publié le 01 mars 2001
Arrêt n° 12/2001 du 7 février 2001 Numéro du rôle : 1842 En cause : le recours en annulation des articles 4 et 8 de la loi du 4 mai 1999 modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale, introduit par la province de Hainaut. La Co composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, P. Martens, J. Delruelle,(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 12/2001 du 7 février 2001 Numéro du rôle : 1842 En cause : le recours en annulation des articles 4 et 8 de la
loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
04/05/1999
pub.
12/06/1999
numac
1999000486
source
ministere de l'interieur et ministere de la justice
Loi modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale
type
loi
prom.
04/05/1999
pub.
28/07/1999
numac
1999000427
source
ministere de l'interieur
Loi modifiant les articles 12 et 19, § 1er, de la nouvelle loi communale
type
loi
prom.
04/05/1999
pub.
12/06/1999
numac
1999000485
source
ministere de l'interieur et ministere de la justice
Loi modifiant la loi provinciale
type
loi
prom.
04/05/1999
pub.
01/10/1999
numac
1999009663
source
ministere de la justice
Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat
fermer modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale, introduit par la province de Hainaut.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, P. Martens, J. Delruelle, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 décembre 1999 et parvenue au greffe le 13 décembre 1999, la province de Hainaut, dont les bureaux sont établis à 7000 Mons, rue Verte 13, a introduit un recours en annulation des articles 4 et 8 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999000486 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale type loi prom. 04/05/1999 pub. 28/07/1999 numac 1999000427 source ministere de l'interieur Loi modifiant les articles 12 et 19, § 1er, de la nouvelle loi communale type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999000485 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant la loi provinciale type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale (publiée au Moniteur belge du 12 juin 1999).
II. La procédure Par ordonnance du 13 décembre 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 janvier 2000.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 27 janvier 2000.
Des mémoires ont été introduits par : - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 6 mars 2000; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 10 mars 2000; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 10 mars 2000.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 22 mai 2000.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - la partie requérante, par lettre recommandée à la poste le 6 juin 2000; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 19 juin 2000; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 22 juin 2000.
Par ordonnances du 31 mai 2000 et du 29 novembre 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 10 décembre 2000 et 10 juin 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 22 novembre 2000, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 13 décembre 2000 après avoir constaté que le juge H. Coremans, admis à la retraite, était remplacé par le juge M. Bossuyt comme membre du siège.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 23 novembre 2000.
A l'audience publique du 13 décembre 2000 : - ont comparu : - Me J. Bourtembourg, avocat au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante; . Me J. Goethals loco Me B. Staelens, avocats au barreau de Bruges, pour le Gouvernement flamand; . Me M. Mahieu, avocat à la Cour de cassation, pour le Conseil des ministres; . Me M. Kestemont-Soumeryn et Me E. Gonthier, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs P. Martens et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A - Position de la requérante Quant au premier moyen A.1. La requérante prend un premier moyen de la violation de l'article 162 de la Constitution et de l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que les articles 4 et 8 de la loi attaquée modifient la loi provinciale pour rétablir le contrôle externe de la Cour des comptes sur les finances provinciales, alors que les régions sont compétentes pour organiser et exercer la tutelle administrative ordinaire sur les provinces. Elle soutient que le contrôle financier exercé par la Cour des comptes sur les provinces est un procédé de tutelle administrative ordinaire.
Quant au second moyen A.2. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les dispositions attaquées imposent le contrôle externe de la Cour des comptes sur les finances provinciales sans que les finances communales y soient soumises. La requérante rappelle que les principes d'égalité et de non-discrimination s'appliquent également aux personnes morales de droit public. Elle invoque les arrêts de la Cour nos 13/91 et 31/91 et souligne les caractéristiques communes aux provinces et aux communes introduites lors des réformes institutionnelles, principalement en ce qui concerne le régime de tutelle et le mode de financement.
Position du Conseil des ministres Quant au premier moyen A.3. Le Conseil des ministres estime que l'intervention de la Cour des comptes, qui n'appartient pas au pouvoir exécutif mais qui est placée auprès du pouvoir législatif, ne peut être assimilée à une tutelle administrative au sens des dispositions invoquées au moyen.
