publié le 01 mars 2001
Arrêt n° 10/2001 du 7 février 2001 Numéro du rôle : 1759 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de la loi du 12 février 1999 « insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle de La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)
Arrêt n° 10/2001 du 7 février 2001 Numéro du rôle : 1759 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer « insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 », introduit par l'a.s.b.l. Vlaamse Concentratie et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, A. Arts, R. Henneuse, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 20 août 1999 et parvenue au greffe le 22 août 1999, l'a.s.b.l. Vlaamse Concentratie, ayant fait élection de domicile à 1800 Vilvorde, Koningslosteenweg 7, F. Vanhecke, ayant fait élection de domicile à 1800 Vilvorde, Koningslosteenweg 7, W. Verreycken, ayant fait élection de domicile à 9420 Erpe-Mere, Opaaigem 15, G. Annemans, ayant fait élection de domicile à 1800 Vilvorde, Koningslosteenweg 7, et F. Dewinter, ayant fait élection de domicile à 1800 Vilvorde, Koningslosteenweg 7, ont introduit un recours en annulation totale ou partielle de la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer « insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 » (publiée au Moniteur belge du 18 mars 1999, errata publié au Moniteur belge du 29 avril 1999).
II. La procédure Par ordonnance du 22 août 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 16 septembre 1999.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 2 octobre 1999.
Par ordonnance du 28 octobre 1999, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, suite à la demande du Conseil des ministres du même jour.
Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des ministres par lettre recommandée à la poste le 29 octobre 1999.
Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 28 octobre 1999; - l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, rue de l'Enseignement 91, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 29 octobre 1999; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 2 novembre 1999; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 16 novembre 1999.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 janvier 2000.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 10 février 2000; - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 17 février 2000; - l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, par lettre recommandée à la poste le 18 février 2000.
Par ordonnances des 27 janvier 2000 et 29 juin 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 20 août 2000 et 20 février 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 13 juillet 2000, le président G. De Baets a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.
Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 11 octobre 2000.
Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 18 juillet 2000.
Par ordonnance du 5 octobre 2000, la Cour a remis l'affaire au 6 décembre 2000.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 13 octobre 2000.
A l'audience publique du 6 décembre 2000 : - ont comparu : . Me R. Verreycken, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes, excepté le requérant W. Verreycken; . Me P. Devers, avocat au barreau de Gand, pour le Conseil des ministres; . Me P. Rondiat loco Me J.-M. Cheffert, Me T. Delaey et Me P.-Y. Gillet, avocats au barreau de Dinant, pour le Gouvernement de la Communauté française; . Me N. Van Laer, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon; . Me P. Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. Objet des dispositions entreprises L'article 2 de la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer insère dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques un article 15ter, qui dispose : «
Art. 15ter.§ 1er. Lorsqu'un parti politique par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats, ou de ses mandataires élus, montre de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants son hostilité envers les droits et libertés garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, et par les protocoles additionnels à cette Convention en vigueur en Belgique, la dotation, qui en vertu du présent chapitre est allouée à l'institution visée à l'article 22 doit, si une chambre bilingue du Conseil d'Etat le décide, être supprimée dans les quinze jours par la commission de contrôle à concurrence du montant décidé par le Conseil d'Etat.
Toute plainte déposée par au moins cinq membres de la commission de contrôle doit être adressée directement au Conseil d'Etat. La plainte ainsi transmise indique l'objet de la demande, l'auteur présumé de l'acte incriminé, la description détaillée de celui-ci et, le cas échéant, son mode de financement. Le Conseil d'Etat prononce, dans les deux mois de sa saisine, un arrêt dûment motivé et peut décider de supprimer la dotation qui, en vertu du présent chapitre, est allouée à l'institution visée à l'article 22, soit à concurrence du double du montant des dépenses financées ou réalisées pour l'accomplissement de cet acte, soit pendant une période qui ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à un an. § 2. Un pourvoi en cassation contre l'arrêt du Conseil d'Etat est ouvert devant la Cour de cassation dans un délai de trente jours. Ce pourvoi n'a pas d'effet suspensif. § 3. La procédure ainsi que les modalités d'audition des intéressés sont fixées par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. » L'article 3 de la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer insère, dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées par arrêté royal du 12 janvier 1973, un article 16bis qui énonce : « La section statue par voie d'arrêts sur les plaintes introduites en application de l'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques. » IV. En droit - A - Quant à la recevabilité En ce qui concerne l'objet du recours A.1. Les parties requérantes demandent l'annulation partielle du nouvel article 15ter de la loi du 4 juillet 1989, plus précisément le paragraphe 1er, alinéas 1er et 2, la deuxième phrase du paragraphe 2 et le paragraphe 3 dans sa totalité, ainsi que l'annulation totale de l'article 3 de la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer.
Quant à la qualité et la capacité d'agir des parties requérantes A.2.1. La première partie requérante est une association sans but lucratif agréée aux fins de recevoir les dotations du parti en vertu de la loi du 4 juillet 1989. Les second à sixième requérants sont des personnes physiques, en leur qualité de mandataires élus et de chefs de groupe d'assemblées parlementaires et de président et membres du bureau du parti « Vlaams Blok ».
A.2.2. Le Conseil des ministres et le Gouvernement de la Communauté française font valoir que le recours de la première partie requérante est irrecevable à défaut de décision d'agir en justice.
A.2.3. La décision du conseil d'administration de la première partie requérante a été annexée au mémoire en réponse des parties requérantes.
Quant à l'intérêt des parties requérantes A.3. Les parties requérantes affirment justifier d'un intérêt à l'annulation des dispositions entreprises, qui ont, d'après elles, été adoptées dans le but de les priver de la dotation qu'elles ont obtenue sans problème les années précédentes.
A.4. Le Conseil des ministres estime que les parties requérantes n'ont pas intérêt à l'annulation du nouvel article 15ter, qui ne fait qu'affiner le mécanisme de sanction déjà existant, contenu à l'article 15bis de la loi du 4 juillet 1989.
Le Gouvernement de la Communauté française fait valoir que la nouvelle disposition rend l'ancien régime plus efficace et garantit les droits de chacun en prévoyant l'intervention du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, ce qui n'est donc pas de nature à affecter défavorablement les parties requérantes.
A.5. Le Conseil des ministres et le Gouvernement de la Communauté française soutiennent également que les parties requérantes n'ont rien à craindre d'une disposition qui prévoit uniquement le retrait de la dotation de partis politiques dont l'hostilité envers la Convention européenne des droits de l'homme et envers les Protocoles additionnels est prouvée.
Si les parties requérantes craignent néanmoins d'être l'objet des nouvelles sanctions, elles ne justifient pas d'un intérêt légitime et admissible devant la Cour.
A.6.1. Aux fins de démontrer son intérêt au recours, la première partie requérante invoque sa qualité d'organisme agréé aux fins de recevoir les dotations du parti politique « Vlaams Blok ».
A.6.2. Le Gouvernement de la Communauté française soutient que la première partie requérante ne précise pas quel objectif elle poursuit, objectif qui ne peut coïncider avec l'intérêt général ni avec l'intérêt individuel de ses membres. Etant donné que l'association défend en particulier les intérêts individuels de ses membres et que les dotations profitent avant tout aux politiciens, la disposition entreprise n'affecte pas la partie requérante de manière directe et défavorable. Le seul fait que l'association ait été agréée en tant qu'institution destinée à recevoir les dotations ne justifie pas, selon le Gouvernement de la Communauté française, son intérêt à agir.
A.6.3. La première partie requérante observe que les partis politiques n'ont généralement pas la personnalité juridique et que la loi du 4 juillet 1989 dispose que la dotation d'un parti est versée à une association sans but lucratif agréée par le Roi. Non seulement est-elle agréée pour recevoir les dotations, elle a également la mission générale de soutenir financièrement et matériellement le « Vlaams Blok » et organise diverses activités financées grâce à une partie de la dotation.
A.7.1. Les deuxième à sixième requérants invoquent leurs qualités respectives de président du « Vlaams Blok », de membres du bureau du « Vlaams Blok » et de chefs de groupe au Parlement européen, au Sénat, à la Chambre des représentants et au Parlement flamand. Ils affirment avoir édité plusieurs brochures pour le parti et que, grâce aux dotations, plusieurs autres activités ont pu être organisées, comme des journées d'études et des publications. Toutes ces initiatives seraient sérieusement entravées en cas de suppression des dotations.
A.7.2. Le Conseil des ministres relève que la dotation du « Vlaams Blok » revient uniquement à la première partie requérante et que les membres du parti ne sont dès lors pas affectés directement par les dispositions entreprises.
Le Gouvernement de la Communauté française et le Gouvernement wallon estiment également que les deuxième à cinquième parties requérantes ne sont pas affectées directement et défavorablement. Il en est d'autant plus ainsi pour les second et cinquième requérants en leur qualité respective de membres du Parlement européen et du Parlement flamand, qui n'ont en aucun cas intérêt au financement des partis politiques représentés au Parlement fédéral. Selon le Gouvernement de la Communauté française, les exemples de conséquences dommageables que citent les parties requérantes sont en outre vagues et imprécis.
A.7.3. La deuxième partie requérante réplique qu'elle a, en tant que président de l'association de fait « Vlaams Blok », un intérêt suffisant à son recours, sans préjudice de sa qualité de chef de groupe au Parlement européen, en vertu de laquelle elle a un intérêt, tout comme les autres parties requérantes.
