publié le 02 octobre 1998
Arrêt n° 95/98 du 16 septembre 1998 Numéro du rôle : 1159 En cause : le recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 février 1997 modifiant l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du loge La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 95/98 du 16 septembre 1998 Numéro du rôle : 1159 En cause : le recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 février 1997 modifiant l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social, introduit par F. De True.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours en annulation Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 octobre 1997 et parvenue au greffe le 8 octobre 1997, F. De True, demeurant à 1080 Bruxelles, rue des Campanules 13, a introduit un recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 février 1997 modifiant l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social (publiée au Moniteur belge du 24 mai 1997, deuxième édition).
Le requérant avait également demandé la suspension de l'ordonnance.
Par son arrêt n° 83/97 du 17 décembre 1997 (publié au Moniteur belge du 21 mars 1998), la Cour a rejeté la demande de suspension.
II. La procédure Par ordonnance du 8 octobre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 31 octobre 1997.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 4 novembre 1997.
Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, rue Ducale 7/9, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 28 novembre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 18 décembre 1997.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 2 avril 1998.
Le conseil du requérant entre temps décédé a introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 30 avril 1998.
Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 7 octobre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 24 juin 1998.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 28 mai 1998.
A l'audience publique du 24 juin 1998 : - ont comparu : . Me R. Verreycken, avocat au barreau de Bruxelles, conseil de feu F. De True; . Me P. Coenraets, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs H. Boel et E. Cerexhe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A - Quant à l'intérêt Requête A.1.1. F. De True était, lors de l'introduction du recours, le seul mandataire communal du « Vlaams Blok » à siéger au conseil communal de Molenbeek-Saint-Jean. Il était également le seul conseiller communal élu sur une liste néerlandophone. Il constituait un groupe qui n'était pas représenté au sein du collège des bourgmestre et échevins.
L'ordonnance originaire du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social (Moniteur belge, 31 décembre 1993) disposait, en son article 13, qu'une représentation avec voix consultative dans le conseil d'administration des sociétés immobilières de service public était attribuée aux groupes politiques siégeant au conseil communal et non représentés au collège des bourgmestre et échevins.
Il existe à Molenbeek-Saint-Jean une telle société immobilière, à savoir « Le Logement Molenbeekois ». Le conseil d'administration de cette société permet au seul groupe d'opposition « Ecolo » de siéger comme observateur. Si l'ordonnance était correctement appliquée, la société en question devrait cependant autoriser quatre observateurs, à savoir chaque fois un pour le F.N., un pour « Ecolo », un pour le F.D.F. et un pour le « Vlaams Blok ». Le demandeur avait cité la société à comparaître devant le Tribunal de première instance de Bruxelles afin de l'admettre à participer avec voix consultative aux réunions du conseil d'administration. L'affaire sera plaidée le 8 octobre 1998.
Dans l'intervalle, cette affaire avait également attiré l'attention du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Le 18 septembre 1996, un projet d'ordonnance, qui a abouti à l'ordonnance entreprise, fut déposé au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.
A.1.2. L'ordonnance originaire réglait notamment la représentation des groupes politiques minoritaires dans les conseils d'administration des sociétés immobilières de service public ainsi que l'incompatibilité entre un mandat au conseil d'administration de telles sociétés et un mandat au conseil d'administration de la Société du logement coordinatrice de la Région bruxelloise. Cette réglementation avait un important aspect communautaire, en ce sens que la présence du requérant au sein du conseil d'administration de la société du logement dans sa commune constituerait une garantie importante, en particulier, pour une application correcte de la législation linguistique et, plus généralement, pour un traitement correct des Flamands dans sa commune.
Le requérant était, dans sa commune, le seul conseiller communal flamand à pouvoir faire usage de cette réglementation. Il avait intérêt à ce que l'ancienne, bonne réglementation ne soit pas remplacée par une réglementation nouvelle, discriminatoire.
En outre, le requérant avait engagé une procédure judiciaire sur la base de l'ancienne réglementation. La norme attaquée apporte à l'ancienne réglementation des modifications qui permettaient de lui refuser de manière discriminatoire, en tant que conseiller communal flamand, l'accès aux conseils d'administration des sociétés immobilières de service public et de la Société du logement de la Région bruxelloise. La norme attaquée fait en sorte que le requérant ne puisse (plus) recueillir les fruits d'un jugement du tribunal ordinaire qui lui serait éventuellement favorable. Le requérant était donc affecté directement et défavorablement dans sa situation par la norme attaquée.
Mémoire en réponse A.1.3. Le requérant est décédé le 18 décembre 1997. Il avait introduit le recours en tant que conseiller communal. L'on peut donc admettre qu'il avait un certain « intérêt fonctionnel » à l'affaire, intérêt qui passera à son successeur, dès que celui-ci sera installé. Il n'est en tout cas pas indiqué de laisser le délai pour l'introduction du mémoire en réponse expirer sans plus.
