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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 19 juin 1999

Arrêt n° 32/99 du 17 mars 1999 Numéro du rôle : 1264 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession, posées par le Tribunal de première instance de Bruxelles. La Cour d'arbitra composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets,(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 32/99 du 17 mars 1999 Numéro du rôle : 1264 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession, posées par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 18 décembre 1997 en cause de C. Docquier-Ferier contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 décembre 1997, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession, qui dispose qu'une amende d'omission est due et égale au double des droits éludés, est-il contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution et crée-t-il une discrimination en ce qu'il n'assortit cette pénalité d'aucun recours effectif devant un juge offrant les garanties requises par la Convention européenne des droits de l'homme, alors que cette pénalité [a] la nature, le caractère et la coloration pénale suffisante pour l'intégrer dans le champ d'application de cette Convention ? 2. L'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession, qui dispose qu'une amende d'omission est due et égale au double des droits éludés, est-il contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution et crée-t-il une discrimination non justifiée au regard de l'objectif à atteindre, par rapport aux amendes correctionnelles en ce qu'il n'assortit cette pénalité d'aucun recours effectif devant un tribunal relevant du pouvoir judiciaire, même si cette pénalité n'a pas la nature, le caractère et la coloration pénale suffisante pour l'intégrer dans le champ d'application de la Convention visée à la question 1 ? » II.Les faits et la procédure antérieure C. Docquier-Ferier poursuit devant le juge des saisies du Tribunal de première instance de Bruxelles la levée d'une saisie-arrêt conservatoire accomplie le 9 octobre 1996 à la requête de l'Etat belge, partie défenderesse.

La demanderesse a recueilli la succession de N. Bamps décédée le 2 juin 1993. Elle a déposé le 24 février 1994 une déclaration de succession complétée de plusieurs déclarations rectificatives, documents que la partie défenderesse tient pour inexacts. Ceci conduisit la partie défenderesse à dresser, le 23 septembre 1996, une contrainte faisant de la demanderesse la débitrice de 19.665.520 francs de droits de succession et de 39.331.040 francs à titre d'amende pour omission de divers éléments d'actif mobilier (essentiellement des titres).

La contrainte a été rendue exécutoire le lendemain et a servi de fondement à la saisie litigieuse. La demanderesse y a fait opposition et cette cause est pendante devant le Tribunal de première instance de Liège.

Dans les deuxièmes conclusions additionnelles qu'elle a déposées devant le juge des saisies du Tribunal de première instance de Bruxelles, la partie demanderesse, considérant que les amendes portées par l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession ont un caractère pénal, a sollicité du juge qu'il pose une question préjudicielle relative à la compatibilité de cette disposition avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette pénalité n'est pas prononcée par un tribunal et n'est pas assortie des garanties de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le juge des saisies a considéré qu'il fallait faire droit à cette demande et a, d'office, soulevé une seconde question relative au même article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession, dans l'hypothèse où on ne reconnaîtrait pas aux amendes susdites le caractère de pénalité leur permettant d'être intégrées dans le champ de protection de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 24 décembre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 3 mars 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 11 mars 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - C. Docquier-Ferier, demeurant à 5374 Maffe, rue Fontena 4, par lettre recommandée à la poste le 6 avril 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, et le receveur du bureau de l'enregistrement de Liège 6, boulevard de la Sauvenière 90/92, 4000 Liège, par lettre recommandée à la poste le 10 avril 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 4 mai 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 29 mai 1998; - C. Docquier-Ferier, par lettre recommandée à la poste le 2 juin 1998.

Par ordonnances du 27 mai 1998 et du 26 novembre 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 24 décembre 1998 et 24 juin 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 18 novembre 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 9 décembre 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 19 novembre 1998.

A l'audience publique du 9 décembre 1998 : - ont comparu : . Me N. Pirotte, avocat au barreau de Liège, pour C. Docquier-Ferier; . Me F. Collon, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres et pour le receveur du bureau de l'enregistrement de Liège 6; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Mémoire de C. Docquier-Ferier A.1.1. L'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession viole les règles d'égalité et de proportionnalité des moyens par rapport aux objectifs, en ce qu'à l'encontre des amendes pénales, un recours de pleine juridiction est organisé alors que ce recours n'existe pas à l'encontre de l'amende administrative en cause, ce qui est une discrimination injustifiée, sans fondement objectif et raisonnable; en outre, l'amende en cause peut atteindre des montants tels qu'elle est loin de constituer un « rappel à l'ordre », mais est en réalité une peine, vis-à-vis de laquelle un recours de pleine juridiction devrait exister.