Les troisième à cinquième requérants répètent qu'ils sont membres de l'instance supérieure de leur parti et qu'ils sont, en tant que chefs de groupe, affectés directement et défavorablement par les dispositions entreprises, qui entravent le financement de leurs activités et publications. Ils ajoutent que leur immunité parlementaire est menacée, puisqu'ils peuvent être sanctionnés pour avoir exprimé une opinion.
Quant à l'intervention de l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme A.8.1. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme a introduit un mémoire en intervention. Elle déclare avoir pour objet de combattre l'injustice et toute atteinte arbitraire aux droits d'un individu ou d'une collectivité. Elle défend les principes d'égalité, de liberté et d'humanisme, notamment ancrés dans la Constitution belge et dans la Convention européenne des droits de l'homme.
Elle invoque un intérêt collectif pour avoir accès à la procédure.
Elle relève que la Cour a déjà admis son intérêt par le passé. Pour la partie intervenante, il est clair que la loi entreprise peut affecter son objet social.
A.8.2. Les parties requérantes demandent que la partie intervenante produise ses statuts qui ont été publiés ainsi que la décision d'ester, dans la langue de la procédure.
Selon les parties requérantes, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme ne démontre pas que son objet social est affecté directement et défavorablement par les dispositions entreprises et l'intervention est dès lors irrecevable.
Sur le fond Premier moyen A.9.1. Le premier moyen est rédigé en ces termes dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce qu'il est un fait général qu'une a.s.b.l. déterminée désignée à cet effet par un parti politique peut perdre l'intégralité de sa dotation publique annuelle, alors que d'autres a.s.b.l. désignées par d'autres partis politiques continuent de recevoir la dotation;
Alors qu'une différence de traitement de catégories de personnes doit reposer sur un critère objectif raisonnablement justifié; ».
Les parties requérantes estiment que la loi entreprise instaure un contrôle politique du contenu du programme du parti et de l'action politique d'un parti, en vertu de critères non objectifs tels des signes « manifestes », « plusieurs indices concordants » et « hostilité envers ». En outre, ces critères vagues sont appréciés par une commission de contrôle dont la composition est politique et qui est à la fois juge et partie.
A.9.2. Le Conseil des ministres, qui examine simultanément les premier, second, troisième, sixième, huitième et neuvième moyens, observe en premier lieu que la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer n'établit aucune différence de traitement et s'applique pareillement à tous les partis politiques.
Selon le Conseil des ministres, il ne fait aucun doute que les droits de l'homme et les libertés fondamentales garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et les Protocoles additionnels à cette Convention applicables en Belgique relèvent de ce qui est généralement considéré comme essentiel pour sauvegarder toute société démocratique au sein de l'espace européen. Ces textes conventionnels constituent dès lors des critères objectifs et adéquats en vue de l'octroi d'une aide publique aux partis politiques.
Lors de la mise en balance entre, d'une part, l'intérêt du maintien d'une stricte égalité entre les partis politiques et, d'autre part, la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux, c'est cette dernière qui peut prévaloir, dans certaines limites, et en l'espèce purement au niveau financier. Le droit à la liberté d'expression n'est d'ailleurs pas absolu.
Le Conseil des ministres fait valoir que la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer a le mérite de rendre justement le régime des sanctions existant plus proportionné au but poursuivi, en remplaçant le « non-respect » par l' « hostilité », en affinant les sanctions et en prévoyant une plus grande protection juridique.
Selon le Conseil des ministres, la Commission de contrôle parlementaire peut, dans la pratique, être saisie par deux groupes politiques, si bien que le conflit, invoqué par les parties requérantes, entre la majorité politique et l'opposition est inexistant.
Le Conseil des ministres souligne que le législateur s'est laissé guider par l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat lors de la fixation des critères qui doivent permettre de déceler l' « hostilité » à l'égard de la Convention européenne des droits de l'homme et de ses Protocoles. Il cite également les travaux préparatoires, dont il ressort qu'il doit s'agir d'une menace réelle pour ces droits et libertés. Considéré de la sorte, il est clair, aux yeux du Conseil des ministres, que ce ne sont pas des convictions sensu stricto qui sont visées, mais « des faits et actes, à savoir des manifestations évidentes et convergentes d'hostilité ».
A.9.3. Le Gouvernement de la Communauté française rappelle que la Cour a déjà considéré dans son arrêt n° 40/90 du 21 décembre 1990 qu'il « n'est pas contraire au principe d'égalité qu'une commission qui est l'émanation de ces institutions soit chargée de faire respecter les conditions de financement établies par la loi ».
Selon le Gouvernement de la Communauté française, les critères employés permettent d'éviter toute déviance nuisant aux valeurs démocratiques d'un Etat de droit et ils sont objectifs, dès l'instant où ils seront appréciés par la Commission de contrôle, dont la fonction ne peut être remise en cause. Il ajoute que la Commission de contrôle a pour seul rôle de saisir le Conseil d'Etat, qui offre la garantie d'une procédure correcte et d'un jugement impartial. Les membres de la Commission de contrôle ne peuvent dès lors être considérés comme étant juges et parties et la composition de cette Commission ne peut constituer une discrimination dont pourraient souffrir les parties requérantes.
A.9.4. Le Gouvernement wallon estime que les critères employés par le législateur sont objectifs et proportionnés à l'objectif poursuivi, le besoin de sauvegarder les droits et libertés caractéristiques de l'Etat de droit.
Le Gouvernement wallon souligne lui aussi les fonctions respectives de la Commission de contrôle et du Conseil d'Etat. Il ne voit pas non plus en quoi la composition de la Commission serait discriminatoire à l'égard des parties requérantes. La circonstance qu'il faille cinq membres pour saisir la Commission de contrôle exclut, d'une part, qu'une majorité politique empêche tout examen par le Conseil d'Etat et, d'autre part, que le Conseil d'Etat soit saisi sans fondement objectif, dans le seul but de fragiliser un parti politique.
A.9.5. Selon l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, la loi entreprise vise à éviter que la collectivité continue de financer des partis dont la vocation est de saper les fondements démocratiques de l'Etat et son existence même. La différence de traitement qui découle de la loi entreprise repose sur des critères objectifs raisonnablement proportionnés au but poursuivi : en effet, la loi exige le constat d'une « hostilité » à l'égard des droits fondamentaux, hostilité qui doit non seulement être « manifeste », mais qui doit en outre ressortir de « plusieurs indices concordants ».
L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme estime que les parties requérantes font une lecture erronée de la loi, lorsqu'elles font valoir que la Commission de contrôle est composée de concurrents politiques du parti devant être contrôlé. En tout état de cause, la composition de la Commission ne peut plus être remise en cause, dès lors qu'elle a déjà été fixée par la loi du 4 juillet 1989 et que le délai imparti pour introduire un recours en annulation contre cette loi a expiré. Par ailleurs, la Commission de contrôle n'a pas pour mission de faire supprimer la dotation, mais uniquement d'exécuter la décision du Conseil d'Etat, dont l'impartialité est incontestable.
A.9.6. Les parties requérantes font valoir que l'article 15bis existant de la loi du 4 juillet 1989 exige déjà , comme condition objective en vue d'obtenir la dotation, que les statuts ou le programme du parti contiennent le respect des droits et libertés fondamentaux. Elles disent ne pas comprendre pourquoi cette disposition sans équivoque aurait encore besoin d'une « exécution concrète » ou devrait être rendue « plus efficace ».
La norme entreprise va, selon les parties requérantes, bien au-delà de l'objectif allégué, qui consisterait à rendre l'article 15bis plus efficace. La disposition entreprise instaure un critère tout à fait neuf et poursuit un autre objectif : « permettre un contrôle du contenu et une sanction d'un parti, par le biais d'un programme de parti, par ses concurrents politiques ».
A l'estime des parties requérantes, les critères utilisés à cette fin ne sont nullement objectifs, quoique l'on pourrait imaginer des critères objectifs, comme une condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l'homme en raison d'une règle qui découle du programme d'un parti politique déterminé ou une condamnation par un tribunal du chef d'un délit déterminé, par exemple des délits relatifs à l'exercice de droits et libertés.
Deuxième moyen A.10.1. Le moyen est rédigé en ces termes dans la requête : « Pris de la violation des articles 10, 11 et 19 de la Constitution;
En ce qu'un parti politique peut perdre l'intégralité de sa dotation publique annuelle si, en exprimant une opinion, il montre ` son hostilité envers les droits et libertés garantis par la C.E.D.H. et les protocoles additionnels ';
Alors que l'article 19 de la Constitution garantit à chacun la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés, et ce sans établir une discrimination; ».
Les parties requérantes font valoir que chaque citoyen peut s'exprimer librement, sauf la sanction de délits fixés dans une loi pénale claire, contrairement à un parti politique, ses candidats et ses mandataires élus, qui peuvent encourir une sanction, par suite de la loi entreprise, pour l'expression d'une opinion déterminée, sans que cette opinion ait été érigée en infraction par le législateur et sans qu'une juridiction civile ou pénale ait prononcé une condamnation.
A.10.2. La position du Conseil des ministres relativement au second moyen est déjà incluse dans sa réponse au premier moyen (A.9.2).
A.10.3. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le moyen est avant tout irrecevable en ce qu'il dénonce la violation de l'article 19 de la Constitution sans exposer en quoi les dispositions entreprises seraient discriminatoires.
En tout état de cause, à l'estime du Gouvernement de la Communauté française, le moyen n'est pas fondé : en effet, la liberté d'expression n'est pas absolue. Il n'est pas déraisonnable de ne pas tolérer toute hostilité à l'égard des droits et libertés fondamentaux.
