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Arrêt
publié le 01 juin 2002

Extrait de l'arrêt n° 58/2002 du 28 mars 2002 Numéro du rôle : 2087 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 3, § 1 er , de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délég La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 58/2002 du 28 mars 2002 Numéro du rôle : 2087 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel, posées par la Cour du travail de Mons.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arrêt du 4 décembre 2000 en cause de A. Schamps et J.-L. Deghoy contre M.-C. Dulieu et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 8 décembre 2000, la Cour du travail de Mons a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Dans l'hypothèse de la fermeture totale de l'entreprise, l'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne contient-il pas un moyen disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi du législateur lorsqu'il contraint l'employeur à saisir préalablement la commission paritaire en vue de faire reconnaître comme des raisons d'ordre économique et technique cette fermeture ? En effet et en raison de la fermeture totale de l'entreprise, le conseil d'entreprise et le comité pour la protection et la prévention au travail sont amenés à cesser leurs fonctions et dès lors tout risque de discrimination de l'employeur envers les travailleurs protégés est exclu.

L'obligation de l'employeur de saisir la commission paritaire peut dès lors apparaître comme inutile et non indispensable et donc, disproportionnée pour atteindre le but légal de la protection spécifique contre les éventuelles mesures de représailles de l'employeur envers les travailleurs protégés. Cette obligation peut constituer, en revanche, un privilège discriminatoire en faveur des travailleurs protégés par rapport aux travailleurs non protégés. 2. L'interprétation de l'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer selon laquelle le curateur doit être considéré comme l'employeur est-elle compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce sens qu'elle n'est pas indispensable pour atteindre le but légal de la protection spécifique contre les éventuelles mesures de représailles de l'employeur envers les travailleurs protégés et qu'elle crée en leur faveur un privilège discriminatoire par rapport aux travailleurs non protégés ? En effet, dans la circonstance particulière où la faillite entraîne le dessaisissement des biens de l'employeur et l'obligation de licencier tout le personnel de l'entreprise, l'obligation à charge du curateur apparaît comme inutile et non indispensable pour atteindre le but légal de la protection contre les mesures de représailles de l'employeur puisque par l'effet de la faillite, le curateur se trouve dans une situation encore plus contraignante que l'employeur et que le risque de discrimination envers les travailleurs protégés est encore plus exclu.» (...) IV. En droit (...) Quant à la deuxième question préjudicielle B.1.1. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel », en ce qu'il obligerait le curateur, dans le cadre d'une faillite, à saisir la commission paritaire avant de licencier des travailleurs protégés, créant ainsi un privilège discriminatoire en faveur de cette catégorie de travailleurs par rapport aux travailleurs non protégés.

Selon le juge a quo, une telle obligation serait disproportionnée par rapport à l'objectif de protection contre les mesures de représailles de l'employeur parce que, par l'effet de la faillite, le curateur se trouverait dans une situation plus contraignante que l'employeur et le risque de discrimination envers les travailleurs protégés serait exclu.

B.1.2. La disposition en cause est libellée comme suit : « L'employeur qui envisage de licencier un délégué du personnel ou un candidat délégué du personnel pour des raisons d'ordre économique ou technique doit saisir préalablement la commission paritaire compétente par lettre recommandée à la poste. A défaut de commission paritaire ou si la commission paritaire ne fonctionne pas, il doit saisir le Conseil national du travail.

La commission paritaire ou, le cas échéant, le Conseil national du travail est tenu de se prononcer au sujet de l'existence ou de l'absence de raisons d'ordre économique ou technique dans les deux mois à compter de la date de la demande qui en est faite par l'employeur.

A défaut de décision de l'organe paritaire dans le délai fixé à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut licencier le délégué du personnel ou le candidat délégué du personnel qu'en cas de fermeture de l'entreprise ou d'une division de l'entreprise ou en cas de licenciement d'une catégorie déterminée du personnel.

Sauf en cas de fermeture de l'entreprise ou d'une division de celle-ci, l'employeur ne peut procéder au licenciement avant que les juridictions du travail n'aient reconnu l'existence des raisons d'ordre économique ou technique. Pour obtenir cette reconnaissance, l'employeur est tenu de saisir, par citation, le président du tribunal du travail d'une demande de reconnaissance des raisons d'ordre économique ou technique justifiant le licenciement du délégué du personnel ou du candidat délégué du personnel. La procédure est régie par les règles fixées aux articles 8, 10 et 11 de la présente loi.

L'employeur est tenu d'assurer l'exécution du contrat de travail pendant la procédure en cours devant les juridictions du travail.

Lorsque le jugement reconnaît les raisons d'ordre économique ou technique, il ne peut notifier le congé qu'à partir du troisième jour ouvrable qui suit l'échéance du délai d'appel ou, s'il y a eu appel, du troisième jour ouvrable qui suit la notification de l'arrêt reconnaissant les raisons d'ordre économique ou technique. » B.1.3. Seront appelés ci-après « travailleurs protégés » ceux auxquels la loi accorde une protection spéciale contre le licenciement parce que leurs fonctions de représentation du personnel face à leur employeur ou leur candidature à de telles fonctions les exposent à être licenciés pour des motifs tenant à ce qu'ils doivent défendre des intérêts qui peuvent être opposés à ceux de cet employeur.

