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Arrêt
publié le 07 septembre 2000

Extrait de l'arrêt n° 82/2000 du 21 juin 2000 Numéro du rôle : 1946 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 1733 du Code civil, posée par la Cour d'appel d'Anvers. La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Bae après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arr(...)

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07/09/2000
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 82/2000 du 21 juin 2000 Numéro du rôle : 1946 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 1733 du Code civil, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges L. François, J. Delruelle, E. Cerexhe, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 4 avril 2000 en cause de P. Thijs contre J. Vermeulen, H. De Molenaer et la s.a. Commercial Union, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 12 avril 2000, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1733 du Code civil viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994 en tant qu'il impose au preneur d'un immeuble une charge spéciale de la preuve pour pouvoir renverser la présomption de responsabilité en matière d'incendie et dispense le bailleur d'administrer la preuve de toute faute en cas d'incendie par l'institution d'une présomption de faute dans le chef du preneur ? » IV. En droit B.1. La question invite à comparer, sur le plan de la responsabilité en matière d'incendie dans un immeuble loué, d'une part, la situation du preneur, qui doit répondre de l'incendie en vertu de la disposition en cause, à moins qu'il ne prouve que l'incendie s'est déclaré sans sa faute et, d'autre part, la situation du bailleur du bien concerné, sur lequel ne pèse pas cette présomption.

L'appelant devant la juridiction a quo estime que l'article 1733 du Code civil, lu ou non en combinaison avec l'article 1732 de ce Code, viole les articles 10 et 11 de la Constitution et qu'il y a discrimination non seulement dans le chef des preneurs, mais également par rapport à d'autres catégories de personnes, comme les dépositaires, emprunteurs et titulaires d'un droit d'usage ou d'habitation.

La Cour excéderait toutefois les limites de sa saisine si elle étendait son contrôle à d'autres dispositions que l'article 1733 du Code civil et si elle procédait à d'autres comparaisons que celle entre le preneur et le bailleur.

B.2. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.3. La différence de traitement qui consiste en ce que le preneur doit répondre de l'incendie du bien loué, à l'inverse du bailleur, est objective et présente un rapport raisonnable avec l'intention du législateur de régler l'ensemble des droits et obligations réciproques en matière de baux à loyer à défaut de dispositions contractuelles particulières et plus précisément de garantir au bailleur que le preneur use du bien loué en bon père de famille et qu'il le restitue au terme du bail à loyer.

B.4. La responsabilité du preneur en cas d'incendie du bien loué est une responsabilité contractuelle qui dérive uniquement de l'obligation de restitution, qui est une obligation de résultat. Il résulte de la disposition en cause qu'il suffit que le preneur prouve que l'incendie s'est déclaré sans sa faute pour décliner sa responsabilité. Par ailleurs, le preneur peut contracter une assurance couvrant sa responsabilité en cas d'incendie du bien loué, s'il n'est pas déjà obligé de le faire en vertu de la convention qu'il a conclue.

La présomption - réfragable - de responsabilité du preneur en cas d'incendie du bien loué n'est pas disproportionnée, ni, partant, discriminatoire.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 1733 du Code civil ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il impose au preneur d'un immeuble une charge spéciale de la preuve pour pouvoir renverser la présomption de responsabilité en matière d'incendie.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 juin 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, G. De Baets.

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