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Arrêt
publié le 19 juin 2002

Extrait de l'arrêt n° 64/2002 du 28 mars 2002 Numéro du rôle : 2164 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 1 er , alinéa 1 er , a)(...)

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cour d'arbitrage
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 64/2002 du 28 mars 2002 Numéro du rôle : 2164 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 1er, alinéa 1er, a), de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces, et l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, posée par la Cour de cassation.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 26 mars 2001 en cause de la Communauté française contre M. Cornet, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 24 avril 2001, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1er, alinéa 1er, a), de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces, formant l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il soumet à la prescription quinquennale une demande dirigée contre une personne au profit de qui cette prescription est instituée et tendant, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, à la réparation du dommage causé par une atteinte fautive aux règles statutaires régissant les relations de travail entre ces personnes et les membres de leur personnel, alors que la victime d'une faute aquilienne commise en 1977 bénéficie en règle contre le responsable du dommage d'une action qui se prescrit par trente ans ? » (...) IV. En droit (...) B.1. L'article 1er de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces forme désormais l'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, qui dispose : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : 1° les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées;2° les créances qui, ayant été produites dans le délai visé au 1°, n'ont pas été ordonnancées par les Ministres dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles ont été produites;3° toutes autres créances qui n'ont pas été ordonnancées dans le délai de dix ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles sont nées. Toutefois, les créances résultant de jugements restent soumises à la prescription décennale; elles doivent être payées à l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations. » En vertu de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, cette disposition est applicable aux communautés et aux régions.

B.2. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer modifiant certaines dispositions en matière de prescription, le délai de prescription de droit commun était de trente ans. Le nouvel article 2262bis, § 1er, du Code civil, inséré par la loi susdite, énonce que les actions personnelles sont prescrites par dix ans à l'exception des actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité extra-contractuelle qui se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable, ces actions se prescrivant en tout état de cause par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le dommage. Lorsque l'action a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer, l'article 10 de cette loi dispose, à titre de mesure transitoire, que les nouveaux délais de prescription qu'elle institue ne commencent à courir qu'à partir de son entrée en vigueur.

B.3. Il se déduit des faits qui sont à l'origine de la question préjudicielle que la Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de la prescription quinquennale en ce qu'elle s'applique à une demande d'indemnisation fondée sur une faute, une négligence ou une imprudence (articles 1382 et 1383 du Code civil). La Cour examine la constitutionnalité de la norme litigieuse uniquement en ce qu'elle s'applique à cette catégorie d'actions en indemnisation et en ce que, au moment où a été introduite l'action, le délai de prescription était de cinq ans pour un dommage causé par une communauté et de trente ans pour un dommage causé par des particuliers.

B.4. S'il est vrai que les autorités concernées doivent servir l'intérêt général alors que les particuliers peuvent se laisser guider par leur intérêt personnel, l'Etat, les communautés et les régions débiteurs, dans leurs relations extra-contractuelles, n'en peuvent pas moins être comparés avec les particuliers.

B.5. Dans les arrêts nos 32/96, 75/97, 5/99 et 85/2001, la Cour a estimé qu'en soumettant à la prescription quinquennale les actions dirigées contre l'Etat, le législateur avait pris une mesure en rapport avec le but poursuivi qui est de permettre de clôturer les comptes de l'Etat dans un délai raisonnable. Il a en effet considéré qu'une telle mesure était indispensable, parce qu'il faut que l'Etat puisse, à une époque déterminée, arrêter ses comptes : c'est une prescription d'ordre public et nécessaire au point de vue d'une bonne comptabilité (Pasin. 1846, p. 287).

Lors des travaux préparatoires de la loi du 6 février 1970, il fut rappelé que, « faisant pour plus de 150 milliards de dépenses par an, manoeuvrant un appareil administratif lourd et compliqué, submergé de documents et d'archives, l'Etat est un débiteur de nature particulière » et que « des raisons d'ordre imposent que l'on mette fin aussitôt que possible aux revendications tirant leur origine d'affaires arriérées » (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 971/1, p. 2; Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 126, p. 4).

B.6. Dans l'arrêt n° 32/96, la Cour a toutefois constaté que le délai de prescription quinquennale n'est pas raisonnablement justifié en tant qu'il s'applique à des demandes d'indemnisation du préjudice causé à des propriétés par des travaux exécutés par l'Etat. Dans ce cas, il s'agit en effet de créances nées d'un préjudice qui peut n'apparaître que plusieurs années après que les travaux ont été exécutés. Les réclamations tardives s'expliquent, le plus souvent, non par la négligence du créancier mais par l'apparition tardive du dommage.

B.7. Dans l'arrêt n° 75/97, la Cour a décidé que ce raisonnement n'est pas pertinent à l'égard des actions qui opposent l'Etat à ses cocontractants en matière de marchés publics. En effet, de tels litiges naissent de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de conventions librement conclues avec l'Etat et dont les clauses renseignent les parties sur la nature, la portée et l'ampleur de leurs obligations.

B.8. Dans l'arrêt n° 5/99, la Cour a décidé que le raisonnement de l'arrêt n° 32/96 ne peut davantage être appliqué à des créances ayant pour objet de réparer un préjudice qui est causé par la décision, qualifiée de fautive, de rémunérer inégalement des travailleurs.

L'hypothèse examinée concernait des actions qui résultaient d'une relation de travail existant entre la province et des membres de son personnel dont les droits et obligations sont fixés préalablement dans un ensemble de règles statutaires ayant fait l'objet d'une publicité et dont chacun est censé connaître la portée.

B.9. Dans l'arrêt n° 85/2001, la Cour a décidé que le raisonnement de l'arrêt n° 32/96 ne peut s'appliquer lorsque la personne préjudiciée pouvait agir immédiatement contre l'autorité susceptible d'être déclarée responsable, sans qu'elle dût attendre que le Conseil d'Etat ait statué sur le recours qu'elle avait introduit contre la décision du ministre lui retirant sa fonction. Dans l'arrêt n° 42/2002, la Cour a confirmé cette position à l'égard d'une autre situation dans laquelle le préjudice s'était clairement manifesté au moment où avait été prise la décision de l'autorité administrative.

B.10.1. Dans la présente affaire, comme dans la première affaire qui a donné lieu à l'arrêt n° 85/2001, la personne préjudiciée pouvait agir immédiatement contre l'autorité susceptible d'être déclarée responsable, sans qu'elle dût attendre que le Conseil d'Etat ait statué sur le recours qu'elle avait introduit contre la décision du ministre de ne pas prendre en considération sa candidature.

B.10.2. Cette personne ne se trouve pas dans une situation essentiellement différente de tout demandeur en réparation qui doit agir, dans le délai légal, contre l'autorité dont la responsabilité extra-contractuelle peut être engagée.

Sa situation n'est pas comparable à celle des personnes qui se trouvent dans l'impossibilité d'agir dans le délai légal parce que leur dommage ne s'est manifesté qu'après son expiration.

B.11. En soumettant à la prescription quinquennale de telles actions, le législateur a pris une mesure qui n'est pas disproportionnée au but poursuivi.

B.12. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il prévoit un délai de prescription quinquennale pour les actions en indemnisation fondées sur la responsabilité extra-contractuelle des pouvoirs publics lorsque le préjudice et l'identité du responsable peuvent être immédiatement constatés.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 mars 2002.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux M. Melchior

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