publié le 27 mars 2001
Arrêt n° 33/2001 du 13 mars 2001 Numéro du rôle : 1822 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, introduit par le Gouvernement de la La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 33/2001 du 13 mars 2001 Numéro du rôle : 1822 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins, introduit par le Gouvernement de la Communauté française.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, A. Arts, R. Henneuse, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 novembre 1999 et parvenue au greffe le 26 novembre 1999, le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins (publié au Moniteur belge du 28 mai 1999).
II. La procédure Par ordonnance du 26 novembre 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 10 décembre 1999.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 28 décembre 1999.
Par ordonnance du 27 janvier 2000Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 27/01/2000 pub. 10/02/2000 numac 2000031044 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 29 août 1991 relative à la conservation de la faune sauvage et à la chasse fermer, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, suite à la demande du Gouvernement flamand du même jour.
Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand par lettre recommandée à la poste le 9 février 2000.
Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 9 février 2000.
Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 23 mai 2000.
La partie requérante a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 9 juin 2000.
Par ordonnances du 27 avril 2000 et du 26 novembre 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 25 novembre 2000 et 25 mai 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 22 novembre 2000, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.
Par ordonnance du 22 novembre 2000, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 13 décembre 2000.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 23 novembre 2000.
A l'audience publique du 13 décembre 2000 : - ont comparu : . Me M. Bauwens, avocat au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs P. Martens et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A - Quant à la recevabilité du recours A.1.1. Le Gouvernement flamand soutient en ordre principal que le recours est irrecevable, pour défaut de capacité juridique de la Communauté française en tant que telle pour introduire un recours en annulation auprès de la Cour d'arbitrage. Il fait valoir que seuls les gouvernements et les présidents des assemblées législatives à la demande de deux tiers de leurs membres disposent de la capacité juridique requise pour introduire un tel recours.
A.1.2. Le Gouvernement flamand soutient en premier ordre subsidiaire que le recours est irrecevable à défaut d'intérêt. Il considère que si la Communauté française disposait en tant que telle de la capacité juridique requise, son recours devrait être considéré comme un recours d'une personne morale au sens de l'article 2, 2°, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage, et qu'elle devrait donc faire preuve de son intérêt à attaquer le décret. Le Gouvernement flamand ne voit pas à quel égard la Communauté française pourrait être affectée directement et défavorablement par le décret entrepris.
A.1.3. En deuxième ordre subsidiaire, le Gouvernement flamand considère que si le recours devait être considéré comme émanant du Gouvernement de la Communauté française, il devrait être considéré comme irrecevable pour cause de méconnaissance de l'article 7, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, étant donné que n'est pas jointe à la requête une copie certifiée conforme de la délibération par laquelle il a été décidé d'intenter le recours.
Le Gouvernement flamand estime que cette négligence ne peut être réparée après coup.
A.2. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française précise que le recours en annulation formé par pli recommandé du 25 novembre 1999 est accompagné de la copie conforme de la décision du 8 novembre 1999, par laquelle le Gouvernement de la Communauté française a décidé de former le recours en annulation contre le décret en cause.
Il en résulte que l'exception d'irrecevabilité déduite du non-respect de l'article 7, alinéa 2, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage manque en fait, et qu'il ne peut donc être mis en doute que le recours a bien été introduit de façon valable par le Gouvernement de la Communauté, qui ne doit pas, pour ce qui le concerne, faire preuve d'un intérêt à l'annulation qu'il poursuit.
Quant au fond Premier moyen A.3.1. Le Gouvernement de la Communauté française prend un premier moyen de la violation de l'article 128, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution et de l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Il estime que le mécanisme d'assurance organisé par le décret qu'il attaque n'entre pas dans la catégorie des matières personnalisables pour lesquelles les Conseils de communauté sont compétents. Il soutient que l'avis du Conseil d'Etat, selon lequel les dispositions de la proposition de décret trouvent une base de compétence suffisante, la prise en charge de soins pouvant être considérée comme une forme d'aide sociale aux personnes se trouvant dans une situation de besoin, ne peut être suivi, étant donné que l'aide sociale est une prérogative de la personne, qui ne se concilie ni avec la nécessité d'une affiliation préalable à une caisse d'assurance, ni avec le paiement de cotisations, ni avec l'exigence d'un handicap quel qu'il soit, ni encore avec l'élaboration d'un système de compensation des risques entre les caisses.
