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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 04 mai 2001

Arrêt n° 45/2001 du 18 avril 2001 Numéro du rôle : 1843 En cause : le recours en annulation des articles 21 et 48, § 2, de la loi du 4 mai 1999 portant des dispositions fiscales diverses, introduit par la s.a. Groupement d'achat Clé d'or La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges L. François, P. Martens, A. Ar(...)

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Arrêt n° 45/2001 du 18 avril 2001 Numéro du rôle : 1843 En cause : le recours en annulation des articles 21 et 48, § 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer portant des dispositions fiscales diverses, introduit par la s.a. Groupement d'achat Clé d'or.

La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges L. François, P. Martens, A. Arts, R. Henneuse et E. De Groot, et du président émérite G. De Baets conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 décembre 1999 et parvenue au greffe le 13 décembre 1999, la s.a.

Groupement d'achat Clé d'or, dont le siège social est établi à 4960 Bassenge, rue des Peupliers 9, a introduit un recours en annulation de l'article 21 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer portant des dispositions fiscales diverses, qui modifie l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992), et, à titre subsidiaire, de l'article 48, § 2, de la même loi (publiée au Moniteur belge du 12 juin 1999).

II. La procédure Par ordonnance du 13 décembre 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 janvier 2000.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 4 février 2000.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 7 mars 2000.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 2 mai 2000.

La partie requérante a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 25 mai 2000.

Par ordonnances du 31 mai 2000 et du 29 novembre 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 10 décembre 2000 et 10 juin 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 21 décembre 2000, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 10 janvier 2001.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 22 décembre 2000.

A l'audience publique du 10 janvier 2001 : - ont comparu : . Me L. Foguenne et Me C. Vandevyver, avocats au barreau de Liège, pour la partie requérante; . Me A. Dayez loco Me P. Peeters, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs L. François et E. De Groot ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à l'intérêt de la requérante A.1. En tant que société résidente soumise à l'impôt des sociétés et à la disposition attaquée, la requérante estime justifier de l'intérêt requis pour demander l'annulation de celle-ci.

Quant au fond Quant à l'article 21 A.2.1. La requérante expose, à titre principal, que l'article 21 de la loi attaquée, qui ne définit pas la notion de « bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société », crée une discrimination entre les contribuables soumis à l'impôt des sociétés, auxquels cette disposition permet d'imposer une cotisation de 300 p.c. sur ces bénéfices (pouvant comprendre, faute de définition, toutes rectifications de la base imposable y compris celles portant sur les dépenses non admises), et les contribuables soumis à l'impôt des personnes physiques : si celles-ci effectuent une activité engendrant des bénéfices au sens de l'article 23, § 1er, 1°, du C.I.R. 1992 et déduisent de leur revenu brut des frais qui ne rencontrent pas les critères fixés par l'article 49 du même Code, elles sont imposées sur ces frais, intégrés dans le résultat fiscal et entraînant une imposition au taux marginal. Le taux marginal le plus élevé est de 55 p.c.

Même si l'article 198, 1°, du C.I.R. 1992 permet de déduire la cotisation en cause, la société subit une imposition beaucoup plus lourde, alors qu'elle se trouve dans une situation sinon identique, du moins comparable.

A.2.2. Le Conseil des ministres estime que la notion de bénéfices dissimulés peut être clairement distinguée de celle des autres éléments de la base imposable : outre les déclarations du ministre faites lors de l'élaboration de la loi (se référant aux chiffres d'affaires réalisés au noir et servant à payer de façon occulte des dépenses de même nature que celles visées à l'article 21 du C.I.R. 1992), le C.I.R. 1992 prévoit, en son article 183, que le montant des revenus soumis à l'impôt des sociétés est déterminé d'après les règles applicables aux bénéfices prévues pour l'impôt des personnes physiques et, en son article 185, que les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices. Les bénéfices dissimulés visés par la disposition incriminée doivent dès lors être déterminés par référence à l'article 24 du C.I.R. 1992, à l'exception des réserves visées à l'article 24, alinéa 1er, 2° à 4°, du C.I.R. 1992, expressément exclues par l'article 219, alinéa 3, du C.I.R. 1992, inséré par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer.

Les dépenses non admises ne peuvent davantage être confondues avec les bénéfices dissimulés puisqu'elles apparaissent en principe dans la comptabilité et la déclaration fiscale et interviennent pour former la base imposable.