Quant au fond Requête A.2.1. Le requérant invoque quatre moyens. Les trois premiers moyens sont dirigés contre l'article 4 de l'ordonnance attaquée. Le quatrième moyen est dirigé contre l'article 3 de l'ordonnance entreprise.
A.2.2. Le premier moyen est pris de la violation des règles répartitrices de compétences.
Il énonce : « Premier moyen Pris de la violation des règles répartitrices de compétences, à savoir la règle selon laquelle c'est à l'autorité fédérale qu'il appartient de fixer les règles du droit des sociétés (article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980) et la législation organique des communes (article 162 de la Constitution);
En ce que l'ordonnance attaquée déroge au droit des sociétés en tant qu'elle prévoit la nomination, sur présentation du conseil communal-actionnaire majoritaire, d'une catégorie spéciale de membres du conseil d'administration des sociétés immobilières;
En ce qu'elle dispose que ces membres sont les représentants de groupes politiques minoritaires au conseil communal et qu'ils sont nommés par l'assemblée générale de la société immobilière, dérogeant ainsi à la législation organique des communes; [...] Alors que les cas dans lesquels le législateur régional peut régler ces matières se limitent à ceux dans lesquels il peut invoquer l'article 10 lu conjointement avec l'article 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, à savoir les cas dans lesquels, d'une part, cela est ' nécessaire ' pour l'exercice de compétences régionales et pour autant, d'autre part, qu'il soit satisfait à la condition posée par [la] Cour : que la matière se prête à une réglementation différenciée et que l'incidence sur cette matière soit seulement marginale. » La nouvelle réglementation ne satisfait nullement aux conditions de la réglementation différenciée et de l'incidence marginale. En outre, elle n'est, par-dessus tout, bien sûr nullement « nécessaire ».
En effet, dans l'ancienne ordonnance, la « nécessité » de la réglementation était justifiée par un souci de contrôle démocratique et de consultation, par la minorité siégeant au conseil communal, des dossiers discutés au conseil d'administration de la société immobilière de service public, ainsi que par la lutte contre la politisation dans l'attribution de logements sociaux. Cette nécessité pouvait effectivement être admise en ce qui concerne l'ancienne réglementation.
La nouvelle réglementation est, quant à elle, de nature à limiter le contrôle démocratique prévu dans l'ancienne ordonnance, à réserver la consultation de dossiers à seulement deux groupes de l'opposition et, partant, à accroître de nouveau la politisation. Cette modification ne répond donc plus à la condition de « nécessité ».
A.2.3. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Il s'énonce comme suit : « Deuxième moyen Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que le requérant, en tant que membre d'un groupe minoritaire dans l'opposition, et notamment en tant que seul membre de la minorité flamande, est discriminé par un système dans lequel seuls 2 représentants sont choisis sur une liste de 4, étant donné que la décision attaquée laisse à l'assemblée générale qui doit désigner ces représentants l'entière liberté de l'écarter en tant que Flamand;
Alors qu'une différence de traitement de groupes minoritaires au sein d'un conseil communal, et en particulier d'un groupe minoritaire linguistique, doit s'opérer sur la base d'un critère objectif raisonnablement justifié. » Le but de la mesure attaquée est, selon les explications données par le délégué du Gouvernement au Conseil d'Etat, de supprimer la situation intenable dans laquelle trop d'observateurs des groupes de l'opposition entraveraient les réunions des conseils d'administration.
Cet objectif est hautement contestable : les observateurs n'ont pas de voix délibérative, de sorte qu'ils peuvent difficilement entraver le fonctionnement du conseil d'administration; il ressort des pièces qu'une société immobilière de service public telle que » Le Logement Molenbeekois » est obligée d'autoriser les observateurs de quatre groupes politiques de l'opposition, mais qu'elle n'en accepte qu'un.
La mesure attaquée a pour résultat que chaque société immobilière de service public désigne seulement deux membres de l'opposition sur une liste de quatre noms dont le mode d'établissement n'est pas très clair. Le résultat sera quasi à coup sûr que les institutions unilingues francophones que sont presque toutes les sociétés immobilières de service public à Bruxelles donneront la préférence à deux conseillers francophones, la minorité flamande étant ainsi partout écartée.
A.2.4. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Il s'énonce comme suit : « Troisième moyen Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que la disposition litigieuse prévoit que la société immobilière de service public choisit deux administrateurs ayant voix consultative sur une liste de quatre personnes dressée par le conseil communal, sur présentation des groupes politiques de l'opposition, et qu'il est donc parfaitement possible que la majorité du conseil communal présente à la société immobilière de service public une liste sur laquelle figurent quatre conseillers communaux de l'opposition mais aucun membre du groupe politique du requérant ou de sa minorité linguistique;
Alors qu'une différence de traitement des groupes minoritaires dans le conseil communal, et en particulier des groupes minoritaires linguistiques, doit s'opérer sur la base d'un critère objectif qui soit raisonnablement justifié. » La majorité au sein du conseil communal dresse la liste de quatre membres de l'opposition, qui est présentée à l'assemblée générale de la société immobilière de service public. Il est donc loisible au conseil communal de présenter quatre conseillers d'un seul groupe et d'ignorer tous les candidats présentés par d'autres groupes. Le conseil communal peut aussi présenter quatre conseillers francophones et ne pas faire figurer de Flamands sur la liste. Ceci constitue également un traitement inégal qui n'est pas justifié.