A.3.2. Le Gouvernement flamand fait valoir que l'aide palliative, par hypothèse matérielle, organisée par le décret, est forcément une « aide sociale », c'est-à -dire la fourniture d'un service qui a pour but « de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine », autrement dit une aide sociale au sens de l'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980. Par ailleurs, la compétence de la Communauté peut aussi s'appuyer sur sa compétence en matière de politique familiale, ou en matière de politique du troisième âge.
L'ensemble de ces matières a été transféré, et il ne peut y avoir de latitude pour une interprétation restrictive des compétences transférées. Il ajoute que la Communauté française ne fait pas valoir en quoi les compétences réservées à l'autorité fédérale par la loi spéciale seraient exercées par le décret attaqué. Le Gouvernement flamand estime enfin que la question du caractère éventuellement inconciliable des mesures relatives à l'aide sociale avec la nécessité d'une affiliation préalable auprès d'une caisse d'assurance soins, avec le paiement de cotisations, avec l'exigence de n'importe quel handicap et avec un système de compensation des risques est une pure question de politique à laquelle il doit être répondu par le législateur concerné.
A.3.3. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française insiste sur le fait que le décret attaqué élabore un mécanisme nouveau d'assurance sociale, destiné à couvrir des frais spécifiques encourus par les affiliés au système, qui ne saurait être confondu avec celui de l'aide sociale, pour la raison qu'il ne s'agit pas d'une aide, mais de la couverture d'un risque déterminé, quelle que soit la qualité des assurés.
Deuxième moyen A.4.1. Le Gouvernement de la Communauté française prend un deuxième moyen de la violation de l'article 128, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution et de l'article 5, § 1er, II, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que le décret attaqué a pour objet d'accorder une allocation financière aux usagers démontrant qu'ils sont atteints d'une capacité d'autonomie réduite grave et prolongée, que cette condition vise indubitablement, en tout ou en partie, la situation des personnes handicapées, alors que la disposition visée au moyen soustrait à la compétence des législateurs décrétaux les règles et le financement des allocations aux handicapés, en ce compris les dossiers individuels.
A.4.2. Le Gouvernement flamand estime en premier lieu que le moyen manque en fait, étant donné que le décret vise non pas uniquement les personnes handicapées, mais aussi les personnes âgées et fort âgées.
Selon lui, le raisonnement de la Communauté française implique que les handicapés ne pourraient jamais bénéficier de l'aide sociale prévue par les communautés.
Il ajoute qu'en tout état de cause, la compétence réservée à l'autorité fédérale en la matière ne vise que la réglementation et le financement d'allocations de revenus aux handicapés, alors que le décret entrepris prévoit exclusivement des prises en charge destinées à compenser les frais.
A.4.3. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française constate que le Gouvernement flamand ne démontre pas en quoi le décret attaqué ne s'appliquerait pas aux handicapés, ni en quoi un individu à capacité d'autonomie réduite ne serait, en tout ou partie, pas un handicapé selon la définition même du décret. Celui-ci tend à fournir à ces personnes une compensation financière, sous la forme de chèques soins ou de « supports assimilés », ce qui n'exclut pas une prise en charge financière directe. Cette compensation constitue de façon évidente une allocation au sens de l'article 5, § 1er, II, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
Troisième moyen A.5.1. Le troisième moyen est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3° et 12°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Dans la première branche de ce moyen, le Gouvernement de la Communauté française fait valoir que le législateur fédéral est compétent pour la politique des revenus. Or, en organisant la perception de cotisations annuelles auprès des affiliés aux caisses d'assurance soins, le décret attaqué a pour conséquence d'affecter les revenus de ces affiliés, avec la circonstance que pour une large majorité d'entre eux, l'affiliation leur est imposée. Le Gouvernement en conclut que le décret concerne ainsi directement la politique des revenus, et est de surcroît de nature à affecter le cadre normatif général de l'union économique et monétaire.
