publié le 10 août 2000
Arrêt n° 74/2000 du 14 juin 2000 Numéro du rôle : 1941 En cause : la demande de suspension des articles 27 et 34 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, introduite par La Cour d'arbitrage, composée des juges H. Boel et L. François, faisant fonction de présidents, (...)
Arrêt n° 74/2000 du 14 juin 2000 Numéro du rôle : 1941 En cause : la demande de suspension des articles 27 et 34 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, introduite par la s.a. Tony Rus Activities et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des juges H. Boel et L. François, faisant fonction de présidents, et des juges P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, A. Arts et M. Bossuyt, assistée de la référendaire B. Renauld, faisant fonction de greffier, présidée par le juge H. Boel, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 avril 2000 et parvenue au greffe le 5 avril 2000, une demande de suspension des articles 27 et 34 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 1999) a été introduite par la s.a. Tony Rus Activities, dont le siège social est établi à 3660 Opglabbeek, Weg naar Meeuwen 46, la s.a. Lerus Centers, dont le siège social est établi à 3660 Opglabbeek, Weg naar Meeuwen 46, la s.a. Lerus Centers Hasselt, dont le siège social est établi à 3500 Hasselt, Maastrichterstraat 49, boîte 22, la s.a. Lerus Centers Sint-Truiden, dont le siège social est établi à 3800 Saint-Trond, Diesterstraat 44, la s.p.r.l. Royal Diamond, dont le siège social est établi à 3970 Bourg-Léopold, Stationsstraat 66, la s.p.r.l. Royal Ascot, dont le siège social est établi à 3600 Genk, Hoevenzavellaan 28, et la s.p.r.l. Royal Crown, dont le siège social est établi à 3290 Diest, Grote Markt 30.
Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation des dispositions légales précitées, ainsi que des articles 3.1, 3.4, 8, 36, 39, 44, 45, 54 et 62 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer.
II. La procédure Par ordonnance du 5 avril 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Par ordonnance du 10 mai 2000, la Cour a fixé l'audience au 30 mai 2000; par la même ordonnance, il a été constaté que les présidents G. De Baets et M. Melchior étaient légitimement empêchés de siéger en cette affaire et étaient remplacés respectivement par les juges H. Boel et L. François; le siège a été complété par le juge P. Martens, le juge L. François étant déjà membre du siège.
Cette ordonnance a été notifiée aux autorités mentionnées à l'article 76 de la loi organique ainsi qu'aux parties requérantes et à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 11 mai 2000.
A l'audience publique du 30 mai 2000 : - ont comparu : . Me P. Van den Broecke, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me P. Hofströssler, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A - Quant à l'objet de la demande de suspension A.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 3.1, 3.4, 8, 27, 34, 36, 39, 44, 45, 54 et 62 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs.
La demande de suspension porte uniquement sur les articles 27 et 34.
Quant à l'intérêt à agir A.2. Les parties requérantes observent que leur objet social consiste en l'exploitation, l'achat et la vente, le louage et la location, l'importation et l'exportation, l'entretien et la fabrication d'appareils de jeux automatiques; l'exploitation de luna-parks, de salles de détente et de salles de jeux; l'exploitation de commerces du secteur « horeca » (article 3 des statuts).
Elles déclarent posséder l'intérêt légalement requis pour attaquer la loi, qui restreint sensiblement la réalisation de leur objet social.
Quant au sérieux des moyens Premier moyen A.3. Le premier moyen dénonce la violation des articles 10, 11, 12 et 23 de la Constitution, de l'article 52 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, du principe de proportionnalité, du principe de la liberté de commerce et d'industrie, du principe d'égalité et de non-discrimination, de l'interdiction d'abus de pouvoir et des principes relatifs au respect de la vie privée.
A.4. En tant que le moyen vise l'article 27 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer, les parties requérantes soutiennent que cet article porte atteinte aux droits économiques acquis du fait qu'il est interdit de cumuler une licence de classe B (exploitation d'une salle de jeux automatiques) avec une licence de classe E (vente, location, importation, exportation et entretien de jeux de hasard).
Selon les parties requérantes, cette interdiction de cumul n'est pas objectivement justifiable et viole le principe de la liberté de commerce et d'industrie ainsi que les principes d'égalité et de non-discrimination. En outre, le caractère général de l'interdiction porte atteinte, de manière disproportionnée, à la liberté d'association.
Les parties requérantes craignent que l'interdiction provoque un changement brusque et injustifié dans le secteur des jeux de hasard et entraîne des conséquences incalculables pour l'emploi et les investissements.
