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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 18 mars 2000

Arrêt n° 23/2000 du 23 février 2000 Numéro du rôle : 1616 En cause : le recours en annulation de la loi du 23 novembre 1998 instaurant la cohabitation légale, introduit par P. Beliën et autres. La Cour d'arbitrage, composée du président après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à l(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 23/2000 du 23 février 2000 Numéro du rôle : 1616 En cause : le recours en annulation de la loi du 23 novembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/11/1998 pub. 12/01/1999 numac 1998010076 source ministere de la justice Loi instaurant la cohabitation légale fermer instaurant la cohabitation légale, introduit par P. Beliën et autres.

La Cour d'arbitrage, composée du président G. De Baets et du juge L. François, faisant fonction de président, et des juges H. Boel, P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée de la référendaire B. Renauld, faisant fonction de greffier, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 février 1999 et parvenue au greffe le 10 février 1999, les époux P. Beliën et A. Colen, demeurant ensemble à 2018 Anvers, Lemméstraat 3, les époux J. Laeremans et H. De Maertelaere, demeurant ensemble à 1852 Grimbergen, Hof van Opbergenstraat 2A, les époux H. Staveaux et G. Van der Zeype, demeurant ensemble à 1742 Ternat, Ternatstraat 18, et R. De Muyt, demeurant à 3000 Louvain, Mechelsestraat 161, boîte 1, ont introduit un recours en annulation de la loi du 23 novembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/11/1998 pub. 12/01/1999 numac 1998010076 source ministere de la justice Loi instaurant la cohabitation légale fermer instaurant la cohabitation légale (publiée au Moniteur belge du 12 janvier 1999).

II. La procédure Par ordonnance du 10 février 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 24 février 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 4 mars 1999.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 26 mars 1999.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 20 mai 1999.

Par ordonnances des 29 juin 1999 et 27 janvier 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 9 février 2000 et 9 août 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 2 décembre 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 22 décembre 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 2 décembre 1999.

Par ordonnance du 22 décembre 1999, le juge L. François, faisant fonction de président, a complété le siège par le juge P. Martens.

A l'audience publique du 22 décembre 1999 : - a comparu Me K. Heremans loco Me D. Tillemans, avocats au barreau de Louvain, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - l'avocat précité a été entendu; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à la recevabilité du recours A.1.1. Selon le Conseil des ministres, le recours en annulation est irrecevable parce que les requérants ne justifient pas de l'intérêt requis en droit et parce que la loi attaquée n'est pas encore entrée en vigueur.

A.1.2. Les requérants ne seraient pas affectés directement par la loi attaquée, parce que celle-ci n'est pas applicable aux personnes mariées et aux isolés. Ils ne seraient pas non plus touchés indirectement - par l'absence de dispositions fiscales spécifiques -, estime le Conseil des ministres, étant donné que la loi attaquée n'a pas créé une catégorie distincte de contribuables. Ils ne seraient pas davantage atteints défavorablement, puisque les normes relatives à l'organisation, à la protection et au maintien de la cohabitation légale demeurent, « de par leur nature, sans aucun effet en ce qui concerne les requérants ».

A.1.3. Le Conseil des ministres conclut des travaux préparatoires que l'entrée en vigueur différée de la loi attaquée doit être située « dans le contexte plus large des débats socio-politiques en cours ». La jurisprudence de la Cour, selon laquelle la norme attaquée ne doit pas encore être entrée en vigueur au moment de l'introduction du recours en annulation, parce que la violation éventuelle existe déjà au moment de la publication, ne peut être suivie en l'espèce, estime le Conseil des ministres. Les requérants ne sauraient démontrer qu'ils pourraient dès à présent être directement et défavorablement affectés.

A.2.1. Les requérants réfutent les exceptions d'irrecevabilité soulevées par le Conseil des ministres.

A.2.2. En ce qui concerne leur intérêt à l'annulation de la loi attaquée, les requérants mariés répondent qu'ils sont directement et défavorablement affectés dans leur situation juridique par un traitement fiscal défavorable. Le requérant célibataire invoque sa qualité de membre de l'Eglise catholique romaine. En raison de l'effet discriminatoire de la loi pour tous les membres de sociétés religieuses, ceux-ci justifieraient chacun individuellement d'un intérêt en droit.