A.2.5. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
Il énonce : « Quatrième moyen Pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution;
En ce que la disposition attaquée confirme l'incompatibilité, déjà prévue dans l'ancienne réglementation, entre certains mandats dans des sociétés immobilières de service public locales et un mandat au conseil d'administration de la Société du logement coordinatrice de la Région bruxelloise mais prévoit une exception à ce principe pour trois membres au maximum de ce conseil d'administration;
Alors qu'une différence de traitement entre des catégories de personnes doit s'opérer sur la base d'un critère objectif qui soit raisonnablement justifié. » L'incompatibilité absolue prévue dans l'ancienne réglementation avait été instaurée à l'époque pour le juste motif qu'une confusion entre les mandats au niveau local et au niveau supérieur, qui constitue donc aussi le niveau de contrôle, n'est pas une bonne chose. La décision attaquée abandonne ce raisonnement afin de « renforcer l'efficacité du conseil [d'administration] (de la Société du logement de la Région bruxelloise) par l'intégration de professionnels et de représentants des sociétés immobilières de service public qui connaissent bien le terrain et les problèmes de gestion ». Pour des raisons obscures, l'incompatibilité est toutefois supprimée pour trois administrateurs seulement.
Ainsi, il n'existe pas d'incompatibilité pour les trois premiers administrateurs d'une société immobilière locale repris au conseil d'administration de la Société du Logement de la Région bruxelloise, mais cette incompatibilité existe subitement pour le quatrième administrateur qui se présenterait comme candidat-membre du conseil d'administration de la Société du Logement de la Région bruxelloise.
Cette distinction n'est justifiée nulle part par un critère objectif qui serait raisonnablement justifié.
Le requérant considère que l'incompatibilité doit valoir soit pour tous les administrateurs des sociétés immobilières locales, soit pour aucun d'eux.
Mémoire en réponse du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale A.3.1. Le premier moyen n'est pas fondé. Le législateur régional peut déroger à certaines dispositions des lois coordonnées sur les sociétés commerciales pour autant que les conditions prévues par la loi spéciale et spécifiées par la Cour soient respectées s'agissant de l'exercice des pouvoirs implicites. Ces conditions sont remplies en l'espèce. Le recours aux pouvoirs implicites présente ici un caractère accessoire par rapport à deux compétences matérielles de la Région de Bruxelles-Capitale, à savoir la compétence de créer des institutions et des entreprises dans le cadre de ses attributions, et la compétence en matière de logement. L'ingérence dans la compétence fédérale est nécessaire, puisqu'elle permet d'assurer, au sein du conseil d'administration d'une société immobilière de service public, une meilleure représentation des tendances au conseil communal.
L'incidence sur la compétence fédérale est marginale parce que le législateur régional a limité les dérogations au droit des sociétés.
Le fonctionnement du conseil d'administration d'une société immobilière de service public en Région de Bruxelles-Capitale n'a pas de conséquence pour la portée générale des lois coordonnées sur les sociétés commerciales au niveau fédéral. D'ailleurs, la section de législation du Conseil d'Etat a estimé que les conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale étaient réunies.
Le caractère complémentaire et nécessaire du recours aux pouvoirs implicites est, s'agissant de la dérogation à la législation organique des communes, justifié de la même façon que le recours aux pouvoirs implicites dans le cadre de la législation sur les sociétés.
L'incidence sur cette législation est marginale, dès lors que le fonctionnement du conseil communal n'est affecté par l'article 4 de l'ordonnance que de façon minime. La section de législation du Conseil d'Etat a aussi confirmé cette thèse.
A.3.2. Le deuxième moyen n'est pas davantage fondé. Le législateur régional, lorsqu'il a adopté l'ordonnance entreprise, entendait régir de façon générale et abstraite la composition du conseil d'administration des sociétés immobilières de service public de la Région de Bruxelles-Capitale. Le fait qu'à Molenbeek-Saint-Jean, la majorité du conseil communal adopte un comportement particulier à l'égard de certains membres de l'opposition ne résulte pas de l'ordonnance entreprise. La couleur linguistique y est par ailleurs également étrangère, étant donné que le requérant admet lui-même que l'observateur n'a pas été élu parmi les groupes F.D.F. et F.N., mais bien au sein du groupe ECOLO. La Cour n'est pas compétente pour apprécier la façon dont l'ordonnance entreprise est effectivement appliquée par l'autorité administrative. De même, un texte législatif, qui est appliqué par une autorité administrative déterminée, ne peut avoir une incidence sur la constitutionnalité de la norme entreprise.
