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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 25 mars 2000

Arrêt n° 22/2000 du 23 février 2000 Numéro du rôle : 1600 En cause : le recours en annulation de l'article 20 de la loi du 5 juillet 1998 relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, E(...)

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Arrêt n° 22/2000 du 23 février 2000 Numéro du rôle : 1600 En cause : le recours en annulation de l'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis, introduit par l'Union professionnelle du crédit et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, E. Cerexhe, A. Arts, R. Henneuse et E. De Groot, assistée de la référendaire B. Renauld, faisant fonction de greffier, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 janvier 1999 et parvenue au greffe le 28 janvier 1999, l'Union professionnelle du crédit, dont le siège est établi à 1040 Bruxelles, avenue de la Joyeuse Entrée 12, la s.a. Générale de Banque, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue Montagne du Parc 3, la s.a. Caisse générale d'épargne et de retraite-Banque, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue du Fossé-aux-Loups 48, la s.a.

Crédit communal de Belgique, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, boulevard Pachéco 44, la s.a. Banque Bruxelles Lambert, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, avenue Marnix 24, la s.c.r.l. Banque Bacob, dont le siège social est établi à 1040 Bruxelles, rue de Trèves 25, la s.a. HBK-Banque d'épargne, dont le siège social est établi à 2018 Anvers, Lange Lozanastraat 250, et la s.a. KBC Bank, dont le siège social est établi à 1080 Bruxelles, avenue du Port 2, ont introduit un recours en annulation de l'article 20, spécialement des paragraphes 2 et 3, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis (publiée au Moniteur belge du 31 juillet 1998).

II. La procédure Par ordonnance du 28 janvier 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 23 mars 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 3 avril 1999.

Des mémoires ont été introduits par : - le centre public d'aide sociale d'Uccle, dont les bureaux sont établis à 1180 Bruxelles, chaussée d'Alsemberg 905, par lettre recommandée à la poste le 3 mai 1999; - l'a.s.b.l. Union des villes et communes de Wallonie, dont le siège social est établi à 5000 Namur, rue Godefroid 11, par lettre recommandée à la poste le 3 mai 1999; - la « Vereniging van Vlaamse Steden en Gemeenten », dont les bureaux sont établis à 1040 Bruxelles, rue d'Arlon 53/4, par lettre recommandée à la poste le 3 mai 1999; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 7 mai 1999; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 10 mai 1999.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 19 mai 1999.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 17 juin 1999.

Par ordonnances du 29 juin 1999 et du 23 décembre 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 27 janvier 2000 et 27 juillet 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 22 décembre 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 19 janvier 2000.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 24 décembre 1999.

A l'audience publique du 19 janvier 2000 : - ont comparu : . Me J. Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, pour les parties requérantes; . Me N. Van Laer, avocat au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l.

Union des villes et communes de Wallonie, le Gouvernement wallon et le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à l'intérêt des parties requérantes A.1.1. La première partie requérante est une union professionnelle reconnue, conformément à la loi du 31 mars 1848. Elle a pour but, selon l'article 2 de ses statuts, d'assurer "la représentation et la défense des intérêts du secteur professionnel du crédit, plus particulièrement dans le cadre du crédit à la consommation et du crédit immobilier. A cette fin, elle a pour tâche de protéger et de développer les intérêts professionnels de ses membres, et notamment [ . ] d'étudier les questions juridiques, fiscales, économiques, sociales et commerciales en rapport avec l'activité des membres; d'être, auprès des pouvoirs publics et autres instances, leur porte-parole ainsi que le défenseur et le protecteur de leurs intérêts".

L'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer, en ses paragraphes 2 et 3, qui impose un prélèvement annuel aux entreprises pratiquant des opérations de prêt ou d'ouverture de crédit hypothécaire et de crédit à la consommation, est susceptible d'affecter, directement et défavorablement, les intérêts des entreprises de crédit qui sont membres de l'union professionnelle requérante.

A.1.2. Les deuxième à huitième requérantes sont toutes des banques pratiquant des opérations de crédit visées par l'article 20, § 2, 1° à 3°, de la loi. Leur situation est donc directement affectée par les normes critiquées.

Quant à l'intérêt des parties intervenantes A.2.1. Le centre public d'aide sociale (ci-après C.P.A.S.) de la commune d'Uccle justifie son intérêt à intervenir dans la cause parce qu'il pratique la médiation de dettes depuis 1984 et est habilité à être désigné comme médiateur de dettes, en application de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer.

En s'attaquant au mode de financement du Fonds de traitement du surendettement, les parties requérantes bloquent la création de ce Fonds et, partant, pénalisent les plus faibles de la société, c'est-à-dire les "clients" du C.P.A.S., lesquels auront des difficultés à trouver des médiateurs qui acceptent de les aider en l'absence de fonds. Par ailleurs, l'annulation demandée des paragraphes 2 et 3 de l'article 20 de la loi précitée aurait pour conséquence de rendre impossible pour le C.P.A.S. de récupérer auprès du Fonds, lorsqu'il est désigné comme médiateur, la partie de ses honoraires, émoluments et frais restés impayés.