B.2. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.3.1. L'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer doit être lu à la lumière des règles qui régissent la faillite d'une entreprise.

B.3.2. Un jugement déclaratif de faillite implique, en principe, l'arrêt immédiat de toute activité de l'entreprise. Le failli est, en effet, dès cet instant, dessaisi de plein droit de tous ses biens.

Cette règle résulte tant de l'article 444 ancien du Code de commerce, qui était applicable au moment des faits, que de l'article 16 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites qui l'a remplacé.

L'article 475 ancien du Code de commerce prévoyait toutefois que si l'intérêt des créanciers le permettait, le curateur ou toute personne intéressée pouvait demander au tribunal d'autoriser la poursuite provisoire des activités commerciales, cette autorisation faisant l'objet d'un jugement distinct. Cette règle a été reprise par l'article 47 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites.

B.4. Il ressort des motifs de la décision rendue par le juge a quo que la Cour est interrogée sur l'existence d'une éventuelle discrimination au détriment des travailleurs non protégés, dans l'hypothèse où l'ensemble du personnel est licencié par suite de la déclaration de faillite. La Cour limitera dès lors son examen à cette seule hypothèse.

B.5. Il existe entre les travailleurs protégés et les travailleurs non protégés une différence qui repose sur un critère objectif : les travailleurs protégés exercent des fonctions syndicales et ils défendent des intérêts qui peuvent être opposés à ceux de l'employeur.

B.6. La Cour examine uniquement si la mesure, qui consiste à obliger un curateur à saisir la commission paritaire avant de licencier des travailleurs protégés en raison de la faillite de l'entreprise, est susceptible de justification objective et raisonnable par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur.

B.7.1. Le régime de protection contre le licenciement institué par la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer trouve son origine dans la loi du 20 septembre 1948Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/09/1948 pub. 06/07/2010 numac 2010000388 source service public federal interieur Loi portant organisation de l'économie Coordination officieuse en langue allemande fermer portant organisation de l'économie. Il ressort des travaux préparatoires de cette loi que le législateur entendait protéger les délégués du personnel contre un licenciement arbitraire (Doc. parl., Chambre, 1947-1948, n° 511, p. 51; Doc. parl., Sénat, 1947-1948, n° 397, p. 24).

Dès lors que le licenciement du travailleur protégé était considéré comme suspect, le législateur a institué une interdiction de principe de ce licenciement. Seul le motif grave était admis par la loi du 20 septembre 1948Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/09/1948 pub. 06/07/2010 numac 2010000388 source service public federal interieur Loi portant organisation de l'économie Coordination officieuse en langue allemande fermer. Le droit, pour l'employeur, de licencier des travailleurs protégés pour des raisons d'ordre économique ou technique, moyennant la consultation préalable de la commission paritaire, a été introduit dans la loi du 20 septembre 1948Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/09/1948 pub. 06/07/2010 numac 2010000388 source service public federal interieur Loi portant organisation de l'économie Coordination officieuse en langue allemande fermer par une loi du 18 mars 1950 (Doc. parl., Chambre, 1949-1950, n° 196).

B.7.2. Les travaux préparatoires de cette loi exposent « qu'il n'est jamais entré dans l'esprit des auteurs de la proposition de loi, ni dans l'esprit des membres de la commission, de faire bénéficier de la protection ou de l'indemnité de licenciement le délégué ou le candidat lorsque l'usine vient à fermer pour des motifs économiques » (Ann., Chambre, 31 janvier 1950, n° 22, p. 7). Un membre a toutefois signalé, en ce qui concerne les licenciements pour des causes économiques, que l'on pouvait fermer une usine pendant quinze jours et puis la rouvrir après avoir liquidé le personnel, ce cas s'étant présenté dans plusieurs usines (Ann., Chambre, 31 janvier 1950, n° 22, p. 7).

B.7.3. La loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer a confirmé l'obligation pour l'employeur de saisir la commission paritaire lorsqu'il envisage de licencier un travailleur protégé pour des raisons d'ordre économique ou technique.

Le législateur a rappelé, en 1991, qu'il s'agissait de protéger les délégués du personnel et les candidats délégués contre les licenciements arbitraires, de manière à leur permettre d'exercer leur mandat en toute indépendance (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1471/1, p. 5; Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1105-1, pp. 1 et 5).

Le législateur a également souligné que la réglementation existante, en l'occurrence celle organisée par la loi antérieure, devait être maintenue pour les cas de fermeture totale ou partielle de l'entreprise, parce que le risque, fût-il minime, d'un comportement discriminatoire de la part de l'employeur subsistait dans ces hypothèses (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1105-2, p. 43).