De l'avis des requérants, le fait que les dispositions attaquées ne leur sont pas directement applicables n'ôte rien à leur intérêt. Un recours en annulation peut être introduit par toute personne qui peut justifier d'un intérêt, indépendamment du fait que les dispositions lui sont applicables. En effet, même si les dispositions ne sont pas directement applicables aux parties requérantes, les intérêts de celles-ci peuvent être lésés. En l'espèce, les intérêts des requérants sont lésés parce qu'une autre catégorie de personnes reçoit un statut de droit civil à peu près identique au leur, alors que le statut fiscal de ces personnes est sensiblement plus avantageux que celui des requérants.

A.2.3. En ce qui concerne l'entrée en vigueur différée de la loi attaquée, les parties requérantes renvoient à l'arrêt n° 27 du 22 octobre 1986 et allèguent que la publication de la loi est le point de départ à partir duquel le délai de recours de six mois commence à courir. Si l'intérêt naissait seulement au moment de l'entrée en vigueur d'une loi, tout recours en annulation d'une loi entrant en vigueur plus de six mois après sa publication serait impossible.

Quant aux griefs A.3.1. Le recours en annulation est fondé sur les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus conjointement avec l'article 21, alinéa 2, de celle-ci et avec les articles 8, 9, 12 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

A.3.2. La loi attaquée crée un cadre légal pour la cohabitation hors mariage, qui s'inspire largement des dispositions légales qui règlent le mariage : formalités d'état civil et inscription au registre de la population (articles 1475 et 1476 du Code civil); protection du logement familial (articles 215, 220, § 1er, et 224, § 1er, 1, du Code civil); contribution aux charges de la vie commune (article 1477, § 3, du Code civil); obligation solidaire pour toute dette contractée pour les besoins de la vie commune et des enfants éduqués par les cohabitants (article 1477, § 4, du Code civil); présomption d'indivision des biens détenus en commun et des revenus que ceux-ci procurent et présomption de libéralité à l'égard d'autres héritiers réservataires; possibilité pour les cohabitants de régler, par acte notarié, comme ils le jugent à propos, les modalités de la cohabitation légale, sur le plan patrimonial, moyennant quelques restrictions générales qui s'appliquent aussi aux personnes mariées (article 1478 du Code civil); possibilité d'avoir recours au juge de paix, si l'entente entre les cohabitants légaux est sérieusement perturbée, pour prendre les mesures urgentes et provisoires, non seulement pendant la cohabitation légale mais aussi après la cessation de celle-ci (article 1478 du Code civil); assimilation du cohabitant légal à l'époux de la personne incapable pour l'application de l'article 911, alinéa 2, du Code civil.

A.3.3. Selon les parties requérantes, la cohabitation légale peut être considérée comme une solution de rechange à l'institution du mariage.

Ceci a toutefois pour conséquence qu'il est créé une catégorie privilégiée de contribuables cohabitants légaux, le législateur ayant négligé d'attacher à l'institution de la cohabitation légale les mêmes effets, sur le plan fiscal, que ceux qui résultent de l'institution du mariage. Le législateur a notamment omis de déclarer applicables à la catégorie des cohabitants légaux certaines dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992) relatives à l'établissement et au recouvrement de l'impôt des personnes physiques.

Quel que soit le régime matrimonial, les revenus des conjoints autres que les revenus professionnels sont cumulés avec les revenus professionnels de celui des conjoints qui en a le plus. Aux revenus des parents mariés ainsi cumulés sont ajoutés ceux des enfants, aussi longtemps que les parents ont la jouissance légale de ces revenus (article 126 du C.I.R. 1992).

L'imposition est établie au nom des deux conjoints et chacune des quotités de l'impôt afférentes aux revenus respectifs des conjoints peut, quel que soit le régime matrimonial, être recouvrée sur tous les biens propres et sur les biens communs des deux conjoints (article 394 du C.I.R. 1992).

