publié le 27 juin 2003
Arrêt n° 107.842 du 14 juin 2002 du Conseil d'Etat, section d'administration En cause : la Société anonyme MIO, ayant élu domicile chez Me Emmanuelle Bertrand, avocat, rue de Pitteurs 41-43, 4020 Liège, contre : l'Etat belge, représenté pa ayant élu domicile chez Me Marc Uyttendaele, avocat, rue Capitaine Crespel 2-4, 1050 Bruxelles. (...)
Arrêt n° 107.842 du 14 juin 2002 du Conseil d'Etat, section d'administration En cause : la Société anonyme MIO, ayant élu domicile chez Me Emmanuelle Bertrand, avocat, rue de Pitteurs 41-43, 4020 Liège, contre : l'Etat belge, représenté par la Ministre de la Protection de la Consommation, de la Santé publique et de l'Environnement, ayant élu domicile chez Me Marc Uyttendaele, avocat, rue Capitaine Crespel 2-4, 1050 Bruxelles.
Le Conseil d'Etat, VIe chambre, Vu la requête introduite le 23 août 2000 par la Société anonyme MIO, qui demande l'annulation de « l'arrêté royal portant retrait et interdiction de la mise sur le marché des coupes de crème glacée de la marque « MIO », modèle « PINGU », adopté le 7 mai 2000 par la Ministre de la Protection de la Consommation » avec condamnation de la partie adverse « à une astreinte unique de 1.000.000 de francs en cas d'inexécution de la décision à intervenir »;
Vu l'arrêt n° 90.614 du 30 octobre 2000 rejetant la demande de suspension;
Vu la demande de poursuite de la procédure de la partie requérante;
Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;
Vu le rapport de M. Nihoul, Auditeur au Conseil d'Etat;
Vu l'ordonnance du 28 janvier 2001 ordonnant le dépôt au greffe du dossier et du rapport;
Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;
Vu l'ordonnance du 28 mai 2002, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 12 juin 2002;
Entendu (...), en son rapport, M. Andersen, Président du Conseil d'Etat;
Entendu, en leurs observations, Me Emmanuelle Bertrand, avocat, comparaissant pour la requérante, et Me Michel Karolinski, loco Me Marc Uyttendaele, avocat, comparaissant pour la partie adverse;
Entendu, en son avis conforme, M. Paul, Auditeur au Conseil d'Etat;
Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;
Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause ont été exposés dans l'arrêt n° 90.614 du 30 octobre 2000 précité; qu'il y a lieu de s'y référer;
Considérant que la société requérante prend un moyen, le premier de sa requête, « de la violation de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer, relative à la motivation formelle des actes administratifs, et plus particulièrement de l'article 3 de cette disposition, en ce que l'arrêté royal querellé fait fi de l'avis positif, conditionnel, du 13 décembre 1999 de la Commission de la Sécurité des Consommateurs relativement à la mise sur le marché et à la distribution des coupes de crème glacée de la marque « MIO », modèle « PINGU », sans justifier les raisons pour lesquelles il s'en départit, alors que l'article 3 de ladite loi impose à l'autorité administrative une motivation adéquate, consistant en ce que l'administré concerné puisse trouver lui-même dans la décision qui l'intéresse les motifs sur la base desquels elle a été prise, afin, entre autres, qu'il puisse décider en connaissance de cause s'il peut attaquer la décision par un recours en annulation ou en suspension et alors qu'il est de jurisprudence constante de Votre Conseil qu'il n'est pas satisfait à cette obligation dès lors que ladite autorité n'indique pas les raisons pour lesquelles elle n'entend pas suivre l'avis préalablement rendu »;
Considérant que la partie adverse fait valoir, dans son mémoire en réponse, que l'arrêté royal attaqué est de nature réglementaire de telle sorte qu'il n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer précitée, qu'en irait-il même autrement que sa motivation répondrait aux exigences de cette dernière dès lors qu'il se fonde expressément « en droit, sur l'article 4 de la loi du 9 février 1994 relative à la sécurité des consommateurs et sur les circonstances que les coupes de crème glacée ne présentent pas les garanties de sécurité que le consommateur peut attendre » et « en fait, sur les considérations suivant lesquelles ce produit valorise le caractère attrayant du personnage « PINGU » pour les enfants de moins de trois ans, que le nez de ce personnage peut se détacher facilement et qu'enfin les enfants de moins de trois ans peuvent s'étouffer en avalant ce nez »; que cette motivation était, selon elle, suffisante, car elle n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments qui ont été soulevés en cours de procédure; qu'elle distingue dans l'avis qui a été donné au ministre ayant la consommation dans ses attributions par la commission de la sécurité des consommateurs en application de l'article 4 de