Il s'ensuit que les « bénéfices dissimulés » sont l'éventuelle partie des bénéfices qui n'aurait pas été comprise dans les revenus de l'entreprise et qui, dans le chef d'une société, a été distraite du patrimoine social. En d'autres termes, il s'agit de recettes « en noir » ou, plus simplement, non actées dans la comptabilité.

A.2.3. Le Conseil des ministres estime que la requérante ne démontre pas en quoi les sociétés et les personnes physiques, s'agissant de contribuables par nature si différents et soumis à un impôt véritablement différent en dépit d'un certain nombre de règles et de principes communs, devraient être comparées. Or le problème que la disposition attaquée vise à résoudre ne se pose que pour les sociétés puisque le seul refus de la déductibilité des sommes envisagées par l'article 57 du C.I.R. 1992 (rémunérations, commissions, etc.) mènerait à leur réintégration dans la base imposable et à leur taxation au taux de 40,17 p.c. (39 p.c. plus les 3 p.c. de contribution complémentaire de crise prévus à l'article 463bis du C.I.R. 1992), c'est-à-dire bien au-dessous des taux qui auraient été appliqués à ces sommes si elles avaient été taxées entre les mains de leurs bénéficiaires personnes physiques. Il en découlerait un indéniable avantage fiscal pour les sociétés à payer « en noir » leur personnel. Tel n'est pas le cas en ce qui concerne les personnes physiques puisque la somme en cause, une fois réintégrée à la base taxable, est soumise au taux d'imposition progressif, et par tranches.

A.2.4. Même si l'on admettait que les deux catégories de redevables sont comparables, les personnes physiques ne bénéficient nullement, selon le Conseil des ministres, d'un avantage injustifié : la taxation d'un bénéfice dissimulé entraînera pour la société « l'enrôlement de la cotisation distincte de 309 p.c. (déductible à titre de frais professionnels dont il est fait abstraction pour le présent calcul) ce qui implique que, pour un coût économique total de 100, la société peut distribuer un montant de 100 - [100 X 309/(100 + 309)] = 24,45 de bénéfices dissimulés, après soustraction de la cotisation distincte de 75,55 y afférente[; à] l'impôt des personnes physiques, la détermination de recettes dissimulées pour un montant équivalent de 100 aura pour conséquence l'augmentation des bénéfices imposables et corrélativement des cotisations sociales de travailleur indépendant, soit dans l'hypothèse de cotisations sociales fixées à 20,2 p.c. et d'une imposition à l'impôt des personnes physiques au taux de 60,61 p.c. (55 p.c. X 1,07 d'IPP/Com. X 1,03 de contribution complémentaire de crise), un impôt de [(100 - 20,2) X 0,6061] = 48,36 et un résultat net de [100 - (20,2 + 48,36)] = 31,44. » Les personnes physiques étant en outre seules soumises à la cotisation spéciale pour la sécurité sociale et, le cas échéant, à la majoration pour absence ou insuffisance de versements anticipés, l'on ne peut conclure, par conséquent, à un traitement plus avantageux dans le chef de celles-ci.

S'il convient d'éviter des comparaisons entre les traitements fiscaux de situations qui ne sont pas comparables, il importe inversement de souligner que la disposition incriminée vise à traiter de la manière la plus adéquate une situation spécifique aux sociétés résidentes, dans le chef desquelles la cotisation distincte constitue une imposition de type forfaitaire (eu égard au fait que les bénéfices dissimulés ont été définitivement distraits du patrimoine social et que leur bénéficiaire n'est pas identifié), et à rétablir un équilibre entre les sociétés qui consacrent leurs revenus déclarés au paiement de dépenses visées à l'article 57 du C.I.R. 1992 et celles qui effectuent de tels paiements de manière occulte, en dehors de toute retenue fiscale ou sociale, au moyen de bénéfices dissimulés. La disposition contestée permet dès lors d'améliorer le traitement fiscal équivalent de sociétés se trouvant dans des situations objectivement comparables et de prévenir la fraude, le relèvement de la cotisation de 200 à 300 p.c. par la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 30/03/1994 pub. 25/07/2011 numac 2011000468 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales Coordination officieuse en langue allemande d'extraits type loi prom. 30/03/1994 pub. 27/01/2015 numac 2015000029 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ayant précisément été justifié par le souci d'éviter que le paiement de salaires au noir, de commissions secrètes, etc. ne soit fiscalement avantageux.