Elles soulignent que la disposition entreprise rend illégal l'objet social de leur société et de sociétés analogues.
Elles ne voient pas en quoi l'interdiction de cumuler l'exploitation d'un luna-park avec des activités de vente et de location de jeux automatiques peut être conforme à l'objectif du législateur.
Elles affirment également que la liberté de choisir une profession est une application de la liberté du travail et que l'article 27 viole également les principes de la liberté personnelle et de la liberté du travail, garantis par les articles 12 et 23 de la Constitution.
A.5. Quant à l'article 34, les parties requérantes font valoir que la limitation du nombre de salles de jeux automatiques à 180 constitue une entrave discriminatoire et disproportionnée à la liberté de commerce et d'industrie et à la liberté d'établissement.
Elles doutent que plus il y a de salles de jeux, plus il y aurait de joueurs et pensent que, de toute manière, des salles de jeux clandestines apparaîtront. Elles ne voient pas en quoi la limitation du nombre d'établissements aurait une incidence positive sur le nombre de parieurs et leur protection.
Le système du numerus fixus est contraire non seulement au principe d'égalité et de non-discrimination, mais également à la liberté de commerce et d'industrie, qui doit être assurée sans discrimination et qui est tout autant garantie, en tant que liberté individuelle, par l'article 12 de la Constitution.
Les parties requérantes dénoncent également la violation de la liberté d'établissement garantie par l'article 52 du Traité C.E. du 25 mars 1957 (actuellement l'article 43), dans la mesure où un ressortissant de l'Union européenne n'aura plus la possibilité de s'établir en Belgique en vue d'exploiter une salle de jeux automatiques, étant donné que le nombre maximum est inférieur au nombre de salles de jeux existantes.
A l'estime des parties requérantes, l'octroi d'un pouvoir discrétionnaire aux autorités communales s'agissant de la convention qui doit être conclue avec l'exploitant d'une salle de jeux viole le principe de la liberté de commerce et d'industrie. La commune pourra imposer unilatéralement ses conditions et l'exploitant ne dispose d'aucune possibilité de contestation ou de recours.
Les parties requérantes affirment que le législateur, en prévoyant à l'article 34 que la convention doit préciser les modalités, jours et heures d'ouverture et de fermeture des exploitations, entend contourner la jurisprudence du Conseil d'Etat, lorsque celui-ci considère que le décret d'Allarde des 2-17 mars 1791 implique aussi la faculté d'organiser l'activité commerciale avec les moyens et suivant les méthodes de son choix (C.E., n° 43.795 du 12 juillet 1993).
Elles relèvent également que la commune peut à tout moment révoquer ou modifier la licence. En présentant la convention comme un accord administratif, le principe d'égalité est violé en ce que les exploitants de salles de jeux automatiques sont privés de la possibilité d'introduire un recours administratif. Il y aura également des différences de commune à commune, ce qui donnera lieu à une concurrence déloyale entre les établissements.
Les parties requérantes concluent dès lors que l'article 34 viole le principe d'égalité et de non-discrimination et la liberté de commerce.
Deuxième moyen A.6. Ce moyen invoque la violation des articles 10, 11, 39 et 143, § 1er, de la Constitution, de l'article 6, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et de « l'exercice du pouvoir ».
Selon les parties requérantes, les salles de jeux automatiques sont un exemple d'établissements classés et de politique économique, dont la réglementation relève de la compétence exclusive des régions.
En confiant à une commission fédérale le soin de délivrer ou non les licences nécessaires, le législateur fédéral s'arroge, à l'estime des parties requérantes, une compétence qui n'est pas la sienne. En outre, il en résulte des situations conflictuelles et une insécurité juridique : quid par exemple lorsqu'un permis d'environnement est octroyé mais que le permis d'exploitation d'une salle de jeux automatiques est refusé, et quid lorsque les conditions d'exploitation des deux types de permis sont contradictoires ? Les parties requérantes estiment dès lors que les règles répartitrices de compétences entre l'Etat fédéral et les régions sont méconnues et qu'il s'ensuit une insécurité juridique fondamentale. Elles concluent que l'article 35 (lire : 34) de la loi entreprise est contraire à l'article 6, § 1er, II, 3°, et à l'article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
Quant au risque d'un préjudice grave difficilement réparable A.7. A l'appui de leur demande de suspension, les parties requérantes observent que l'article 27 porte en particulier atteinte, de manière disproportionnée, à leurs droits économiques acquis et les privera d'une partie de leurs activités commerciales, lesquelles ne consistent pas seulement en l'exploitation de salles de jeux automatiques, mais également en la vente, la location, l'importation et l'exportation ainsi que l'entretien d'appareils de jeux automatiques.
