publié le 05 juin 2003
Extrait de l'arrêt n° 39/2003 du 3 avril 2003 Numéro du rôle : 2629 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 81, 2 o , de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, tel qu'il a été modifié par la loi du 4 septembre La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, (...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 39/2003 du 3 avril 2003 Numéro du rôle : 2629 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 81, 2o, de la
loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
08/08/1997
pub.
28/10/1997
numac
1997009766
source
ministere de la justice
Loi sur les faillites
type
loi
prom.
08/08/1997
pub.
20/02/2003
numac
1999015194
source
service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement
Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2)
type
loi
prom.
08/08/1997
pub.
24/08/2001
numac
2001009578
source
ministere de la justice
Loi relative au Casier judiciaire central
fermer sur les faillites, tel qu'il a été modifié par la loi du 4 septembre 2002, posée par le Tribunal de commerce de Bruxelles.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 11 décembre 2002 en cause de Me C. Herinck, curateur à la faillite de J.-L. V. M., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 10 février 2003, le Tribunal de commerce de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 81, 2o, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, modifié par l'article 28 de la loi du 4 septembre 2002, contrevient-il ou non aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il établit une irrecevabilité automatique, illimitée dans le temps, de la demande en excusabilité introduite par la personne physique visée par la disposition ? » (...) IV. En droit (...) B.1. L'article 81 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, tel qu'il a été modifié par la loi du 4 septembre 2002, dispose : « Ne peuvent être déclarés excusables : [...]; 2o la personne physique faillie qui a été condamnée pour infraction à l'article 489ter du Code pénal ou pour vol, faux, concussion, escroquerie ou abus de confiance, ni le dépositaire, tuteur, administrateur ou autre comptable, qui n'a pas rendu et soldé son compte en temps utile. » B.2. Il est demandé à la Cour si la disposition en cause viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'elle exclut de façon absolue que puissent être déclarés excusables les faillis qui ont été condamnés pour les infractions énumérées dans cet article. En effet, cette exclusion frappe de manière automatique le failli, dès lors que celui-ci a été condamné pour une infraction visée à l'article 81 de la loi sur les faillites, sans que le juge ait un quelconque pouvoir d'appréciation quant à la manière de commercer du failli et aux circonstances de la faillite. La disposition en cause ne limite pas non plus dans le temps l'effet de la condamnation encourue pour de telles infractions, en sorte que cette inexcusabilité demeure, quel que soit le temps écoulé entre la condamnation susvisée et la faillite ultérieure, et indépendamment du fait que les infractions aient ou non un lien avec l'activité commerciale du failli.
La disposition en cause instaure ainsi une différence de traitement entre les faillis qui ont été condamnés pour les infractions visées à l'article 81 de la loi sur les faillites et les faillis qui n'ont pas subi une telle condamnation.
B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4. En attachant à la déclaration d'excusabilité l'impossibilité pour le failli d'être poursuivi par ses créanciers, le législateur entendait octroyer à celui-ci une mesure « de faveur » lui permettant de reprendre ses activités sur une base assainie, et ceci non seulement dans son intérêt, mais aussi dans celui de ses créanciers ou de certains d'entre eux qui peuvent avoir intérêt à ce que leur débiteur reprenne ses activités sur une telle base (Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 631/1, p. 35). « L'excusabilité reste une mesure de faveur accordée au débiteur qui, nonobstant sa faillite peut être un partenaire commercial fiable dont le maintien en activité commerciale ou industrielle sert l'intérêt général » (ibid. , p. 36).
Jugeant que « la faculté de se redresser est [...] utopique si le Failli doit conserver la charge du passif », le législateur a estimé que « rien ne justifie que la défaillance du débiteur, conséquence de circonstances dont il est victime, l'empêche de reprendre d'autres activités » (Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 631/13, p. 50). Il ressort des travaux parlementaires que le législateur s'est soucié de tenir « compte, de manière équilibrée, des intérêts combinés de la personne du failli, des créanciers, des travailleurs et de l'économie dans son ensemble » et d'assurer un règlement humain qui respecte les droits de toutes les parties intéressées (Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 631/13, p. 29).
Il peut se déduire de ce qui précède que l'excusabilité a pour but de permettre au failli « de reprendre ses activités en le déchargeant de son passif » (Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 631/1, p. 35) et de lui offrir une nouvelle chance (Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 631/13, pp. 150-151 et p. 182).
Le législateur n'a toutefois pas fixé de conditions ou de critères auxquels le failli devrait satisfaire pour pouvoir être déclaré excusable, en sorte que le juge dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation. Le législateur a cependant estimé que « les abus doivent évidemment être évités. A cet effet, il est prévu que le failli ne pourra être excusé en cas de condamnations relatives à différentes infractions » (Doc. parl. , Chambre, 1991-1992, no 631/13, p. 50;Doc. parl. , Chambre, 1995-1996, no 329/17, p. 12, et Doc. parl. , Sénat, 1996-1997, no 1-498/11, p. 12).
B.5. La distinction en cause repose sur un critère objectif, à savoir le fait d'avoir été condamné ou non pour l'une des infractions visées à l'article 81 de la loi sur les faillites, et elle est pertinente par rapport à l'objectif du législateur : il ressort des infractions énumérées qu'il s'agit toujours de faits punissables faisant apparaître leur auteur comme non fiable pour l'exercice de certaines activités commerciales.
B.6. Il convient toutefois de vérifier si la mesure n'est pas manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi.
Le caractère absolu de l'inexcusabilité prévue par l'article 81 a pour les faillis concernés des conséquences extrêmement graves, puisque ceux qui ont été condamnés pour une infraction visée par la disposition en cause sont automatiquement exclus de la mesure de faveur de l'excusabilité, sans que le juge ait la possibilité de vérifier si l'intéressé serait un partenaire commercial suffisamment fiable dont l'activité commerciale pourrait servir l'intérêt général avec des garanties suffisantes pour l'avenir. Il ne pourra pas apprécier les circonstances de la faillite ni l'attitude du failli envers le curateur.
Le juge ne pourra pas vérifier non plus si la condamnation encourue présente un lien quelconque avec l'activité commerciale exercée.
L'inexcusabilité s'applique en outre sans que le juge soit autorisé à tenir compte du moment de la condamnation en cause, laquelle peut être antérieure à l'exercice de toute activité commerciale.
Pareille exclusion de l'excusabilité illimitée dans le temps, absolue et automatique des faillis qui ont été condamnés pour l'une quelconque des infractions - quelle que soit l'époque à laquelle elle a été commise - énumérées à l'article 81 de la loi sur les faillites va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi : il n'apparaît pas que le fait de conférer au juge un certain pouvoir d'appréciation en la matière donnant lieu, au besoin, à une motivation spécifique, porterait atteinte aux objectifs du législateur.
B.7. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 81, 2o, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 avril 2003, par le siège précité, dans lequel les juges L. François, A. Alen et E. Derycke, légitimement empêchés, sont remplacés, pour le prononcé, respectivement par les juges P. Martens, M. Bossuyt et E. De Groot, conformément à l'article 110 de la même loi.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.