A.2.2. L'a.s.b.l. Union des villes et communes de Wallonie a pour objet social de « rassembler et représenter tous les pouvoirs locaux de la Région wallonne. Elle a pour objet de les aider à remplir leurs missions au service des citoyens et d'assurer la promotion de leur action, de leur autonomie et, par là, de la démocratie locale ».

L'a.s.b.l. Union des villes et communes de Wallonie regroupe tant les villes et communes que les centres publics d'aide sociale de la Région wallonne et son objet social lui impose d'agir par tous les moyens qu'elle estime adéquats pour aider ses membres à remplir leurs missions. Cent vingt-cinq centres publics d'aide sociale membres de l'a.s.b.l. Union des villes et communes de Wallonie bénéficient de l'agrément de la Région wallonne pour pratiquer la médiation de dettes. Leur situation est, dès lors, susceptible d'être influencée par le résultat du recours introduit à l'encontre de l'article 20, §§ 2 et 3, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer puisque cette disposition détermine le financement du Fonds de traitement du surendettement dont l'objet est de prendre en charge, dans la mesure des moyens dont il dispose, le solde impayé des honoraires, émoluments et frais des médiateurs de dettes.

A.2.3. La « Vereniging van Vlaamse Steden en Gemeenten » (V.V.S.G.), dont l'objet social est d'aider les pouvoirs locaux à remplir leurs missions, devra notamment veiller aux intérêts des C.P.A.S. de la Région flamande qui, en tant que médiateurs de dettes, seraient préjudiciés par l'annulation des paragraphes 2 et 3 de l'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer vu qu'en l'absence d'une alimentation du Fonds de surendettement, ils ne seront pas honorés pour leurs frais et débours.

Quant au fond Sur le premier moyen d'annulation A.3.1. Un premier moyen d'annulation est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 20, § 2, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer en ce que cette disposition crée une discrimination non raisonnablement justifiée entre deux catégories de créanciers qui sont soumis de la même manière à la procédure de règlement collectif des dettes et sont affectés de la même manière par la situation de concours résultant de la décision d'admissibilité de la demande en règlement collectif de dettes. La première catégorie à laquelle appartiennent les organismes de crédit et les entreprises hypothécaires visés par l'article 20, § 2, 1° à 3°, de la loi attaquée doit contribuer, par un prélèvement annuel sur le solde restant dû des crédits visés par la loi, à l'alimentation du Fonds de traitement du surendettement alors que la seconde catégorie dont relèvent tous les autres créanciers est exemptée de toute contribution audit Fonds.

A.3.2. Les deux catégories de créanciers ci-dessus décrites sont comparables : en effet, la décision d'admissibilité de la demande en règlement collectif de dettes fait naître un concours entre tous les créanciers du débiteur, sans distinction selon la nature ou l'origine de la créance. De même, ils sont tous affectés par la suspension des voies d'exécution tendant au paiement d'une somme d'argent, par le report ou le rééchelonnement du paiement des dettes en principal, intérêts et frais et par la remise totale ou partielle des intérêts moratoires, indemnités et frais.

A.3.3. La procédure de règlement collectif de dettes a pour objectif principal de combattre le fléau social que constitue le surendettement dont le recours excessif au crédit est loin d'être l'unique cause.

Cette procédure n'a pas été conçue uniquement dans l'intérêt du débiteur surendetté : elle vise aussi à sauvegarder les intérêts de l'ensemble des créanciers.

A.3.4. La distinction établie par l'article 20, §§ 2 et 3, de la loi n'est pas raisonnablement justifiée. La création d'un Fonds de traitement du surendettement trouve son origine dans un amendement parlementaire justifié par la considération qu'il "devrait permettre d'assurer le paiement de tout ou partie de ce qui est normalement dû au médiateur de dettes". A cela, l'auteur de l'amendement ajoutait qu'il résultait de données statistiques que les dettes de crédit représentent en moyenne 64,7 p.c. de l'endettement total des ménages et d'en conclure qu'il s'impose de prélever sur les organismes de crédit une part de leurs recettes pour alimenter le Fonds nouvellement créé.

Les motifs ainsi avancés sont en contradiction avec l'exposé des motifs du projet de loi, lequel mettait en évidence le fait que le recours excessif au crédit n'est que l'une des causes du surendettement : lorsqu'une loi se donne pour objectif de combattre un fléau social déterminé et instaure, à cet effet, une procédure et des structures nouvelles, il est contraire au principe d'égalité d'en faire supporter le coût par certains seulement des acteurs économiques dont l'activité contribue à créer le fléau. C'est en ce sens que la Cour a tranché dans son arrêt n° 42/97.

Le caractère non raisonnablement justifié de la distinction critiquée est encore plus frappant lorsqu'on se réfère au second objectif poursuivi par la loi qui est d'assurer une meilleure égalité entre les créanciers d'un non-commerçant. Le fait invoqué dans les travaux parlementaires qu'il serait « impossible d'assujettir d'autres créanciers au financement d'un fonds » que le seul secteur du crédit ne saurait justifier la mesure critiquée. En effet, dans les mêmes travaux préparatoires, on a invoqué le fait que « les distributeurs d'énergie participent déjà au financement d'un système analogue mis en place par les Régions".

En outre, le prélèvement imposé aux organismes de crédit et aux entreprises de prêt hypothécaire a la nature d'un impôt.