A.5.2. Dans la deuxième branche de ce moyen, le Gouvernement de la Communauté française affirme que le mécanisme élaboré par le décret attaqué comporte l'ensemble des caractéristiques propres à un système de sécurité sociale, et que le législateur décrétal empiète donc clairement sur les compétences réservées de l'autorité fédérale.
A.5.3. Le Gouvernement flamand estime que le moyen manque en fait dans les deux branches, parce que le décret attaqué n'empiète pas sur les terrains de la politique des revenus, de l'union économique et monétaire ou de la sécurité sociale, à moins que ces matières doivent se comprendre d'une manière à ce point large que toute mesure de la région ou de la communauté serait liée à ces domaines. Ces réserves de compétence ne peuvent en effet aller jusqu'à priver les communautés et les régions de la possibilité, dans l'exercice de leurs compétences, de fournir des interventions financières. Le Gouvernement flamand ne voit pas non plus en quoi le décret entrepris pourrait affecter la politique des revenus ou la réglementation uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré. En ce qui concerne la sécurité sociale, la réserve de compétence au bénéfice du législateur fédéral ne peut concerner que la préservation des risques sur lesquels portait la législation de sécurité sociale belge qui existait en 1980. Or, il ne peut pas être soutenu que le risque visé par le décret entrepris, à savoir « l'autonomie réduite », soit un risque faisant partie de cette législation.
A.5.4. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante souligne d'une part que les cotisations requises sont de nature à affecter directement les revenus des assurés, d'autre part, qu'il ne peut être exclu que le décret attaqué puisse avoir une incidence sur le choix du lieu de résidence, et enfin, que le système d'assurances sociales ainsi élaboré porte directement atteinte à la compétence exclusive du législateur fédéral en matière de sécurité sociale.
Quatrième moyen A.6.1. Ce moyen est pris de la violation de l'article 128, § 2, de la Constitution. Le Gouvernement de la Communauté française estime que le décret attaqué élabore une série de règles applicables à des personnes, et non pas uniquement à des institutions établies en région bruxelloise, ce qui est contraire à la disposition visée au moyen.
A.6.2. Le Gouvernement flamand estime que le moyen manque en fait, étant donné d'une part que l'application à Bruxelles du décret entrepris se fait nécessairement sur la base de l'affiliation des habitants concernés auprès d'une caisse d'assurance soins « unicommunautaire flamande » et d'autre part que, contrairement aux habitants de la région de langue néerlandaise, les intéressés bruxellois ne sont nullement obligés de s'affilier.
A.6.3. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française observe que le décret attaqué prescrit une multitude de règles de droit dont les Bruxellois, qui se sont affiliés à une caisse, sont les destinataires directs. Le requérant cite le paiement de la cotisation annuelle, la procédure de demande de prise en charge, le respect des modalités de contestation des décisions des caisses et les voies de recours judiciaires imposées par le décret. Il ajoute que le fait que les Bruxellois aient au préalable volontairement adhéré au système n'est pas de nature à écarter la violation de la règle selon laquelle les personnes physiques ayant leur résidence principale à Bruxelles ne peuvent être assujetties à des normes de droit prescrites par la Communauté flamande.
Cinquième moyen A.7.1. Le Gouvernement de la Communauté française prend un dernier moyen de la violation des articles 146 et 157, alinéa 3, de la Constitution, et de l'article 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. La première branche de ce moyen vise l'article 8, § 4, du décret attaqué, la seconde branche vise l'article 23 du décret. La partie requérante estime que ces deux dispositions semblent inaugurer la création d'une juridiction administrative destinée à connaître des réclamations formulées par les usagers à l'encontre des décisions prises par les caisses d'assurance soins, ce qui serait contraire aux dispositions visées au moyen.
A.7.2. Le Gouvernement flamand estime que le moyen manque partiellement en fait, parce qu'il n'est pas question que la réclamation visée à l'article 8, § 4, du décret attaqué soit un recours juridictionnel, mais qu'il s'agit d'un recours administratif, puisque la décision en cause n'est pas contrôlée, mais refaite, et donc remplacée par un nouvel acte administratif.
Pour le surplus, le Gouvernement flamand estime que le décret puise dans l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 la compétence de faire régler les litiges afférents aux dispositions du décret par les tribunaux du travail. En l'occurrence, la nécessité de la mesure, jointe au fait que la matière se prête à une réglementation différenciée et n'a qu'une incidence marginale, est évidente.