A.1.2. Deux différences de traitement peuvent résulter de ce qu'il est fait application, lorsqu'un légataire omet de déclarer un élément d'actif de succession, de l'article 133 du Code des droits de succession ou de l'article 126, alinéa 2, du même Code. Soit le légataire peut se voir infliger une amende pénale prononcée par le tribunal correctionnel après un débat contradictoire et sous réserve d'appel, l'amende pouvant s'élever de 10.000 à 500.000 francs. Soit, et pour la même infraction, la même personne peut devoir encourir une amende égale au double des droits éludés infligée automatiquement et unilatéralement par l'administration sans autre recours qu'un recours interne auprès du ministre des Finances, dont l'appréciation est souveraine.

A.1.3. L'amende fiscale et l'amende pénale sont pourtant comparables : toutes les deux, en effet, poursuivent quatre objets identiques.

Toutes les deux s'adressent à la généralité des citoyens en leur qualité de légataires. Dans les deux cas, l'amende infligée a un caractère répressif (et pas réparateur). L'une et l'autre ont aussi un but préventif. Enfin, elles sont d'une ampleur considérable : le défaut de paiement d'une amende pénale expose le contribuable à la contrainte par corps; le défaut de paiement d'une amende fiscale peut amener le contribuable à devoir payer trois fois l'impôt dû.

A.1.4. On chercherait en vain un critère objectif à cette différence de traitement. Or, le régime juridique applicable à l'amende d'omission n'offre pas les mêmes garanties procédurales de débat contradictoire.

Dans un arrêt du 18 novembre 1992, la Cour a considéré que les garanties qui résultent des principes généraux du droit pénal s'imposent au législateur et s'appliquent indépendamment de la qualification de « pénales » ou de « non pénales » que la loi donne aux mesures répressives qu'elle prescrit.

Ensuite, il faut constater que le montant de l'amende d'omission est sans proportionnalité par rapport au but visé, d'autant plus qu'en l'absence de recours, le contribuable ne peut, contrairement à celui qui est condamné pénalement, obtenir de réduction. Il faut rappeler en cette matière les deux arrêts prononcés par la Cour le 14 juillet 1997 toujours relativement à la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales.

Mémoire du Conseil des ministres A.2.1. Contrairement aux considérations du jugement a quo, les sanctions prévues à l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante, selon laquelle cette disposition n'est pas applicable aux droits et obligations d'origine fiscale.

A.2.2. D'abord, la sanction administrative n'est pas de même nature que la sanction pénale. La première est encourue d'office par le fait même de la non-exécution de l'obligation, sans recours préalable au juge. En principe, les règles du droit pénal ne lui sont pas applicables, notamment celles qui concernent le caractère personnel de la peine, l'imputabilité de l'infraction, le cumul des peines ou la récidive.

A.2.3. Ensuite, il est inexact d'affirmer qu'il n'existe aucun recours judiciaire à l'encontre des amendes administratives. L'article 131 du Code des droits de succession prévoit en effet un contrôle judiciaire de la légalité de l'amende administrative, mais pas, il est vrai, de recours de pleine juridiction. Ceci étant, il n'est pas possible de soutenir que l'amende administrative présenterait de manière systématique une importance telle qu'elle revêtirait une coloration pénale qui la ferait entrer dans le champ d'application de la Convention européenne des droits de l'homme. Si l'amende administrative paraît revêtir une ampleur considérable, c'est parce que le législateur a expressément voulu prévenir la fraude par une sanction dissuasive et réparer le préjudice subi par la collectivité.

Ces deux aspects ne peuvent résulter que des caractères à la fois automatique et directement proportionnel à l'ampleur de la fraude elle-même.

A.2.4. Enfin, la différence de traitement réservée au contribuable auquel seule une amende administrative est réclamée repose sur un critère objectif et raisonnable. Les amendes administratives peuvent, en effet, être réclamées pour des faits qui ne sont pas passibles d'une sanction pénale. Elles peuvent aussi être réclamées en dehors de toute poursuite pénale. Enfin, la réclamation d'une amende administrative n'est pas fonction de la gravité de l'infraction.

Par ailleurs, l'objectif poursuivi par le législateur est lui aussi légitime en ce que, d'une part, il évite l'encombrement des tribunaux correctionnels et en ce que, d'autre part, il épargne au contrevenant les inconvénients de la comparution devant une juridiction répressive.

Mémoire en réponse de C. Docquier-Ferier A.3.1. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, le postulat du jugement a quo n'est pas unique puisqu'il formule deux questions selon que l'on considère que l'amende d'omission revêt ou non un caractère pénal.