A.3.5. Le Conseil des ministres, le Gouvernement wallon et l'a.s.b.l.

Union des villes et communes de Wallonie estiment que les organismes de crédit et les entreprises de prêt hypothécaire se distinguent des autres créanciers et ne constituent donc pas deux catégories comparables. Les organismes astreints au financement du Fonds de traitement du surendettement sont des professionnels du crédit pratiquant des méthodes commerciales et dont la publicité « agressive » est à l'origine directe du surendettement. En outre, leur qualité de professionnels du crédit leur donne accès à la centrale des crédits aux particuliers de la Banque nationale et, dès lors, la liberté de refuser d'accorder un nouveau crédit à un débiteur si celui-ci ne leur paraît pas présenter une capacité financière suffisante. Par ailleurs, ces organismes imposent à leurs débiteurs des charges et des taux d'intérêt qui couvrent le risque d'insolvabilité et les frais de récupération de leurs créances. Enfin, la responsabilité des entreprises de crédit dans le phénomène du surendettement n'est nullement comparable à celle des autres créanciers.

Par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir lutter contre la marginalisation des personnes surendettées et assurer leur intégration économique, le moyen utilisé de faire peser sur les organismes de crédit le financement est raisonnable et s'avère en tout état de cause proportionné par rapport à la responsabilité imputée aux organismes de crédit dans le surendettement. Il est raisonnable et légitime d'astreindre le secteur du crédit au financement d'un fonds destiné à combler le solde impayé des frais encourus par un médiateur de dettes puisqu'il est une cause essentielle du phénomène de surendettement et qu'il occupera une place prépondérante dans la partie de ce surendettement qui sera réglée par la procédure de règlement collectif de dettes.

Alors qu'en matière de surendettement, la responsabilité des prêteurs est patente, ils ne contribuent en rien à en limiter les dommages, contrairement à d'autres créanciers. Les distributeurs de gaz et d'électricité contribuent à un fonds d'entraide de plus de 300 millions de francs belges, dans le cadre de conventions entre les communes, les C.P.A.S. et les distributeurs. Ce fonds permet d'aider les personnes qui ont des difficultés pour payer les factures de gaz et d'électricité.

Le Fonds de traitement du surendettement n'interviendra qu'à titre subsidiaire, c'est-à-dire lorsqu'il subsistera un solde impayé des honoraires, émoluments et frais du médiateur de dettes. Or, il ne peut être contesté, d'une part, que ce sont les médiations relatives à la catégorie des ménages modestes, présentant une insuffisance d'actif, qui nécessiteront principalement l'intervention du Fonds et, d'autre part, que ces ménages aux revenus modestes sont les premiers concernés par les octrois de crédits et les découverts bancaires.

Enfin, les organismes astreints au financement du Fonds de traitement du surendettement sont des professionnels, obligés d'examiner la situation financière de leur client avant de leur accorder un prêt et qui imposent, en outre, à leurs débiteurs des charges et taux d'intérêt couvrant le risque d'insolvabilité. Ces charges qui pèsent sur l'ensemble des débiteurs constituent une assurance du secteur du crédit contre les frais et risques d'insolvabilité de l'un des débiteurs de l'organisme de crédit et ne bénéficient naturellement pas aux autres créanciers de la procédure de règlement collectif de dettes.

Il est dès lors raisonnable de n'assujettir au financement du Fonds de traitement du surendettement que les créanciers qui, non seulement, peuvent choisir leur clientèle, mais également peuvent imposer à l'ensemble de leurs clients des charges financières supplémentaires couvrant les frais de récupération des créances et les risques d'insolvabilité.

A.3.6. Le C.P.A.S. d'Uccle et la V.V.S.G. considèrent tous les deux que les entreprises de crédit ne sont pas comparables aux autres créanciers de personnes susceptibles de bénéficier de la procédure de règlement collectif de dettes. D'abord, l'article 1675/12, § 2, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer prévoit que le délai de remboursement des contrats de crédit peut être allongé : ceci prouve que le législateur a traité différemment les deux catégories parce que leurs situations ne sont pas comparables. En outre, la responsabilité des organismes de crédit dans le surendettement des ménages n'est pas comparable à celle des autres créanciers. Enfin, les méthodes commerciales des organismes de crédit sont différentes non seulement parce qu'ils ont toujours le droit de refuser un crédit mais aussi parce qu'ils imposent à leurs clients des charges couvrant le risque d'insolvabilité.

Les parties requérantes n'ont pas non plus correctement exposé les objectifs du législateur, dont le but était avant tout de venir en aide à la personne surendettée en lui permettant de sortir, dans un délai raisonnable, de sa situation financière critique et de retrouver sa place dans la société. Ainsi, il ne s'agit pas tant de lutter contre le surendettement comme tel mais contre l'exclusion sociale liée à la situation de surendettement. L'objectif premier du législateur n'est donc pas de sauvegarder l'intérêt des créanciers ni de répartir les sommes disponibles du débiteur entre eux mais bien d'améliorer la situation du surendetté et de lui permettre « de prendre un nouveau départ dans la vie ».

Enfin, l'assainissement du secteur du marché du crédit a été aussi un des objectifs poursuivis par le législateur, notamment par la « responsabilisation » de ce secteur.