Les deux partenaires, dans la cohabitation légale, sont considérés comme des « isolés » pour le calcul de la quotité du revenu exemptée d'impôt (article 131, 1°, du C.I.R. 1992) et pour le calcul du supplément pour personnes à charge dont est majorée la quotité exemptée (article 132 du C.I.R. 1992).

Chaque partenaire, dans la cohabitation légale, peut être considéré comme « un père ou une mère célibataire » pour obtenir un supplément majoré pour enfants à charge (article 133, 1°, du C.I.R. 1992).

Les parents qui cohabitent légalement avec leurs enfants communs peuvent, fiscalement, prendre chacun séparément ces enfants à charge et demander donc deux fois, pour chacun des enfants communs, l'application de la majoration pour personne à charge de la quotité de base exemptée, déjà plus élevée, visée à l'article 131 du C.I.R. 1992 (article 136 du C.I.R. 1992).

Les deux partenaires, dans la cohabitation légale, sont considérés comme des « isolés » pour le calcul de la réduction pour pensions et revenus de remplacement et peuvent donc obtenir ensemble, sur leurs revenus de remplacement globaux, une déduction plus élevée que celle des personnes mariées (article 147 du C.I.R. 1992).

Du fait de la prise en compte des revenus imposables globalement lors du calcul de la réduction pour pensions et revenus de remplacement, les personnes mariées atteindront la limite fixée, au-delà de laquelle le crédit diminue ou disparaît, beaucoup plus rapidement que les partenaires d'une cohabitation légale, dont les revenus sont considérés de façon totalement séparée pour le calcul de la limitation (articles 150 à 154 du C.I.R. 1992).

A.3.4. Les requérants considèrent que le principe d'égalité est violé parce qu'il n'existe pas de justification objective et raisonnable pour la distinction entre les personnes mariées et les cohabitants légaux. Ces derniers sont considérés comme des « isolés » pour l'application de la législation fiscale. La catégorie des contribuables mariés est donc soumise à une charge fiscale disproportionnée.

A.3.5. Selon les requérants, l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit aux hommes et aux femmes, à partir de l'âge nubile, le droit de se marier et de fonder une famille, impose aux Etats, conjointement avec l'article 8 de la même Convention, l'obligation de protéger la famille et de sauvegarder l'institution du mariage, quelle que puisse être l'évolution des moeurs et des coutumes, étant donné que le mariage est le fondement le plus sûr de la famille. Ces dispositions interdisent aux Etats de discriminer le mariage et de détourner de celui-ci en établissant un régime d'imposition qui soumet les personnes mariées à des charges fiscales plus lourdes que les personnes non mariées unies par des liens de cohabitation légale.

En outre, l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme interdit de préjudicier fiscalement les personnes qui, en conscience, ne peuvent accepter de vivre dans des liens de cohabitation légale.

A.3.6. L'article 21, alinéa 2, de la Constitution dispose qu'un mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale religieuse. Les membres d'une société religieuse ne peuvent donc faire précéder leur bénédiction nuptiale religieuse d'une déclaration de cohabitation légale. Cela signifie, selon les requérants, que la législation a un effet discriminatoire pour tous les membres de sociétés religieuses qui souhaitent consacrer leur engagement réciproque à la vie commune par une bénédiction nuptiale religieuse.

Ceux-ci sont en effet toujours obligés de contracter un mariage civil, étant donné que seul un mariage civil peut précéder la bénédiction nuptiale religieuse. Ils ne peuvent opter pour la forme plus souple de la cohabitation légale, en vue de régler, comme ils le jugent à propos, les conséquences patrimoniales de leur cohabitation, conformément au nouvel article 1478, alinéa 4, du Code civil et ils ne peuvent par conséquent éviter les effets défavorables et discriminatoires de ce mariage civil sur le plan fiscal.

A.4.1. Le Conseil des ministres soutient que, selon la jurisprudence de la Cour, un recours en annulation n'est recevable qu'à l'encontre de dispositions concrètes contre lesquelles des moyens sont allégués.