la loi du 9 février 1994, précité, deux éléments étant, d'une part, un avis portant sur la dangerosité du produit, qu'elle a suivi, et, d'autre part, une proposition relative à la mesure à prendre, dont elle s'est départie; que dans son dernier mémoire, elle ne reprend pas cette distinction mais soutient que « les raisons pour lesquelles la décision s'écarte de l'avis de la commission apparaissent clairement »; qu' « en effet, il se déduit de la rédaction même de la décision que, en insistant sur le fait que « les coupes de crème glacée de la marque « MIO », modèle « PINGU », n'offrent pas les garanties de sécurité que le consommateur peut attendre », que « le nez de ce produit peut se détacher sans effort » et que « des enfants de moins de trois ans peuvent s'étouffer en avalant ce nez » et que « la mise sur le marché de ce produit doit être interdite explicitement », la partie adverse a estimé, en se basant sur des éléments de fait, que le produit litigieux était par trop dangereux pour les consommateurs, que pour pouvoir être vendu sur le marché belge »;
Considérant que l'arrêté royal attaqué constitue un acte administratif individuel soumis à la loi précitée du 29 juillet 1991 en ce que, d'une part, il n'édicte aucune règle de conduite nouvelle mais se limite à appliquer une réglementation existante à un cas individuel et, d'autre part, vise un produit bien déterminé, à savoir les « coupes de crème glacée modèle « PINGU », commercialisé par une firme bien identifiée, à savoir la S.A. MIO »; que lorsque, comme en l'espèce, la décision ne peut être prise qu'après consultation d'une commission appelée à donner un avis motivé, l'autorité investie du pouvoir de décision doit, si elle estime devoir se départir de l'avis, en exposer clairement, fût-ce succinctement, les raisons dans la décision elle-même; que s'il est vrai que l'article 11, alinéa 2, de la loi précitée du 9 février 1994 prévoit que dans le cadre de sa compétence d'avis, la commission de sécurité des consommateurs peut « proposer toute mesure de nature à améliorer la prévention des risques en matière de sécurité des produits ou des services », il n'en reste pas moins que la commission a émis, à l'unanimité, l'avis, pour les raisons qui y sont mentionnées, à savoir que « le produit en question est vendu dans différents Etats membres » et « qu'il est également introduit sur le marché belge par un autre fabricant. . . », qu'il n'y avait pas lieu d'interdire sa mise sur le marché sous sa forme actuelle, et qu'il suffisait que le produit faisant l'objet de l'avis, ainsi que les produits semblables mis sur le marché par d'autres fabricants, satisfasse à certaines exigences en matière d'information du consommateur; que cet avis forme un tout; que l'arrêté royal attaqué devait, pour satisfaire à l'obligation de motivation formelle, expliquer les raisons pour lesquelles son auteur avait décidé de s'écarter sur ce point de l'avis en interdisant la mise sur le marché des coupes de crème glacée de la marque « MIO », modèle « PINGU », et uniquement de celles-ci, et d'en ordonner le retrait du marché, d'autant que la société requérante avait, sur le vu de l'avis, complété l'information figurant sur le produit en vue de s'y conformer; que ces raisons ne ressortent pas à suffisance de l'arrêté attaqué lui-même; que la partie adverse ne peut suppléer a posteriori à cette carence en invoquant d'autres pièces auxquelles l'arrêté attaqué ne se réfère pas et qui n'ont pas été communiquées à la société requérante et, pas davantage, en fournissant après coup des justifications; qu'il s'ensuit que le premier moyen est fondé;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard aux autres moyens qui, à les supposer fondés, ne pourraient conduire à une annulation plus étendue;
Considérant que la partie adverse ne peut être condamnée « à une astreinte unique de 1.000.000 francs en cas d'inexécution de la décision à intervenir » les conditions prévues à l'article 36, § 1, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, n'étant pas remplies, Décide :
Article 1er.Est annulé l'arrêté royal portant retrait et interdiction de la mise sur le marché des coupes de crème glacée de la marque « MIO », modèle « PINGU », adopté le 7 mai 2000 par le Ministre de la Protection de la Consommation.
Art. 2.La requête est rejetée pour le surplus.
Art. 3.Le présent arrêt sera publié in extenso au Moniteur belge .
Art. 4.Les dépens, liquidés à la somme de 347,06 euros, sont mis à charge de la partie adverse.
Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique de la VIe chambre, le quatorze juin deux mille deux par : MM. Andersen, Président du Conseil d'Etat, Hanse, Conseiller d'Etat, Lewalle, conseiller d'Etat, Harmel, Greffier.
Le greffier, P. Harmel.
Le Président, R. Andersen.