La question soumise à la Cour est celle de savoir pourquoi le législateur n'a pas établi de distinction entre la majorité linguistique et la minorité linguistique de l'opposition. Le critère employé pour ne pas opérer cette distinction est raisonnable et objectif à la lumière du but poursuivi, à savoir associer les représentants des minorités politiques et linguistiques au conseil communal des communes majoritaires au sein des sociétés immobilières de service public, au fonctionnement de celles-ci pour limiter le risque de politisation des décisions prises par ces sociétés. Le législateur ordonnanciel a estimé que le critère linguistique n'était pas pertinent parce que l'objectif consiste uniquement à exercer un contrôle politique sur la gestion des sociétés immobilières de service public. Ce contrôle dépasse largement les aspects linguistiques et il en est d'autant plus ainsi que les groupes de la majorité comprennent des représentants des partis politiques flamands. Le fait de ne pas prévoir de représentation d'une minorité linguistique, siégeant au conseil communal, n'affecte pas l'efficacité du contrôle politique exercé par la minorité sur la majorité.
A.3.3. Le troisième moyen est lui aussi non fondé. Les critères litigieux sont objectifs et raisonnablement justifiés. Le libre choix de l'assemblée générale de la société immobilière de service public devait être garanti pour qu'il ne soit pas porté atteinte à un principe essentiel du droit des sociétés. En outre, la double liste devait être établie sans contrainte spécifique, si ce n'est que seuls des membres de l'opposition du conseil communal peuvent y siéger, et ce afin de ne pas entraver le bon fonctionnement des institutions communales. Ce sont là deux réserves qui permettaient précisément de recourir aux pouvoirs implicites. Il serait paradoxal de prétendre que le législateur ordonnanciel a de la sorte méconnu la proportionnalité entre le but et les moyens employés.
A.3.4. Le quatrième moyen est également non fondé. Le but poursuivi par le législateur ordonnanciel consiste en ce que la Société du logement de la Région bruxelloise puisse bénéficier de l'expérience de représentants des sociétés immobilières de service public en leur qualité de représentants de ces sociétés. Suite à un amendement du secrétaire d'Etat, le nombre de ces administrateurs a été réduit de cinq à trois, et ce afin d'éviter les problèmes que poseraient les délibérations dont les personnes concernées pourraient être exclues conformément à l'article 7 de l'ordonnance. Du fait que le nombre de membres du conseil d'administration est fixé à quinze et que le nombre de membres potentiellement exclus est passé de cinq à trois, les risques de dysfonctionnement découlant de leur absence sont limités.
Mémoire du Gouvernement wallon A.4.1. Le premier moyen n'est pas fondé. Les conditions rappelées par la Cour dans son arrêt n° 83/97 (B.5.3) sont réunies.
A.4.2. Les deuxième et troisième moyens ne sont pas davantage fondés, ainsi qu'il ressort de l'arrêt n° 83/97 (B.6.1 à B.6.5).
A.4.3. La partie requérante n'indique pas - et le Gouvernement wallon ne voit pas - en quoi sa situation serait affectée directement et défavorablement par l'article 3 de l'ordonnance attaquée. Le recours est dès lors irrecevable à défaut de l'intérêt requis en droit, en tant qu'il est dirigé contre cette disposition (arrêt n° 83/97).
Mémoire en réponse pour F. De True et son successeur A.5.1. Il est permis de se demander si le mémoire du Gouvernement wallon, envoyé par la poste le 18 décembre 1997, n'est pas tardif.
Compte tenu de la notification du 3 novembre 1997, le délai de quarante-cinq jours semble avoir expiré le 17 décembre 1997. Si tel est le cas, le mémoire doit être écarté des débats.
A.5.2. Le premier moyen est fondé pour les motifs exposés dans la requête.
A.5.3. En ce qui concerne les deuxième et troisième moyens, l'arrêt n° 83/97 reconnaît qu'il est établi une différence de traitement entre les groupes de l'opposition qui ont un représentant et les groupes qui n'en ont pas, mais la Cour estime que cette différence de traitement est justifiée par référence aux objectifs poursuivis par l'ordonnance, à savoir assurer l'efficacité des activités des conseils d'administration en évitant un afflux de tels représentants. Cet objectif allégué n'est pas exact, étant donné qu'aucun problème d'efficacité ne s'est posé durant trois ans sous le régime de l'ancienne ordonnance. D'ailleurs, comment l'efficacité d'un conseil d'administration peut-elle être compromise par la présence de quelques observateurs sans droit de vote ? Le seul objectif poursuivi par la modification de l'ordonnance est de prévoir la possibilité d'écarter le requérant. C'est ce qui ressort aussi de la chronologie. La partie adverse ne le conteste d'ailleurs pas, mais dit uniquement que la Cour ne peut en tenir compte. La thèse défendue dans l'arrêt de non-suspension selon laquelle les intéressés peuvent recourir à la réglementation de la publicité passive est exacte, mais doit être fortement relativisée. Un groupe qui a un représentant direct au conseil d'administration dispose immédiatement de l'information de première main et est donc nettement privilégié par rapport au groupe de l'opposition qui ne dispose pas de cette information et qui ne peut l'obtenir que par la publicité passive.