Ceux-ci doivent avoir un lien direct avec le contenu des normes attaquées. Il doit par conséquent être démontré en quoi et à l'égard de qui les dispositions attaquées établiraient une discrimination. La norme visée par le recours en annulation doit être contrôlée au regard des principes constitutionnels. La Cour n'est pas compétente pour connaître d'un recours en annulation qui est directement dirigé contre l'absence d'une loi.

A.4.2. Selon le Conseil des ministres, le moyen qui dénonce un traitement fiscal différencié des personnes mariées et des cohabitants n'a pas de lien direct avec le contenu des dispositions attaquées, étant donné que celles-ci ne contiennent aucune mesure de droit fiscal, mais ce moyen concerne l'absence d'un régime fiscal spécifique pour les personnes qui ont fait une déclaration de cohabitation légale. Le moyen serait irrecevable pour ce motif.

Certes, dans un certain nombre d'arrêts, la Cour a jugé contraire au principe d'égalité l'absence d'une réglementation légale, mais chaque fois en rapport avec une norme déterminée et spécifique. Faisant référence à l'arrêt n° 27/99 du 3 mars 1999, le Conseil des ministres déclare que le fait de ne pas légiférer dans un domaine déterminé ne constitue pas en soi une violation des principes constitutionnels. « C'est au législateur qu'il appartient, dans le cadre du débat politique de société qui gît à la base de tout travail législatif, de déterminer librement les choix de politique et de traduire ceux-ci dans son oeuvre législative. » Les articles 10, 11 et 172 de la Constitution ne contiennent aucune exigence d'égalité absolue de traitement de situations apparemment et superficiellement semblables mais qui diffèrent de façon essentielle sur le plan juridique.

A.4.3. Le Conseil des ministres estime par ailleurs que les personnes mariées et les cohabitants ne peuvent pas être comparés. La déclaration de cohabitation légale n'a pas d'influence sur l'état de la personne et n'impose pas le devoir d'habiter ensemble ni le devoir de fidélité, de secours et d'assistance. « La stabilité légale formelle du lien de communauté matrimoniale constitue du reste une justification objective et raisonnable, proportionnée à l'objectif poursuivi, pour un traitement fiscal différencié. » L'affirmation selon laquelle des charges fiscales plus lourdes sont imposées aux personnes mariées en comparaison des personnes non mariées qui cohabitent est inexacte dans sa généralité, dit le Conseil des ministres. Il fait référence, à cet égard, à certaines dispositions qui prévoient un traitement fiscal d'une sévérité disproportionnée à l'égard des cohabitants. Dès lors, si le traitement fiscal des personnes mariées et des cohabitants devait être examiné, il faudrait alors tenir compte de l'ensemble du système normatif fiscal dont font partie les dispositions attaquées.

A.4.4. Selon le Conseil des ministres, les moyens qui, fondés sur la violation des articles 8, 9 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, allèguent qu'un régime fiscal défavorable ne saurait être imposé aux personnes qui souhaitent contracter un mariage civil ou à l'égard des personnes qui, en raison de convictions religieuses, ne souhaitent pas cohabiter mais choisissent un mariage civil manquent en fait, étant donné que la loi attaquée n'impose aucune mesure fiscale défavorable aux personnes mariées ni ne lèse indirectement ou n'affecte défavorablement les personnes mariées.

A.4.5. S'agissant du moyen pris de l'article 21, alinéa 2, de la Constitution, le Conseil des ministres déclare que la priorité du mariage civil sur le mariage religieux a été fixée constitutionnellement, dans un contexte historique précis, et que la Cour ne s'estime pas compétente pour apprécier un choix du Constituant. - B - B.1.1. La loi attaquée insère dans le livre III du Code civil de nouveaux articles 1475 à 1479, sous un titre Vbis intitulé « De la cohabitation légale ».

B.1.2. Par cohabitation légale, il y a lieu d'entendre la situation de vie commune de deux personnes ayant fait une déclaration écrite de cohabitation légale (article 1475 du Code civil).

La déclaration est remise à l'officier de l'état civil du domicile commun, qui vérifie si les deux parties ne sont pas liées par un mariage ou par une autre cohabitation légale et sont capables de contracter conformément aux articles 1123 et 1124 du Code civil. La déclaration est actée dans le registre de la population.

