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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 19 novembre 1998

Arrêt n° 110/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1168 En cause : le recours en annulation de l'article 31, § 2, du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à l'enseignement fondamental, introduit par J. Mys et autre La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges L. Françoi(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 110/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1168 En cause : le recours en annulation de l'article 31, § 2, du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à l'enseignement fondamental, introduit par J. Mys et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 octobre 1997 et parvenue au greffe le 17 octobre 1997, un recours en annulation a été introduit contre l'article 31, § 2, du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à l'enseignement fondamental (publié au Moniteur belge du 17 avril 1997), pour cause de violation de l'article 24 de la Constitution, par J. Mys, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de son enfant mineure Sabrina, demeurant à 9290 Berlare-Overmere, Schoolstraat 3, par M. Van Accoleyen, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de son enfant mineure Sabrina, demeurant à 9290 Berlare-Overmere, Schoolstraat 3, par H. De Saedeleer, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de ses enfants mineures Jennifer en Jessica, demeurant à 9290 Berlare-Overmere, Pastoor Pennestraat 42, par R. Thys, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de ses enfants mineures Jennifer en Jessica, demeurant à 9290 Berlare-Overmere, Pastoor Pennestraat 42, par M. Beulen, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de ses enfants mineurs Anouk en Jarryo, demeurant à 2242 Pulderbos, Moerstraat 20, par V. Luwael, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de son enfant mineur Gregory, demeurant à 9290 Berlare, Daelvenne 9, par J. Schreurs, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de son enfant mineure Danielle, demeurant à 9290 Berlare, Dorp 39, par P. De Spiegeleer, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de son enfant mineure Annelien, demeurant à 9290 Berlare, Schriekenstraat 60, par E. D'Hollander, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de son enfant mineure Annelien, demeurant à 9290 Berlare, Schriekenstraat 60, et par M. Valck, en son nom propre et en sa qualité de parent et au nom de son enfant mineur Gilles, demeurant à 9290 Berlare, Hoogstraat 31.

II. La procédure Par ordonnance du 17 octobre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 28 octobre 1997, le président L. De Grève a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 novembre 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 29 novembre 1997.

Par ordonnance du 5 janvier 1998, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai d'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Gouvernement flamand du 31 décembre 1997.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand par lettre recommandée à la poste le 7 janvier 1998.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 19 janvier 1998.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 4 février 1998.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 9 mars 1998.

Par ordonnances des 25 mars 1998 et 29 septembre 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 16 octobre 1998 et 16 avril 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a décidé que l'affaire serait traitée par le siège originaire.

Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 30 septembre 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998.

A l'audience publique du 30 septembre 1998 : - ont comparu : . Me F. Tulkens et Me E. Janssens, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me P. De Somere loco Me P. Devers, avocats au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Requête A.1.1. Selon la première branche du moyen, la disposition attaquée viole l'article 24, § 1er, alinéa 2, de la Constitution, l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

A.1.2. La liberté d'enseignement, dans son sens actif, inclut la liberté d'enseigner, à titre individuel ou au sein d'une organisation, ainsi que la liberté d'ouvrir et d'organiser une école. Cette liberté doit s'exercer dans le respect de l'article 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Un établissement d'enseignement qui refuserait des élèves en raison de leur sexe ou de leur appartenance à une population ou à un groupement ethnique ou religieux déterminé ne saurait préparer un enfant à assumer ses responsabilités au sein d'une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre les personnes autochtones et tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux.

En ne précisant pas suffisamment les critères selon lesquels une autorité scolaire de l'enseignement libre subventionné peut exercer son droit de refus, le législateur décrétal a méconnu une obligation que lui impose le droit international.

A.1.3. La disposition attaquée fait prévaloir la liberté d'enseignement dans sa signification active sur la liberté d'enseignement passive, qui est la liberté qu'ont les parents et les élèves de choisir l'enseignement correspondant à leurs opinions, choix et prédispositions, liberté de choix qui ne concerne pas seulement les opinions philosophiques ou politiques mais qui peut porter sur tout autre aspect, tel que la méthode, la situation ou l'établissement d'enseignement.