A.2.5. La requérante réplique que s'il est exact que de nombreuses différences existent entre contribuables suivant qu'ils sont soumis à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales, il reste que la notion de bénéfice est la même dans les deux régimes et que seul celui de l'impôt des sociétés vise la notion de bénéfice dissimulé, sans toutefois la définir clairement : les travaux parlementaires visent en effet, de manière imprécise, les chiffres d'affaires réalisés au noir par une entreprise dont le produit sert à payer de façon occulte des dépenses de même nature que celles visées à l'article 21 du C.I.R. 1992, l'éventuelle partie des bénéfices qui n'aurait pas été comprise dans les revenus de l'entreprise et qui, dans le chef d'une société, a été distraite du patrimoine social, les recettes « en noir » ou, plus simplement, non actées dans la comptabilité, ou encore les bénéfices autres que ceux qui sont soit taxés à titre de revenus professionnels dans le chef des dirigeants d'entreprises concernés, avec leur accord, soit réintégrés, après adaptation de la comptabilité, dans le patrimoine de la société.

Dès lors que des bénéfices (terme que le Code emploie au même titre que « résultats » ou « revenus ») peuvent être dissimulés soit parce que certains produits n'ont pas été enregistrés, soit parce que certaines charges ont été volontairement enregistrées à tort (dans les deux cas, il y aura une différence entre le résultat réel et le résultat apparent, cette différence pouvant correspondre à un bénéfice dissimulé), les deux hypothèses peuvent donner lieu au paiement de la cotisation, même si les travaux préparatoires ne visent que l'hypothèse des recettes occultes.

A.2.6. La requérante soutient aussi qu'en matière d'opérations occultes, une société et une entreprise individuelle se trouvent dans des situations identiques, ces recettes pouvant être conservées, soit par l'entrepreneur, soit par les dirigeants de la société (auquel cas les cotisations dues en vertu du statut social des indépendants sont éludées, de même que l'impôt des personnes physiques), et pouvant aussi permettre de verser des salaires au noir (dans ce cas, outre l'impôt des personnes physiques normalement dû par les travailleurs, les cotisations de sécurité sociale de ces travailleurs sont éludées).

A.2.7. Elle fait valoir que la différence de traitement impose, en se référant aux chiffres cités par le Conseil des ministres, une charge disproportionnée aux sociétés : il expose en effet qu'une société peut, pour un coût économique de 100, distribuer 24,45 de manière occulte. Cela revient à dire que, pour un salaire occulte de 100, la charge fiscale pour la société s'élève à 309, alors que pour les personnes physiques, on note pour un salaire de 100 un coût de 68,56 (20,2 de cotisations sociales et 48,36 d'impôts) et ce, même s'il est vrai que la personne physique doit payer l'impôt avec un revenu taxé, alors que la charge est déductible pour la société.

A.2.8. La requérante admet avec le Conseil des ministres que, s'agissant de recettes occultes, le but poursuivi par le législateur est légitime mais considère que, même en admettant que la réintégration des bénéfices dissimulés distribués au noir à son personnel dans la base imposable est plus sévère pour une personne physique que pour une société, en raison du taux marginal à l'impôt des personnes physiques plus élevé et des cotisations qui s'y ajoutent, il n'en reste pas moins que la mesure incriminée a un effet qui va au-delà d'une compensation de cette différence, le législateur n'ayant pas entendu effectuer, à charge des personnes physiques, un prélèvement compensatoire des cotisations sociales patronales et personnelles éludées. Il en va d'autant plus ainsi que le texte pourrait être appliqué à d'autres hypothèses que celles des recettes occultes (avantages anormaux ou bénévoles) et n'exige aucune intention frauduleuse.

A.3.1. La requérante soutient aussi que l'article 21 précité viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la cotisation critiquée porte sur les bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société, de telle sorte qu'elle ne s'applique pas aux autres contribuables soumis à l'impôt des sociétés.

A.3.2. Le Conseil des ministres estime que ce grief est dépourvu de tout fondement puisque la disposition en cause vise tous les contribuables assujettis à l'impôt des sociétés : la disposition attaquée relève en effet du titre III « Impôt des sociétés » du C.I.R. 1992 qui vise sans distinction l'ensemble des sociétés résidentes au sens de l'article 2 dudit Code.