A.3.2. La Cour de cassation a estimé que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme pourrait être applicable à une procédure fiscale si celle-ci pouvait aboutir à prononcer une sanction procédant d'une accusation en matière pénale. Or, c'est le cas en ce qui concerne l'amende d'omission.

A.3.3. Dès lors que l'amende fiscale est une peine, elle est susceptible de se cumuler avec les peines correctionnelles visées à l'article 133 du Code des droits de succession lorsque l'intention de nuire est établie. Il y aurait dès lors violation du principe de non-cumul des peines.

A.3.4. Quant aux prétendus avantages de l'amende fiscale, ils sont purement théoriques. En effet, elle est systématiquement réclamée, de manière unilatérale, certes proportionnelle à la gravité de l'infraction, mais pouvant néanmoins atteindre des montants tels que l'atteinte au patrimoine est plus pénalisante que ne sont avantageuses l'absence de comparution personnelle devant une juridiction répressive et l'absence d'inscription au casier judiciaire.

A.3.5. La différence de traitement constitutive de la discrimination dénoncée vise une situation radicalement autre que celle exposée par le Conseil des ministres. Elle n'est pas issue d'une différence de régime de répression entre la contravention simple et la fraude caractérisée mais de la situation où, pour une même infraction, une même personne héritière puisse se voir infliger une amende pénale prononcée par le tribunal correctionnel après un débat mené par le ministère public et sous réserve d'appel alors que, pour la même infraction, cette même personne devrait encourir une amende égale au double des droits éludés infligée automatiquement et unilatéralement par l'administration et sans recours autre qu'un recours interne auprès du ministre des Finances, dont l'appréciation est souveraine.

Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.4.1. Contrairement aux considérations du jugement a quo, il faut rappeler qu'il n'y a pas de contradiction entre les articles 126, 131 et 142 du Code des droits de succession. Un recours judiciaire qui porte sur la légalité de l'amende existe (article 131 du Code des droits de succession) qui ne se confond pas avec le recours en grâce organisé par l'article 141. - B - Quant aux dispositions en cause B.1. Les questions préjudicielles concernent l'article 126 du Code des droits de succession. Dans la motivation du jugement, il est aussi fait référence à l'article 141 du même Code.

B.2. L'article 126 du Code des droits de succession, qui figure dans la section Ire, Amendes fiscales, du chapitre XIII, Pénalités, est libellé comme suit : « L'héritier, légataire ou donataire qui a omis de déclarer des immeubles situés en Belgique ou des rentes et créances inscrites dans les registres tenus en Belgique par les conservateurs des hypothèques acquitte, outre les droits, une somme égale à titre d'amende.

Lorsque l'omission porte sur d'autres biens, l'amende est égale à deux fois les droits. » B.3. L'article 141 du Code des droits de succession, qui figure dans le chapitre XVI, Poursuites et instances, dispose : « La solution des difficultés qui peuvent s'élever relativement à la perception des droits de succession et de mutation par décès avant l'introduction des instances appartient au Ministre des finances.

Il statue sur les réclamations ayant pour objet la remise des amendes fiscales et conclut les transactions avec les contribuables, pourvu qu'elles n'impliquent pas exemption ou modération d'impôt.

Dans les limites prévues par la loi, le montant des amendes fiscales proportionnelles prévues par le présent Code ou par les arrêtés pris pour son exécution est fixé selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi. » Sur les deux questions préjudicielles réunies B.4. Les deux questions préjudicielles concernent l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession. Le juge des saisies interroge la Cour afin de savoir s'il est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou combinés avec la Convention européenne des droits de l'homme de considérer que l'amende d'omission prévue par la disposition précitée et qui peut être égale au double du droit éludé soit due sans qu'existe aucun recours effectif devant un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction, comme en matière d'amende correctionnelle.

B.5. L'amende d'omission visée à l'article 126 du Code des droits de succession a été explicitement conçue par le législateur comme une amende administrative fiscale puisqu'elle figure dans une section Ire, Amendes fiscales, du chapitre XIII, Pénalités, du Code des droits de succession distincte d'une section II, Peines correctionnelles, du même chapitre.

L'amende d'omission peut s'élever jusqu'à un taux maximal égal au double du montant des droits éludés.

En vertu de l'article 141, alinéa 2, du Code des droits de succession, le ministre des Finances statue sur les réclamations ayant pour objet la remise des amendes fiscales et conclut les transactions avec les redevables, pourvu qu'elles n'impliquent pas exemption ou modération d'impôt.