La sanction qui consiste en la perte de la dotation apparaît comme raisonnable.
Contrairement à ce que soutiennent les requérants dans l'exposé du moyen, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation offrent toutes les garanties nécessaires au bon déroulement de l'affaire. Le Gouvernement de la Communauté française rappelle l'arrêt précité n° 40/90 (considérant 5.B.3) de la Cour et conclut qu'aucune violation des articles 10, 11 et 19 de la Constitution ne peut être relevée.
A.10.4. Le Gouvernement wallon soutient lui aussi en premier lieu que le deuxième moyen est irrecevable au motif que les parties requérantes n'exposent pas pourquoi la prétendue violation de l'article 19 de la Constitution constituerait une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
Sur le fond, le Gouvernement wallon renvoyant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour d'arbitrage fait valoir que la liberté d'expression n'est pas absolue et « peut être soumise à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la protection des objectifs explicitement mentionnés dans les dispositions conventionnelles précitées » (arrêt n° 45/96 du 12 juillet 1996, considérant B.7.6).
Le Gouvernement wallon ajoute que nul ne peut utiliser les droits et libertés consacrés par la Constitution ou par une Convention dans le but de détruire les autres droits fondamentaux consacrés par ces instruments. Ce principe est expressément consacré par l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme.
En l'espèce, le législateur était, selon le Gouvernement wallon, pleinement conscient de l'importance fondamentale de la liberté d'expression, puisqu'il a restreint la possibilité de supprimer la dotation aux cas visés à l'article 15ter.
A.10.5. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme estime que le moyen dénonce en réalité la violation de l'article 19 de la Constitution, indépendamment des articles 10 et 11 de celle-ci, et qu'il est dès lors irrecevable.
En tout état de cause, la liberté d'expression garantie par la Constitution doit être lue en combinaison avec l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, dont le paragraphe 2 dispose que l'exercice de ce droit peut être soumis à certaines conditions. Pour la partie intervenante, il n'est d'ailleurs pas certain que la législation entreprise porte atteinte à la liberté d'expression : elle n'empêche aucune publication ou aucun meeting, elle empêche uniquement que le financement public des partis politiques ne profite à des formations qui tiennent des discours manifestement hostiles aux droits de l'homme.
A.10.6. Les parties requérantes répondent que les dispositions entreprises établissent bel et bien une différence de traitement entre les diverses catégories de personnes mentionnées dans la requête : non seulement la catégorie des personnes qui peuvent s'exprimer librement par rapport aux institutions qui peuvent perdre la dotation en vertu du seul fait qu'un parti politique exprime une opinion, mais également la catégorie des parlementaires qui peuvent invoquer l'article 58 de la Constitution par rapport aux parlementaires dont l'immunité constitutionnelle est affectée par la norme entreprise.
Les parties requérantes répètent que les uns sont entièrement libres d'exprimer leur opinion ou bénéficient de l'immunité parlementaire, alors que les autres, pour avoir exprimé une certaine opinion, encourent une sanction pour un fait que le législateur n'a pas érigé en infraction et alors qu'aucune juridiction n'a prononcé une condamnation quelconque.
Selon les parties requérantes, cette différence de traitement est d'autant plus surprenante que la Convention européenne des droits de l'homme permet elle-même aux Etats de prévoir une réserve pour certaines dispositions ou de renoncer à la Convention. Les auteurs de la Convention ont donc laissé la possibilité de mener un débat politique autour du contenu de la Convention, mais la norme entreprise fait en sorte que le parti qui oserait proposer de renoncer à la Convention perd sa dotation. La norme entreprise n'est donc pas raisonnablement justifiée à la lumière de l'objectif.
Troisième moyen A.11.1. Le troisième moyen est rédigé en ces termes dans la requête : « Pris de la violation des articles 10, 11 et 19 de la Constitution;
En ce qu'un parti politique qui, par l'entremise de composantes, de listes, de candidats ou de mandataires élus, montre ` manifestement ' qu'il est ` hostile ' envers les protocoles additionnels à la C.E.D.H. en vigueur en Belgique peut perdre l'intégralité de sa dotation publique annuelle, Alors que l'article 19 de la Constitution garantit à chacun la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés, et ceci doit valoir pour tous sans discrimination; ».
Dans ce moyen, les parties requérantes exposent qu'un parti qui plaiderait par exemple pour le rétablissement de la peine de mort pour certains délits perdrait sa dotation publique. Les parties requérantes renvoient au Sixième Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme du 28 avril 1983 concernant l'abolition de la peine de mort. « Bien que les requérants ne tiennent pas pareil discours, il ne saurait être affirmé que l'abolition de la peine de mort soit un fait sans lequel une démocratie ne pourrait fonctionner ». Elles estiment qu'un parti politique doit rester libre d'oeuvrer pour le rétablissement de la peine de mort sans être sanctionné par la perte de sa dotation.
A.11.2. La position du Conseil des ministres concernant le troisième moyen est déjà incluse dans sa réponse au premier moyen (A.9.2).
A.11.3. Le Gouvernement de la Communauté française soutient en premier lieu que le troisième moyen, de même que le second, est irrecevable à défaut d'exposer en quoi la violation de la liberté d'expression serait contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
Subsidiairement, le Gouvernement de la Communauté française soutient qu'il n'est pas déraisonnable de ne pas cautionner toute hostilité envers les libertés et droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et ses Protocoles additionnels. « Ces dispositions de droit international s'imposent par leur primauté, rendant déjà le troisième moyen des requérants inopérant. » Le Gouvernement de la Communauté française observe également que tous les partis politiques sont de toute façon traités de manière égale.
A.11.4. Pour les mêmes raisons que le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement wallon soutient en premier lieu que le moyen est irrecevable.
Sur le fond, le Gouvernement wallon renvoie à sa réponse aux moyens précédents. Il ajoute que la sanction comprise à l'article 15ter, eu égard à sa connexité avec l'article 15bis, devait porter sur l'hostilité envers la Convention elle-même comme envers ses protocoles additionnels.
A l'estime du Gouvernement wallon, le Sixième Protocole porte sur le droit fondamental à la vie, sur l'intégrité physique et sur le respect de la personne humaine, qui fait partie intégrante de tout Etat démocratique. Il est dès lors raisonnable et proportionné de supprimer la dotation d'un parti qui encouragerait toute atteinte à ces droits fondamentaux.
A.11.5. Selon l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, les parties requérantes mettent en réalité en cause la ratification par la Belgique du Sixième Protocole, ce qui est tardif.
Etant donné que les requérants affirment qu'ils « ne tiennent pas pareil discours » (A.11.1), le Gouvernement wallon se demande quel est leur intérêt au moyen qui dénonce la possibilité de supprimer la dotation d'un parti qui plaide pour le rétablissement de la peine de mort.
Sur le fond, il n'est pas manifestement déraisonnable ou disproportionné, selon le Gouvernement wallon, de considérer que l'abolition de la peine de mort, au même titre que le droit à la vie, constitue un droit fondamental qui fait partie des valeurs d'un Etat démocratique.
A.11.6. Comme pour le second moyen, les parties requérantes affirment que la requête permet clairement de distinguer les catégories de justiciables comparées dans le cadre du troisième moyen.
Elles font valoir que le seul fait que certains droits et libertés ne figurent pas dans la Convention elle-même mais dans les protocoles ultérieurs démontre déjà que ces droits et libertés sont certes importants, mais moins fondamentaux pour une société démocratique.
Elles observent que la peine de mort n'a été abolie dans notre droit pénal que par la loi du 10 juillet 1996 et « est encore une pratique quotidienne aux Etats-Unis ». Elles concluent que la disposition entreprise limite de manière disproportionnée et déraisonnable le débat politique public - et la liberté d'expression - au sujet de la peine de mort.
Quatrième moyen A.12.1. Ce moyen est rédigé comme suit dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que la décision de retirer la dotation publique à un parti politique sera prise par une chambre bilingue du Conseil d'Etat, Alors que le Conseil d'Etat, dans toutes les autres affaires, rend des arrêts en chambres unilingues et qu'une différence de traitement de catégories de personnes doit reposer sur un critère objectif raisonnablement justifié; ».
Les parties requérantes estiment que la loi entreprise entend, sans la moindre justification, permettre aussi à des francophones d'émettre un jugement concernant le parti auquel appartiennent les requérants, alors que celui-ci relève clairement du groupe linguistique néerlandais et doit par conséquent être traité par une chambre néerlandophone du Conseil d'Etat.
A.12.2. Le Conseil des ministres fait valoir qu'un moyen qui invoque la violation des articles 10 et 11 de la Constitution doit exposer quelles catégories de personnes doivent être comparées et en quoi les dispositions entreprises violent le principe d'égalité. Les moyens qui dénoncent en réalité la violation d'autres dispositions que celles qui font l'objet d'un contrôle par la Cour sont irrecevables.
Selon le Conseil des ministres, il s'ensuit que les quatrième, cinquième, septième et dixième moyens sont irrecevables.
Pour ce qui est du quatrième moyen, le Conseil des ministres fait également observer que la Commission de contrôle est composée de députés et de sénateurs du groupe linguistique néerlandais comme du groupe linguistique français.
A.12.3. A l'instar du Conseil des ministres, le Gouvernement de la Communauté française estime que le moyen est irrecevable.