A.3.3. La requérante réplique que d'importantes différences existent d'une société à une autre quant à la nature des « bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société » et la façon dont ceux-ci sont constatés. Or, le texte peut s'appliquer à une absence de comptabilisation de produits ou à une comptabilisation de charges inexistantes et ne requiert aucun indice de fraude ou d'intention d'éluder l'impôt : quoi qu'en dise le Conseil des ministres, l'administration fiscale peut mettre sur le même pied les factures fictives et les dépenses qui ne remplissent pas les conditions de l'article 49 du C.I.R. 1992, ou les cas dans lesquels elle constate qu'un chiffre d'affaires n'a volontairement pas été déclaré et ceux où elle procède à une reconstitution du chiffre d'affaires par le biais de présomptions en partant d'éléments connus (par exemple, le montant total des achats sortis) et en déterminant par le biais d'une présomption (marge bénéficiaire égale à celle de l'année antérieure) un élément inconnu (le chiffre d'affaires) qui est présumé correspondre à la réalité (ce qui, souvent, aboutit à une base imposable supérieure à celle qui a été déclarée). Dès lors que la comptabilité n'a pas de valeur aux yeux de l'administration et que la loi ne définit pas la « comptabilité probante », l'insécurité juridique est manifeste.

A.3.4. La requérante considère que la discrimination consistant ainsi à traiter de manière identique des opérations frauduleuses et des redressements fiscaux en l'absence de toute fraude est d'autant plus accentuée que le nouvel article 219 du C.I.R. 1992 exclut expressément les bénéfices visés à l'article 24, 2° à 4°, du C.I.R. 1992, de telle sorte qu'une sous-estimation frauduleuse des stocks est taxable au taux normal de l'impôt des sociétés (le cas échéant avec un accroissement d'impôts) alors qu'un supplément de chiffre d'affaires constaté à l'occasion d'une reconstitution du chiffre d'affaires peut être taxé à un taux de 309 p.c., même s'il n'est pas l'effet d'une fraude. S'il est vrai que le commentaire administratif permet en ce cas d'échapper à la cotisation en adaptant sa comptabilité, il reste qu'il ne s'agit que d'une tolérance administrative.

Quant à l'article 48, § 2 A.4.1. La requérante expose, à titre subsidiaire, que l'article 48, § 2, donne un effet rétroactif à l'article 21 précité en ce qu'il s'applique à partir de l'exercice d'imposition 1999, soit, pour les sociétés qui clôturent leur exercice comptable au 31 décembre, depuis le 1er janvier 1998. En permettant ainsi que la cotisation critiquée soit due pour cet exercice alors que, lors de l'établissement des comptes, la sanction qu'elle constitue ne pouvait être appliquée, l'article 48, § 2, porte atteinte au principe général de droit de la non-rétroactivité de la loi et aux principes fondamentaux de sécurité juridique et de prohibition de toute incrimination rétroactive prévue par l'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, principes dont chaque justiciable et chaque contribuable sont en droit de se prévaloir.

A.4.2. Les affirmations du ministre lors de l'élaboration de la loi, selon lesquelles la modification aurait pour seul objet de confirmer la thèse de l'administration (selon laquelle les bénéfices dissimulés sont à assimiler à des commissions occultes taxées à 300 p.c.) et ne constituerait donc pas, en fait, une modification, ne peuvent être admises par la requérante : elle estime que la loi attaquée n'est pas une loi interprétative et que, contrairement à ce qu'a soutenu le ministre, la jurisprudence n'a pas connu d'évolution récente qui aboutirait à exiger de l'administration (qui entendait imposer la cotisation en cause) qu'elle prouve qu'il existe un bénéfice dissimulé (un bénéfice réalisé supérieur au bénéfice déclaré) et que ce bénéfice a quitté le patrimoine de la société et a servi à des dépenses visées à l'article 57 du C.I.R. 1992 : la jurisprudence exige que l'administration rapporte la preuve de l'existence de bénéfices dissimulés ne se retrouvant pas dans le patrimoine de la société et de l'attribution de ces bénéfices dissimulés à des bénéficiaires non identifiés, le second élément pouvant être établi sur la base de présomptions si le premier l'a été de manière certaine.

Or, en refusant de prendre en compte la comptabilité des contribuables et en procédant à des reconstitutions théoriques du chiffre d'affaires pour établir l'existence d'un bénéfice occulte, l'administration usait d'un raisonnement procédant d'une cascade de présomptions qui a été sanctionné par la jurisprudence.

Le texte incriminé n'est donc pas interprétatif. Il ne consacre pas une tendance jurisprudentielle. Il a, au contraire, pour objet de rendre légale une imposition reposant sur une cascade de présomptions.