A.5.4. Le requérant s'en remet à la sagesse de la Cour s'agissant du quatrième moyen. - B - Quant au décès du requérant B.1.1. Le requérant, F. De True, qui a introduit le recours en sa qualité de conseiller communal de la commune de Molenbeek-Saint-Jean, est décédé le 18 décembre 1997.
L'article 96 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose : « Si, avant la clôture des débats, une personne justifiant d'un intérêt ayant introduit un recours en annulation [...] vient à décéder, la procédure est poursuivie sans qu'il y ait lieu à reprise d'instance. » En ce qui concerne les dispositions entreprises B.1.2. Ainsi qu'il ressort de son dispositif, la requête tend à l'annulation de l'ordonnance du 6 février 1997 modifiant l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social.
B.1.3. L'article 2 de l'ordonnance entreprise apporte des modifications purement formelles à l'ordonnance du 9 septembre 1993.
B.1.4. Avant sa modification par l'article 3 de l'ordonnance attaquée, l'article 7 de l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social disposait : « § 1er. La Société du Logement de la Région bruxelloise est administrée par un conseil composé de quinze membres. L'élection des administrateurs se fait par l'assemblée générale sur proposition de leurs groupes linguistiques respectifs : 1. dix membres pour le groupe linguistique majoritaire dont quatre au maximum peuvent appartenir au Conseil de la Région;2. cinq membres pour l'autre groupe linguistique dont deux au maximum peuvent appartenir au Conseil de la Région. Les administrateurs sont révocables à tout moment par l'assemblée générale. Leur mandat est renouvelable. § 2. L'Exécutif propose au conseil d'administration un président et un vice-président administrateur-délégué qu'il élit en son sein. Le président et le vice-président appartiennent à un groupe linguistique différent. § 3. L'Exécutif nomme, par arrêté, deux commissaires de groupe linguistique différent qui exercent leur mission conformément aux articles 9 et 10 de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public.
En cas de conclusion du contrat de gestion visé à l'article 6, § 3, les pouvoirs de contrôle des commissaires se limitent au contrôle du respect par la Société du Logement de la Région bruxelloise du contrat de gestion. § 4. Le mandat d'administrateur de la Société du Logement de la Région bruxelloise est incompatible avec la qualité de président, d'administrateur, de commissaire, de réviseur, de délégué social, de membre du personnel d'une société immobilière de service public de la Région de Bruxelles-Capitale ou d'une société de logement d'une autre région.
Ne peuvent pas remplir la fonction d'administrateur : les membres de l'Exécutif de la Région de Bruxelles-Capitale et les Secrétaires d'Etat qui leur sont adjoints, les conseillers provinciaux, ainsi que les personnes ayant la qualité d'administrateur ou de dirigeant ou employé d'une entreprise de travaux publics ou d'une société de promotion et de construction immobilière, ainsi que toutes les personnes qui exercent ces activités en nom propre. » Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance litigieuse au 3 juin 1997, cette disposition énonce : « § 1er. La Société du Logement de la Région bruxelloise est administrée par un conseil composé de quinze membres. L'élection des administrateurs se fait par l'assemblée générale sur proposition de leurs groupes linguistiques respectifs : 1. dix membres pour le groupe linguistique majoritaire dont quatre au maximum peuvent appartenir au Conseil de la Région;2. cinq membres pour l'autre groupe linguistique dont deux au maximum peuvent appartenir au Conseil de la Région. Le conseil d'administration peut comprendre, au plus, trois membres qui disposent de la qualité de président, d'administrateur ou de membre du personnel d'une société immobilière de service public de la Région de Bruxelles-Capitale. Il est interdit à ces membres d'être présents à la délibération sur des objets auxquels la société immobilière de service public dont ils sont président, administrateur ou membre du personnel, a un intérêt direct.
Les administrateurs sont révocables à tout moment par l'assemblée générale. Leur mandat est renouvelable. § 2. Le Gouvernement propose au conseil d'administration un président et un vice-président administrateur-délégué qu'il élit en son sein. Le président et le vice-président appartiennent à un groupe linguistique différent. § 3. Le Gouvernement nomme, par arrêté, deux commissaires de groupe linguistique différent qui exercent leur mission conformément aux article 9 et 10 de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public.
En cas de conclusion du contrat de gestion visé à l'article 6, § 3, les pouvoirs de contrôle des commissaires se limitent au contrôle du respect par la Société du Logement de la Région bruxelloise du contrat de gestion. § 4. Le mandat d'administrateur est incompatible avec les qualités suivantes : - membre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ou Secrétaire d'Etat adjoint à l'un de ces membres; - administrateur, dirigeant ou employé d'une entreprise de travaux publics ou d'une société de promotion et de construction immobilière, ainsi que toutes les personnes qui exercent ces activités en nom propre; - réviseur ou délégué social d'une société immobilière de service public de la Région de Bruxelles-Capitale. » B.1.5. Avant sa modification par l'article 4 de l'ordonnance entreprise, l'article 13 de l'ordonnance précitée disposait : « Lorsque la majorité du capital social d'une société immobilière de service public est souscrite par la Région, les communes, les centres publics d'aide sociale, la majorité du conseil d'administration doit appartenir aux délégués de cette catégorie de participants.