En usant de critères de refus vagues, la disposition attaquée vide la liberté de choix des parents de son sens et ouvre la porte à des interprétations divergentes faisant fi des droits essentiels de catégories protégées.

A.1.4. L'article 24, § 1er, de la Constitution doit en outre être lu conjointement avec l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, chaque Etat contractant doit veiller à ce que tous les enfants puissent exercer leur droit à l'enseignement et l'Etat contractant ne saurait se soustraire à cette obligation en déléguant ses engagements à des personnes physiques ou morales privées. En effet, le droit à l'enseignement vaut tant pour les élèves des écoles privées que pour ceux des écoles publiques (Cour eur. D.H., 7 décembre 1976, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, Publ. Cour, Série A, vol. 247-C).

Il faut encore ajouter que les Etats contractants ont l'obligation de garantir un droit d'accès aux établissements scolaires existants (Cour eur. D.H., 23 juillet 1968, Publ. Cour, Série A, vol. 6, § 3).

A.2.1. Selon la deuxième branche du moyen, la disposition attaquée viole l'article 24, § 3, de la Constitution, les articles 5 et 7 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l'article 10 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et l'article 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

A.2.2. En vertu de l'article 24, § 3, de la Constitution, le droit à l'instruction doit s'accompagner du respect des libertés et droits fondamentaux. Le législateur décrétal a l'obligation de garantir le respect de ceux-ci et de prévenir autant que possible d'éventuelles atteintes à ces droits et libertés.

On ne trouve toutefois nulle part, dans l'exposé des motifs de la disposition litigieuse, une définition de ce qu'il faut entendre par « critères incorrects qui compromettent la dignité humaine », de sorte que ce sont les établissements de l'enseignement libre subventionné eux-mêmes qui définissent ces critères, fût-ce avec un droit de contrôle limité du pouvoir judiciaire. Des critères de refus vagues permettent de refuser les élèves sur la base de la nationalité, de la religion, du sexe, de la race.

A.2.3. Conformément à l'article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les Etats parties s'engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à l'égalité devant la loi, sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique, et en particulier (sous le littera e, v) en ce qui concerne le droit à l'éducation et à la formation professionnelle. L'article 7 de cette même Convention oblige les Etats parties à prendre des mesures immédiates et efficaces, notamment dans le domaine de l'enseignement, pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale et favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre nations et groupes raciaux et ethniques.

Chaque Etat partie s'est engagé, conformément à l'article 2, a), de la Convention précitée, à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation. L'autorité compétente a par conséquent l'obligation de garantir que l'enseignement libre subventionné, qui est un « service public fonctionnel », s'abstienne de toute discrimination.

A.2.4. L'article 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant oblige le législateur décrétal à exclure toute discrimination et confirme le droit fondamental de chaque enfant d'être protégé contre toute discrimination éventuelle de la part de l'autorité ou de toute institution qui dépend de celle-ci.

A.2.5. L'article 10 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes impose à la Belgique de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes, afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l'éducation.

A.2.6. En définissant de manière imprécise les motifs possibles de refus d'un élève, le législateur décrétal méconnaît les obligations internationales que la Belgique a contractées, ce qui a pour conséquence qu'une atteinte aux libertés et droits fondamentaux de l'individu n'est pas exclue.

A.3.1. Selon la troisième branche du moyen, la disposition attaquée viole l'article 24, § 4, de la Constitution.

A.3.2. Il est un fait que les établissements de l'enseignement libre conservent une certaine marge de liberté contractuelle, mais cette liberté n'est pas sans limite. En effet, on ne peut perdre de vue que ces établissements sont associés dans une large mesure à la mission qui incombe à l'autorité en matière d'enseignement et qu'ils collaborent à un service d'intérêt général. Il s'ensuit que l'enseignement libre subventionné ne peut lui non plus se rendre coupable de refus d'élèves sur la base de critères arbitraires ou discriminatoires.