La cohabitation légale cesse lorsque l'une des parties se marie ou décède. Il peut également être mis fin à la cohabitation légale par les cohabitants, soit de commun accord, soit unilatéralement, au moyen d'une déclaration écrite qui est remise à l'officier de l'état civil, qui acte la cessation de la cohabitation légale dans le registre de la population (article 1476 du Code civil).

B.1.3. Les dispositions suivantes s'appliquent à la cohabitation légale : la protection légale du domicile familial (articles 215, 220, § 1er, et 224, § 1er, 1, du Code civil) s'applique par analogie à la cohabitation légale; les cohabitants légaux contribuent aux charges de la vie commune en proportion de leurs facultés et toute dette non excessive contractée par l'un des cohabitants légaux pour les besoins de la vie commune et des enfants qu'ils éduquent oblige solidairement l'autre cohabitant (article 1477 du Code civil).

Pour le surplus, la loi attaquée prévoit un régime des biens des cohabitants et la possibilité de régler par convention les modalités de la cohabitation légale, pour autant que cette convention ne contienne aucune clause contraire à l'article 1477 du Code civil, à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou aux règles relatives à l'autorité parentale, à la tutelle et aux règles déterminant l'ordre légal de la succession. Cette convention est passée en la forme authentique devant notaire, et fait l'objet d'une mention au registre de la population (article 1478 du Code civil).

B.1.4. Si l'entente entre les cohabitants légaux est sérieusement perturbée, chacun des deux partenaires peut demander au juge de paix d'ordonner les mesures urgentes et provisoires relatives à l'occupation de la résidence commune, à la personne et aux biens des cohabitants et des enfants et aux obligations légales et contractuelles des deux cohabitants. Même après la cessation de la cohabitation légale, pour autant que la demande ait été introduite dans les trois mois de la cessation, le juge de paix peut ordonner les mesures urgentes et provisoires justifiées par cette cessation (article 1479 du Code civil).

B.1.5. Il résulte de ce qui précède que la loi attaquée ne crée pas une institution qui placerait les cohabitants légaux dans une « situation à peu près identique » à celle des mariés, ainsi que le considèrent les parties requérantes, mais crée seulement une protection patrimoniale limitée qui s'inspire partiellement de dispositions applicables aux époux.

B.2.1. Le Conseil des ministres allègue que les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis à l'annulation de la loi attaquée parce qu'elle ne les affecte ni directement ni défavorablement.

B.2.2. Les parties requérantes mariées invoquent leur état matrimonial et le traitement fiscal attaché à celui-ci, qui serait plus défavorable que celui applicable aux cohabitants légaux.

B.2.3. Lorsqu'une disposition législative privilégie une catégorie de citoyens, ceux par rapport à qui cette catégorie est privilégiée peuvent avoir un intérêt suffisamment direct à l'attaquer.

En l'espèce, la Cour constate toutefois que les personnes mariées ne bénéficient pas d'une protection patrimoniale moindre que celle instaurée dans la loi attaquée en faveur des cohabitants légaux.

L'annulation éventuelle des dispositions attaquées ne peut donc avoir par elle-même aucun effet sur la situation des requérants. Le traitement fiscal plus défavorable auquel ils seraient soumis, par comparaison avec celui applicable aux cohabitants légaux, ne résulte pas de la loi présentement attaquée.

Les parties requérantes mariées ne justifient dès lors pas de l'intérêt requis.

B.2.4. Le requérant célibataire, qui invoque uniquement sa qualité de croyant, membre de l'Eglise catholique romaine, ne justifie pas davantage de l'intérêt requis.

Le fait qu'un requérant désapprouve une loi, sur la base d'une appréciation personnelle, ne peut être retenu comme la justification de l'intérêt requis.

B.2.5. L'exception d'irrecevabilité est fondée.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 23 février 2000, par le siège précité, dans lequel le juge H. Coremans est remplacé, pour le prononcé, par le juge E. De Groot, conformément à l'article 110 de la même loi.

Le greffier f.f., B. Renauld.

Le président, G. De Baets.

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