Lorsque la part du capital social souscrite par la commune lui accorde des administrateurs, une représentation des groupes politiques siégeant au conseil communal et non représentés au collège des bourgmestre et échevins est garantie.
Les représentants de ces groupes politiques participent, avec voix consultative, aux réunions du conseil d'administration de la société immobilière de service public.
Les dispositions des alinéas 2 et 3 du présent article sont applicables à partir du premier renouvellement intégral des conseils communaux qui suivra l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
Les droits attachés aux actions ou parts détenues par la Région sont exercés par l'Exécutif. » Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance entreprise, cette disposition énonce : « Lorsque la majorité du capital social d'une société immobilière de service public est souscrite par la Région, les communes, les centres publics d'aide sociale, la majorité du conseil d'administration doit appartenir aux délégués de cette catégorie de participants.
Lorsque les parts sociales souscrites par une commune et son centre public d'aide sociale leur accordent la majorité au conseil d'administration de la société immobilière de service public, et lorsque le conseil d'administration ne comporte aucun administrateur appartenant aux groupes du conseil communal non représentés au collège des bourgmestre et échevins, ces groupes sont représentés au sein du conseil d'administration par deux membres avec voix consultative.
Ces membres du conseil d'administration avec voix consultative qui disposent des mêmes droits et obligations que les administrateurs sans toutefois détenir une voix délibérative, sont choisis par l'assemblée générale, sur une liste de quatre candidats, arrêtée par le conseil communal, sur la proposition des groupes visés au deuxième alinéa.
Sont réputés former un groupe, pour l'application des deuxième et troisième alinéas, le ou les membres du conseil communal qui sont élus sur une même liste.
Les droits attachés aux actions ou parts détenues par la Région sont exercés par le Gouvernement. » Quant à l'objet et à la recevabilité du recours B.2.1. Des moyens sont articulés contre les seuls articles 3 et 4 de l'ordonnance attaquée. La Cour limitera dès lors son examen à ces dispositions.
B.2.2. Le quatrième moyen est dirigé contre l'article 3 de l'ordonnance entreprise. Cette disposition, qui modifie l'article 7 de l'ordonnance du 9 septembre 1993, concerne l'administration de la Société du logement de la Région bruxelloise.
La partie requérante n'a pas indiqué - et la Cour n'aperçoit pas - en quoi, lors de l'introduction du recours, elle était susceptible d'être affectée directement et défavorablement dans sa situation par cette disposition.
Le recours est irrecevable à défaut de l'intérêt requis en droit, en tant qu'il est dirigé contre cette disposition.
B.2.3. Les trois premiers moyens sont dirigés contre l'article 4 de l'ordonnance entreprise, qui modifie l'article 13 de l'ordonnance du 9 septembre 1993. Cette modification a pour conséquence que les groupes du conseil communal qui ne sont pas représentés au collège des bourgmestre et échevins subissent une réduction de leur représentation avec voix consultative au sein du conseil d'administration des sociétés immobilières de service public dans lesquelles des communes bruxelloises détiennent une participation majoritaire.
Il peut être admis qu'un membre d'un tel groupe du conseil communal est susceptible d'être affecté directement et défavorablement dans sa fonction par une disposition qui réduit ses chances d'être désigné comme membre ayant voix consultative dans un tel conseil d'administration.
Quant à l'exception d'irrecevabilité du mémoire du Gouvernement wallon B.2.4. Contrairement à ce qu'affirme le conseil du requérant dans son mémoire en réponse, le mémoire du Gouvernement wallon introduit le 18 décembre 1997 par lettre recommandée à la poste a effectivement été introduit dans les délais, à savoir le dernier jour utile. En effet, le jour de la réception par le Gouvernement wallon de la notification de la requête - le 3 novembre 1997 - n'est pas compris dans le délai de 45 jours visé à l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
L'exception d'irrecevabilité du mémoire est rejetée.
Quant au fond Quant au premier moyen B.3.1. Aux termes du premier moyen, l'article 4 de l'ordonnance attaquée violerait l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980 ainsi que l'article 162 de la Constitution en ce qu'il déroge au droit des sociétés et à la législation organique des communes.
B.3.2. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose que seul le législateur fédéral est compétent pour le droit commercial et le droit des sociétés.
Aux termes de l'article 162 de la Constitution, les institutions provinciales et communales sont réglées par la loi.