A.3.3. La disposition attaquée est contraire au principe d'égalité formulé à l'article 24, § 4, de la Constitution, parce que le législateur n'en démontre ni la pertinence ni la proportionnalité par rapport à l'objectif poursuivi. La distinction entre les réseaux d'enseignement officiel et libre ne saurait justifier la violation du principe d'égalité qui résulte de l'établissement de conditions d'accès différentes.

A.4. Selon la quatrième branche du moyen, la disposition attaquée viole l'article 24, §§ 3 et 4, de la Constitution.

L'utilisation de critères vagues génère une insécurité juridique au détriment de ceux qui doivent pouvoir invoquer l'existence de droits clairement définis en vue de bénéficier d'une protection juridique effective lorsque leur inscription est refusée.

Mémoire du Gouvernement flamand A.5.1. Les parties requérantes sont des parents d'élèves de l'enseignement fondamental communautaire ou officiel subventionné ainsi que les élèves eux-mêmes, représentés par leurs parents. Etant donné que la disposition attaquée ne leur est pas applicable et qu'il n'est pas certain que ce soit un jour le cas, elles ne justifient pas de l'intérêt requis en droit. C'est seulement dans l'hypothèse où les parties requérantes souhaiteraient s'inscrire dans l'enseignement fondamental libre subventionné qu'elles auraient un intérêt à l'annulation de la disposition attaquée. Elles n'ont toutefois pas émis ce souhait.

A.5.2. S'agissant du traitement différent de l'enseignement communautaire et officiel subventionné et de l'enseignement libre subventionné en ce qui concerne les critères de refus, l'intérêt des parties requérantes n'est pas personnel et direct. Il n'appartient pas à celles-ci de s'attribuer l'intérêt de l'ensemble de l'enseignement communautaire ou officiel subventionné ou de certaines directions d'écoles.

A.5.3. Enfin, les requérants n'ont aucun intérêt à l'annulation de l'alinéa 2 de la disposition attaquée, parce que cette annulation aurait pour conséquence que le droit de refus des autorités scolaires de l'enseignement fondamental libre subventionné serait soumis à des conditions moins strictes.

A.6.1. Les articles 5, littera e, v, et 7 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et l'article 10 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes doivent être laissés en dehors des débats. En effet, ces articles obligent seulement les Etats parties à prendre toutes « les mesures utiles », de sorte que, sans mesure d'exécution concrète, ils ne peuvent être appliqués dans l'ordre juridique interne.

A.6.2. L'article 2 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme n'ajoute rien aux garanties offertes par l'article 24 de la Constitution. Etant donné que les parties requérantes ne puisent dans cet article de la Convention aucun argument nouveau, cet article doit également être écarté des débats.

A.6.3. L'article 2, paragraphe 2, de la Convention relative aux droits de l'enfant n'a pas d'effet direct. Le paragraphe premier de cet article n'exprime qu'une modalité des droits définis par cette Convention et n'a pas d'existence autonome.

A.7.1. Le législateur décrétal était placé devant des droits fondamentaux contradictoires : la liberté active d'enseignement, la liberté passive qui en est dérivée et le principe d'égalité et de non-discrimination. En limitant la liberté de refus des autorités scolaires de l'enseignement fondamental libre subventionné par le biais de la figure juridique d'un abus de droit modalisé, le législateur décrétal a tout à la fois laissé une marge d'appréciation au juge et lié la liberté active d'enseignement du secteur privé à ses objectifs.

A.7.2. Examinés dans la perspective de l'abus de droit, les critères de refus que le décret interdit ne sont ni vagues ni arbitraires ou générateurs d'insécurité juridique. Le législateur décrétal a procédé à une minutieuse mise en balance des intérêts, en ayant en vue tous les droits fondamentaux en cause. Une limitation plus stricte de la liberté de refus, qui conduirait à ce que l'autorité scolaire soit obligée d'accepter l'inscription d'élèves qu'elle ne souhaite pas admettre, en raison de son projet pédagogique ou pour des raisons philosophiques, peut mettre en péril la liberté passive d'enseignement des parents des autres élèves de cette même école.