A.7.3. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française considère que l'emploi du terme « opposition » semble contredire la version des choses donnée par le Gouvernement flamand, en ce que pareil type de recours revêt une consonance juridictionnelle incompatible avec les compétences des entités fédérées. Pour ce qui est de la modification des compétences du tribunal du travail, la partie requérante précise qu'il reviendra à la Cour d'apprécier le caractère prétendument manifeste des motifs qui, pour la Communauté flamande, justifient l'usage de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. - B - Quant à la recevabilité B.1. Bien que le recours ait été introduit, selon les termes de la requête, par « la Communauté française, représentée par son Gouvernement », le document qui y était annexé établit que c'est bien le Gouvernement qui a pris la décision de saisir la Cour.
L'impropriété des termes utilisés en tête de la requête ne peut, en l'espèce, faire conclure à l'irrecevabilité du recours. Celui-ci a été introduit en application de l'article 2, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Il s'ensuit que la partie requérante est le Gouvernement de la Communauté française, qu'elle a la capacité requise et qu'elle n'a pas à démontrer son intérêt.
Les fins de non-recevoir sont rejetées.
Quant au fond Quant au décret attaqué B.2.1. Le décret attaqué de la Communauté flamande du 30 mars 1999 s'intitule : « Décret portant organisation de l'assurance soins ». Aux termes de son article 3, cette assurance « donne droit à la prise en charge par une caisse d'assurance soins des frais encourus pour des prestations d'aide et de services non médicaux ». L'affiliation à cette caisse fait l'objet de l'article 4, selon lequel : « § 1. Toute personne ayant son domicile en région linguistique néerlandaise, doit être affiliée à une caisse d'assurance soins agréée par le présent décret.
Toute personne non affiliée à une caisse d'assurance soins agréée, dans un délai à déterminer par le gouvernement, sera d'office affiliée à la caisse d'assurance soins établie par le Fonds flamand d'Assurance Soins. Dans ce cas, l'intéressé en sera informé sans délai et par écrit. Cette affiliation échoit lorsque l'intéressé s'est entre-temps affilié à une caisse d'assurance soins agréée en vertu du présent décret. § 2. Toute personne ayant son domicile en région bilingue de Bruxelles-Capitale, a la possibilité de s'affilier volontairement à une caisse d'assurance soins agréée par le présent décret. § 3. Le gouvernement fixe les règles spécifiques en matière d'affiliation, y compris la durée minimale du séjour ainsi que la durée minimale d'affiliation qui sont requises pour pouvoir prétendre à une prise en charge. » B.2.2. Les définitions utiles à l'application du décret sont fournies par son article 2, selon lequel : « Dans le présent décret, il faut entendre par : 1° prestation d'aide et de services non médicaux : l'aide et l'assistance fournies par des tiers à une personne ayant une capacité réduite d'autonomie dans un cadre résidentiel, semi-résidentiel ou ambulatoire;2° autonomie réduite : condition d'une personne dont les capacités d'autonomie sont amputées.Par autonomie, il faut entendre : les décisions prises et les actions entreprises par une personne physique dans sa vie quotidienne en vue de subvenir à ses propres besoins de base, ainsi que les activités connexes se rapportant surtout à l'exécution des activités ménagères et à la capacité d'établir des contacts sociaux, de s'épanouir et de s'orienter dans le temps et dans l'espace; 3° usager : toute personne physique qui, en raison d'une autonomie réduite, fait appel à une prestation d'aide ou de services non médicaux;4° structure : la structure qui fournit ou organise de façon professionnelle une ou plusieurs formes d'aide et de services non médicaux;5° prestataire de soins professionnel : la personne physique qui fournit de l'aide et des services non médicaux sur une base professionnelle;6° intervenant de proximité : la personne physique qui fournit de l'aide et des services non médicaux sur une base non professionnelle. » B.2.3. Les articles 5 et 6 déterminent les conditions d'application du décret. Les articles 7 à 10 organisent la procédure à suivre pour en bénéficier. L'article 11 porte création d'un « Fonds flamand d'assurance soins » et décrit les tâches qui lui sont confiées.