En exécution de l'article 141, alinéa 3, du Code précité, le Roi a établi une échelle des réductions des amendes fiscales proportionnelles, par l'arrêté royal du 15 mars 1993, inséré comme annexe 1 de l'arrêté royal du 31 mars 1936 portant règlement général des droits de succession.

B.6. L'amende d'omission est encourue d'office de par la simple constatation par l'administration que l'obligation de déclaration prévue par l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession n'a pas été respectée. La preuve de l'existence d'un élément moral n'est pas requise; l'amende ne s'efface pas à la mort du contrevenant et elle est transmissible aux héritiers. Elle est applicable aux personnes morales.

B.7. L'amende d'omission prévue à l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession a pour objet de prévenir et de sanctionner les infractions commises par tous les héritiers, légataires ou donataires, sans distinction aucune, qui ne respectent pas l'obligation de déclaration prévue par cette disposition. Elle a un caractère essentiellement répressif.

B.8. Le législateur peut confier au fisc la tâche de poursuivre les infractions fiscales et de les réprimer. Il peut également imposer des peines particulièrement lourdes dans des secteurs où l'importance de la fraude porte gravement atteinte aux intérêts de la collectivité.

Rien ne lui interdit, pour des raisons d'efficacité, de confier au ministre des Finances la tâche de poursuivre les infractions au Code des droits de succession, de lui donner la compétence de statuer sur les demandes de remises et de lui permettre de conclure des transactions.

Il convient cependant d'examiner si le système mis en place par le législateur n'aboutit pas à priver, de manière discriminatoire, une catégorie de personnes du droit à un recours juridictionnel effectif, garanti tant par un principe général de droit que par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.9. Lorsque le fonctionnaire chargé du recouvrement a décerné une contrainte portant sur le paiement de l'amende d'omission, il en est donné notification à l'intéressé. La contrainte peut être levée par une opposition motivée formée par le redevable devant le tribunal de première instance dans le ressort duquel est situé le bureau du fonctionnaire taxateur. Cette même contrainte, rendue exécutoire, peut servir aussi de fondement à une saisie conservatoire opérée par l'administration sur les biens du redevable.

Le tribunal ainsi que le juge des saisies, comme en l'espèce le juge a quo qui statue, aux termes de l'article 1420 du Code judiciaire, sur une demande de mainlevée de la saisie conservatoire, doivent vérifier si les faits qui motivent cette amende - ou en l'espèce la saisie conservatoire opérée sur les biens - sont prouvés et contrôler la légalité de la décision attaquée, mais ils ne peuvent, dans l'interprétation que donne le juge a quo de l'article 126 du Code des droits de succession, exercer sur la décision administrative contestée un contrôle de pleine juridiction.

B.10. Dans cette interprétation, les héritiers, légataires ou donataires frappés d'une amende administrative d'omission en matière de droits de succession sont privés du recours leur permettant de faire contrôler par un juge si une décision administrative à caractère répressif est justifiée en fait et en droit et si elle respecte les dispositions législatives et les principes généraux qui s'imposent à l'administration, parmi lesquels le principe de proportionnalité.

Une telle différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée.

Il appartient au législateur d'apprécier s'il y a lieu de contraindre l'administration et le juge à la sévérité quand une infraction nuit particulièrement à l'intérêt général. Mais s'il estime devoir permettre à l'administration de moduler l'importance de la sanction, rien de ce qui relève de l'appréciation de l'administration ne doit pouvoir échapper au contrôle du juge.

B.11. La Cour observe toutefois que le texte des dispositions soumises à son contrôle ne s'oppose pas à ce que le juge saisi d'une opposition à contrainte ou le juge des saisies saisi d'une demande de levée d'une saisie conservatoire, exercent une compétence de pleine juridiction leur permettant de contrôler ce qui relève de l'appréciation de l'administration en matière d'amende fiscale. Dans cette interprétation, il n'y a pas de discrimination.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Interprété comme n'autorisant pas le juge, saisi d'une opposition à contrainte ou d'une demande de levée d'une saisie conservatoire fondée sur pareille contrainte, à exercer sur la décision d'infliger une amende fiscale d'omission un contrôle de pleine juridiction, l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - Interprété comme autorisant le juge saisi d'une opposition à contrainte ou d'une demande de levée d'une saisie conservatoire fondée sur pareille contrainte, à exercer sur la décision d'infliger une amende fiscale d'omission un contrôle de pleine juridiction, l'article 126, alinéa 2, du Code des droits de succession ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 mars 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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