Sur le fond, le Gouvernement de la Communauté française soutient que tous les partis politiques sont traités de manière égale et que le bilinguisme s'impose en cette matière délicate. En même temps, cette règle apaise les craintes de l'une ou l'autre communauté et met le Conseil d'Etat à l'abri de toute critique de partialité. Le Gouvernement de la Communauté française ajoute que le principe d'égalité et de non-discrimination n'est pas violé du fait qu'une affaire est soumise à une chambre bilingue du Conseil d'Etat et que ce bilinguisme s'impose d'ailleurs parce que le Conseil d'Etat doit être saisi d'une plainte émanant d'au moins cinq membres de la Commission de contrôle, qui peuvent être d'un rôle linguistique différent.
A.12.4. Le Gouvernement wallon estime également en premier lieu que le moyen est irrecevable, pour les mêmes raisons que celles invoquées par le Conseil des ministres.
Sur le fond, le Gouvernement wallon estime que l'importance des principes mis en cause et l'indispensable cohérence dans l'appréhension de ces principes fondamentaux de l'ordre juridique belge justifient que l'affaire soit examinée par une chambre bilingue du Conseil d'Etat, ce qui permet de tenir compte des différentes sensibilités philosophiques et linguistiques. La circonstance que la procédure est enclenchée par des membres de la Commission de contrôle composée de francophones et de néerlandophones justifie également la compétence de la chambre bilingue du Conseil d'Etat. Le Gouvernement wallon souligne ensuite la composition bilingue de la Cour d'arbitrage.
A.12.5. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme déclare ne pas voir en quoi l'attribution de l'affaire à une chambre bilingue du Conseil d'Etat serait discriminatoire, puisque tous les partis se trouvent sur un pied d'égalité. Etant donné que la Commission de contrôle, qui saisit le Conseil d'Etat, n'a pas d'appartenance linguistique, il serait artificiel d'attribuer l'affaire à l'une ou l'autre chambre du Conseil d'Etat sur la base de l'appartenance linguistique du parti politique en question. En outre, une chambre bilingue constitue la meilleure garantie pour que le contentieux soit pris en charge sans aucun parti pris d'ordre linguistique.
A.12.6. Quant à l'exception d'irrecevabilité, les parties requérantes répliquent que, dans la requête, deux catégories de justiciables sont clairement opposées : d'une part, les personnes qui adressent une requête au Conseil d'Etat et aboutissent devant une des quatre chambres néerlandophones ou devant une des quatre chambres francophones sauf lorsque la loi prévoit exceptionnellement l'examen de l'affaire par une chambre bilingue et, d'autre part, les institutions qui reçoivent la dotation et qui comparaissent automatiquement devant le Conseil d'Etat présentant une composition linguistique mixte. La justification de ce régime discriminatoire fait entièrement défaut et le Conseil des ministres ne la fournit pas. Le critère de la « sensibilité linguistique » invoqué par le Gouvernement wallon n'est ni objectif ni raisonnablement justifié aux yeux des parties requérantes.
Pour ce qui est de la comparaison avec la Cour d'arbitrage, établie par le Gouvernement wallon, les parties requérantes répondent que la situation de la Cour, qui examine des lois nécessairement générales, diffère de celle d'un tribunal qui est amené à appliquer la loi à un cas individuel.
Les parties requérantes font valoir que le traitement d'une affaire par une chambre bilingue du Conseil d'Etat est exceptionnel et que, dès lors que le législateur a voulu qu'en Belgique, les partis politiques soient unilingues, il serait logique d'attribuer l'affaire à une chambre unilingue. Elles relèvent également que lorsque le Conseil d'Etat, dans des matières antérieures, a été saisi par la Commission de contrôle, les affaires ont été attribuées à des chambres unilingues. La circonstance que la cause soit introduite par la Commission de contrôle n'est pas pertinente : « ce n'est pas la langue de l'organe qui juge, mais bien la langue de celui qui fait l'objet du dossier qui détermine la langue de la procédure ».
Cinquième moyen A.13.1. Le cinquième moyen est rédigé comme suit dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que la décision d'accorder une dotation publique à un parti politique, plus précisément la première partie requérante, sera prise par le Conseil d'Etat, et non par un tribunal ordinaire;
Alors que conformément à l'article 160 de la Constitution, le Conseil d'Etat est exclusivement une juridiction administrative; ».
Les parties requérantes estiment qu'une juridiction administrative n'a pas à se prononcer sur des droits civils, notamment sur le droit de la première partie requérante à recevoir une dotation publique. En tant que juridiction administrative, le Conseil d'Etat n'est certainement pas compétent pour infliger une sanction financière.
A.13.2. S'agissant de ce moyen, le Conseil des ministres réitère l'exception formulée à l'égard du quatrième moyen (A.12.2).
Par ailleurs, Ã l'estime du Conseil des ministres, c'est un droit politique par excellence qui est en cause.
A.13.3. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le moyen est irrecevable puisque la Cour n'est pas compétente pour exercer un contrôle au regard de l'article 160 de la Constitution et que les parties requérantes n'exposent pas en quoi la violation de cet article constitutionnel créerait une discrimination.
Le moyen est à tout le moins non fondé : la procédure devant le Conseil d'Etat est réglée par la loi; le Conseil d'Etat est également compétent dans d'autres matières de même nature et il offre des garanties incomparables; toutes les parties sont par ailleurs soumises à la même procédure et ont la possibilité de se pourvoir devant la Cour de cassation. Le Gouvernement de la Communauté française ajoute que le choix du Conseil d'Etat n'établit aucune différence de traitement et que la Cour ne dispose pas du même pouvoir d'appréciation que le législateur.
A.13.4. Le Gouvernement wallon invoque la même exception d'irrecevabilité que le Gouvernement de la Communauté française.
A supposer même que le moyen soit recevable, il doit être rejeté selon le Gouvernement wallon : la dotation d'un parti politique constitue un droit de nature politique et le législateur a pu confier la décision quant à la suppression de celle-ci au Conseil d'Etat.
A.13.5. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme soulève la même exception d'irrecevabilité à l'égard du cinquième moyen.
La partie intervenante partage l'opinion du Gouvernement wallon selon laquelle la dotation des partis politiques concerne un droit politique et estime que le législateur a, de façon tout à fait légitime, pu confier au Conseil d'Etat les contestations y relatives.
A.13.6. Les parties requérantes affirment qu'il ressort clairement de la requête qu'il est opéré une comparaison entre les personnes dont les contestations relatives à des droits civils sont portées devant les tribunaux ordinaires et les institutions qui reçoivent une dotation de parti et qui doivent comparaître devant le Conseil d'Etat.
Elles rappellent qu'une juridiction administrative telle que le Conseil d'Etat n'est pas en droit d'émettre un jugement quant aux droits civils, comme le droit de la première partie requérante de continuer à recevoir la dotation publique, ni a fortiori d'imposer une sanction financière.
Sixième moyen A.14.1. Le sixième moyen est rédigé en ces termes dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que le Conseil d'Etat ne peut répondre à la question de savoir si un parti politique a le droit de recevoir une dotation publique que s'il est saisi d'une plainte d'une commission de contrôle composée politiquement;
Alors que de la sorte, les partis de l'opposition se trouvent dans une situation fondamentalement plus précaire par rapport aux partis de la majorité, dès lors qu'une majorité peut, durant toute une législature, bloquer chaque plainte dirigée contre un parti de la majorité, alors qu'il est possible de déposer une plainte contre un parti de l'opposition; ».
Les parties requérantes ajoutent qu'il n'est pas « inimaginable que, puisque la Commission de contrôle est composée de politiciens, il soit d'une part abusé de cette procédure pour priver les adversaires politiques rétifs de moyens financiers pour influencer l'opinion publique et que, d'autre part, la menace d'une plainte soit utilisée pour forcer les partis de l'opposition à adopter une attitude plus ` docile ' à l'égard des partis de la majorité. » A.14.2. La position du Conseil des ministres concernant le sixième moyen est déjà incluse dans sa réponse au premier moyen (A.9.2).
A.14.3. Le Gouvernement de la Communauté française fait valoir, à titre d'exception d'irrecevabilité, que le moyen ne précise pas en quoi il y aurait discrimination.
Sur le fond, il affirme que les parties requérantes remettent en cause la légitimité de l'action de la Commission de contrôle, alors que la Cour a déjà considéré qu'il n'est pas contraire au principe d'égalité que cette Commission, qui est l'émanation des assemblées parlementaires, soit chargée de faire respecter les conditions de financement établies par la loi (voy. l'arrêt précité n° 40/90).
Le Gouvernement de la Communauté française ajoute que la Commission de contrôle a pour seule mission de saisir le Conseil d'Etat qui, à l'instar de la Cour de cassation, présente toutes les garanties d'une procédure correcte et impartiale. Il n'existe donc aucune discrimination, d'autant que la plainte de la Commission de contrôle ne porte nullement atteinte à l'autonomie des hautes juridictions précitées.
A.14.4. Le Gouvernement wallon estime que le moyen est irrecevable au motif que les parties requérantes restent en défaut de démontrer en quoi les dispositions entreprises contiendraient une éventuelle discrimination.
Subsidiairement, le Gouvernement wallon renvoie aussi à l'arrêt n° 40/90 de la Cour. Il rappelle que la Commission de contrôle peut uniquement déposer une plainte et qu'il est statué par le Conseil d'Etat, lequel offre toutes les garanties d'une procédure correcte et impartiale. Par ailleurs, la possibilité d'introduire un pourvoi devant la Cour de cassation constitue une garantie supplémentaire, en sorte que l'on ne voit pas en quoi la composition de la Commission de contrôle violerait les principes d'égalité et de non-discrimination et le principe de l'impartialité.