A.4. A titre subsidiaire, le Conseil des ministres rappelle les matières que l'article 162 de la Constitution réserve à la loi, en ce qui concerne les institutions provinciales et communales. Il estime que, si tutelle il y a, il s'agit d'une tutelle spécifique, c'est-à -dire d'une matière qui n'a pas été transférée aux régions (article 7, b), de la loi spéciale) et qui ne pouvait d'ailleurs l'être sans violer l'article 162, alinéa 3, de la Constitution. Il souligne la nature de l'intervention de la Cour des comptes, prévue dans la loi organique du 29 octobre 1846, et rappelle qu'elle a toujours été compétente à l'égard des provinces. Il observe que la tutelle spécifique porte sur des actes qui dépassent l'intérêt communal ou provincial et qui relèvent de l'intérêt général, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.
A.5. Le Conseil des ministres ajoute qu'à suivre la requérante, il faudrait constater que c'est la réforme de la loi provinciale de 1997, notamment en ce qui concerne la modernisation de la comptabilité et l'intervention de la Cour des comptes, qui est entachée du même excès de compétence, de même que toutes les modifications de l'article 66 de la loi provinciale, depuis l'entrée en vigueur des lois de réformes institutionnelles de 1980 et en tout cas de 1988. Il souligne qu'un éventuel excès de compétence n'a pas été dénoncé par la section de législation du Conseil d'Etat.
Quant au second moyen A.6. Le Conseil des ministres estime que le second moyen est irrecevable, la requérante n'ayant pas intérêt à ce que les communes soient soumises à un contrôle auquel elle-même resterait tenue.
Subsidiairement, le Conseil des ministres rappelle que, historiquement, les communes n'ont jamais été incluses parmi les autorités à l'égard desquelles la Cour des comptes exerce son contrôle, tandis que les provinces y étaient déjà soumises sous le régime hollandais et étaient déjà subordonnées au pouvoir central sous le régime napoléonien.
Position du Gouvernement wallon A.7. Après avoir retracé l'historique du contrôle de la Cour des comptes sur les provinces, l'intervenant conteste l'intérêt de la requérante.
Il estime, d'une part, que la base légale du contrôle de la Cour des comptes sur les provinces se trouve dans la loi organique du 29 octobre 1846, l'article 112bis de la loi provinciale ayant une portée non pas normative mais interprétative en ce qu'il confirme l'existence de ce contrôle mais ne le réintroduit pas. La requérante n'aurait donc aucun intérêt à l'annulation de l'article 8 de la loi attaquée.
Il considère, d'autre part, que cette disposition a pour but de faire bénéficier les membres du conseil provincial et les administrés de la publicité des avis de la Cour des comptes et que la requérante n'a aucun intérêt à en postuler l'annulation.
Quant au premier moyen A.8. L'intervenant fait valoir, en invoquant la doctrine, que le contrôle de la Cour des comptes doit être rangé parmi les contrôles politiques et parlementaires et non pas parmi les contrôles de tutelle.
Quant au second moyen A.9. L'intervenant estime qu'aucun parallélisme ne peut être établi entre les communes et les provinces, l'intérêt provincial se définissant de manière négative puisqu'il règle toutes les matières qui ne relèvent ni de l'intérêt général ressortissant à la compétence de l'Etat, des communautés et des régions, ni de l'intérêt local ressortissant à celle des communes. Il ajoute que c'est l'histoire de notre pays qui a incité le législateur à conférer à la Cour des comptes le pouvoir de contrôler les provinces et non les communes, même avant le vote de la Constitution du 7 février 1831.
Il conclut que les provinces ne peuvent être comparées aux communes et répète que le siège de la discrimination alléguée n'est pas à rechercher dans les dispositions entreprises mais dans la loi du 29 octobre 1846.
Position du Gouvernement flamand Quant au premier moyen A.10. Après avoir rappelé que la Cour des comptes ne fait pas partie du pouvoir exécutif mais qu'elle est l'agent de la Chambre fédérale dans le domaine des budgets, l'intervenant souligne que les tâches qui lui ont été confiées à l'égard des provinces l'ont été en dehors de la définition qui en est donnée à l'article 180 de la Constitution, donc sans base constitutionnelle, ainsi que l'ont fait observer à plusieurs reprises la doctrine et la section de législation du Conseil d'Etat.