L'article 12 permet au Gouvernement d'établir un organe consultatif.
L'article 13 énumère les sources de financement du Fonds, parmi lesquelles une dotation à charge du budget général de la Communauté flamande (1°), ainsi que les recettes provenant des cotisations solidaires (3°).
Les autres dispositions du décret traitent des caisses d'assurance soins (articles 14 à 18), de la surveillance et du contrôle exercés sur les caisses d'assurance soins et sur le Fonds (articles 19 à 21).
Les articles 22 à 24 contiennent des dispositions pénales et fixent l'entrée en vigueur du décret.
Sur les trois premiers moyens réunis B.3.1. L'article 128, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution dispose : « Les Conseils de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu'en ces matières, la coopération entre les communautés et la coopération internationale, y compris la conclusion de traités. » B.3.2. Aux termes de l'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les matières personnalisables sont : « II. En matière d'aide aux personnes : 1° La politique familiale en ce compris toutes les formes d'aide et d'assistance aux familles et aux enfants.2° La politique d'aide sociale, en ce compris les règles organiques relatives aux centres publics d'aide sociale, à l'exception : a) de la fixation du montant minimum, des conditions d'octroi et du financement du revenu légalement garanti, conformément à la législation instituant le droit à un minimum de moyens d'existence; [ . ] 4° La politique des handicapés, en ce compris la formation, la reconversion et le recyclage professionnels des handicapés, à l'exception : a) des règles et du financement des allocations aux handicapés en ce compris les dossiers individuels;b) des règles relatives à l'intervention financière pour la mise au travail de travailleurs handicapés, octroyée aux employeurs occupant des handicapés.5° La politique du troisième âge, à l'exception de la fixation du montant minimum, des conditions d'octroi et du financement du revenu légalement garanti aux personnes âgées. [ . ] » B.3.3. Il se déduit de ces dispositions que le Constituant et le législateur spécial ont entendu confier aux communautés, au titre des matières personnalisables, toute la matière de l'aide aux personnes et que celle-ci comprend notamment l'aide et l'assistance aux familles, la politique d'aide sociale, la politique des handicapés et la politique du troisième âge. En ce qu'il prévoit la prise en charge de frais encourus par des personnes ayant une capacité réduite d'autonomie, le décret attaqué prend des mesures qui font partie de ces matières.
B.3.4. Il importe peu que la catégorie des bénéficiaires des mesures critiquées ne soit pas expressément mentionnée dans l'énumération de l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980. Il faut en effet considérer que le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
L'aide que les communautés peuvent prévoir n'est donc pas limitée aux diverses catégories de personnes énumérées à l'article 5, § 1er, II. B.3.5. Il est également indifférent que le législateur ait opté pour un régime d'assurance, d'affiliation, de cotisations et de compensation des risques. Il s'agit là de modalités qu'il revient à l'autorité compétente d'arrêter, sans que ce choix puisse remettre en cause le principe de sa compétence, sous réserve de ce qui sera examiné en B.3.9.1 à B.3.9.3.
B.3.6. Dans la mise en oeuvre de leur compétence, les communautés ne peuvent toutefois régler les matières visées à l'article 5, § 1er, II, 2°, a), et 4°, a) et b), et ne peuvent davantage porter atteinte à d'autres compétences de l'Etat fédéral qui lui sont explicitement attribuées par la Constitution ou par les lois spéciales ou qui font partie de sa compétence résiduelle aussi longtemps que l'article 35 de la Constitution n'est pas exécuté.
B.3.7. Le bénéfice d'une assurance de soins par laquelle une caisse d'assurance prend en charge des frais encourus pour des prestations d'aide et des services non médicaux fournis à des personnes ayant une capacité réduite d'autonomie, sans qu'il soit exigé qu'elles se trouvent dans le besoin, ne concerne ni les règles relatives au minimum de moyens d'existence ni les règles relatives au financement des allocations pour handicapés. Sans doute pourra-t-il se trouver, parmi les bénéficiaires du décret, des personnes qui ont ou qui pourraient avoir droit à ces prestations. Mais il ne se déduit pas des exceptions prévues par la loi spéciale que les communautés ne pourraient faire bénéficier ces personnes d'autres mesures d'aide, fondées sur d'autres causes, pour autant qu'elles ne prétendent pas régler celles que le législateur a explicitement exclues de leurs compétences. Il ressort, au contraire, du texte même de l'article 5, § 1er, II, précité que le législateur spécial a entendu interdire aux communautés de traiter des mêmes matières, non de s'intéresser aux mêmes personnes que celles dont s'occupe le législateur fédéral.