A.7.3. La disposition attaquée ne viole donc pas l'article 24, §§ 1er et 4, de la Constitution. L'article 24, § 3, de la Constitution n'ajoute rien à l'article 24, § 1er, de celle-ci, sur le plan visé par les parties requérantes.

A.8.1. Pour le Gouvernement flamand, l'article 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant et l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dont la violation est invoquée en combinaison avec celle de l'article 24, § 1er, de la Constitution, n'ont pas d'effet direct. Même s'ils avaient un effet direct, cela ne signifierait pas qu'ils auraient également un effet horizontal et, même s'ils avaient un effet horizontal, celui-ci serait tout au plus indirect. La figure de l'abus de droit constitue pour cela un moyen de contrôle approprié.

A.8.2. Par ailleurs, les dispositions conventionnelles invoquées par les parties requérantes concernent (l'accès à) l'enseignement et non l'accès à une école déterminée dans un réseau déterminé.

A.8.3. Les dispositions conventionnelles invoquées n'ajoutent donc rien aux dispositions constitutionnelles internes puisque - même en cas d'effet direct et d'effet horizontal indirect - « elles autorisent la solution qu'a retenue le législateur décrétal, d'un équilibre entre les droits fondamentaux, et donc la règle décrétale adoptée conformément à cette solution ».

Mémoire en réponse des parties requérantes A.9.1. Pour justifier de l'intérêt requis en droit, il n'est pas exigé que la norme attaquée soit directement appliquée aux parties requérantes. Il suffit qu'elles disposent encore de la possibilité de demander leur inscription ou celle de leur enfant dans un établissement d'enseignement libre subventionné et que cette inscription puisse être refusée.

A.9.2. En tant qu'élèves de l'enseignement fondamental ou en tant que parents de ces élèves, les parties requérantes ont un intérêt personnel à ce que soit annulée la faculté, pour les établissements d'enseignement libre subventionnés, de refuser l'inscription sur la base de critères vagues. Le lien individualisé entre les parties requérantes et la disposition attaquée résulte de la qualité d'élève ou de parent d'élève de l'enseignement fondamental qui bénéficient de la liberté de choix garantie par la Constitution.

A.9.3. Le caractère direct de l'intérêt ressort de ce que l'annulation de la disposition attaquée évite que les parties requérantes soient refusées sur la base de critères qui seraient qualifiés, par l'établissement d'enseignement concerné, comme corrects et ne compromettant pas la dignité humaine.

A.10.1. A l'article 24, § 1er, de la Constitution, le Constituant n'a pas préféré la liberté d'enseignement active à la liberté d'enseignement passive. Lorsqu'apparaît un conflit entre le droit fondamental des individus à la création et à l'organisation d'établissements d'enseignement et le droit individuel d'un élève à l'instruction, il convient de faire prévaloir ce dernier.

A.10.2. Le droit à l'instruction suppose que l'on dispose d'un réseau d'enseignement et que l'on ait accès à celui-ci. Lorsque le législateur décrétal se borne à indiquer des critères vagues, de sérieuses restrictions à la disponibilité et à l'accessibilité de l'enseignement libre subventionné sont tolérées par l'autorité. Le risque existe ainsi que des enfants qui ne s'adaptent pas au modèle pédagogique ou ne conviennent pas à l'image de l'école ne trouvent pas d'établissement qui réponde à leurs voeux et qui soit prêt à offrir le droit à l'enseignement fondamental garanti par la Constitution.

A.10.3. Lorsque l'on s'abstient d'exiger la légalité des motifs de refus, au profit de critères aussi vagues que « l'incorrection » ou « le fait de compromettre la dignité humaine », on laisse libre cours à l'insécurité juridique.