A.11. Dès lors que, en outre, le législateur fédéral ne dispose plus de la compétence requise pour légiférer en matière de tutelle sur la province (article 162, alinéa 3, de la Constitution), les dispositions attaquées se heurtent à l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980.
Le Gouvernement flamand se rallie donc totalement au premier moyen développé par la requérante.
Quant au second moyen A.12. L'intervenant estime que le second moyen vient à l'appui du premier en ce sens que le législateur fédéral n'aurait pu prévoir une tutelle identique sur les comptes annuels et les budgets des communes, la Cour ayant elle-même souligné, dans son arrêt n° 11/95, qu'une telle tutelle relève de la compétence régionale en matière de tutelle administrative ordinaire. La violation des articles 10 et 11 fait apparaître que le législateur fédéral a agi en dehors de ses compétences, puisqu'il n'y a aucune raison de traiter différemment les provinces et les communes.
A.13. Le Gouvernement flamand ajoute que la compétence attribuée aux régions en matière de tutelle administrative n'implique pas qu'elles pourraient toucher à la législation organique relative aux provinces et aux communes mais il précise que la tutelle de la Cour des comptes ne fait pas partie de cette législation.
A.14. L'intervenant estime que, même s'il ne s'agissait pas d'une forme de tutelle administrative, le législateur fédéral n'en aurait pas moins excédé ses compétences en ce qu'il les aurait utilisées de manière disproportionnée, rendant impossible toute organisation d'une tutelle administrative normale par les régions, cette disproportion étant d'autant plus évidente que la compétence attribuée à la Cour des comptes manque de base constitutionnelle.
A.15. En outre, il y aurait un autre déplacement de compétence en ce qu'une tutelle est attribuée à un organe du pouvoir législatif, alors qu'elle ne peut l'être qu'à l'organe du pouvoir exécutif compétent, violant ainsi à la fois les articles 162 et 180 de la Constitution ainsi que l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980. Si même le législateur fédéral disposait de la moindre compétence en l'espèce, cette compétence aurait été exercée de manière disproportionnée en ce qu'elle va à l'encontre de l'article 180 de la Constitution, le législateur régional ne pouvant plus prévoir l'organisation et l'exercice de la tutelle administrative.
Mémoire en réponse de la province de Hainaut Quant à la recevabilité A.16. La requérante considère que les dispositions attaquées ne sont pas seulement interprétatives. Au terme d'une analyse des dispositions antérieures à la loi du 25 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/06/1997 pub. 05/07/1997 numac 1997000511 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi provinciale, la loi du 1er juillet 1860 apportant des modifications à la loi provinciale et à la loi communale en ce qui concerne le serment et la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales fermer modifiant la loi provinciale, notamment ses articles 66 et 112, des changements apportés par cette dernière loi, d'observations formulées par la Cour des comptes dans son 155ème cahier d'observations et des travaux préparatoires de la loi attaquée, elle conclut que, sans les articles 4 et 8 de celle-ci, la Cour des comptes ne serait plus compétente pour intervenir dans le processus de reddition des comptes par la députation permanente au conseil provincial, nonobstant la loi du 29 octobre 1846. Les dispositions de celle-ci qui sont incompatibles avec les dispositions de la loi du 25 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/06/1997 pub. 05/07/1997 numac 1997000511 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi provinciale, la loi du 1er juillet 1860 apportant des modifications à la loi provinciale et à la loi communale en ce qui concerne le serment et la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales fermer doivent être considérées comme abrogées par cette loi. Ce sont donc bien les dispositions entreprises qui constituent le nouveau fondement légal du contrôle externe de la Cour des comptes sur les finances provinciales, de telle sorte que l'intérêt de la requérante à leur annulation ne pourrait être contesté.
A.17. En outre, par ses avis et ses observations, la Cour des comptes s'immiscerait dans la gestion des comptes provinciaux, ce qui permet à la province de Hainaut de se prévaloir de l'intérêt nécessaire pour demander l'annulation des dispositions entreprises.