Elles seront forcées de choisir entre l'exploitation de salles de jeux automatiques et la commercialisation de jeux automatiques, activités qu'elles cumulent depuis longtemps. Ce choix aurait également une répercussion sur l'emploi, étant donné que le personnel lié à l'activité supprimée ne peut être maintenu.
Selon les parties requérantes, leur entreprise est mise en danger : elles disposent actuellement des permis nécessaires, mais l'exécution de la nouvelle loi les privera du droit d'exploiter leurs établissements en cas d'opposition de la commune ou de la Commission des jeux de hasard.
Elles observent enfin que les communes - qui refusent souvent d'octroyer les licences nécessaires, en sorte que celles-ci ne sont généralement délivrées qu'à l'issue d'un recours - pourront opposer leur veto à l'établissement auquel elles s'étaient initialement opposées. - B - Quant à l'étendue du recours et de la demande de suspension B.1. Dans le préambule de la requête, les parties requérantes précisent que le recours en annulation est dirigé contre les articles 3.1, 3.4, 8, 27, 34, 36, 39, 44, 45, 54 et 62 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer et que la demande de suspension est uniquement dirigée contre les articles 27 et 34 de ladite loi.
Dès lors qu'il ressort également de l'exposé du préjudice invoqué à l'appui de la demande de suspension que les articles 27 et 34 sont visés, la Cour limite son examen dans le cadre de la demande de suspension à ces dispositions, même si la suspension de l'ensemble de la loi est demandée dans le dispositif de la requête. En outre, en ce qui concerne l'article 27, les griefs sont uniquement dirigés contre l'alinéa 1er.
B.2. Les articles 27, alinéa 1er, et 34 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs disposent : «
Art. 27.Il est interdit de cumuler les licences des classes A, B, C et D, d'une part, et la licence de classe E, d'autre part, dans le chef de la même personne physique ou morale, que ce soit directement ou indirectement, personnellement ou par l'intermédiaire d'une autre personne physique ou morale. «
Art. 34.Les établissements de jeux de hasard de classe II sont des établissements dans lesquels sont exploités exclusivement les jeux de hasard autorisés par le Roi.
Le nombre total des établissements de jeux de hasard de classe II autorisés est limité à 180.
L'exploitation d'un établissement de jeux de hasard de classe II doit s'effectuer en vertu d'une convention à conclure entre la commune du lieu de l'établissement et l'exploitant. La décision de conclure une telle convention relève du pouvoir discrétionnaire de la commune. La convention détermine où l'établissement de jeux de hasard est établi ainsi que les modalités, jours et heures d'ouverture et de fermeture des établissements de jeux de hasard de classe II et qui exerce le contrôle de la commune. » Quant à la suspension B.3. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.
En ce qui concerne le caractère sérieux des moyens B.4.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 23 de la Constitution, de l'article 43 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne (ancien article 52 du Traité C.E.), du principe de proportionnalité, du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe général d'égalité et de non-discrimination, de l'interdiction d'abus de pouvoir et des principes relatifs au respect de la vie privée.
Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 39 et 143, § 1er, de la Constitution, de l'article 6, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et de « l'exercice du pouvoir ».
B.4.2. En tant qu'ils invoquent directement les articles 12 et 23 de la Constitution, l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne (ancien article 52 du Traité C.E.), le principe de proportionnalité, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le principe de libre concurrence au sein de l'Union européenne, l'excès de pouvoir et le principe du respect de la vie privée, les moyens ne sont pas recevables, en ce qu'ils se réfèrent à des normes dont la Cour n'est pas habilitée à assurer le respect.
A supposer que le deuxième moyen relatif à la compétence, qui est pris de la violation de « l'exercice du pouvoir », dénonce en réalité un excès de pouvoir, il ne peut être examiné en cette branche étant donné qu'il n'allègue pas la violation d'une règle répartitrice de compétences au sens de l'article 142 de la Constitution et de l'article 1er, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 précitée.
B.4.3. La Cour examine la conformité des dispositions attaquées aux règles répartitrices de compétences avant d'examiner la compatibilité desdites dispositions avec le principe d'égalité et de non-discrimination.
Quant aux règles répartitrices de compétences B.5.1. Les parties requérantes font valoir qu'en adoptant les dispositions attaquées qui réglementent l'octroi des licences d'exploitation des salles de jeux automatiques, le législateur fédéral a porté atteinte aux compétences des régions en matière de police des établissements classés et en matière de politique économique.