Quant au moyen utilisé, on ne peut nier que, même s'il n'est pas le seul, le recours excessif au crédit constitue un élément particulier dans la problématique du surendettement : le marché du crédit est attirant, l'offre est provocante et les personnes en difficulté ont recours à l'emprunt pour vivre conformément aux normes « communes » de consommation ou pour payer des factures en retard.

C'est à juste titre que le législateur a entendu distinguer les dettes de crédit des autres dettes, dans la mesure où ces dernières (les dettes fiscales, sociales ou alimentaires notamment) relèvent d'obligations légales dans lesquelles le créancier n'a pas de pouvoir d'appréciation. Quant aux loyers, factures d'eau, de gaz et d'électricité, ils répondent à des obligations matérielles indispensables pour vivre conformément à la dignité humaine. C'est en ce sens aussi que la responsabilité des organismes de crédit dans la cause du surendettement est d'une tout autre nature.

A.3.7. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes estiment d'abord que l'ensemble des parties intervenantes lancent plusieurs affirmations polémiques qui ne sont étayées par aucune pièce ou aucun élément vérifiable.

Ensuite, tous les professionnels normalement prudents, et pas seulement les organismes de crédit, considèrent le risque d'insolvabilité du débiteur. Ainsi, les tarifs pratiqués par les fournisseurs d'eau, de gaz et d'électricité tiennent compte des risques évoqués plus haut. Même les dettes d'impôts et de sécurité sociale sont majorées d'intérêts de retard supérieurs au taux d'intérêt légal. Diverses catégories de créanciers privés, comme les bailleurs, bénéficient également de privilèges légaux.

Quant à la comparabilité des deux catégories de créanciers, le fait que des sujets de droit remplissent des fonctions sociales entièrement différentes ou soient régis par des règles distinctes ne les empêche pas de se trouver dans une situation comparable par rapport à la norme qui fait l'objet du recours en annulation. Ainsi, par son arrêt n° 75/97 du 17 décembre 1997, la Cour a décidé que s'il est vrai que l'Etat doit servir l'intérêt général alors que les particuliers peuvent se laisser guider par leur intérêt personnel, il n'en reste pas moins que, dans ses relations contractuelles en matière de travaux, fournitures et services, l'Etat se trouve, à certains égards, dans une situation comparable à celle des cocontractants particuliers.

Aucun des quatre éléments retenus par les trois premières parties intervenantes pour soutenir que les entreprises du secteur du crédit ne seraient pas comparables aux autres créanciers n'est fondé.

En faveur de l'idée selon laquelle la publicité agressive des entreprises de crédit serait à l'origine directe du surendettement, elles ne retiennent qu'un bref article d'une revue de consommateurs dont elles suggèrent une lecture incomplète.

On a montré plus haut que l'opinion selon laquelle les professionnels du crédit seraient les seuls à faire financer par l'ensemble des débiteurs les risques d'insolvabilité d'une partie de ceux-ci repose sur une prémisse qui est fausse.

L'argument qui se fonde sur le fait que les dispensateurs de crédit ont accès au fichier de la centrale des crédits aux particuliers de la Banque nationale omet de préciser que cette consultation permet uniquement de prendre connaissance des retards de paiement au sens strict défini par l'arrêté royal du 20 novembre 1992. En réalité, lorsque la consultation de ce fichier révèle des retards de paiement, cela se traduit, dans la majorité des cas, par le refus du nouveau crédit sollicité.

Quant à l'argument selon lequel les dispensateurs de crédit « occupent une place prépondérante dans le phénomène de surendettement », cette analyse se fonde sur une interprétation superficielle de quelques études statistiques fort lacunaires.

Les deux autres parties intervenantes invoquent qu'au regard du contenu de la norme attaquée, les dispensateurs de crédit ne seraient pas comparables aux autres créanciers, pour le motif que le nouvel article 1675/12 du Code judiciaire comporte une disposition qui ne s'applique qu'à ces seules entreprises.

Cette disposition purement technique n'affecte nullement la comparabilité des entreprises de crédit, d'une part, et des autres créanciers, d'autre part.

En ce qui concerne l'absence de justification raisonnable de la distinction critiquée, les mémoires des parties intervenantes laissent sans réponse plusieurs des arguments invoqués dans la requête en annulation et notamment le caractère lacunaire des études statistiques, le fait que la disposition attaquée ne se borne pas à imposer à certains acteurs économiques (en l'espèce, les entreprises de crédit) une charge « proportionnellement plus élevée » que celle qui pèse sur d'autres mais fait supporter par un seul secteur de l'économie la totalité du financement du Fonds de traitement du surendettement, le fait que la loi poursuit également comme objectif d'assurer une meilleure égalité entre les créanciers d'un non-commerçant et qu'au regard de ce second objectif, il n'y a aucune raison d'imposer un traitement dérogatoire au seul secteur du crédit, le fait que plusieurs autres méthodes de financement du coût de la médiation de dettes ont été envisagées au cours des travaux préparatoires.

Les trois premières parties intervenantes font valoir que les distributeurs de gaz et d'électricité participent à un fonds d'entraide spécifique. Cette circonstance pourrait, le cas échéant, justifier que les distributeurs de gaz et d'électricité soient exonérés de toute contribution aux honoraires des médiateurs de dettes. Elle ne justifie pas que les entreprises de crédit contribuent seules au Fonds de traitement du surendettement, à l'exclusion de tous les autres créanciers, publics ou privés.