A.14.5. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme estime que le sixième moyen se confond avec le premier et renvoie à sa réponse concernant ce moyen.
A.14.6. Les parties requérantes répondent aux exceptions d'irrecevabilité qu'il ressort avec une précision suffisante de la requête que ce moyen invite à comparer « la catégorie des partis de la majorité, les institutions visées à l'article 22 qui reçoivent les dotations de ces partis, ainsi que les parlementaires qui appartiennent à ces partis de la majorité, qui obtiendront toujours, soit à eux seuls soit avec l'aide de leurs collègues des partis de la majorité, les 5 voix requises au sein de la Commission de contrôle parmi les 20 pour pouvoir enclencher une procédure » par rapport à ces mêmes catégories, mais de l'opposition, qui n'arriveraient pas au nombre de voix requis.
Elles répètent qu'il n'est pas inimaginable qu'il soit abusé de cette procédure à l'égard de certains partis politiques. « En employant sans la moindre motivation le chiffre arbitraire de ` 5 ' pour pouvoir enclencher la procédure auprès du Conseil d'Etat, et en mettant de la sorte les partis de l'opposition dans une position fondamentalement plus vulnérable, ce qui fait que, dans la pratique, ils sont dans l'impossibilité de faire appliquer la norme entreprise aux partis de la majorité, la norme entreprise viole le principe d'égalité. » Selon les parties requérantes, le financement des partis, conçu comme « source strictement objective de revenus aux fins d'exclure les dons douteux », est utilisé comme instrument politique à l'encontre d'un petit parti de l'opposition, et la norme entreprise est dès lors inefficace.
Septième moyen A.15.1. Le septième moyen est libellé comme suit dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que la décision sera prise à l'encontre d'un parti politique sur la base d'une appréciation de candidats et de mandataires élus, émise en première instance par une commission de contrôle composée politiquement et ensuite par le Conseil d'Etat;
Alors qu'aux termes de l'article 146, il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit. » Selon les parties requérantes, la loi entreprise expose, en violation du principe d'égalité, une catégorie déterminée de personnes, à savoir les mandataires élus et les candidats de partis politiques, à « un jugement public de leurs actes par un tribunal d'exception à caractère politique ».
A.15.2. Pour ce qui est du septième moyen, le Conseil des ministres réitère l'exception formulée à l'égard du quatrième moyen (A.12.2).
Le Conseil des ministres ajoute que seule l'institution visée à l'article 22 de la loi du 7 juillet 1989, qui est le bénéficiaire de la dotation publique, est par ailleurs partie devant le Conseil d'Etat et éventuellement devant la Cour de cassation.
A.15.3. Le Gouvernement de la Communauté française rappelle que la Cour a déjà statué sur la composition de la Commission de contrôle et que le travail effectué par cette Commission n'affecte pas l'autonomie du Conseil d'Etat et, le cas échéant, de la Cour de cassation, qui remplissent toutes les conditions en matière d'indépendance et d'impartialité. Il rappelle que la Commission de contrôle ne statue pas elle-même et conclut que les dispositions entreprises n'instaurent aucun tribunal d'exception.
A.15.4. Le Gouvernement wallon estime lui aussi que les dispositions entreprises ne créent pas de tribunal d'exception : en effet, la Commission de contrôle ne statue pas en première instance, mais a pour seule mission de saisir le Conseil d'Etat et ensuite de supprimer la dotation à concurrence du montant décidé par le Conseil d'Etat.
A.15.5. L'argumentation de la Ligue des droits de l'homme concernant le septième moyen se confond en grande partie avec celle du Gouvernement de la Communauté française et du Gouvernement wallon. La partie intervenante ajoute si besoin en est que la Cour n'est pas compétente pour contrôler directement la conformité d'une disposition légale à l'article 146 de la Constitution.
A.15.6. Les parties requérantes critiquent le fait que ceux qui - comme elles-mêmes - peuvent être appelés à se justifier devant un tribunal d'exception, à savoir la Commission de contrôle dont la composition est politique, sont discriminés par rapport à ceux qui sont libres de faire ce qu'ils veulent et ne peuvent être appelés à se justifier que devant un tribunal ordinaire. Elles soulignent que la procédure litigieuse ne vaut que pour les candidats d'un parti politique et non pour les candidats aux élections sociales ou à une élection au sein d'une association.
Selon les parties requérantes, il ressort du texte des dispositions entreprises que les candidats d'un parti politique peuvent faire l'objet d'une procédure devant la Commission de contrôle, qui est composée des opposants politiques et qui constitue un tribunal d'exception, ce que le Constituant a voulu exclure. Les requérants affirment qu'une telle procédure soulève également d'autres questions délicates « pour ce qui est du principe ` non bis in idem ' et de l'interdiction de se voir contraint de témoigner contre soi-même ».
Huitième moyen A.16.1. Ce moyen est rédigé comme suit dans la requête : « Pris de la violation des articles 10, 11 et 19 de la Constitution;
En ce qu'une sanction peut être infligée sur la base d'' indices ' d'un parti politique;
Alors que l'article 19 de la Constitution garantit à chacun la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés, et ceci doit valoir pour tous sans discrimination; ».
Les parties requérantes déclarent que la loi entreprise permet d'infliger une sanction, non sur la base d'actes mais sur la base d'indices, en sorte que ce ne sont pas les actes matériels d'un parti politique qui seront en cause, mais bien ses convictions politiques.
A.16.2. La position du Conseil des ministres concernant le huitième moyen est déjà incluse dans sa réponse au premier moyen (A.9.2).
A.16.3. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le moyen est irrecevable à défaut d'exposé.
Il estime que les requérants font une interprétation fautive et partiale des dispositions entreprises. En tout état de cause, le moyen n'est pas fondé, compte tenu des considérations déjà émises à propos du second moyen : la liberté d'expression n'est pas absolue et la mesure litigieuse est nécessaire en l'espèce. En outre, selon le Gouvernement de la Communauté française, la sanction est raisonnable et proportionnée.
A.16.4. Le Gouvernement wallon estime lui aussi que le moyen est irrecevable à défaut d'exposé.
Le Gouvernement wallon rappelle que la liberté d'expression n'est pas absolue et que les droits et libertés ne peuvent être employés en vue de la destruction d'autres droits et libertés. Le Gouvernement wallon estime que la sanction litigieuse est justifiée, tant à la lumière du droit international que du droit national, et qu'elle est raisonnablement proportionnée aux principes en cause.
A.16.5. Selon l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, le huitième moyen se confond avec le second et il peut être renvoyé à la réponse concernant ce dernier moyen.
A.16.6. Les parties requérantes soutiennent que les institutions visées à l'article 22 peuvent être appelées à se justifier pour des « indices » d'un parti politique. « D'autres a.s.b.l., proches d'un groupement de fait d'intérêt socio-politique comme un syndicat, n'entrent cependant pas ici en ligne de compte. » Les parties requérantes rappellent que la loi entreprise ne met pas en cause les actes matériels d'un parti politique, mais bien la conviction politique de celui-ci. Le fait qu'il s'agit de « plusieurs indices concordants » n'y change rien selon elles. Ces « indices » ne constituent, en effet, pas une justification raisonnable et un critère objectif pour sanctionner une catégorie déterminée pour avoir exprimé une opinion.
Neuvième moyen A.17.1. Ce moyen est rédigé en ces termes dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce qu'il est possible d'infliger une sanction démesurément lourde par le retrait de la dotation au parti jusqu'à un an;
Alors que, de la sorte, un parti politique est totalement privé de tout financement sérieux et est, partant, manifestement discriminé par rapport aux partis politiques qui continuent de recevoir cette dotation; ».
Pour les parties requérantes, la sanction « n'est pas proportionnée à la ` faute ' alléguée, qui consiste non pas à poser certains actes, mais qui consiste en des ` indices ' qui laissent transparaître une conviction déterminée ».
A.17.2. La position du Conseil des ministres concernant le neuvième moyen est déjà incluse dans sa réponse au premier moyen (A.9.2).
A.17.3. Le Gouvernement de la Communauté française observe que le Conseil d'Etat a pour mission de déterminer une sanction objective et proportionnée à la lumière de la gravité du comportement dénoncé. Le législateur a donc prévu une sanction juste, raisonnable et objective, dont par ailleurs tous les partis politiques sont passibles. En outre, la Cour de cassation vérifie, le cas échéant, la légalité de la décision du Conseil d'Etat, en sorte que le système offre des garanties maximales d'une justice correcte et impartiale.
A.17.4. Le Gouvernement wallon souligne qu'il s'agit uniquement de la suppression d'un avantage financier, qui est accessoire et marginal par rapport au droit de se porter candidat, d'être élu et de siéger dans une assemblée législative. Cette partie souligne également que le Conseil d'Etat, sous le contrôle de la Cour de cassation, doit prendre une décision proportionnée aux actes posés et à l'hostilité à l'égard des droits de l'homme manifestée par le parti politique concerné.
A.17.5. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme précise que l'hostilité envers les droits de l'homme doit être manifeste et doit découler de plusieurs indices concordants. Selon cette partie, il est normal qu'une sanction d'une certaine gravité soit imposée en cas d'actes manifestes d'hostilité à l'égard des droits et libertés garantis par la Convention européenne.