B.8.1. Le ministre de l'Emploi et du Travail a insisté, lors des débats parlementaires qui précédèrent l'adoption de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, sur le caractère obligatoire de la consultation de la commission paritaire, par le curateur, lorsque les activités sont poursuivies malgré la décision du tribunal de commerce de les interrompre à bref délai. Le ministre a souligné qu'en revanche cette consultation ne serait plus obligatoire si le tribunal de commerce décidait de prononcer la faillite sans poursuite de l'activité, ce qui entraîne nécessairement, selon lui, une interruption immédiate de toutes les activités et une réduction du personnel (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1105-2, p.42).

B.8.2. Lors de la réforme de la législation applicable aux faillites, un article en projet visait à dispenser les curateurs de saisir une quelconque autorité préalablement au licenciement de travailleurs bénéficiant d'une protection légale ou réglementaire au titre de candidat élu ou non élu au conseil d'entreprise ou au comité de sécurité, d'hygiène ou d'embellissement ou encore au titre de délégué syndical (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, pp. 91-92).

On pouvait lire, dans l'exposé des motifs, que le jugement déclaratif de faillite, qui a un caractère exécutoire, établissait en soi la réalité des motifs économiques et techniques justifiant le licenciement de tout le personnel dès l'instant où ce licenciement, dont le curateur garde l'initiative, avait un caractère collectif et dès lors non discriminatoire. Il a également été rappelé que le curateur n'était pas l'employeur au sens que le législateur a entendu donner à ce mot dans les législations organisant les protections et qu'il serait contraire à la loi du concours et à l'égalité qui doit régner au sein de créanciers de même rang privilégié de permettre que des indemnités spéciales de protection puissent, après la faillite, venir diminuer les dividendes à répartir au rang de l'article 19, 3°bis, de la loi hypothécaire. Il a enfin été soutenu que les sanctions envisagées ne pouvaient se concevoir qu'à charge de l'employeur et non au détriment de travailleurs en concours en raison d'une déclaration de faillite de leur employeur (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, pp. 24-25).

La dispense, pour le curateur, de saisir la commission paritaire n'a toutefois pas été inscrite dans le texte de la loi sur les faillites.

B.9.1. Dès lors que le jugement déclaratif de faillite a un caractère exécutoire et implique en principe la cessation de l'activité de l'entreprise, la mesure qui consiste à obliger le curateur à consulter la commission paritaire avant de licencier les travailleurs protégés, alors qu'il entend licencier l'ensemble du personnel à dater de ce jugement, n'est pas raisonnablement justifiée par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur dans la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

Les mesures de représailles contre lesquelles le législateur entend protéger les délégués du personnel ou les candidats délégués ne sont, en effet, pas à craindre de la part du curateur lorsque celui-ci procède au licenciement collectif des travailleurs, sans distinguer des autres ceux qui exercent un mandat de représentation du personnel ou qui se sont portés candidats pour un tel mandat.

B.9.2. Il découle des éléments qui précèdent que dans l'interprétation mentionnée au B.4, l'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail ainsi que pour les candidats délégués du personnel » n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.10. La Cour constate toutefois que la disposition précitée peut recevoir une autre interprétation que celle qui lui est donnée par le juge a quo (voy. notamment Cass., 25 juin 2001).

Comme la Cour l'a indiqué au B.3.2, le jugement déclaratif de faillite met fin immédiatement à l'activité de l'entreprise. La poursuite d'activité de l'entreprise visée à l'article 475 du Code de commerce, devenu l'article 47 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 20/02/2003 numac 1999015194 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention entre le Royaume de Belgique et la République algérienne démocratique et populaire tendant à éviter la double imposition et à établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Alger le 15 décembre 1991 (2) type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, constitue une exception qui ne remet nullement en cause ce principe.

Dès lors que le curateur ne peut, sans autorisation judiciaire, poursuivre l'activité de l'entreprise, il n'est pas tenu de consulter la commission paritaire lorsque le tribunal déclare la faillite et que par suite de celle-ci le curateur licencie collectivement le personnel.

B.11. Interprété comme n'obligeant pas le curateur d'une faillite à consulter la commission paritaire lorsque la faillite de l'entreprise a été déclarée et que, par suite de celle-ci, le curateur licencie collectivement le personnel, l'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Quant à la première question préjudicielle B.12. Dès lors qu'il apparaît du dossier que le litige pendant devant le juge a quo concerne la faillite d'une société et non l'hypothèse de la fermeture totale d'une entreprise décidée par l'employeur, et compte tenu de la réponse qui est apportée à la seconde question préjudicielle, la première question n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 3, § 1er, de la loi du 19 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/1991 pub. 22/12/2009 numac 2009000842 source service public federal interieur Loi portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail ainsi que pour les candidats délégués du personnel » viole les articles 10 et 11 de la Constitution s'il est interprété comme obligeant le curateur d'une faillite qui entend licencier collectivement le personnel par suite du jugement déclaratif de faillite, à saisir la commission paritaire afin que celle-ci reconnaisse l'existence de motifs économiques justifiant ce licenciement.

La même disposition ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution si elle est interprétée comme n'obligeant pas le curateur d'une faillite qui licencie collectivement le personnel par suite du jugement déclaratif de faillite, à saisir la commission paritaire afin que celle-ci reconnaisse l'existence de motifs économiques justifiant ce licenciement.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 mars 2002.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux M. Melchior

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