B.3.8. La matière qui fait l'objet du décret relève donc, en principe, de la compétence attribuée aux communautés par l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.3.9.1. Il reste cependant à examiner si, dans l'exercice d'une compétence qui lui appartient, la Communauté flamande n'a pas pris des mesures qui ont pour effet d'empiéter sur une compétence fédérale autre que celles qui font l'objet des exceptions mentionnées à l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale.
B.3.9.2. Les mesures critiquées auront des répercussions sur les revenus de ceux qui en bénéficient puisqu'elles leur éviteront certains frais. Il ne s'ensuit toutefois pas que le législateur décrétal aurait méconnu la compétence en matière de politique des revenus que l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, réserve à l'autorité fédérale. Une telle compétence concerne les mesures d'ordre général par lesquelles l'autorité fédérale réglemente le niveau des revenus.
Le législateur fédéral ne pourrait, par le biais de sa compétence en matière de politique des revenus, empêcher les communautés de régler la matière de l'aide aux personnes, qui implique de prendre des mesures pécuniaires en leur faveur.
Par leur montant et leur effet limités, les mesures critiquées ne mettent pas davantage en péril l'union économique et l'unité monétaire.
B.3.9.3. Il convient enfin de se demander si le décret attaqué n'empiète pas sur la compétence en matière de sécurité sociale que l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 12°, de la loi spéciale du 8 août 1980 réserve à l'autorité fédérale.
En réservant la matière de la sécurité sociale à l'autorité fédérale, le législateur spécial a entendu interdire que les communautés et les régions puissent s'immiscer dans la réglementation établie par l'autorité fédérale. Toutefois, en ce qu'il a attribué aux communautés la compétence de prendre des mesures d'aide en faveur des catégories de personnes mentionnées en B.3.3, il a nécessairement admis que puissent être aidées par ces mesures des personnes qui peuvent bénéficier, par ailleurs, du système de sécurité sociale. Ces deux attributions de compétence doivent s'interpréter de la manière qui les rend compatibles. On ne peut en effet présumer que ne pourraient être aidées par les communautés que les personnes qui n'en ont pas besoin.
Le législateur décrétal a par ailleurs exclu tout empiétement en prévoyant, à l'article 6, § 2, du décret, que les prises en charge seront refusées si l'usager a droit à la couverture des mêmes frais en vertu d'autres dispositions légales, décrétales ou réglementaires.
Devraient être considérées comme excédant la compétence d'une communauté les mesures par lesquelles elle prétendrait modifier une règle de sécurité sociale, la remplacer, y déroger ou l'abroger. Mais une communauté n'excède pas ses compétences si, dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées en matière d'aide aux personnes, elle accorde à certaines d'entre elles une aide particulière, distincte de celles qui sont accordées par le régime de sécurité sociale organisé par l'autorité fédérale, et sans toucher à une matière réservée à celle-ci.
B.3.10. Il s'ensuit que la Communauté flamande a exercé une compétence qui lui appartient, sans empiéter sur celles que la Constitution et la loi spéciale de réformes institutionnelles réservent à l'autorité fédérale.
Les trois premiers moyens ne sont pas fondés.
Quant au quatrième moyen B.4.1. Aux termes de l'article 128, § 2, de la Constitution, les décrets par lesquels les communautés règlent les matières personnalisables « ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi que, sauf si une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, en dispose autrement, à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté ».
B.4.2. Si l'article 4, § 1er, du décret prévoit que toute personne ayant son domicile en région de langue néerlandaise doit être affiliée à une caisse d'assurance soins agréée, faute de quoi elle est affiliée d'office à la caisse établie par le Fonds flamand d'assurance soins, il n'en est pas de même des personnes domiciliées en région bilingue de Bruxelles-Capitale. Pour celles-ci, l'article 4, § 2, prévoit qu'elles ont « la possibilité de s'affilier volontairement à une caisse [ . ] ».