Toutes les parties adverses admettent implicitement que la distinction entre les dispensateurs de crédit et les autres créanciers est injustifiable au regard des deux objectifs qui ont été rappelés. Aussi consacrent-elles l'essentiel de leurs développements à tenter de démontrer que cette distinction serait justifiée au regard d'un troisième objectif, celui « d'assainir le secteur du crédit », en « responsabilisant » les entreprises de ce secteur et en luttant contre les effets pervers « d'une publicité agressive » qui « exploite la crédulité et/ou le désarroi des consommateurs ». Or, il ne s'agit pas là d'un objectif poursuivi par la loi.

Surabondamment, même si la norme attaquée avait pour but d'assainir le secteur du crédit et de pénaliser les entreprises qui se livrent à une publicité agressive ou trompeuse, il existerait alors une inadéquation totale entre cet objectif et le moyen utilisé. En effet, le prélèvement imposé par l'article 20, § 2, de la loi aux entreprises qui se livrent à des opérations de crédit, est égal à un pourcentage du solde restant dû (au 31 décembre de l'année précédente) de tous les prêts et crédits visés par la loi : en conséquence, le prélèvement frappe au même titre les crédits dont la conclusion pourrait être la conséquence des méthodes publicitaires stigmatisées par les parties adverses et les crédits dont le caractère économiquement ou socialement justifié ne saurait être mis en cause et qui n'ont entraîné aucun surendettement du débiteur. Il n'y a donc aucune corrélation entre le mode de calcul du prélèvement et le comportement qu'il s'agirait, prétendument, de sanctionner.

Quant au second moyen d'annulation A.4.1. Le second moyen d'annulation soutient que l'article 20, § 2, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer, dans son texte en vigueur au jour de l'introduction de la requête en annulation, établit une discrimination, contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, entre les entreprises de crédit soumises à agrément, en application de l'article 74 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, et les entreprises relevant du droit d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, soumises à enregistrement, en vertu de l'article 75bis, § 1er, alinéa 4, de la même loi.

Cette disposition crée ainsi une discrimination non raisonnablement justifiée, au regard de l'objectif poursuivi par la loi précitée, entre deux catégories de créanciers, à savoir, d'une part, les entreprises de crédit à la consommation soumises à agrément, en vertu de l'article 74 de la loi précitée du 12 juin 1991, et, d'autre part, les établissements de crédit relevant du droit d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, lesquels, étant dispensés d'agrément par ledit article 74 de la loi du 12 juin 1991, sont, par voie de conséquence, dispensés de toute contribution au Fonds prévu par l'article 20 de la loi litigieuse. Cette discrimination doit entraîner l'annulation, non seulement du paragraphe 2 de la loi mais encore du paragraphe 3, qui lui est indissolublement lié.

Même si le fait que ces établissements soient exemptés de toute contribution au Fonds de traitement du surendettement n'a peut-être pas été voulu par le législateur mais résulte incontestablement de la référence, dans le libellé de l'article 20, § 2, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer, à l'article 74 de la loi du 12 juin 1991 et à l'absence de référence à l'article 75bis, § 1er, alinéa 4, de la même loi, l'exemption dont bénéficient ainsi les établissements de crédit relevant du droit d'un autre Etat membre de la Communauté européenne est dépourvue de toute justification objective et raisonnable et viole, en conséquence, les articles 10 et 11 de la Constitution.

A.4.2. Le Conseil des ministres, le Gouvernement wallon et l'a.s.b.l.

Union des villes et communes de Wallonie attirent l'attention de la Cour sur l'article 11 du projet de loi portant des dispositions budgétaires et diverses, adopté le 11 mars 1999 par la Chambre des représentants et le 22 avril 1999 par le Sénat, lequel énonce, en son paragraphe 1er, que : « § 1er. Au point 8, 3°, de la partie `32 - Affaires économiques' du tableau annexé à la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires, inséré par l'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer, les mots `agréée en application de l'article 74 de la même loi' sont remplacés par les mots `agréée ou enregistrée en application des articles 74 ou 75bis de la même loi'. » Le but de cette modification est d'assujettir les prêteurs étrangers enregistrés en application de l'article 75bis de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, aux mêmes obligations que les prêteurs en Belgique. Il n'existe, en effet, aucune raison de « ne pas faire contribuer au financement du Fonds de traitement du surendettement les prêteurs étrangers qui ont une activité en Belgique dans le cadre de la loi relative au crédit à la consommation et qui sont à ce titre enregistrés » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1937/1 et n° 1938/1, p. 4).

L'article 11 met, dès lors, le financement du Fonds à charge de l'ensemble des prêteurs professionnels, belges ou étrangers. Cette loi sera prochainement publiée au Moniteur belge.

Le moyen manque, en conséquence, en fait.

A.4.3. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes constatent que l'article 11 de la loi du 3 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/1999 pub. 04/05/1999 numac 1999021210 source services du premier ministre Loi portant des dispositions budgétaires et diverses fermer portant des dispositions budgétaires et diverses (Moniteur belge du 4 mai 1999) a modifié le texte de la disposition attaquée : depuis l'entrée en vigueur de cette loi, les établissements de crédit relevant du droit d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, soumis à enregistrement en vertu de l'article 75bis, § 1er, alinéa 4, précité de la loi du 12 juin 1991, sont soumis au prélèvement, au même titre que les établissements agréés en application de l'article 74.