En tout état de cause, le Conseil d'Etat dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer l'importance de la sanction au regard de la gravité des faits. En outre, affirme la partie intervenante, la dotation n'est qu'un accessoire au droit de se porter candidat et d'être élu et il ne s'avère nullement que la suspension de la dotation, fût-ce pendant un an, empêcherait réellement l'exercice de ce droit.
A.17.6. Les parties requérantes observent que la dotation, conformément à l'article 15ter, peut être supprimée « soit à concurrence du double du montant des dépenses financées ou réalisées pour l'accomplissement de cet acte, soit pendant une période qui ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à un an ».
Elles considèrent qu'il est instauré un régime qui fait peser de sérieux doutes sur la peine applicable, qui est déterminée de façon extrêmement vague, prévoyant des minima et des maxima indéterminés.
Selon les requérants, l'on constate une série de manquements qui, pris indépendamment ou pris ensemble, ont pour effet qu'il y a disproportion entre les infractions commises à la loi et les sanctions prévues par cette loi.
Les parties requérantes ne sont pas d'accord avec le Gouvernement wallon, qui affirme que la sanction serait « accessoire et marginale ». Il s'agit selon elles de montants importants qui constituent les piliers du fonctionnement des partis politiques.
L'observation du Gouvernement de la Communauté française comme du Gouvernement wallon selon laquelle le Conseil d'Etat peut moduler sa décision en fonction de la gravité des faits, méconnaît, selon les requérants, le principe de légalité en vertu duquel la sanction doit être déterminée préalablement par une loi. L'observation du Gouvernement wallon selon laquelle un pourvoi est ouvert auprès de la Cour de cassation ne change, selon les parties requérantes, rien au fait que la sanction est disproportionnée.
Dixième moyen A.18.1. Le dixième moyen est rédigé comme suit dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce qu'un pourvoi auprès de la Cour de cassation contre un arrêt du Conseil d'Etat n'a pas ` effet suspensif ';
Alors que dans une affaire de cette importance, le droit à un double degré de juridiction doit certainement être respecté. » Pour les parties requérantes, il est inadmissible que l'on prévoie, sans la moindre motivation, qu'un recours contre l'arrêt du Conseil d'Etat n'aura pas effet suspensif.
A.18.2. Au sujet du dixième moyen, le Conseil des ministres réitère l'exception déjà formulée à l'égard du quatrième moyen (A.12.2).
Le Conseil des ministres observe en outre qu'un pourvoi en cassation en matière civile n'a pas d'effet suspensif et que, en principe, cet effet suspensif ne joue qu'en cas d'opposition et d'appel, comme le prévoit l'article 1397 du Code judiciaire.
A.18.3. Le Gouvernement de la Communauté française soutient en premier lieu que le moyen est irrecevable à défaut d'exposé.
Sur le fond, il observe qu'un pourvoi en cassation, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n'a en règle générale pas effet suspensif et que le principe du double degré de juridiction ne s'impose pas en toutes situations. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation offrent toutes les garanties nécessaires à une bonne administration de la justice. Etant donné que tous les partis politiques sont soumis au même régime, il n'est pas question d'une discrimination quelconque.
A.18.4. Le Gouvernement wallon soulève également une exception obscuri libelli.
A titre subsidiaire, le Gouvernement wallon souligne également qu'un pourvoi en cassation n'a qu'exceptionnellement un effet suspensif. Il ne voit pas en quoi il y aurait discrimination en l'espèce, d'autant que la décision du Conseil d'Etat ne saurait causer un préjudice grave difficilement réparable, puisque, selon la jurisprudence constante, un dommage purement financier peut toujours être réparé.
A.18.5. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme observe qu'il n'existe dans notre ordre juridique aucun principe général du double degré de juridiction et que, dans la mesure où le droit à un double degré de juridiction est garanti par le droit conventionnel, il ne porte que sur les condamnations pénales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Pour le surplus, il est inexact d'affirmer que les pourvois en cassation ont effet suspensif et rien ne permet de considérer que tel était nécessaire en l'espèce.
A.18.6. Les parties requérantes estiment que le pourvoi qui peut être introduit auprès de la Cour de cassation doit être considéré comme un recours à part entière qui permet un examen entièrement neuf quant au fond. Elles demandent que la Cour confirme cette interprétation. Selon elles, pareil recours contre la décision rendue en première instance par le Conseil d'Etat doit effectivement être assorti d'un effet suspensif.
Elles estiment que la norme entreprise inflige une sanction financière dans un but répressif et préventif et qu'elle doit dès lors être qualifiée de mesure pénale, en sorte que l'article 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques trouve à s'appliquer. « En tant que la norme entreprise disposerait que le recours auprès de la Cour de cassation n'a pas effet suspensif et que la sanction est donc exécutoire, la norme entreprise viole cette disposition du P.I.D.C.P. et le principe d'égalité inscrit dans la Constitution. » Onzième moyen A.19.1. Ce moyen est rédigé comme suit dans la requête : « Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que la procédure ainsi que le mode d'audition des intéressés sont fixés par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres;
Alors que toute partie au procès dans quelque instance que ce soit est soumise aux règles légales, cependant que les candidats et les mandataires élus d'un parti politique sont soumis à une procédure qui dépend de la simple volonté d'une majorité fortuite, telle qu'elle est représentée au sein du gouvernement. » Les parties requérantes affirment qu'une majorité fortuite au sein d'un gouvernement peut écrire la procédure sur mesure pour un parti de l'opposition et qu'elle pourrait même modifier la procédure au cours du procès. Elles font valoir qu'il est contraire au principe d'égalité que des candidats et mandataires élus soient soumis à une telle procédure, qui offre moins de garanties que celles dont dispose tout citoyen dans une procédure judiciaire.
A.19.2. Selon le Conseil des ministres, ce moyen repose sur une lecture erronée du nouvel article 15ter, § 3. En effet, il est évident qu'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres ne peut modifier ni les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat ni les règles contenues dans le Code judiciaire. La disposition entreprise porte uniquement sur la procédure devant la Commission de contrôle.
A.19.3. Le Gouvernement de la Communauté française observe en premier lieu que ceux qui se trouvent dans une situation égale sont traités de manière égale et que l'on ne voit dès lors pas en quoi il y aurait discrimination en l'espèce. Il rappelle également l'arrêt de la Cour n° 40/90. Il ajoute qu'une délégation ne peut être présumée faite en violation des articles 10 et 11 de la Constitution et que l'arrêté royal peut faire l'objet d'un recours auprès du Conseil d'Etat.
A.19.4. Le Gouvernement wallon partage l'opinion du Gouvernement de la Communauté française. Il observe que l'ensemble de la procédure devant la section d'administration du Conseil d'Etat est réglé par arrêté royal.
A.19.5. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme souligne que les parties requérantes critiquent un arrêté royal qui n'est pas encore pris et à l'égard duquel la Cour n'est d'ailleurs pas compétente.
Elle observe que ce n'est pas la première fois que les règles de procédure sont fixées par un arrêté royal et dit ne pas voir quelle discrimination est dénoncée par les requérants.
A.19.6. Selon les parties requérantes, il y a discrimination des personnes concernées soumises, devant la Commission de contrôle, à une procédure fixée par un arrêté royal, par rapport à toutes les autres personnes engagées dans n'importe quelle autre procédure devant un tribunal déterminé sur la base de règles procédurales fixées par la loi. Elles font valoir que la norme entreprise crée un vide procédural permettant l'arbitraire.
En réponse à l'observation du Gouvernement wallon selon laquelle l'ensemble de la procédure devant le Conseil d'Etat est réglé par arrêté royal, les requérants renvoient aux lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Les arrêtés subséquents ne règlent que des matières de moindre importance et uniquement en conformité avec les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - B - Quant à la recevabilité Concernant la capacité de la première partie requérante B.1. Etant donné qu'il ressort des annexes jointes au mémoire en réponse que le conseil d'administration de la première partie requérante a décidé d'introduire le recours en annulation, l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'absence d'une telle décision est rejetée.
Concernant l'intérêt des parties requérantes B.2.1. Le Conseil des ministres et le Gouvernement de la Communauté française contestent l'intérêt des parties requérantes au recours en annulation.
B.2.2. La première partie requérante est une association sans but lucratif désignée par le « Vlaams Blok » et agréée par arrêté royal pour recevoir les dotations allouées à ce parti politique sur la base du chapitre III de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques.
Selon l'article 3 de ses statuts, l'association a pour objet « de soutenir financièrement et matériellement le Vlaams Blok » et, en particulier, de recevoir les dotations « prévues par l'autorité pour le Vlaams Blok ».
La première partie requérante justifie d'un intérêt à l'annulation des dispositions législatives attaquées, qui fixent de nouvelles conditions et modalités auxquelles il doit être satisfait pour continuer de recevoir les dotations.
B.2.3. Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième requérants invoquent leurs qualités respectives de président du « Vlaams Blok », de membre de la direction du parti du « Vlaams Blok » et de chef de groupe du « Vlaams Blok » au Parlement européen, au Sénat, à la Chambre des représentants et au Parlement flamand.
La Cour constate que le « Vlaams Blok » n'agit pas en tant que tel et que son président n'a pas démontré qu'en cette qualité il puisse ester en justice au nom de l'association de fait sans avoir été explicitement mandaté par l'organe compétent du parti.