A.10.4. L'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme a effet direct dans l'ordre juridique belge et s'applique donc aux relations horizontales entre les justiciables. Alors qu'il semble justifié de poser des conditions d'admission objectives, il n'en va nullement de même pour des critères vagues que ne fonde aucune motivation solide de la part du législateur compétent.

Etant donné que la disposition attaquée rend en l'espèce inopérante, par défaut de motivation, la liberté passive d'enseignement, et qu'elle porte en elle le danger d'arbitraire, la première branche du moyen est fondée.

A.11.1. Au regard de l'article 24, § 3, de la Constitution, le législateur décrétal n'a pas prévu suffisamment de garanties en vue de prévenir la discrimination de certaines personnes ou minorités. Des enfants qui ont fait l'objet dans un autre établissement d'enseignement d'une mesure disciplinaire, des enfants de couples homosexuels, des enfants ayant une autre couleur de peau, d'un autre bord philosophique, d'une autre couche sociale ou de l'autre sexe pourraient ainsi être exclus des établissements d'enseignement libre subventionnés.

A.11.2. En tant que services publics fonctionnels, les établissements d'enseignement libre subventionnés doivent respecter la « loi » de l'égalité des usagers ainsi que les droits et libertés de ceux qui reçoivent l'enseignement.

C'est dans ce contexte que doit être située la question de l'accès égal des filles et des garçons aux mêmes établissements d'enseignement. En effet, la disposition attaquée a notamment pour objectif de rendre possible le refus d'élèves de l'un ou l'autre sexe, alors qu'on peut déduire de la jurisprudence et de la doctrine que le refus d'inscription dans une école libre fondé sur le sexe de l'élève n'est pas justifié lorsqu'il n'existe pas dans la région, à une distance raisonnable, une école de même tendance et de qualité équivalente offrant un enseignement mixte.

A.11.3. C'est dans ce même contexte que doit être situé le problème des écoles de concentration. Alors que l'enseignement communautaire ne dispose pas du droit de refuser des élèves, les établissements d'enseignement libre peuvent refuser des élèves parce que ceux-ci pratiquent une autre religion que la religion catholique. L'absence de respect pour les convictions philosophiques ou religieuses de certaines minorités conduit à l'existence d'écoles de concentration.

Bien que la Constitution interdise toute discrimination, directe ou indirecte, l'application du « contrôle religieux » devient un refus d'inscription déguisé, sur la base de la race, de la couleur de peau ou de l'origine nationale.

La ségrégation qui naît ainsi dans l'enseignement hypothèque le libre choix de l'école, tant dans le chef des élèves étrangers que des autochtones. Lorsque le législateur décrétal ne veille pas au respect du principe de non-discrimination, le droit au libre choix perd toute signification pour les élèves étrangers qui ne sont pas autorisés à fréquenter toutes les écoles pour lesquelles ils satisfont aux conditions formelles d'accès. Il en va de même pour les élèves autochtones « qui chaque jour passent sans s'arrêter devant la porte d'une école correspondant au caractère de leur choix, pour la simple raison que leurs parents trouvent que la présence de certains enfants de groupes minoritaires constitue une menace pour la qualité de l'enseignement ».

A.12.1. L'article 24, § 4, de la Constitution crée une égalité matérielle entre les établissements d'enseignement qui peut être rompue seulement sur la base de critères objectifs, non arbitraires et pertinents.

A.12.2. S'agissant de l'inégalité entre les élèves, il n'est avancé aucun critère objectif qui justifierait la pertinence et la proportionnalité de la mesure.

A.12.3. S'agissant de l'inégalité entre les établissements d'enseignement, aucun objectif n'est invoqué pour justifier la différence de traitement de l'enseignement officiel et de l'enseignement libre, de sorte qu'il n'est pas possible d'opérer un contrôle de la pertinence et de la proportionnalité de ce traitement différencié. Faute de motivation, force est de conclure que la mesure est inspirée par « un caprice soudain du législateur décrétal ».