Le législateur a ainsi reconnu le bien-fondé du second moyen d'annulation, en supprimant la discrimination qui était dénoncée par ce moyen. L'article 11 de la loi du 3 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/1999 pub. 04/05/1999 numac 1999021210 source services du premier ministre Loi portant des dispositions budgétaires et diverses fermer n'est pas une disposition interprétative ni rétroactive.

Néanmoins, la norme attaquée n'a encore reçu aucun effet, puisque le Roi n'a pas encore fixé, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, conformément à l'article 20, § 3, de la loi, le pourcentage du prélèvement au profit du Fonds de traitement du surendettement.

Le second moyen d'annulation est dès lors devenu sans intérêt à la suite de l'entrée en vigueur de l'article 11 de la loi du 3 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/1999 pub. 04/05/1999 numac 1999021210 source services du premier ministre Loi portant des dispositions budgétaires et diverses fermer. - B - Quant au fond B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 20, §§ 2 et 3, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis.

Cette disposition est ainsi rédigée : «

Art. 20.§ 1er. Il est créé un fonds de traitement du surendettement, lequel constitue un fonds budgétaire au sens de l'article 45 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées le 17 juillet 1991.

Les recettes affectées au fonds visé à l'alinéa premier, ainsi que les dépenses qui peuvent être effectuées à sa charge sont mentionnées en regard dudit fonds au tableau annexé à la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires. § 2. La partie `32 - Affaires économiques' du tableau annexé à la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires est complétée par les dispositions suivantes : `Dénomination du fonds budgétaire organique : 32-8.- Fonds de Traitement du Surendettement.

Nature des recettes affectées : Prélèvement annuel d'un pourcentage du solde restant dû au 31 décembre de l'année précédente, des opérations suivantes : 1° prêts ou ouvertures de crédit hypothécaires visés à l'article 1er de l'arrêté royal n° 225 du 7 janvier 1936 réglementant les prêts hypothécaires et organisant le contrôle des entreprises de prêts hypothécaires, effectués par une entreprise soumise au Titre II du même arrêté ou visée à l'article 65 du même arrêté;2° crédits hypothécaires visés aux articles 1er et 2 de la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire, effectués par une entreprise soumise au Titre II de la même loi;3° crédits à la consommation visés à l'article 1er, 4°, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, effectués par une personne physique ou morale agréée en application de l'article 74 de la même loi. Nature des dépenses autorisées : Paiement du solde resté impayé après application de l'article 1675/19, alinéa 2, du Code judiciaire, des honoraires, émoluments et frais des médiateurs de dettes, dus pour les prestations effectuées conformément aux dispositions de la Cinquième partie, Titre IV, du Code judiciaire. ' § 3. Le Roi fixe par arrêté délibéré en Conseil des ministres le pourcentage du solde restant dû des crédits visés au § 2, qui est prélevé au profit du Fonds, ainsi que les conditions et les modalités de perception des recettes affectées et de paiement des dépenses autorisées.

Il organise également la gestion du Fonds.

Le pourcentage prélevé ne peut excéder 0,5 pour dix mille du solde restant dû des crédits visés au § 2, 1° et 2°, et 2,5 pour dix mille du solde restant dû des crédits visés au § 2, 3°.

Le Roi exerce Ses pouvoirs sur la proposition conjointe des ministres ayant les Affaires économiques et la Justice dans leurs attributions. § 4. Pour obtenir l'intervention du Fonds de Traitement du Surendettement, les médiateurs de dettes lui communiquent le solde resté impayé après application de l'article 1675/19, alinéa 2, du Code judiciaire, de leurs honoraires, émoluments et frais, dus pour les prestations effectuées conformément aux dispositions de la Cinquième partie, Titre IV, du Code judiciaire. » Sur le premier moyen d'annulation B.2. Le premier moyen d'annulation est pris de la violation par les paragraphes 2 et 3 de l'article 20 précité des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que ces dispositions prévoient que le Fonds de traitement du surendettement créé en vue d'honorer, à titre subsidiaire, les médiateurs de dettes, est alimenté uniquement par un pourcentage prélevé du solde restant dû des opérations de crédit effectuées par les parties requérantes.

Celles-ci estiment que les organismes de crédit qui sont pourtant, selon elles, dans des situations comparables à tous les autres créanciers des personnes susceptibles de recourir à la médiation de dettes, sont traités différemment, sans motif raisonnable, par rapport aux derniers créanciers cités, puisqu'eux seuls doivent contribuer à l'alimentation du Fonds.