Les dispositions attaquées règlent les conditions et modalités suivant lesquelles un parti politique peut prétendre recevoir une dotation publique. Cette dotation est accordée aux partis politiques et non aux membres individuels de ceux-ci. En leur qualité de membre de la direction du parti ou de chef de groupe dans les assemblées parlementaires, les parties requérantes individuelles ne sont pas directement affectées. Toutefois, en leur qualité d'élus, ces requérants peuvent être directement et défavorablement affectés par les dispositions attaquées en ce qu'elles concerneraient leurs interventions au sein des assemblées parlementaires.
Leur recours, dans cette mesure, est recevable.
Quant à l'intervention de l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme B.3.1. L'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme a introduit un mémoire en intervention.
B.3.2.1. Les parties requérantes exigent que la partie intervenante produise ses statuts ainsi que la décision d'agir en justice, dans la langue dans laquelle l'affaire est instruite.
B.3.2.2. Conformément à l'article 62, alinéa 2, 6°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les parties qui ne sont pas soumises aux lois sur l'emploi des langues en matière administrative peuvent utiliser la langue de leur choix pour leurs actes et déclarations devant la Cour. La loi spéciale n'exige pas que les statuts et la décision d'intervenir qui sont produits soient rédigés dans la langue de la procédure. La partie intervenante remplit les conditions fixées par l'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale précitée.
B.3.3.1. Les parties requérantes allèguent également que les dispositions attaquées n'affectent pas directement et défavorablement l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme.
B.3.3.2. L'intérêt dont doit justifier une partie intervenante n'est pas nécessairement le même que celui dont doit justifier une partie requérante, étant donné qu'une partie peut également intervenir pour défendre la norme attaquée.
Selon ses statuts, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme a pour objet de combattre l'injustice et toute atteinte arbitraire aux droits d'un individu ou d'une collectivité. Elle défend les principes d'égalité, de liberté et d'humanisme consacrés notamment par la Constitution belge et la Convention européenne des droits de l'homme. Il existe un lien suffisant entre l'objet social prédécrit et les dispositions attaquées pour justifier son intérêt au maintien de ces dispositions.
B.3.4. L'intervention de l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme est recevable.
Quant au fond Premier, deuxième, troisième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens B.4.1. Les premier, deuxième, troisième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens sont traités conjointement en raison de leur connexité.
Tous sont pris de la violation des articles 10 et 11 - et, pour certains aussi, de l'article 19 - de la Constitution par le nouvel article 15ter, § 1er, de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques, inséré par l'article 2 de la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer.
Selon les trois premiers moyens, il n'existe pas de critère objectif et raisonnable justifiant que certains partis soient menacés de perdre la dotation publique et d'autres non et il n'est pas justifié qu'un parti politique ou que ses candidats et élus soient punis pour une attitude hostile envers la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles additionnels, alors que l'article 19 de la Constitution garantit à chacun la liberté de manifester ses opinions en toute matière.
Les sixième et septième moyens dénoncent le fait que la possibilité de supprimer la dotation du parti est examinée en première instance par une Commission de contrôle, composée sur une base politique, qui constituerait un tribunal extraordinaire interdit par l'article 146 de la Constitution.
Selon les huitième et neuvième moyens, la loi permet d'infliger une sanction sur la base « d'indices » en lieu et place d'actes matériels, et, de toute façon, la sanction est exagérément lourde.
B.4.2. La Cour n'est pas compétente pour examiner les moyens en tant qu'ils sont pris directement de la violation de l'article 19 de la Constitution.
B.4.3. Contrairement à ce que soutiennent les parties intervenantes, les moyens sont suffisamment clairs en tant qu'ils dénoncent une discrimination à l'égard d'un parti politique, de ses candidats et de ses élus, par rapport à d'autres formations ou d'autres personnes, en ce qui concerne les conditions d'octroi de la dotation publique aux partis politiques et en ce qui concerne la liberté d'opinion.
B.4.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4.5. Les dispositions attaquées s'inscrivent dans un ensemble de mesures soumettant l'octroi d'une dotation publique aux partis politiques à certaines conditions. Le législateur a voulu en particulier que l'engagement de respecter la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles additionnels (article 15bis de la loi du 4 juillet 1989), qui doit figurer dans une disposition des statuts ou du programme du parti, soit effectif (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, nos 1084/1, p. 2, 1084/13, p. 2, et 1084/22, p. 47).
Il a choisi à cette fin un mécanisme de contrôle - comparable à certains égards à une procédure disciplinaire - indépendant d'éventuelles procédures répressives, permettant à une chambre bilingue de la plus haute juridiction administrative de décider, sur la plainte d'un certain nombre de parlementaires, de retirer la dotation à un parti politique auquel peut être imputée une hostilité manifeste envers les libertés et droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et par les protocoles additionnels à cette Convention.
B.4.6. Il appartient au législateur compétent de prendre les mesures qu'il estime nécessaires ou souhaitables en vue de garantir le respect des libertés et droits fondamentaux, comme la Belgique s'y est engagée notamment par la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme. Il peut prévoir, le cas échéant, des sanctions envers ceux qui menacent les principes de base d'une société démocratique.
La Cour ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation et de décision comparable à celui des assemblées législatives démocratiquement élues.
Elle excéderait sa compétence si elle substituait, sur ce point, son appréciation au choix du législateur. Elle doit toutefois examiner si le système mis en place ne comporte aucune discrimination.
B.4.7.1. Contrairement à ce que soutiennent le Conseil des ministres et le Gouvernement de la Communauté française, le nouvel article 15ter de la loi du 4 juillet 1989, inséré par la loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer, instaure bien une différence de traitement entre les partis politiques, selon que ceux-ci respectent ou ne respectent pas la nouvelle condition mise à l'octroi de la dotation.
Cette différence de traitement repose sur des critères objectifs qui sont raisonnablement liés à l'objectif prédécrit (B.4.6) : seul un parti politique qui, par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats ou de ses mandataires élus, « montre de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants son hostilité » envers les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et par les protocoles additionnels à cette Convention risque de perdre partiellement ou pour une certaine période la dotation allouée par les pouvoirs publics.
Etant donné que les formations politiques n'ont généralement pas la personnalité juridique et qu'influencer la volonté populaire peut être le fait d'un parti politique en tant que tel aussi bien que de l'un de ses éléments, le législateur était en droit de viser également les composantes, listes, candidats ou mandataires élus des partis, pour autant qu'il ne subsiste aucun doute quant à l'appartenance de ces éléments au parti politique concerné.
B.4.7.2. L'emploi d'un terme aussi peu précis (même en tenant compte du correctif « montre de manière manifeste ») que le terme « hostilité » ne conduit pas nécessairement à l'arbitraire, sous cette réserve que l'interprétation d'un tel terme doit nécessairement y apporter des précisions.
Ce qui ressort de l'ensemble des travaux préparatoires est essentiellement la considération légitime selon laquelle une démocratie doit pouvoir se défendre avec énergie, et en particulier ne pas permettre que des libertés politiques, qui lui sont propres et qui la rendent vulnérable, soient utilisées afin de la détruire. Mais si la nature des principes en cause peut justifier ainsi des mesures radicales, elle commande en même temps que de telles mesures soient limitées à la protection du caractère démocratique du régime, et non étendues dans l'idée contestable que toute option politique adoptée par une démocratie ou par un ensemble de démocraties deviendrait de ce fait essentielle à la démocratie. Il importe par conséquent que les dispositions en cause soient interprétées strictement et non comme permettant de priver de moyens financiers (dont le législateur a reconnu la nécessité puisqu'il les a lui-même prévus en même temps qu'il a restreint la possibilité d'en obtenir d'autres) un parti qui aurait seulement proposé que l'une ou l'autre règle figurant dans la Convention européenne des droits de l'homme ou dans un de ses protocoles reçoive une interprétation nouvelle ou soit révisée, ou qui aurait émis des critiques sur les présupposés philosophiques ou idéologiques de ces instruments internationaux. L' « hostilité » ne peut se comprendre dans ce contexte que comme une incitation à violer une norme juridique en vigueur (notamment, une incitation à commettre des violences et à s'opposer aux règles susdites); il appartient en outre aux hautes juridictions dont dépend la mesure en cause de vérifier que l'objet de cette hostilité est bien un principe essentiel au caractère démocratique du régime. La condamnation du racisme et de la xénophobie constitue incontestablement un de ces principes car de telles tendances, si elles étaient tolérées, présenteraient, entre autres dangers, celui de conduire à discriminer certaines catégories de citoyens sous le rapport de leurs droits, y compris de leurs droits politiques, en fonction de leurs origines.
Si les termes de la loi attaquée devaient être interprétés plus largement, il faudrait conclure que le législateur aurait porté aux libertés et à la démocratie une atteinte disproportionnée au projet de les défendre, qui seul peut justifier la mesure prise.
B.4.7.3. Le Conseil d'Etat ne peut être saisi que par une plainte déposée par au moins cinq membres de la Commission de contrôle. Cette Commission a été instituée par la loi du 4 juillet 1989 - dans laquelle le nouvel article 15ter est inséré - et est composée paritairement de membres de la Chambre des représentants et du Sénat.
Il ressort des travaux préparatoires de la disposition attaquée que le nombre minimum de membres requis pour introduire une plainte a été fixé de façon à ce que des élus d'au moins deux groupes politiques doivent agir conjointement (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1084/22, p. 47). Cette condition empêche tout à la fois que la procédure soit utilisée à la légère et qu'une majorité parlementaire puisse y faire obstacle. La disposition attaquée (article 15ter, § 1er, alinéa 2) prévoit que « la plainte ainsi transmise indique l'objet de la demande, l'auteur présumé de l'acte incriminé, la description détaillée de celui-ci et, le cas échéant, son mode de financement », mais le Conseil d'Etat, qui statue par « un arrêt dûment motivé », conserve une entière liberté pour apprécier tous les éléments de la cause.