B.3.3. La Région de Bruxelles-Capitale est compétente pour le logement en vertu de l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles combiné avec l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et peut, en cette matière, créer des entreprises et prendre des participations en capital sur la base de l'article 9 de la loi spéciale citée en premier lieu. En outre, le législateur ordonnanciel peut, lorsqu'il règle ces matières, intervenir aussi dans le domaine du droit commercial et du droit des sociétés ou dans celui de la législation organique des communes en invoquant l'application de l'article 10 lu en combinaison avec l'article 19, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980.
Il est alors requis à cet effet que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la Région, que ces matières se prêtent à un régime différencié et que l'incidence des dispositions en cause sur ces matières ne soit que marginale.
B.3.4. La disposition entreprise déroge au droit des sociétés. Pour ce qui est des sociétés anonymes, la disposition déroge à l'article 55 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, aux termes duquel les administrateurs sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires ou, pour la première fois, par l'acte de constitution de la société. Cette disposition ne prévoit ni une majorité garantie pour une catégorie déterminée d'actionnaires, ni des administrateurs ayant voix consultative. En ce qui concerne les sociétés coopératives, la disposition entreprise déroge aux articles 145 et 146 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, qui énoncent que l'acte constitutif précise comment et par qui les affaires sociales sont administrées et que, lorsque l'acte constitutif ne prévoit rien à ce sujet, la société est gérée par un administrateur.
B.3.5. La disposition entreprise déroge également à la législation organique des communes, en particulier aux articles 117 et 123 de la nouvelle loi communale, qui énoncent que le conseil communal règle tout ce qui est d'intérêt communal et que le collège des bourgmestre et échevins est chargé de l'administration des propriétés de la commune, ainsi que de la conservation de ses droits. Par la disposition litigieuse, le conseil communal et le collège des bourgmestre et échevins subissent une restriction de leur prérogative de défendre de la façon qu'ils jugent la plus appropriée les intérêts communaux dans les sociétés immobilières de service public.
B.3.6. Dans l'exposé des motifs du projet qui est devenu l'ordonnance entreprise, il est exposé en détail pourquoi ces dérogations au droit des sociétés et à la législation organique des communes ont été jugées nécessaires à l'exercice de la compétence régionale en matière de logement et de création d'entreprises ou de participation à celles-ci.
Le législateur ordonnanciel, qui a choisi de ne pas donner aux sociétés immobilières de service public le caractère d'un organisme d'intérêt public au sens de la loi du 16 mars 1954, mais bien celui d'une société commerciale, a jugé nécessaire de déroger sur certains points au droit des sociétés et à la législation organique des communes, notamment en vue de garantir la représentation, aux conseils d'administration de ces sociétés, de groupes minoritaires au conseil communal. Il a estimé que ces matières se prêtaient à un régime différencié et que l'incidence sur le droit des sociétés et sur la législation organique des communes n'était que marginale, dès lors que les dispositions concernent exclusivement une catégorie particulière de sociétés, à savoir les sociétés immobilières de service public qui fonctionnent principalement grâce aux ressources de la Région, et que les institutions communales ne se voient accorder en réalité qu'une possibilité supplémentaire de représentation (Doc., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1995-1996, n° A-111/1, pp. 2-6).
Cette motivation fait apparaître qu'il est satisfait aux exigences rappelées en B.3.3.
B.3.7. Le moyen ne peut être accueilli.
Quant aux deuxième et troisième moyens B.4.1. Selon le second moyen, les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés en ce que le requérant, en tant que membre d'un groupe minoritaire de l'opposition, est discriminé par un système qui prévoit que seuls deux représentants sont élus sur une liste de quatre, étant donné que la disposition entreprise laisse à l'assemblée générale de la société immobilière de service public la liberté de l'évincer comme seul Flamand faisant partie du conseil communal de Molenbeek-Saint-Jean.
Selon le troisième moyen, les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés en ce que l'ordonnance rend possible qu'aucun membre du groupe du requérant ou de sa minorité linguistique ne soit retenu, ni sur la liste du conseil communal ni dans la décision de l'assemblée générale de la société immobilière de service public, alors qu'une différence de traitement de groupes minoritaires d'un conseil communal, et spécifiquement d'un groupe minoritaire linguistique, doit être fondée sur un critère objectif raisonnablement justifié.
B.4.2. Aux termes de l'article 13 originaire de l'ordonnance du 9 septembre 1993, une représentation avec voix consultative des groupes politiques qui siégeaient au conseil communal et qui n'étaient pas représentés au collège des bourgmestre et échevins était garantie au conseil d'administration d'une société immobilière de service public.
Cette disposition visait à accorder aux minorités politiques au conseil communal un droit de contrôle en leur garantissant une participation avec voix consultative aux réunions du conseil d'administration. Elle visait également à contribuer à la lutte contre la « politisation » de l'attribution des logements sociaux. Le système garantissait en outre que tous les groupes linguistiques représentés au conseil communal soient associés à la gestion des sociétés immobilières de service public (Doc., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1992-1993, n° A-167/2, pp. 167-169; n° A-167/4, pp. 3-7).