B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4.1. La procédure du règlement collectif de dettes instaurée par la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer a pour objectif principal de rétablir la situation financière d'un débiteur surendetté en lui permettant notamment, dans la mesure du possible, de payer ses dettes et en lui garantissant simultanément ainsi qu'à sa famille qu'ils pourront mener une vie conforme à la dignité humaine (article 1675/3, alinéa 3, du Code judiciaire inséré par l'article 2 de la loi précitée du 5 juillet 1998). La situation financière de la personne surendettée est globalisée et celle-ci est soustraite à la pression anarchique des créanciers grâce à l'intervention d'un médiateur de dettes, désigné aux termes de l'article 1675/6 nouveau du Code judiciaire par le juge qui aura, au préalable, statué sur l'admissibilité de la demande de règlement collectif de dettes. La décision d'admissibilité fait naître une situation de concours entre les créanciers et a pour effet la suspension du cours des intérêts et l'indisponibilité du patrimoine du requérant (article 1675/7 nouveau du Code judiciaire).

B.4.2. Le médiateur de dettes, qui peut être un avocat, un huissier, un notaire ou une institution publique (tel un C.P.A.S.) ou privée agréée à cet effet (article 1675/17 du Code judiciaire), est rétribué selon des règles et tarifs déterminés par le Roi. Les honoraires, émoluments et frais du médiateur sont à charge du débiteur et sont payés par préférence (article 1675/19).

B.5. Dans ce contexte, la disposition attaquée de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer institue un Fonds de traitement du surendettement, fonds budgétaire destiné à couvrir le solde restant dû des honoraires, émoluments et frais des médiateurs de dettes. Ce Fonds n'intervient donc qu'à titre subsidiaire si le débiteur ne peut pas payer les charges dues au médiateur. Ce Fonds est exclusivement alimenté par un pourcentage fixé par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres du solde dû des crédits définis dans le paragraphe 2 attaqué de la loi (prêts ou ouvertures de crédits hypothécaires, crédits à la consommation) et consentis par les organismes de crédit et des entreprises de prêts hypothécaires.

B.6. L'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer, dont les paragraphes 2 et 3 sont attaqués, trouve son origine dans un amendement parlementaire (amendement n° 83, Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1073/10) justifié notamment par la considération que le Fonds de traitement du surendettement et son financement relèvent « d'une logique de solidarité ou de mutualisation des risques au sein du secteur du crédit [ . ] » : « Il est normal que les coûts liés au traitement du surendettement soient, en partie tout au moins, incorporés dans le coût du crédit et ainsi socialisés.

Du traitement statistique de 866 questionnaires valablement complétés par les Centres de médiation de dettes de la Région wallonne entre le 1er octobre 1996 et le 31 mars 1997, l'Observatoire du Crédit et de l'Endettement conclut que les dettes de crédit représentent en moyenne 64,7 % de l'endettement total des ménages qui ont eu recours à ces centres agréés. Il s'agit des soldes restant dus au titre de crédits à la consommation et de crédits hypothécaires, exprimés en pourcentage de la somme totale des dettes de crédit et des dettes non bancaires (factures impayées de loyer, de gaz, d'électricité, d'eau, de téléphone, d'hôpital, ainsi que des dettes alimentaires et des dettes diverses).

Pour un dossier sur quatre, les dettes de crédit constituent la seule forme d'endettement des ménages; dans 29,9 % des cas, la part de l'endettement bancaire est comprise entre 81 et 99 % de la dette totale. » (ibid., pp. 5-6) Il résulte de la discussion de cet amendement que : « les créances de crédit se retrouvent dans tous les cas de surendettement, et ce dans des proportions élevées par rapport à la dette totale des personnes surendettées (voir les chiffres cités dans la justification de l'amendement).

Par ailleurs, les distributeurs d'énergie participent déjà au financement d'un système analogue mis en place par les Régions.

Pour le reste, il est impossible d'assujettir d'autres créanciers au financement d'un fonds (bailleurs, commerçants, particuliers, etc.) » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1073/11, pp. 124-125).

B.7. Les organismes de crédit et les entreprises de prêts hypothécaires constituent une catégorie de créanciers que l'on peut raisonnablement distinguer de l'ensemble des autres créanciers d'une personne surendettée. En tant qu'établissements pratiquant à titre commercial l'octroi de crédits et de prêts hypothécaires, ceux-ci dispensent des crédits en tant que professionnels qui doivent être agréés et selon des méthodes dont la qualité et la technicité font qu'on s'adresse de préférence à eux. Ainsi, contrairement à tous les autres créanciers d'une personne (bailleur, fournisseur d'eau, de gaz et d'électricité, créancier d'une pension alimentaire, commerçants divers) qui ne peuvent faire supporter par leurs autres débiteurs le risque d'insolvabilité d'un seul débiteur, il n'est pas contesté que les organismes requérants imposent à l'ensemble de leurs débiteurs des charges et des taux d'intérêt qui couvrent, notamment, le risque d'insolvabilité et les frais de récupération de l'ensemble de leurs créances, que les débiteurs honorent ou non dans les termes convenus les dettes qu'ils ont contractées. Contrairement aussi à tous les autres créanciers, les organismes requérants ont, précisément en raison de leur qualité de professionnels, accès au fichier de la centrale des crédits aux particuliers de la Banque nationale, ce qui leur permet de prendre connaissance des retards de paiement de leurs débiteurs éventuels et, par conséquent, de pouvoir en connaissance de cause leur refuser un nouveau crédit. Enfin, ils recourent, comme professionnels, à des techniques de publicité commerciale dont l'objectif est, par nature, d'encourager les consommateurs en quête d'une ouverture de crédit ou d'un prêt hypothécaire à s'adresser à eux.