B.5.2. L'article 6, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, auquel le moyen se réfère, dispose : [...] « § 1er. Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont : [...] II. En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 3° La police des établissements dangereux, insalubres et incommodes sous réserve des mesures de police interne qui concernent la protection du travail; [...] B.5.3. Cette disposition définit les compétences des régions en matière d'environnement et les habilite à assurer la protection des riverains et de l'environnement contre les nuisances et les incommodités; la réglementation des jeux de hasard est trop éloignée de la protection de l'environnement pour que le moyen puisse être regardé comme sérieux.
B.5.4. En tant qu'il dénonce également la violation des compétences régionales en matière de politique économique, le moyen n'est pas davantage sérieux : les dispositions entreprises visent uniquement à limiter le danger social que peuvent représenter les établissements de jeux de hasard pour l'ensemble de la population. Les parties requérantes n'établissent pas et la Cour n'aperçoit pas en quoi les régions, du fait des articles 27 et 34 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer, seraient empêchées d'exercer leurs compétences en matière économique sur la base de l'article 6, § 1er, VI, 1°, de la loi spéciale précitée, ni en quoi l'exercice de ces compétences serait rendu exagérément difficile.
Quant au principe d'égalité et de non-discrimination B.6.1. Les parties requérantes reprochent à l'article 34 de la loi attaquée de limiter à cent quatre-vingts le nombre de salles de jeux automatiques en Belgique, portant ainsi une atteinte discriminatoire à la liberté de commerce et d'industrie et à la liberté d'établissement.
B.6.2. La liberté de commerce et d'industrie ne peut pas être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur ne violerait la liberté de commerce et d'industrie que s'il limitait celle-ci sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi.
Les jeux de hasard qui aboutissent à un gain ou à une perte pécuniaire étant l'exploitation d'une faiblesse humaine pouvant entraîner des conséquences très graves pour certaines personnes et leur famille, ils constituent un danger social tel qu'en cette matière, ce sont les mesures restrictives et non les permissives qui sont les plus aisées à justifier.
B.6.3. Les dispositions invoquées du Traité instituant la Communauté européenne, notamment l'article 43 (ancien article 52 du Traité C.E.), ne s'opposent pas à ce que, pour des motifs d'intérêt général, des règles soient fixées concernant l'organisation, la compétence, l'éthique professionnelle et le contrôle, pour autant que ces règles professionnelles soient applicables à tous ceux qui sont établis sur le territoire de l'Etat où le service est institué.
B.6.4. Les dispositions en cause visent à permettre d'endiguer, de manière raisonnable par rapport à l'importance de la population nationale, le danger social que peuvent représenter les établissements de jeux de hasard. Etant entendu qu'une prohibition pure et simple lui paraît excessive, le législateur a assorti l'interdiction de principe qu'il maintenait (l'article 305 du Code pénal punissait la tenue d'une maison de jeux de hasard et l'article 1er de la loi du 24 octobre 1902 interdisait l'exploitation des jeux de hasard) d'une exception, fondée sur un régime de licences, tout en veillant à ne pas permettre à l'avenir un développement inconsidéré de ce type d'établissements.
Outre cet objectif de protection sociale, le législateur a souhaité, par la voie d'un contrôle efficace, identifier, éviter et combattre « [les] possibles effets secondaires indésirables [des jeux de hasard] (dépendance, blanchiment d'argent, criminalité, fraude fiscale et financière) » (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/4, pp. 25, 26 et 36; idem, n° 1-419/7, pp. 5 et 6; Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/8, p. 4).
B.6.5. A la lumière de tels objectifs, la limitation à cent quatre-vingts du nombre de salles de jeux automatiques procède d'une appréciation qui n'apparaît pas comme déraisonnable, fondée à la fois sur un rapport d'une salle de jeux automatiques par cinquante mille habitants et sur des considérations de rentabilité (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 419/7, pp. 22 et 23). Si, comme le font observer les parties requérantes, le projet initial fixait effectivement la limite à deux cents établissements, la Cour observe que c'est à la suite d'une opération de police que la limite fut ramenée à cent quatre-vingts : « L'opération judiciaire ` Indian Summer ' menée en novembre 1998, au cours de laquelle tous les luna-parks ont été contrôlés, a permis de constater qu'en fait, ceux-ci n'étaient pas au nombre de 200 (ainsi qu'on le supposait), mais au nombre de 180. Il paraît dès lors opportun de geler cette situation. » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/8, p.54) Au demeurant, s'il faut prendre en considération la situation antérieure à l'entrée en vigueur de la loi en cause, il ne faut pas perdre de vue que la tenue de maisons de jeux de hasard n'était que tolérée en dépit d'une interdiction légale.