B.4.3. Il s'ensuit que les dispositions du décret s'appliquent obligatoirement aux caisses établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui répondent à la définition donnée à l'article 128, § 2, de la Constitution mais que les obligations qui incombent aux personnes domiciliées dans cette région auront pour cause leur décision libre de s'affilier à une telle caisse et qu'elles ne seront tenues de les respecter qu'aussi longtemps qu'elles resteront affiliées.
B.4.4. Le décret attaqué ne peut donc être considéré comme imposant des règles de droit à des personnes ayant leur domicile dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale.
Le moyen n'est pas fondé.
Quant au cinquième moyen B.5.1. Après avoir décrit la procédure que doit suivre l'usager qui souhaite une intervention de la caisse, le législateur dispose à l'article 8, § 4° : « L'usager peut former opposition à la décision envisagée par la caisse d'assurance soins. Le gouvernement règle la procédure de réclamation. Il peut soit constituer une commission de réclamation composée de façon multidisciplinaire, soit déterminer qui traitera la réclamation. [ . ] » B.5.2. L'article 23 du décret attaqué dispose : « A l'article 582 du Code judiciaire, un 6° est ajouté pour ce qui concerne la Communauté flamande, libellé comme suit : ' 6° des litiges relatifs aux droits et aux obligations découlant de l'application du décret ( . ) portant organisation de l'assurance soins '. » B.5.3. La partie requérante soutient, première branche, que le législateur décrétal aurait créé une juridiction et déterminé ses compétences en méconnaissance de l'article 147 de la Constitution et que, deuxième branche, il aurait attribué une compétence nouvelle au tribunal du travail, en violation des articles 146 et 157, alinéa 3, de la Constitution.
B.5.4. En ce qui concerne la première branche, il n'apparaît en rien que, par l'article 8, § 4, le législateur décrétal aurait entendu créer une juridiction administrative. Il a seulement établi un mode de réclamation administrative. En cette branche, le moyen ne peut être accueilli.
B.5.5.1. En ce qui concerne la seconde branche, l'article 146 de la Constitution dispose : « Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi. [ . ] » L'article 157, alinéa 3, de la Constitution dispose : « La loi règle aussi l'organisation des juridictions du travail, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres et la durée des fonctions de ces derniers. » Ces dispositions réservent au législateur fédéral la compétence d'établir des juridictions et de définir leurs attributions.
B.5.5.2. Le Gouvernement flamand invoque l'application de l'article 10, lu en combinaison avec l'article 19, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 tel qu'il a été modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993.
Pour que ces dispositions puissent trouver à s'appliquer, il est requis que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la Communauté, que cette matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions en cause sur la matière ne soit que marginale.
B.5.5.3. Le Gouvernement flamand observe dans son mémoire qu'il n'est guère indiqué de ne pas régler le sort des litiges concernant l'application de l'assurance soins et, partant, de les faire traiter, en vertu du droit commun, par les tribunaux de première instance ou par le juge de paix, en fonction de la valeur de la demande, alors que les litiges concernant l'application d'autres réglementations en matière d'aide sociale sont tous attribués au tribunal du travail.
B.5.5.4. Le Gouvernement flamand n'indique pas et la Cour n'aperç oit pas en quoi la modification apportée aux attributions des tribunaux du travail par la disposition en cause est nécessaire à l'exercice par la Communauté de sa compétence en matière d'organisation de l'assurance soins, dès lors qu'un recours existe auprès d'autres juridictions, en application de l'attribution générale de compétence conférée aux juridictions civiles par le législateur fédéral. Il s'ensuit que le législateur décrétal a porté atteinte, sans que cela puisse se justifier, aux compétences réservées au législateur fédéral.
B.5.5.5. Le moyen, en sa seconde branche, est fondé.
Par ces motifs, la Cour - annule l'article 23 du décret de la Communauté flamande du 30 mars 1999 portant organisation de l'assurance soins; - rejette le recours pour le surplus.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 13 mars 2001, par le siège précité, dans lequel le juge M. Bossuyt est remplacé, pour le prononcé, par le juge L. Lavrysen, conformément à l'article 110 de la même loi.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.