Quant au premier moyen A.18. La requérante rappelle la compétence attribuée aux régions pour organiser et exercer la tutelle administrative « ordinaire » sur les provinces et elle souligne que la tutelle « spécifique » apparaît comme le prolongement de compétences matérielles ou comme l'accessoire d'autres attributions. Elle cite comme exemple la tutelle dans le domaine du transport des substances radioactives ou de la protection civile, qui appartient à l'Etat fédéral.
Elle analyse, dans la doctrine, ce qu'on entend par tutelle administrative et en conclut que la tutelle financière exercée par la Cour des comptes sur les provinces est une tutelle administrative.
Même si cette Cour ne peut être considérée comme une autorité administrative à part entière, elle peut être comparée aux autorités administratives chargées de la tutelle. Elle devrait donc être considérée comme une autorité « déléguée » par le pouvoir central pour assurer la légalité et protéger l'intérêt général, ce qui correspond à la définition de la tutelle.
A.19. En ce qu'elle est instituée par la loi provinciale, la tutelle en cause est une tutelle ordinaire et non spécifique. Elle ne peut d'ailleurs être considérée comme le prolongement de compétences matérielles de l'Etat fédéral organisé par une autre loi que la loi provinciale organique.
A.20. Sans doute, ajoute la requérante, la compétence de l'Etat aurait-elle pu être critiquée à l'occasion des modifications apportées par la loi du 25 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/06/1997 pub. 05/07/1997 numac 1997000511 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi provinciale, la loi du 1er juillet 1860 apportant des modifications à la loi provinciale et à la loi communale en ce qui concerne le serment et la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales fermer. Mais le délai pour annuler cette loi est dépassé et le droit positif antérieur à la loi attaquée ne prévoyait plus aucun contrôle de la légalité et de l'intérêt général par la Cour des comptes et il n'est plus de la compétence de l'Etat fédéral de revenir en arrière en ce qui concerne cette matière.
A.21. La requérante observe, enfin, que l'excès de compétence qu'elle dénonce n'aurait pu être soulevé par la section de législation du Conseil d'Etat puisque les dispositions en cause proviennent d'une proposition de loi qui ne lui a pas été soumise. Un oubli du Conseil d'Etat serait par ailleurs sans incidence sur le moyen.
Quant au second moyen A.22. La requérante rappelle le contenu des arrêts de la Cour nos 13/91 et 31/91. Elle souligne que les réformes institutionnelles ont établi un régime de tutelle similaire sur les provinces et les communes et ont prévu que le financement des missions a remplir par les communes et les provinces relève principalement de la compétence des régions (article 6, § 1er, VIII, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980). Or, ce qui justifiait l'intervention de la Cour des comptes à l'égard des provinces était le fait que leurs ressources provenaient en grande partie du budget de l'Etat.
Mémoire en réponse du Conseil des ministres Quant au premier moyen A.23. En réponse à l'argumentation du Gouvernement flamand, le Conseil des ministres répond que la Cour n'est pas compétente pour apprécier si les dispositions entreprises violent l'article 180 de la Constitution, qui n'établit pas une règle répartitrice de compétences.
Il ajoute que dans le premier moyen, la requérante n'invoque pas cette disposition et que le Gouvernement flamand ne prétend pas que le moyen devrait être élargi à la violation de cet article 180.
A.24. Le Conseil des ministres rappelle ensuite pour quels motifs, puisés dans la doctrine et dans l'arrêt de la Cour n° 69/99, un contrôle confié à une autorité rattachée au pouvoir législatif et qui s'analyse comme une mission particulière de surveillance financière ne peut être qualifié de tutelle administrative.
Il précise que la Cour des comptes exerce un contrôle de légalité et non d'opportunité, tandis que l'article 162 de la Constitution englobe dans la notion de tutelle le contrôle de légalité et la violation de l'intérêt général. Soutenir que la Cour des comptes se serait vu confier une tutelle administrative reviendrait à supposer que le législateur aurait méconnu la séparation des pouvoirs.