A.13. En Communauté française, l'inscription d'un élève dans un établissement d'enseignement officiel ne peut être refusée que pour un manque de locaux. Un établissement d'enseignement subventionné ne peut jamais fonder un refus d'inscription sur des motifs sociaux, sexuels ou raciaux, si l'élève accepte de collaborer au projet éducatif.

D'autres motifs de refus peuvent être invoqués par un établissement d'enseignement subventionné, mais ils doivent être exposés dans une attestation qui indique les services administratifs auprès desquels l'élève peut recevoir de l'aide pour son inscription dans un établissement d'enseignement de la Communauté française ou dans un autre établissement d'enseignement subventionné.

Dans la perspective de la liberté de choix des élèves, on ne peut tout à la fois accepter la conformité à la Constitution de l'article 31, § 2, du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à l'enseignement fondamental et la constitutionnalité de l'article 88 du décret de la Communauté française du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre. - B - Quant à la recevabilité B.1.1. Le Gouvernement flamand objecte que les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis en droit, étant donné que l'article 31, § 2, du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à l'enseignement fondamental ne leur est pas applicable et qu'il n'est pas certain qu'il puisse leur être jamais appliqué à l'avenir.

B.1.2. L'article 31 du décret relatif à l'enseignement fondamental dispose : « § 1er. Une autorité scolaire doit refuser l'inscription d'élèves qui ne satisfont pas aux conditions d'admission visées aux articles 12 à 19 inclus. § 2. Une autorité scolaire de l'enseignement libre subventionné peut refuser l'inscription d'un élève pour d'autres raisons à condition qu'elle soumet[te] dans les quatre jours civils la motivation par écrit aux parents concernés.

Une inscription ne peut être refusée en aucun cas sur la base de critères incorrects qui compromettent la dignité humaine. » Les articles 12 à 19 contiennent les conditions générales en matière d'âge pour l'enseignement maternel et l'enseignement primaire ainsi que les conditions d'admission supplémentaires pour l'enseignement fondamental spécial et l'enseignement fondamental intégré.

B.1.3. Les parties requérantes sont des élèves et parents d'élèves de l'enseignement communautaire ou de l'enseignement fondamental officiel subventionné. Même si la disposition entreprise ne concerne pas immédiatement leur situation, il peut être admis qu'elles sont susceptibles d'être affectées directement et défavorablement par une disposition qui règle le droit de refus d'une autorité scolaire de l'enseignement libre subventionné, étant donné qu'elles conservent la liberté, consacrée par l'article 24 de la Constitution, d'opter pour un établissement de cet enseignement.

B.1.4. Le Gouvernement flamand objecte aussi que les parties requérantes n'ont pas intérêt à l'annulation de l'alinéa 2 de l'article 31, § 2, du fait que cette annulation aurait pour effet d'assouplir les conditions du droit de refus dont disposent les autorités scolaires de l'enseignement fondamental libre subventionné.

B.1.5. Une annulation éventuelle de l'alinéa 2 litigieux ne saurait conférer aux autorités scolaires le droit de refuser des élèves sur la base de critères incorrects qui compromettent la dignité humaine.

B.1.6. Les exceptions d'irrecevabilité sont rejetées.

Quant au fond B.2.1. Les parties requérantes dénoncent le fait que la disposition entreprise - lorsqu'elle précise les cas où un établissement de l'enseignement libre subventionné ne pourrait invoquer la liberté d'organiser l'enseignement pour refuser un élève - utilise des critères à ce point vagues qu'ils entraveraient, dans le chef des parents et des élèves, l'exercice du droit d'accès à l'enseignement de leur choix. Elles ne contestent pas qu'un pouvoir organisateur d'un établissement de l'enseignement libre subventionné, dans le choix de l'enseignement qu'il offre, puisse se fonder sur des convictions religieuses ou philosophiques.

B.2.2. Le moyen unique est pris de la violation de l'article 24, § 1er, alinéa 2, et §§ 3 et 4, de la Constitution, lu isolément ou en combinaison avec d'autres dispositions.