A.4.3. Le Conseil des ministres rappelle que le ministre a indiqué lors de l'élaboration de la loi que la jurisprudence n'était pas constante, contrairement à la position de son administration relative à l'assimilation des bénéfices dissimulés aux commissions occultes.

Cette position existait déjà lors des exercices fiscaux antérieurs - la loi a pour seul objet de la confirmer - et est exprimée dans le commentaire administratif du C.I.R. 1992. Cette assimilation, qui relève du simple bon sens, n'est pas en cause ici.

Le Conseil des ministres estime, contrairement à la requérante, qu'une jurisprudence de la Cour de cassation (4 mars 1969, Pas. I, 596) a permis de soutenir qu'il suffisait, à l'origine, à l'administration de démontrer que des bénéfices dissimulés ne se retrouvaient pas dans le patrimoine de la société pour pouvoir appliquer la cotisation distincte sans devoir prouver en plus que ceux-ci constituent dans le chef des bénéficiaires inconnus des revenus visés à l'article 57 du C.I.R. 1992; mais l'arrêt du 26 mai 1994 a exigé que l'administration établisse l'existence de bénéfices dissimulés, d'une part, et le fait qu'ils ont quitté le patrimoine de l'entreprise et servi à des dépenses visées à l'article 57 précité, d'autre part. La possibilité d'établir cette double preuve par la voie de présomptions que semblait admettre la Cour de cassation fut souvent déniée par les juges du fond. La loi attaquée permet à l'administration d'échapper au fardeau de cette double preuve et à revenir à la jurisprudence antérieure; elle a ainsi une portée interprétative.

A.4.4. A supposer que la loi soit rétroactive et non interprétative - ce qu'il conteste -, le Conseil des ministres estime qu'elle n'a pas porté atteinte au principe de sécurité juridique qui s'oppose à la rétroactivité de la loi : la confiance légitime de la requérante n'a pu être trompée puisque la modification intervenue ne porte pas sur le principe de l'assimilation des bénéfices dissimulés aux dépenses visées à l'article 57 du C.I.R. 1992 mais sur la preuve exigée de l'administration et que la position de celle-ci, tant sur le principe que sur la preuve, n'a jamais varié, de telle sorte que la requérante devait savoir, dès avant l'adoption de la mesure incriminée, qu'au cas où elle aurait omis de déclarer certains revenus, elle s'exposait aux risques de l'application de l'article 219 du C.I.R. 1992, tel qu'il était rédigé avant sa modification par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer et tel qu'il était appliqué de manière constante par l'administration.

A supposer même qu'elle porte atteinte à la légitime confiance de la requérante, la mesure en cause est susceptible d'une justification objective, raisonnable et proportionnée au but légitime poursuivi puisqu'elle facilite la preuve à fournir par l'administration tout en permettant que la cotisation ne soit pas due lorsque les bénéfices dissimulés sont soit taxés à titre de revenus professionnels dans le chef des dirigeants d'entreprise concernés, avec leur accord, soit réintégrés dans le patrimoine de la société après adaptation de la comptabilité.

A.4.5. Le Conseil des ministres estime que la requérante se réfère à tort à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme puisque la loi attaquée n'incrimine pas une opération qui ne l'était pas par le passé : elle vise principalement à une compensation de l'impôt éludé et se borne à alléger le fardeau de la preuve : les bénéfices dissimulés étant et restant une infraction au droit comptable dont il s'impose de tirer les conclusions du point de vue fiscal, il n'y a aucune incrimination nouvelle.

A.4.6. La requérante réplique que le Conseil des ministres a avoué expressis verbis que la disposition attaquée vise à confirmer la thèse de l'administration (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1949/8, p. 56). Cette thèse ne reflète toutefois pas la portée de l'article 219 du C.I.R. 1992 avant sa modification par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer, tel qu'il a été interprété par la jurisprudence, puisque, comme le ministre l'admet lui-même en même temps, depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 1994, les bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas dans le patrimoine de la société n'étaient pas automatiquement visés par l'article 219 du C.I.R. 1992. En effet, en application de l'adage « présomption sur présomption ne vaut », une présomption ne peut constituer le fait ou l'élément connu sur lequel pourrait se fonder une nouvelle présomption. On ne peut, de la sorte, établir une cascade de présomptions s'appuyant l'une sur l'autre. Dès lors, si l'administration établit l'existence d'un bénéfice dissimulé par voie de présomption, elle ne peut pas, en outre, présumer que ce bénéfice a été octroyé à des bénéficiaires non identifiés au sens de l'article 57 du C.I.R. 1992. Ce principe a été consacré par une jurisprudence constante; il s'ensuit que l'article 21 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer n'est donc nullement interprétatif.