A.25. Le Conseil des ministres conteste que le législateur fédéral ait empiété de manière disproportionnée sur la compétence régionale en matière de tutelle. Les dispositions entreprises visent uniquement, d'une part, à assurer une meilleure transparence administrative et, d'autre part, à confirmer que c'est la Cour des comptes qui contrôle, non pas a priori mais a posteriori, les comptes des recettes et dépenses de la province. Rien n'empêcherait les régions de légiférer en matière de tutelle, parallèlement à l'intervention de la Cour des comptes.
A.26. A titre subsidiaire, le Conseil des ministres rappelle que la doctrine, la jurisprudence de la Cour d'arbitrage et celle du Conseil d'Etat ont retenu un critère non pas formel mais matériel pour définir la tutelle spécifique. Une tutelle est spécifique lorsque la matière concernée est organisée par le législateur comme excédant les limites de l'intérêt local, c'est-à -dire lorsqu'elle touche aux intérêts de toute une région, de toute une communauté ou de l'Etat tout entier.
Quant à la compétence matérielle qui justifie l'intervention du législateur fédéral, elle résulte de la loi du 29 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des comptes.
A.27. Le Conseil des ministres fait encore observer que la section de législation du Conseil d'Etat n'a fait aucune remarque, non sur la proposition qui a abouti à la loi attaquée, mais sur la loi du 25 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/06/1997 pub. 05/07/1997 numac 1997000511 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi provinciale, la loi du 1er juillet 1860 apportant des modifications à la loi provinciale et à la loi communale en ce qui concerne le serment et la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales fermer en projet.
A.28. Il relève enfin que, si la loi attaquée était jugée inconstitutionnelle, il en serait de même de celle du 25 juin 1997, que cette inconstitutionnalité pourrait être constatée par la voie préjudicielle et que, dans ce cas, seraient de nouveau en vigueur les dispositions antérieures à cette loi, lesquelles attribuaient à la Cour des comptes des compétences comparables à celles que la requérante conteste.
Quant au second moyen A.29. Compte tenu de l'arrêt de la Cour n° 23/2000, le Conseil des ministres s'en réfère à la sagesse de la Cour quant à l'intérêt de la requérante. Sur le fond, il répète que les communes et les provinces ne sont pas comparables.
Mémoire en réponse du Gouvernement wallon Quant au premier moyen A.30. Le Gouvernement wallon développe des arguments qui rejoignent ceux du Conseil des ministres.
A.31. Il ajoute que le Constituant de 1831, en soumettant les comptes de l'Etat au contrôle de la Cour des comptes, entendait également y soumettre ceux des provinces dont les dépenses se faisaient à charge du Trésor public.
A.32. Il rappelle que, ainsi que l'a souligné la doctrine, la tutelle administrative est le contrepoids nécessaire à l'autonomie des administrations décentralisées, ce qui n'est pas le cas du contrôle confié à la Cour des comptes qui tend à contrôler le budget de l'Etat, dont celui des provinces faisait partie, et qui ne peut donc être assimilé à un contrôle de tutelle.
A.33. Le Gouvernement wallon rappelle que toutes les dispositions de la loi communale et de la loi provinciale n'ont pas été transférées aux régions en 1988, qu'une liste des matières transférées a été établie par le Conseil d'Etat dans un avis du 13 juillet 1988 et que parmi celles-ci ne figurent pas les articles 66 et 112, relatifs au contrôle de la Cour des comptes.
Quant au deuxième moyen A.34. Citant les travaux préparatoires de la loi provinciale (Moniteur belge du 18 mai 1834, p. 4, 3ème colonne), le Gouvernement wallon rappelle pour quels motifs le contrôle de la Cour des comptes n'a pas été étendu aux communes et il déduit des débats de l'époque que celles-ci n'étaient pas comparables aux provinces et qu'elles ne le sont pas davantage aujourd'hui. - B Quant aux dispositions en cause B.1. L'article 180 de la Constitution décrit le rôle de la Cour des comptes en ces termes : « Cette Cour est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le trésor public. Elle veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu'aucun transfert n'ait lieu. La Cour exerce également un contrôle général sur les opérations relatives à l'établissement et au recouvrement des droits acquis par l'Etat, y compris les recette fiscales. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l'Etat et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l'Etat est soumis à la Chambre des représentants avec les observations de la Cour des comptes.