B.3.1. Selon la première branche du moyen, la disposition entreprise viole l'article 24, § 1er, alinéa 2, de la Constitution, l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 29, paragraphe 1er, d), de la Convention relative aux droits de l'enfant en ce qu'elle méconnaîtrait le droit d'accès d'un élève à l'enseignement de son choix.

B.3.2. L'article 24, § 1er, alinéa 2, de la Constitution dispose : « La communauté assure le libre choix des parents. » L'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. » La liberté de choix des parents implique que ceux-ci puissent choisir pour leurs enfants un enseignement qui correspond le plus à leurs conceptions philosophiques. C'est pour garantir cette liberté de choix que la communauté organise un enseignement neutre dans le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves (article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution) et qu'elle subventionne les établissements d'enseignement dont la spécificité réside dans une conception religieuse, philosophique ou pédagogique déterminée.

Cette liberté n'implique pas que les parents et les élèves aient un droit inconditionnel d'inscription dans l'école de leur choix.

B.3.3. La disposition entreprise, qui permet à une autorité scolaire de l'enseignement libre subventionné de refuser des élèves pour des motifs autres que le fait de ne pas remplir les conditions légales d'admission, mais à l'exclusion des motifs « incorrects qui compromettent la dignité humaine », n'affecte pas le libre choix des parents tel qu'il est garanti par l'article 24, § 1er, alinéa 2, de la Constitution et par l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Selon les travaux préparatoires, cette disposition doit être lue en ce sens qu' » un école libre peut uniquement refuser des élèves sur la base de motifs qui présentent un lien immédiat avec le projet pédagogique propre de l'école » (Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 451/11, p. 26).

L'obligation qui incombe à l'autorité scolaire, en vertu de la même disposition entreprise, de motiver un refus consolide même la liberté de choix des parents du fait qu'elle incite les autorités scolaires à faire preuve de circonspection, d'une part, et qu'elle permet le contrôle juridictionnel de la légalité des motifs, d'autre part.

En adoptant la disposition entreprise, le législateur décrétal n'a pas davantage violé l'article 29, paragraphe 1er, d), de la Convention relative aux droits de l'enfant - lu en combinaison avec l'article 24, § 1er, de la Constitution -, qui prévoit que l'éducation de l'enfant doit viser à préparer celui-ci à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone.

B.4.1. Selon la deuxième branche du moyen, la disposition entreprise viole l'article 24, § 3, de la Constitution, les articles 5, e), v), et 7 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l'article 10, a), b) et c), de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ainsi que l'article 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'elle garantirait insuffisamment le respect des libertés et droits fondamentaux et le principe de non-discrimination.

B.4.2. L'article 24, § 3, de la Constitution dispose : « Chacun a droit à l'enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L'accès à l'enseignement est gratuit jusqu'à la fin de l'obligation scolaire.

Tous les élèves soumis à l'obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse. » L'article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée à New York le 7 mars 1966, dispose : « Conformément aux obligations fondamentales énoncées à l'article 2 de la présente Convention, les Etats parties s'engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à l'égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits suivants : e) Droits économiques, sociaux et culturels, notamment : v) Droit à l'éducation et à la formation professionnelle;[...] ».

L'article 7 de la même Convention dispose : « Les Etats parties s'engagent à prendre des mesures immédiates et efficaces, notamment dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information, pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale et favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre nations et groupes raciaux ou ethniques, ainsi que pour promouvoir les buts et principes de la Charte des Nations-Unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de la Déclaration des Nations-Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la présente Convention. » L'article 10 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée à New York le 18 décembre 1979, dispose : « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l'éducation et, en particulier, pour assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme : a) les mêmes conditions d'orientation professionnelle, d'accès aux études et d'obtention de diplômes dans les établissements d'enseignement de toutes catégories, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, cette égalité devant être assurée dans l'enseignement préscolaire, général, technique, professionnel et technique supérieur, ainsi que dans tout autre moyen de formation professionnelle;b) l'accès aux mêmes programmes, aux mêmes examens, à un personnel enseignant possédant les qualifications de même ordre, à des locaux scolaires et à un équipement de même qualité;c) l'élimination de toute conception stéréotypées des rôles de l'homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement en encourageant l'éducation mixte et d'autres types d'éducation qui aideront à réaliser cet objectif, et, en particulier, en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant les méthodes pédagogiques;[...] ».

