publié le 10 juillet 1998
Arrêt n° 76/98 du 24 juin 1998 Numéro du rôle : 1139 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 « sanctionnant l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des servi La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 76/98 du 24 juin 1998 Numéro du rôle : 1139 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 « sanctionnant l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des services télévisés », introduit par le Conseil des ministres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 août 1997 et parvenue au greffe le 5 août 1997, le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 « sanctionnant l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des services télévisés » (publié au Moniteur belge du 4 février 1997).
II. La procédure Par ordonnance du 5 août 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 septembre 1997.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 18 septembre 1997.
Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 28 octobre 1997; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 31 octobre 1997.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 8 décembre 1997.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 6 janvier 1998; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 8 janvier 1998.
Par ordonnance du 22 janvier 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 4 août 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 29 avril 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 27 mai 1998.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 30 avril 1998.
A l'audience publique du 27 mai 1998 : - ont comparu : . Me G. Glas, avocat au barreau de Bruxelles, et Me L. Mourlon loco Me L. Misson, avocats au barreau de Liège, pour le Conseil des ministres; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me A. Joachimowicz loco Me A. Berenboom, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. Objet des dispositions attaquées L'article 2 des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés par arrêté du Gouvernement flamand du 25 janvier 1995, énonce : « Pour l'application de ces décrets coordonnés, il faut entendre par : 1° radiodiffuser : l'émission primaire, par câble ou sans fil, par émetteurs terrestres ou à bord d'un satellite, codée ou non, de programmes destinés à être reçus par le public.Ces programmes peuvent comprendre des programmes de radio, de télévision ou d'autres genres de programmes. Est également visée ici la communication de programmes entre entreprises en vue d'une rediffusion à l'intention du public. Ne sont pas visés les services de communications fournissant sur appel individuel, des éléments d'information ou d'autres prestations, tels que services de téléscopie [lire : télécopie], les banques de données électroniques et autres services similaires; 2° radiodiffuseur : un organisme qui assure des programmes, codés ou non.Par assurer il y a lieu d'entendre produire, laisser produire ou acquérir des programmes, constituer la programmation et radiodiffuser ou laisser radiodiffuser ces programmes; 3° organisme de radiodiffusion : un radiodiffuseur qui assure la production des programmes de radio et autres sortes de programmes sous la forme de sons;4° organisme de télédiffusion : un radiodiffuseur qui assure la production de programmes de télévision et autres genres de programmes sous la forme d'images ou de textes accompagnés ou non de sons;».
L'article 39, alinéa 1er, des décrets coordonnés énonce : « Sur avis du Conseil flamand des médias, le Gouvernement flamand peut agréer des organismes privés de télédiffusion aux conditions fixées dans le présent chapitre ».
Peuvent obtenir un agrément, en vertu de l'article 41 : « 1° un organisme privé de télédiffusion s'adressant à l'ensemble de la Communauté flamande; 2° des organismes privés de télédiffusion s'adressant à une collectivité située à l'intérieur d'une zone d'émission régionale, appelés ci-après ' télévisions régionales ';3° des organismes privés de télédiffusion s'adressant à un groupe cible spécifique situé à l'intérieur de l'ensemble de la Communauté flamande, d'une collectivité régionale ou locale, appelés dans ce chapitre ' télévisions s'adressant à des groupes cibles ';4° des organismes privés de télédiffusion à péage, appelés ci-après dans ce chapitre ' télévisions à péage ';5° des organismes privés de télédiffusion s'adressant au public ou à un partie du public, avec d'autre genres de services, appelés ci-après dans ce chapitre ' services télévisés '.» L'article 70 porte : « Les services télévisés peuvent être retransmis, contre paiement ou non, dans leur intégralité ou en partie sous forme codée. Le Gouvernement flamand peut imposer des conditions d'agrément supplémentaires. » En vertu de l'article 71, § 1er, le Gouvernement flamand fixe les conditions portant sur la structure financière et organisationnelle auxquelles peuvent être agréées, en exécution des articles 39, 40 et 73, les organismes privés de télédiffusion, les groupes cibles, les télévisions à péage et les services télévisés.
L'article 127 contient la disposition finale suivante : « § 1er. Les dispositions des articles 44, § 2, 45 à 47, 49, 50, 61 à 66, 68, 69, et 75 à 77 peuvent être modifiées ou abrogées par arrêté du Gouvernement flamand.
Ces arrêtés réglementaires ainsi que les arrêtés réglementaires visés aux articles 48 et 71, §§ 1er et 3, sont pris sur avis du Conseil flamand des Médias. Ils sont applicables, sans effet rétroactif, au plus tôt le jour de leur publication au Moniteur belge et, le cas échéant, à une date ultérieure fixée dans l'arrêté concerné. § 2. Ils sont soumis dans les dix jours de leur publication au Moniteur belge par le Gouvernement flamand pour approbation au Conseil flamand.
L'approbation est censée non accordée lorsque le Conseil flamand ne s'est pas prononcé au terme d'un délai de six mois.