B.8.1. Sans qu'il soit nécessaire d'apprécier le bien-fondé d'un des motifs avancés par le Conseil des ministres et les parties intervenantes, à savoir la nécessité d'assainir le secteur du crédit en le responsabilisant, la Cour constate que le législateur a pu raisonnablement considérer que le Fonds de traitement qu'il instituait en vue de pourvoir, à titre subsidiaire, au paiement des médiateurs de dettes chargés d'assurer la procédure du règlement collectif de dettes serait alimenté par une contribution versée par les seules entreprises professionnelles de crédit et de prêts hypothécaires. Non seulement, en effet, on ne voit pas comment on aurait pu techniquement, en raison de l'indétermination des autres créanciers mais aussi du caractère fluctuant de ces créances, faire contribuer les autres créanciers d'une personne surendettée à l'alimentation de ce Fonds, mais, en outre, le Rapport général de la Fondation Roi Baudouin (Rapport général sur la pauvreté, F.R.B., 1994), qui est à l'origine de nombreuses initiatives législatives, ainsi que les travaux préparatoires de la loi entreprise (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, nos 1073/1, 1073/11, p. 124, et 1074/1, p. 3) font apparaître le rôle important, même s'il n'est pas le seul, du crédit à la consommation dans le phénomène de surendettement, ce qui peut expliquer que le législateur ait fait peser sur les seuls organismes de crédit l'alimentation du Fonds chargé d'honorer les coûts liés aux médiations de dettes des personnes indigentes.

B.8.2. Enfin, il résulte du paragraphe 2 de l'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer relative au règlement collectif de dettes que le Fonds de traitement du surendettement n'intervient qu'à titre subsidiaire pour le paiement du solde resté impayé des honoraires, émoluments et frais des médiateurs de dettes. En outre, le paragraphe 3 de l'article 20 de la même loi prévoit que le pourcentage prélevé sur les organismes de crédit, que le Roi devra déterminer par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, ne peut excéder 0,5 pour dix mille du solde restant dû des crédits visés au paragraphe 2, 1° et 2°, et 2,5 pour dix mille du solde restant dû des crédits visés au paragraphe 2, 3°.

B.9. Compte tenu de l'objectif principal de la procédure du règlement collectif de dettes rappelé en B.4.1, d'abord, et compte tenu, aussi, du contexte dans lequel la disposition attaquée a été justifiée et adoptée (supra, B.5 et B.6), le législateur a pu raisonnablement se fonder sur la distinction entre les entreprises de crédit et les autres créanciers d'une personne surendettée pour ne faire supporter qu'aux premières la contribution au Fonds de traitement du surendettement.

Il résulte de ce qui précède que le premier moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen d'annulation B.10. Le second moyen d'annulation est pris de la violation par le paragraphe 2 de l'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer précitée des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il prévoit que les recettes affectées au Fonds de traitement du surendettement sont constituées par un prélèvement annuel d'un pourcentage du solde restant dû, au 31 décembre de l'année précédente, notamment des "crédits à la consommation visés à l'article 1er, 4°, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, effectués par une personne physique ou morale agréée en application de l'article 74 de la même loi ».

Les requérants estiment que cette disposition crée une discrimination non raisonnablement justifiée, au regard de l'objectif poursuivi par ladite loi, entre deux catégories de créanciers, à savoir, d'une part, les entreprises de crédit à la consommation soumises à agrément en vertu de l'article 74 de la loi précitée du 12 juin 1991 et, d'autre part, les établissements de crédit relevant du droit d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, lesquels, étant dispensés d'agrément par ledit article 74 de la loi du 12 juin 1991, sont, par voie de conséquence, dispensés de toute contribution au Fonds prévu par l'article 20 de la loi litigieuse. Cette discrimination devrait entraîner l'annulation, non seulement du paragraphe 2 de la loi mais encore du paragraphe 3 qui lui est indissolublement lié.

B.11. A l'instar des parties requérantes dans leur mémoire en réponse, la Cour constate que l'article 11 de la loi du 3 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/1999 pub. 04/05/1999 numac 1999021210 source services du premier ministre Loi portant des dispositions budgétaires et diverses fermer portant des dispositions budgétaires et diverses (Moniteur belge du 4 mai 1999) a modifié le texte de la disposition attaquée puisqu'il prévoit que les établissements de crédit relevant du droit d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, soumis à enregistrement en vertu de l'article 75bis, § 1er, alinéa 4, de la loi du 12 juin 1991, sont soumis au prélèvement au même titre que les établissements agréés en application de l'article 74. La différence de traitement dénoncée au second moyen a donc ainsi été supprimée par le législateur.

B.12. Même si l'article 11 de la loi du 3 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/1999 pub. 04/05/1999 numac 1999021210 source services du premier ministre Loi portant des dispositions budgétaires et diverses fermer n'a pas de portée rétroactive, compte tenu du fait que le paragraphe 2 attaqué de l'article 20 de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer n'a encore reçu aucun effet à défaut de l'arrêté royal délibéré en Conseil des ministres pour déterminer le montant du prélèvement au profit du Fonds de traitement du surendettement, le second moyen n'a plus d'objet.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 23 février 2000.

Le greffier f.f., B. Renauld.

Le président, M. Melchior.

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