L'article 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée à New York le 20 novembre 1989, dispose : « 1. Les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation. 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille.» B.4.3. En prévoyant qu'une autorité scolaire de l'enseignement libre subventionné peut refuser l'inscription d'un élève moyennant une motivation écrite, mais qu'une inscription ne peut en aucun cas être refusée sur la base de critères incorrects qui compromettent la dignité humaine, le législateur décrétal garantit le respect des libertés et droits fondamentaux ainsi que le principe de non-discrimination, inscrits dans les dispositions conventionnelles précitées ou dans d'autres dispositions du droit international. En effet, des critères qui violeraient les libertés et droits fondamentaux des élèves ou qui seraient discriminatoires doivent être considérés comme incorrects ou comme compromettant la dignité humaine et doivent donc être réputés contraires à la disposition entreprise.

Il appartient au juge d'apprécier cas par cas.

B.5.1. Selon la troisième branche du moyen, la disposition entreprise viole l'article 24, § 4, de la Constitution, en ce qu'elle instaure des conditions d'admission différentes pour l'enseignement libre et l'enseignement officiel.

B.5.2. L'article 24, § 4, de la Constitution énonce : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. » B.5.3. La disposition entreprise n'instaure pas en soi des conditions d'admission qui seraient différentes selon qu'il s'agit d'un établissement de l'enseignement libre subventionné ou d'un établissement de l'enseignement officiel. Elle confirme, par contre, que les établissements de l'enseignement libre subventionné sont autorisés à mener une politique d'admission qui soit liée à la spécificité du projet pédagogique qu'un tel établissement peut proposer en vertu de l'article 24, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution, en se fondant sur une conception religieuse ou philosophique.

Les principes d'égalité et de non-discrimination, tels qu'ils sont inscrits aux articles 10 et 11 de la Constitution, et, en ce qui concerne les établissements de l'enseignement communautaire, la règle de la neutralité, contenue dans l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution s'opposent à ce qu'un établissement de l'enseignement officiel dispose, s'agissant de l'accès des élèves à l'enseignement, d'une latitude égale à celle d'un établissement de l'enseignement libre subventionné pour ce qui est de choisir la conception religieuse ou philosophique qui fonde l'enseignement dispensé.

Il y a là, entre l'enseignement officiel et l'enseignement libre, une différence objective que la Constitution impose au législateur décrétal de respecter. Elle justifie en l'espèce, compte tenu du lien qui existe entre la politique d'accès à l'enseignement et le projet pédagogique prôné, que l'accès à un établissement de l'enseignement libre subventionné puisse être subordonné à des conditions différentes de celles qui régissent l'accès à un établissement de l'enseignement officiel.

B.6.1. Selon la quatrième branche du moyen, la disposition entreprise viole l'article 24, §§ 3 et 4, de la Constitution en ce que les critères vagues seraient constitutifs d'une insécurité juridique dans le chef de ceux qui doivent être en mesure de se prévaloir de l'existence de droits précis pour bénéficier d'une protection juridique effective lorsque leur inscription est refusée.

B.6.2. Sans doute la disposition entreprise ne précise-t-elle pas le contenu des critères critiqués, mais l'obligation de motivation et la communication de cette motivation dans les quatre jours civils suivant le refus, ainsi que la possibilité de saisir d'urgence le juge suffisent pour remédier à l'insécurité juridique évoquée par les parties requérantes.

B.7. Il résulte de ce qui précède que la disposition attaquée ne viole pas l'article 24, § 1er, alinéa 2, §§ 3 et 4, de la Constitution, ni lu isolément ni combiné avec les dispositions conventionnelles citées au moyen.

Le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 novembre 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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