.E., en tant que le décret attaqué mettrait en péril le droit de la population agricole à un revenu raisonnable.
B.38. L'article 33 du Traité C.E. figure dans la troisième partie du Traité, définissant les politiques de la Communauté européenne, et concerne la politique agricole commune. L'article 33, paragraphe 1, détermine les objectifs de celle-ci, tandis que sont énumérés au paragraphe 2 les éléments dont il doit être tenu compte dans l'élaboration de la politique agricole commune et des méthodes spéciales qu'elle peut impliquer. Parmi ces objectifs figurent entre autres, via l'accroissement de la productivité de l'agriculture, celui « d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ».
L'article 33 concerne la politique que mènent les institutions de la Communauté européenne en matière d'agriculture et s'adresse exclusivement aux institutions de la Communauté qui sont chargées de l'exécution de cette politique.
Sans qu'il y ait lieu d'examiner si cette disposition peut être invoquée à l'égard d'une mesure prise par une autorité d'un Etat membre, il suffit de constater que le décret attaqué prévoit un système d'indemnisation des agriculteurs dont les biens agricoles se situent dans les zones énumérées dans le décret et qu'il n'est donc pas établi que celui-ci aurait pour effet, par lui-même, de mettre en péril le droit de la population agricole à un revenu raisonnable.
B.39. Le premier moyen dans l'affaire no 2407 ne peut dans sa troisième branche être admis.
Deuxième moyen dans l'affaire no 2407 B.40. Les parties requérantes contestent les mesures unilatérales concernant la nature qui, pour l'essentiel, doivent être supportées par les terres agricoles, de sorte que l'activité agricole normale serait fortement entravée et même parfois bannie.
B.41. Dans l'exposé de leur deuxième moyen, les parties requérantes n'indiquent pas en quoi consisterait la discrimination prétendue et critiquent seulement le caractère prétendument disproportionné de la mesure contestée.
B.42. Le deuxième moyen dans l'affaire no 2407 ne peut être accueilli.
Par ces motifs, la Cour rejette les recours.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 2 juillet 2003.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, A. Arts.