B.6.6. Les parties requérantes reprochent également à l'article 34 de conférer aux autorités communales un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la convention qui doit être conclue avec l'exploitant d'une salle de jeux et qui prive les exploitants de salles de jeux automatiques de la possibilité d'introduire un recours administratif.
B.6.7. Dès lors qu'une activité représente un danger pour la société si elle n'est pas soumise à des conditions, le législateur prend une mesure qui paraît adéquate en la soumettant à des règles dérogeant au régime applicable aux activités commerciales ordinaires. Dans son examen portant sur les dispositions en cause, le Conseil d'Etat fit observer que le régime de licences prévu par celles-ci « n'a pas pour effet de porter atteinte à l'autonomie communale, dès l'instant où le législateur entend assumer lui-même, en cette matière, une police des activités des jeux de hasard. Le projet de loi ne porte pas préjudice au pouvoir des autorités communales, par exemple celui en matière de police générale et d'urbanisme » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/7, p. 251).
Les exigences des articles 10 et 11 de la Constitution ne sont pas telles que le législateur ne puisse confier certaines tâches aux communes même lorsqu'il entend assumer lui-même la police des activités en cause.
La disposition attaquée, qui procède tout à la fois du souci de « renforcer [par le biais de l'intervention de la commune] l'effet de contrôle qui est exercé » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/17, p. 138) et de celui de laisser aux communes « une certaine liberté en ce qui concerne l'implantation de tels établissements » (Doc.parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/5, p. 12) et leurs périodes d'ouverture (idem, n° 1795/8, p. 55), constitue une mesure apparemment adéquate pour atteindre l'objectif poursuivi. La disposition en cause ne peut être censurée sur la seule base d'une application irrégulière qui pourrait en être faite; les parties requérantes disposent des garanties juridictionnelles adéquates vis-à -vis des décisions prises par l'autorité compétente.
La Cour constate en particulier que, contrairement à ce qui a été déclaré dans les travaux préparatoires (Ann., Sénat, 27 avril 1999, p. 7713; Ann., Chambre, 31 mars 1999), le « pouvoir discrétionnaire » de la commune concernant la convention à conclure pour l'exploitation d'un établissement de jeux de hasard de classe II demeure soumis aux règles de la tutelle et ses décisions ou son refus sont attaquables devant les juridictions.
B.6.8. La mesure litigieuse introduite par l'article 34 ne paraît pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, ni pris isolément, ni lus en combinaison avec la liberté de commerce et d'industrie et avec la liberté d'établissement définies aux B.6.2 et B.6.3.
B.7.1. Les parties requérantes reprochent également à l'article 27, alinéa 1er, de la loi attaquée d'interdire le cumul d'une licence de classe B (exploitation d'une salle de jeux automatiques) avec une licence de classe E (vente, importation, location, exportation et équipements de jeux de hasard) et de porter ainsi une atteinte discriminatoire à la liberté de commerce et d'industrie, à la liberté d'établissement garantie par le droit européen, à la liberté d'association, à la liberté individuelle garantie par l'article 12 de la Constitution et à la liberté du travail garantie par l'article 23 de la Constitution.
B.7.2. En l'espèce, l'interdiction en cause procède du souci de soumettre l'octroi des licences à des conditions très sévères, de manière que les établissements de jeux de hasard et les activités qui s'y rapportent puissent être distingués les uns des autres avec précision (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 419/4, p. 34).
La disposition en cause établit une mesure qui ne semble pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, rappelé sous B.6.4.
B.7.3. La disposition entreprise ne paraît pas limiter de façon discriminatoire la liberté de commerce et d'industrie ni la liberté d'établissement définies aux B.6.2 et B.6.3. Elle ne paraît pas davantage affecter la liberté d'association ni la liberté individuelle.
B.7.4. Certes, l'article 23 de la Constitution dispose, d'une part, que « la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice » et, d'autre part, que ces droits comprennent « le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible ». Mais il ne peut se déduire de ces dispositions que le législateur, lorsqu'il entend réglementer une activité représentant un danger pour la société si elle n'est pas soumise à des conditions, ne pourrait imposer des limites à ceux qui l'exercent.
B.8. Il ressort de ce qui précède que les moyens ne sont pas sérieux, au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 juin 2000.
Le greffier f.f., Le président f.f., B. Renauld. H. Boel.