A.4.7. Elle réfute la justification du caractère rétroactif de la loi, avancée par le Conseil des ministres, selon laquelle le contribuable devait savoir, dès avant l'adoption de la loi attaquée, qu'il s'exposait au risque de l'application de l'article 219 du C.I.R. 1992, en faisant valoir qu'il ne s'agit pas de prendre ici en compte le respect, par l'administration, de la sécurité juridique en tant que principe de bonne administration, mais de la rétroactivité d'une modification législative d'un régime fiscal, alors que, depuis le 26 mai 1994, la jurisprudence a systématiquement écarté la position de l'administration.

En visant à sanctionner les entreprises qui font un chiffre d'affaires au noir et dont le produit sert à payer de façon occulte des dépenses de même nature que celles visées à l'article 219 du C.I.R. 1992, la loi attaquée poursuit un but légitime mais, selon la requérante, il y a disproportion entre ce but et la gravité de la sanction appliquée rétroactivement.

Elle ajoute qu'un taux aussi élevé que 309 p.c. a le caractère d'une sanction pénale, prohibé par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et qualifié de sanction par l'arrêt n° 44/2000.

Or, une telle sanction frappe un fait qui n'était pas incriminé lorsqu'il a été commis puisque, depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 1994, certains « bénéfices dissimulés » ne sont pas visés par l'article 219 du C.I.R. 1992 dans l'hypothèse où l'administration procède par une cascade de présomptions. - B - B.1.1. Les articles 21 et 48, § 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer portant des dispositions fiscales diverses, qui font l'objet du recours, énoncent : «

Art. 21.A l'article 219 du [Code des impôts sur les revenus 1992], sont apportées les modifications suivantes : A) l'alinéa 1er est remplacé par l'alinéa suivant : ` Une cotisation distincte est établie à raison des dépenses visées à l'article 57, qui ne sont pas justifiées par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif ainsi qu'à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société. ';

B) il est ajouté un alinéa 3, libellé comme suit : ` Ne sont pas considérées comme des bénéfices dissimulés, les réserves visées à l'article 24, alinéa 1er, 2° à 4°. ' » «

Art. 48.[ . ] § 2. Les articles 3 à 5, 14 à 16, 20, 21, 25 à 27, 31, 33, A et 35 entrent en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 1999, ainsi que l'article 22 dans la mesure où il insère l'article 219bis, § 1er dans le Code des impôts sur les revenus 1992. [ . ] » B.1.2. Avant sa modification par l'article 21 précité, l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après C.I.R. 1992) disposait : «

Art. 219.Une cotisation distincte spéciale est établie à raison des dépenses visées à l'article 57, qui ne sont pas justifiées par la production de fiches et relevés.

Cette cotisation est égale à 300 p.c. de ces dépenses. » En vertu de l'article 219, alinéa 1er, précité, dans sa rédaction nouvelle comme dans l'ancienne, lorsqu'une société ne justifie pas les dépenses visées à l'article 57 du C.I.R. 1992 (c'est-à-dire les commissions, courtages, honoraires et avantages de toute nature qu'elle paie à des bénéficiaires, pour lesquels ces sommes constituent des revenus professionnels, ou encore les rémunérations et pensions versées aux membres ou anciens membres du personnel ainsi qu'aux administrateurs et gérants) par la production des fiches individuelles et des relevés récapitulatifs qui sont visés par cet article 57, elle est redevable d'une cotisation spéciale, distincte de l'impôt des sociétés, égale à 300 p.c. de ces dépenses. Ces dépenses non justifiées, souvent appelées « dépenses non admises », comprennent les « commissions secrètes ».

La jurisprudence a assimilé à ces dépenses non justifiées les bénéfices dissimulés, à savoir ceux que les documents relatifs au patrimoine de la société ne mentionnent pas. « Concrètement, cela concerne des chiffres d'affaires réalisés en noir par une entreprise et dont le produit sert à payer de façon occulte des dépenses de même nature que celles visées à l'article 219, CIR 92. Cette assimilation ne vise que les bénéfices dissimulés. La cotisation distincte n'est pas applicable lorsque les bénéfices précités sont soit taxés à titre de revenus professionnels dans le chef des dirigeants d'entreprise concernés, avec leur accord, soit réintégrés après adaptation de la comptabilité, dans le patrimoine de la société. » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1948/8, p. 41).