Cette Cour est organisée par la loi. » B.2. La loi du 29 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des comptes reprend et détaille, à son article 5, les missions de la Cour et précise qu'elles s'exercent sur les comptes de l'Etat et des provinces.
B.3. L'ancien article 66, alinéa 1er, de la loi provinciale disposait, avant sa modification par la loi du 25 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/06/1997 pub. 05/07/1997 numac 1997000511 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi provinciale, la loi du 1er juillet 1860 apportant des modifications à la loi provinciale et à la loi communale en ce qui concerne le serment et la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales fermer : « Chaque année, le Conseil arrête les comptes de la province pour l'année antérieure. Les comptes annuels comprennent le compte budgétaire, le compte de résultats et le bilan. Ces comptes sont soumis au conseil avec les observations de la Cour des comptes. » L'ancien article 112 de la même loi comprenait, notamment, les dispositions suivantes : « Il ne peut être disposé des fonds de la province qu'au moyen de mandats délivrés par la députation.
Les mandats sont signés par le président et le greffier; ils sont adressés directement à la Cour des comptes et revêtus de son visa avant le paiement.
Lorsque la Cour ne croit pas pouvoir donner son visa, les motifs de son refus sont examinés par le Conseil provincial au cours de la prochaine réunion. Si le conseil provincial décide d'effectuer le paiement, la Cour des comptes est tenue de donner son visa. La décision du Conseil doit être motivée. [ . ] La Cour des comptes statue sur la régularité et le taux des pensions accordées en exécution de règlements provinciaux, préalablement à l'attribution définitive de ces pensions par la députation. [ . ] » L'article 114 de la même loi oblige les receveurs spéciaux et les comptables en deniers à rendre des comptes à la Cour des comptes.
B.4. La loi du 25 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/06/1997 pub. 05/07/1997 numac 1997000511 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi provinciale, la loi du 1er juillet 1860 apportant des modifications à la loi provinciale et à la loi communale en ce qui concerne le serment et la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales fermer modifiant la loi provinciale a supprimé, à l'article 66, l'intervention de la Cour des comptes et, à l'article 112, la mention selon laquelle les mandats délivrés par la députation permanente devaient être soumis à son visa. Elle a inséré les articles 113bis à 113undecies qui créent la fonction de receveur provincial, lequel doit rendre compte de sa gestion chaque année à la Cour des comptes (article 113octies). Elle n'a pas modifié l'article 114.
B.5. L'article 4 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999000486 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale type loi prom. 04/05/1999 pub. 28/07/1999 numac 1999000427 source ministere de l'interieur Loi modifiant les articles 12 et 19, § 1er, de la nouvelle loi communale type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999000485 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant la loi provinciale type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale, qui est la première disposition attaquée, a modifié l'article 66, § 2, de la loi provinciale, qui se lit désormais comme suit : « Chaque année, lors d'une séance qui a lieu au mois d'octobre, la députation permanente soumet au conseil provincial le projet de budget pour l'exercice suivant, l'avis de la Cour des comptes y afférent, les comptes de l'exercice précédent accompagnés des observations de la Cour des comptes, ainsi qu'une note de politique générale.
La note de politique générale comprend au moins les priorités des objectifs politiques, les moyens budgétaires et l'indication du délai dans lequel ces priorités objectives doivent être réalisées.
Les documents visés à l'alinéa 1er sont distribués à tous les membres du conseil provincial, au moins sept jours francs avant la séance au cours de laquelle ils seront examinés.
L'avis de la Cour des comptes et la note de politique générale visés à l'alinéa 1er sont publiés au Mémorial administratif. La députation permanente soumet également au conseil toutes autres propositions qu'elle juge utiles ».