La disposition entreprise réduit cette représentation. Dorénavant, semblable représentation n'est garantie que lorsque la commune et/ou le centre public d'aide sociale disposent de la majorité au sein du conseil d'administration. La représentation est en outre limitée à deux membres et ne vaut que pour autant que le conseil d'administration n'ait pas encore d'administrateur appartenant à un groupe minoritaire au conseil communal. Les représentants en question sont choisis par l'assemblée générale de la société immobilière de service public sur une liste de quatre candidats établie par le conseil communal sur la proposition des groupes au conseil communal qui ne sont pas représentés au collège des bourgmestre et échevins.
Selon les travaux préparatoires de la disposition entreprise, ces limitations ont été instaurées parce que les conseils d'administration des sociétés immobilières de service public pouvaient être confrontés, dans le système précédent, à un nombre relativement important de représentants de groupes minoritaires, ce qui était de nature à compromettre l'efficacité du fonctionnement des conseils d'administration des sociétés immobilières (Doc., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1996-1997, n° A-111/1, p. 13).
B.4.3. Toujours selon les travaux préparatoires, la disposition entreprise vise à concilier deux objectifs potentiellement contradictoires. D'une part, le but est que les représentants de minorités politiques et linguistiques aux conseils communaux de communes majoritaires au sein de sociétés immobilières de service public soient associés à leur fonctionnement lorsqu'ils ne sont pas encore représentés au conseil d'administration de ces sociétés, pour limiter le risque de politisation des décisions prises par ces sociétés (ibidem, p. 6). D'autre part, le but est d'assurer l'efficacité des activités des conseils d'administration de sociétés immobilières en évitant un afflux de tels représentants ayant voix consultative, compte tenu du fait que, dans les conseils communaux des communes de la Région de Bruxelles-Capitale, en moyenne plus de trois groupes minoritaires sont représentés (Doc., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1996-1997, n° A-111/2, pp. 7-9).
B.4.4. Suivant la partie requérante, la disposition entreprise a pour conséquence que, selon les circonstances, les groupes minoritaires au conseil communal peuvent à plusieurs égards être traités différemment.
Une première différence de traitement tient à la circonstance que la commune et/ou le centre public d'aide sociale disposent ou non de la majorité au conseil d'administration d'une société immobilière de service public. En effet, une représentation de groupes minoritaires au conseil d'administration n'est garantie qu'au cas où la commune et/ou son centre public d'aide sociale disposent de la majorité dans ce conseil.
Cette différence de traitement est raisonnablement justifiée dès lors que le régime de la représentation de groupes minoritaires doit être considéré comme le prolongement de la démocratie locale, en particulier lorsque les institutions communales, en raison de leur position majoritaire au conseil d'administration, y disposent aussi d'un pouvoir de décision effectif.
Une deuxième différence de traitement résulte du fait que des groupes minoritaires au conseil communal ne peuvent être représentés avec voix consultative au conseil d'administration de sociétés immobilières de service public que lorsque le conseil d'administration ne compte aucun administrateur appartenant à de tels groupes.
Cette différence de traitement n'est pas dénuée de justification, étant donné que lorsque le conseil d'administration compte déjà un administrateur appartenant à un tel groupe, les objectifs de la mesure entreprise exposés en B.4.3 sont déjà atteints.
Une troisième différence de traitement découle du fait que dans les autres cas, au maximum deux membres appartenant aux groupes minoritaires siègent avec voix consultative au conseil d'administration de la société immobilière de service public. Cette disposition ne garantit pas que tous les groupes minoritaires soient représentés au conseil d'administration et elle empêche que tous les groupes minoritaires soient représentés lorsqu'ils sont plus de deux.
Cette différence de traitement respecte toutefois les deux objectifs de la mesure entreprise exposés en B.4.3 et ne limite pas de façon disproportionnée les droits des groupes minoritaires. Les membres d'un groupe minoritaire non représenté au conseil d'administration d'une société immobilière de service public peuvent toujours faire usage du droit à la publicité passive accordé par l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration, pour exercer eux-mêmes une certaine forme de contrôle sur le fonctionnement de sociétés immobilières de service public, et ce sans préjudice des droits dont ils disposent en vertu de la nouvelle loi communale, notamment son article 84.
B.4.5. Ainsi que l'indique la partie requérante, l'ordonnance ne garantit pas que des groupes minoritaires linguistiques soient représentés aux conseils d'administration des sociétés immobilières de service public.
Bien que les lois spéciales et ordinaires relatives aux institutions bruxelloises prévoient à divers niveaux une représentation garantie de la minorité linguistique, le caractère bilingue de la région linguistique de Bruxelles-Capitale (article 4 de la Constitution) n'implique pas qu'il faille prévoir une telle représentation dans les organes de gestion de toutes les institutions dans lesquelles la commune est représentée.
B.4.6. Les moyens ne peuvent être accueillis.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 16 septembre 1998.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, L. De Grève.