B.2. Les dispositions attaquées sont présentées comme visant à mettre fin aux incertitudes résultant de certaines décisions des cours et tribunaux et tenant aux preuves que l'administration fiscale doit rapporter pour pouvoir soumettre les bénéfices dissimulés à la cotisation distincte spéciale : « Jusqu'à présent, les cours et tribunaux admettaient l'extension de l'article 219, CIR 92, en stipulant que l'administration devait établir que certains revenus ont été dissimulés par l'entreprise et qu'ils ne se retrouvent nullement à un titre ou à un autre dans la comptabilité (c'est-à-dire qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une autre imputation en comptabilité; par exemple, la comptabilisation d'un revenu à un compte de passif en contrepartie de son imputation à l'actif, au débit du compte de la trésorerie de la société) mais sans exiger pour autant de l'administration que celle-ci identifie les bénéficiaires anonymes et démontre la raison de la distribution (Gand, 2 juin 1991).

La jurisprudence a cependant évolué. Quelques arrêts disposent qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve que de tels bénéfices ont quitté le patrimoine de la société et qu'ils ont servi en outre à des dépenses au sens de l'article 57, CIR 92.

Suivant un arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 1994, il convient d'apporter la triple preuve suivante : 1° l'existence du bénéfice dissimulé (un bénéfice réalisé supérieur au bénéfice déclaré);2° le bénéfice dissimulé a quitté le patrimoine de la société;3° le bénéfice dissimulé a servi à des dépenses visées à l'article 57, CIR 92. L'administration doit donc maintenant établir : 1. l'existence de bénéfices dissimulés sur la base de présomptions de fait (article 340, CIR 92) ou légales (article 342, CIR 92);2. que le bénéfice fixé ` valablement ' de cette manière a quitté l'entreprise et a servi à des dépenses visées à l'article 57, CIR 92. Cette démonstration est souvent interprétée par le juge comme une cascade de présomptions et, dès lors, rejetée par lui. Pour éviter une telle cascade de fardeaux de preuve au niveau de l'administration (ce qui aboutit très souvent à la preuve impossible) et revenir en fait à l'interprétation antérieure de l'article 219, CIR 92, il est proposé de modifier cet article afin que l'application de la cotisation distincte soit établie explicitement à raison des bénéfices dissimulés précités et de telle manière qu'il ne doive pas être démontré par l'administration que ces bénéfices ont quitté l'entreprise de la manière visée à l'article 57, CIR 92 (c'est-à-dire sous la forme de commissions, indemnités et autres salaires versés en noir). » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1948/8, pp. 41 et 42; dans le même sens, n° 1949/1, pp.11 et 12) Quant à l'article 21 B.3.1. La requérante tire grief de ce que les dispositions attaquées instaureraient une discrimination entre les contribuables soumis à l'impôt des personnes physiques et ceux soumis à l'impôt des sociétés, seules les secondes étant redevables de la cotisation en cause.

B.3.2. L'impôt des personnes physiques et l'impôt des sociétés obéissent à des principes différents. Outre les différences relatives aux taux d'imposition, il y a lieu de relever que tous les revenus, bénéfices et profits des sociétés sont taxables, ce qui n'est pas le cas de ceux des personnes physiques; alors que celles-ci ne peuvent déduire de leurs revenus taxables que les dépenses prévues par la loi, la société peut déduire toutes dépenses sauf celles exclues par la loi. A la différence de leur traitement à l'impôt des personnes physiques, les dépenses et charges non justifiées - et, par assimilation, les bénéfices dissimulés - sont, lorsqu'elles sont soumises à la cotisation en cause, considérées comme frais professionnels déductibles (C.I.R. 1992, article 197) et la cotisation distincte est déductible, au même titre, de la base imposable (articles 197, 198, alinéa 1er, 1°, et 463bis, § 1er, alinéa 3, du C.I.R. 1992).

L'importance de la cotisation distincte instaurée par la disposition attaquée excède sans doute celle des prélèvements éludés (impôts et cotisations de sécurité sociale) mais la différence de traitement critiquée peut se justifier par le souci légitime du législateur de lutter contre les fraudes en décourageant la pratique en cause.