B.6. L'article 8 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999000486 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant la loi provinciale et la nouvelle loi communale type loi prom. 04/05/1999 pub. 28/07/1999 numac 1999000427 source ministere de l'interieur Loi modifiant les articles 12 et 19, § 1er, de la nouvelle loi communale type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999000485 source ministere de l'interieur et ministere de la justice Loi modifiant la loi provinciale type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer, qui est la deuxième disposition attaquée, a introduit dans la loi provinciale un article 112bis, selon lequel : « La Cour des comptes contrôle les comptes des recettes et des dépenses de la province. » Quant à l'intérêt B.7. En vertu de l'article 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les recours en annulation peuvent être introduits par le Conseil des ministres, par le Gouvernement d'une communauté ou d'une région (1°), par les présidents des assemblées législatives à la demande de deux tiers de leurs membres (3°) ou par toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt (2°).
Les provinces ne sont pas mentionnées parmi les autorités publiques qui sont dispensées d'établir leur intérêt à agir. Elles doivent donc démontrer qu'elles risquent d'être affectées directement et défavorablement par les normes qu'elles attaquent. Le seul intérêt que peut avoir toute personne, fût-elle une personne morale de droit public, à être administrée par l'autorité compétente en vertu de la Constitution, ne se distingue pas de l'intérêt qu'a toute personne au respect de la légalité en toute matière. Admettre un tel intérêt pour agir devant la Cour reviendrait à admettre le recours populaire, ce que le Constituant n'a pas voulu.
B.8. Les autorités autres que celles qui sont mentionnées au 1° et au 3° de l'article 2 de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage ne peuvent donc agir en annulation qu'à l'encontre de normes qui peuvent affecter défavorablement les intérêts qui leur sont confiés. B.9. La province est une collectivité politique composée d'un territoire, d'habitants, dotée d'organes propres et chargée d'intérêts déterminés. Elle dispose de la personnalité juridique et à ce titre d'un patrimoine propre.
L'article 41 de la Constitution charge les conseils provinciaux du règlement des intérêts provinciaux. Erigée par la loi en représentant d'un type déterminé d'intérêts, la province est, comme toute institution publique, un instrument au service de l'intérêt des citoyens. C'est en tenant compte de cette caractéristique qu'il convient d'examiner l'intérêt de la province de Hainaut à agir dans le présent recours.
B.10. La mission de la Cour des comptes est ainsi définie par l'article 5 de la loi du 29 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des comptes, modifié par la loi du 10 mars 1998 : « Cette Cour est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le Trésor.
Elle veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé, et à ce qu'aucun transfert n'ait lieu.
Les opérations relatives à l'établissement et au recouvrement des droits acquis par l'Etat et les provinces, y compris les recettes fiscales, sont soumises au contrôle général de la Cour des comptes.
Les modalités d'exécution de ce contrôle sont arrêtées dans un protocole conclu entre le Ministre des Finances et la Cour des comptes.
Elle arrête les comptes des différentes administrations de l'Etat, et est chargée de recueillir, à cet effet, tous renseignements et toutes pièces comptables.
La Cour des comptes contrôle a posteriori le bon emploi des deniers publics; elle s'assure du respect des principes d'économie, d'efficacité et d'efficience.
La Chambre des représentants peut charger la Cour des comptes de procéder, au sein des services et organismes soumis à son contrôle, à des analyses de gestion. » B.11. Le contrôle de la Cour des comptes sur les finances des provinces s'est exercé dès le dix-neuvième siècle et il s'est poursuivi au vingtième siècle, avant et après les réformes institutionnelles de 1980, 1988 et 1993.
B.12. Quand une province s'insurge contre le rétablissement, en 1999, d'un contrôle financier qu'elle-même et les autres provinces ont subi jusqu'en 1997, sans qu'il apparût que les intérêts dont elles ont la charge en pâtissent, encore doit-elle, pour les raisons exprimées en B.7., démontrer qu'elle risque d'être affectée défavorablement dans la poursuite de ces intérêts.
B.13. La province de Hainaut n'a pas fait cette démonstration. Si le contrôle qu'elle critique peut être une source d'incommodité pour l'autorité qui la subit, il est de nature à protéger les intérêts qui lui sont confiés plutôt qu'à leur nuire.
B.14. Faute d'avoir démontré qu'elle pourrait être directement et défavorablement affectée par les dispositions qu'elle critique, la requérante est irrecevable à les attaquer.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 février 2001.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.