B.4.7.4. Il échet de constater que la sanction qui peut résulter de la règle contestée n'est pas une sanction pénale mais une mesure financière qui consiste dans la suppression de la dotation publique, « soit à concurrence du double du montant des dépenses financées ou réalisées pour l'accomplissement de cet acte [hostile], soit pendant une période qui ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à un an ». Les dispositions attaquées ne portent pas atteinte aux droits de se porter candidat, d'être élu et de siéger dans une assemblée législative, et ne peuvent être interprétées comme portant atteinte à l'immunité parlementaire garantie par l'article 58 de la Constitution.
Une opinion ou un vote émis dans l'exercice d'un mandat parlementaire ne peut donc donner lieu à l'application de l'article 15ter. Moyennant cette réserve, la mesure n'est pas disproportionnée.
B.4.7.5. Ensuite, cette sanction ne peut être infligée que par le Conseil d'Etat, haute juridiction dont l'existence est consacrée par l'article 160 de la Constitution, sur la plainte de cinq membres au moins de la Commission de contrôle. Il appartient au Conseil d'Etat d'apprécier s'il est satisfait aux conditions prévues par la loi et, le cas échéant, de déterminer une sanction proportionnée à la gravité des faits invoqués, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils se sont produits. En outre, la possibilité prévue à l'article 15ter, § 2, d'intenter un pourvoi en cassation auprès de la Cour de cassation contre un arrêt du Conseil d'Etat offre un contrôle juridictionnel supplémentaire, manifestant la volonté du législateur d'entourer la mesure du maximum de garanties possible.
B.4.8.1. Selon les parties requérantes, la mesure contient une limitation discriminatoire de la liberté d'expression garantie par l'article 19 de la Constitution.
La liberté d'expression est l'un des fondements d'une société démocratique. Elle est garantie tant par l'article 19 de la Constitution que par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ainsi que l'exprime la Cour européenne des droits de l'homme, la liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui choquent, inquiètent ou heurtent l'Etat ou une fraction quelconque de la population : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique (voy., notamment, les arrêts du 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, § 49; 23 septembre 1998, Lehideux et Isorni c. France, § 55, et 28 septembre 1999, Öztürk c.Turquie, § 64).
La mesure contestée prévoit la possibilité légale de priver un parti politique de dotation publique, pour un montant fixé ou pour une période déterminée, lorsqu'il montre « de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants son hostilité envers les droits et libertés [ . ] ». Il ne s'agit pas d'une mesure préventive. Elle ne soustrait pas les droits fondamentaux au débat politique (voy. supra B.4.7.2).
L'article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 19.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques disposent du reste également que la liberté d'expression peut être soumise à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la protection des objectifs explicitement mentionnés dans les dispositions conventionnelles précitées, telle par exemple la protection des droits d'autrui.
Enfin, l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention. » Cette disposition permet notamment d'exclure de la sphère de protection de la Convention les abus de la liberté d'expression commis par des groupements ou des individus.
B.4.8.2. En vertu des dispositions attaquées, un parti politique peut perdre sa dotation lorsqu'il montre une des formes d'hostilité visées à l'article 15ter, § 1er, tant « par son propre fait » que « par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats ou de ses mandataires élus ». Le législateur pouvait viser les éléments du parti, compte tenu de ce que les formations politiques n'ont généralement pas la personnalité juridique et qu'influencer la volonté populaire peut être le fait d'un parti politique en tant que tel aussi bien que de l'un de ses éléments, pour autant qu'il ne subsiste aucun doute quant au lien entre ces éléments et le parti politique concerné.
La mesure serait toutefois manifestement disproportionnée si elle avait pour effet que le parti concerné perde une partie de sa dotation en raison de l'hostilité visée à l'article 15ter, § 1er, qu'aurait manifestée l'un des éléments précités, et ce nonobstant le fait que ce parti l'ait clairement et publiquement désavoué.
B.4.8.3. Il ressort de l'ensemble des considérations qui précèdent que la mesure contenue dans le nouvel article 15ter n'est pas disproportionnée à l'objectif poursuivi, sous réserve de ce qui est dit aux B.4.7.2 et B.4.7.4 in fine et au B.4.8.2.
B.4.9. Les premier, deuxième, troisième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens sont rejetés.
Quatrième et cinquième moyens B.5.1. Les quatrième et cinquième moyens concernent tous deux la compétence du Conseil d'Etat pour statuer sur la suppression de la dotation publique des partis politiques.
Le quatrième moyen dénonce le fait que les affaires visées à l'article 15ter sont soumises à une chambre bilingue du Conseil d'Etat. Selon le cinquième moyen, c'est à tort que le Conseil d'Etat et non le juge ordinaire est déclaré compétent.
Il convient d'examiner le cinquième moyen, qui critique la compétence du Conseil d'Etat de manière générale, avant le quatrième moyen, qui a plus spécifiquement trait à la compétence conférée à une chambre bilingue du Conseil d'Etat.
B.5.2. Le cinquième moyen est suffisamment clair, en tant qu'il peut être compris comme dénonçant une violation des articles 10 et 11 de la Constitution par le nouvel article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 et le nouvel article 16bis des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, en ce que les contestations entre justiciables portant sur des droits civils sont du ressort des tribunaux de l'ordre judiciaire, tandis que la décision de supprimer la dotation d'un parti politique est confiée sans justification au Conseil d'Etat, en tant que juridiction administrative (article 160 de la Constitution).
Ce moyen ne saurait être admis. La cause qui est déférée en application de l'article 15ter attaqué ne concerne en réalité pas un droit civil au sens de l'article 144 de la Constitution, mais porte sur le respect des conditions fixées pour qu'un parti politique bénéficie d'une dotation publique. On n'aperçoit pas en quoi il serait injustifié de soumettre, en l'espèce, la cause à la plus haute juridiction administrative, qui dispose de pouvoirs d'investigation propres et qui contrôle dans bien d'autres matières encore le respect des conditions mises à l'obtention d'une subvention publique.
B.5.3. Dans le quatrième moyen, la partie requérante expose de façon suffisamment claire qu'il est, selon elle, discriminatoire de soumettre un parti politique appartenant au groupe linguistique néerlandais à la décision d'une chambre bilingue du Conseil d'Etat, en regard d'autres catégories de personnes dont les affaires sont normalement portées devant une chambre unilingue.
Les affaires déférées à la section d'administration du Conseil d'Etat sont, selon le cas, portées devant une chambre unilingue ou une chambre bilingue, suivant les règles déterminées dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat (articles 51 et suivants).
La spécificité des affaires déférées sur la base de l'article 15ter attaqué fournit un critère objectif pour la différence de traitement contestée. Selon les travaux préparatoires « il ne faut pas s'étonner du renvoi obligatoire devant une chambre bilingue du Conseil d'Etat, étant donné qu'il s'agit ici d'une matière qui concerne par excellence le fonctionnement de l'Etat fédéral » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1197/3, p.4).
L'examen par une chambre bilingue au lieu d'une chambre unilingue du Conseil d'Etat ne porte pas atteinte aux droits de la défense. La mesure est proportionnée au but poursuivi par le législateur, qui entendait entourer du maximum de garanties possible la décision de suppression de la dotation d'un parti politique et favoriser une interprétation uniforme de la loi.
B.5.4. Les quatrième et cinquième moyens sont rejetés.
Dixième moyen B.6.1. Selon le dixième moyen, les articles 10 et 11 de la Constitution sont violés « en ce qu'un pourvoi auprès de la Cour de cassation contre un arrêt du Conseil d'Etat n'a pas d'` effet suspensif ', alors que dans une affaire de cette importance, le droit à un double degré de juridiction doit certainement être respecté ».
B.6.2. Il convient de constater, avec les parties intervenantes, que le moyen n'indique pas clairement en quoi l'article 15ter, § 2, deuxième phrase, attaqué dans ce moyen créerait une différence de traitement injustifiée entre des catégories de personnes.
B.6.3. Le moyen n'est pas recevable.
Onzième moyen B.7.1. Dans ce dernier moyen, il est allégué que le nouvel article 15ter, § 3, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en soumettant les personnes concernées à une procédure fixée par voie d'arrêté, alors que « toute partie à un procès, dans quelque instance que ce soit, est soumise à des règles légales ».
B.7.2. Le moyen manque en droit. L'article 160, alinéa 1er, de la Constitution dispose expressément que la loi peut attribuer au Roi le pouvoir de régler la procédure devant le Conseil d'Etat conformément aux principes qu'elle fixe.
B.7.3. Par ailleurs, il va de soi que le nouvel article 15ter ne pourra être appliqué que lorsque la procédure aura été fixée et que celle-ci devra être conforme aux principes généraux du droit, particulièrement celui du respect des droits de la défense.
Par ces motifs, la Cour, sous les réserves que les dispositions en cause doivent s'interpréter strictement (B.4.7.2), ne peuvent porter atteinte à l'immunité parlementaire (B.4.7.4) et ne peuvent faire perdre la dotation destinée à un parti qui aurait clairement et publiquement désavoué l'élément qui a manifesté l'hostilité visée à l'article 15ter (B.4.8.2), rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 février 2001.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, G. De Baets.