B.3.3. Quant au reproche tiré dans le mémoire en réponse de ce que la disposition attaquée ne définit pas la notion de bénéfice dissimulé, créant par là un risque d'arbitraire dans l'application qui en serait faite, il doit être écarté; les indications contenues dans les travaux préparatoires précités montrent que le législateur a entendu se référer à une notion définie par la jurisprudence des cours et tribunaux et à laquelle le commentaire administratif du C.I.R. 1992 souscrit également.

B.4. Le grief fait à l'article 21 précité de « ne pas s'appliquer aux autres contribuables soumis à l'impôt des sociétés » n'est pas suffisamment développé pour permettre d'en saisir la portée.

Quant aux autres considérations développées par la requérante dans son mémoire en réponse, elles contiennent une critique fondée sur ce que la disposition en cause traiterait de manière identique des situations différentes : ce grief, différent de celui formulé par la requête, apparaît comme un nouveau moyen et n'est donc pas recevable.

Quant à l'article 48, § 2 B.5.1. La partie requérante conteste la lecture faite par le législateur de décisions rendues en matière de cotisation distincte spéciale par les cours et tribunaux et estime, contrairement à ce qui a été dit lors des travaux parlementaires des dispositions attaquées, que la jurisprudence n'a pas connu l'évolution contre laquelle les dispositions entendraient réagir.

Quand le législateur intervient dans la pensée de faire pièce à une jurisprudence qui lui paraît s'établir ou risquer de s'établir, la circonstance qu'il aurait mal apprécié cette jurisprudence ne démontrerait en rien que les dispositions qu'il adopte seraient en soi contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.2. La requérante fait valoir qu'en s'appliquant à partir de l'exercice d'imposition 1999, soit, pour les sociétés qui clôturent leur exercice comptable au 31 décembre, depuis le 1er janvier 1998, les dispositions attaquées ont un effet rétroactif.

Dès lors que la partie requérante ne demande l'annulation de l'article 48, § 2, qu'en tant qu'il concerne l'article 21, la Cour limite son examen à cette référence à l'article 21.

B.5.3. La rétroactivité de dispositions législatives, qui est de nature à créer une insécurité juridique, ne peut se justifier que par des circonstances particulières, notamment par une menace pour le bon fonctionnement ou la continuité du service public.

B.5.4. Les circonstances particulières pouvant justifier la rétroactivité des dispositions attaquées ne sont pas établies.

Comme l'a fait observer le Conseil d'Etat dans son avis portant sur le projet de loi, « [ . ] la rétroactivité de certaines d'entre elles n'est pas justifiée convenablement dans l'exposé des motifs. En outre, ces justifications étant rattachées à l'analyse des articles concernés, il en résulte que l'article 42 [devenu 48] ne fait l'objet, en lui-même, d'aucun commentaire. » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1949-4, p.3) Invité à s'expliquer à ce sujet devant la commission de la Chambre (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1949/8, p. 4), le ministre, souhaitant répondre au cours de la discussion des articles plutôt que dans la discussion générale (ibid., p. 11), n'a donné, lors de l'examen des dispositions attaquées, aucune indication autre que celles justifiant la modification proposée elle-même (ibid., pp. 41, 42 et 54). Il conclut en réitérant « son attachement au principe de la non-rétroactivité de la loi » et en estimant « avoir apporté des précisions suffisantes quant aux raisons pour lesquelles certaines dispositions [ . ] entrent en vigueur avec effet rétroactif » (ibid., p. 77).Mais ces affirmations ne reposent que sur une seule considération quelque peu précise, à savoir : « il ne s'agit en fait pas d'une modification. Compte tenu de la jurisprudence non constante en ce qui concerne les ` bénéfices dissimulés ', l'administration des Contributions directes défend, de manière constante, le point de vue selon lequel ces bénéfices dissimulés doivent être assimilés à des commissions occultes et qu'elle est tenue de taxer ces bénéfices dissimulés au taux de 300 %. Il en va évidemment de même lorsqu'il s'agit de bénéfices se rapportant à des exercices d'imposition précédant l'actuelle modification, étant donné que la modification a pour seul objet de confirmer la thèse de l'administration » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1949/8, p. 56). Or, un tel propos revient à confondre le sens et la portée d'une loi fiscale avec l'idée que s'en fait l'Administration des contributions.

B.5.5. Aucun élément ne justifiant la rétroactivité en cause, ni de manière générale, ni en ce qui concerne l'exercice d'imposition 1999 en particulier, l'article 48, § 2, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour - annule « 21, » à l'article 48, § 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer portant des dispositions fiscales diverses; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 18 avril 2001.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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