Les arrêtés visés continuent à produire leurs effets juridiques à l'encontre de tiers aussi longtemps qu'ils ne sont pas remplacés par des nouveaux arrêtés. » En exécution et par application des susdits articles 41, 5°, 70, 71 et 127 des décrets coordonnés, le Gouvernement flamand a, le 24 juillet 1996, pris un arrêté « relatif à l'agrément des services télévisés », dont l'article 1er actuellement attaqué - modifié par le décret du 20 décembre 1996 - énonce : « Pour obtenir l'agrément et le conserver, les services télévisés doivent remplir les conditions suivantes : 1° le seul objectif social de la personne morale de droit privé consiste dans la prise en charge des services visés à l'article 41,5 [lire : à l'article 41, 5°,] des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995. Par services télévisés on ne vise pas les organismes de radiodiffusion privés qui s'adressent à une communauté dans une zone d'émission locale et qui peuvent être considérés comme des radiodiffuseurs locaux; 2° le Conseil d'administration ne peut être composé pour plus d'un cinquième de membres qui : - exercent un mandat politique; - exercent une fonction dirigeante ou d'administrateur dans une organisation d'employeurs ou de travailleurs; - exercent une fonction dirigeante ou d'administrateur dans une société de radio ou de télédistribution.
Les membres du Conseil d'administration ne peuvent en aucun cas faire partie d'un Collège des Bourgmestre et Echevins, d'une Députation Permanente, du Gouvernement flamand, du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ou du Gouvernement fédéral; 3° les services doivent se distinguer des programmes courants offerts par le radiodiffuseur de service public de la Communauté flamande ou par un organisme privé de télédiffusion, agréé par la Communauté flamande. Ils doivent présenter aux spectateurs une importante offre complémentaire sur le plan économique, éducatif, social ou culturel; 4° un service télévisé agréé est tenu de demander une autorisation pour chaque nouveau service distinct.L'offre simultanée de services fait l'objet d'une demande séparée. Tout service distinct offert sera précisé. Lorsque les services télévisés élargissent leur offre d'un autre genre de service, ils sont tenus de demander une autorisation séparée; 5° les services télévisés doivent être indépendants des partis politiques;6° les émissions des services télévisés doivent se faire sous la responsabilité rédactionnelle du personnel du service de télévision;7° à l'exception des dérogations assujetties à l'autorisation du Gouvernement flamand, les services télévisés sont tenus à émettre en néerlandais.» Le susdit arrêté du 24 juillet 1996 a été confirmé, en exécution de l'article 127, § 2, des décrets coordonnés, par l'article 2 du décret du 20 décembre 1996 également attaqué.
La reproduction figurant ci-dessus de l'article 1er de l'arrêté du 24 juillet 1996 tient compte des modifications apportées par les articles 3 et 4 du décret du 20 décembre 1996.
IV. En droit - A - En ce qui concerne la recevabilité Requête A.1. Le 26 juillet 1997, le Conseil des ministres a décidé d'introduire un recours en annulation des dispositions attaquées. Le recours a été introduit dans le délai prescrit et est donc recevable.
Mémoire du Gouvernement flamand A.2.1. Selon le Conseil des ministres, la notion de « services télévisés » figurant dans les dispositions entreprises viserait et, partant, réglerait davantage que le terme « radiodiffusion et télédiffusion » au sens de l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
Or, ni le décret entrepris ni l'arrêté entrepris ne contiennent une définition quelconque des « services télévisés » : cette définition est contenue à l'article 41, 5°, des décrets coordonnés.
Le recours du Conseil des ministres est en réalité dirigé contre une disposition instaurée par un décret publié plus de six mois avant l'introduction du présent recours en annulation. Le recours est donc irrecevable ratione temporis.
A.2.2. Pour une autre raison encore, le Conseil des ministres ne vise pas véritablement les dispositions formellement attaquées.
Le recours en annulation a été introduit dans le but d'échapper à une exception d'irrecevabilité d'un recours en annulation introduit auprès du Conseil d'Etat contre un arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 25 novembre 1996 relatif à la mise en oeuvre d'autres services sur le câble, qui donne une large définition de la notion « autres services de radiodiffusion ».
Dans le cadre de cette procédure devant le Conseil d'Etat, il a en effet été allégué que le recours était irrecevable à défaut d'intérêt parce que seul l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française avait été attaqué et non l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des services télévisés, ce qui constituerait une violation du principe d'égalité et de non-discrimination.
Exercer une compétence dans un autre but que celui dans lequel cette compétence a été attribuée constitue en substance un excès de pouvoir, en sorte que le recours en annulation ou la décision du Conseil des ministres de l'introduire n'est pas légale. La Cour ne peut en connaître, conformément à l'article 159 de la Constitution, et le recours est dès lors inadmissible.
Mémoire du Gouvernement de la Communauté française A.3.1. Le recours en annulation est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des services télévisés, contre lequel un recours pouvait être introduit auprès du Conseil d'Etat.
A.3.2. Le recours, introduit le dernier jour utile contre le décret du 20 décembre 1996, mais dirigé en réalité contre le susdit arrêté du Gouvernement flamand, qui a été publié plus de six mois avant l'introduction du recours, est également irrecevable ratione temporis.
Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.4.1. Pour ce qui concerne l'exception d'incompétence soulevée par le Gouvernement de la Communauté française, il peut être observé que, dans la mesure où il sanctionne l'arrêt attaqué et qu'il en modifie par ailleurs le contenu, le décret litigieux doit être considéré comme s'en appropriant le contenu.
A.4.2. Pour ce qui est de la deuxième exception soulevée par le Gouvernement de la Communauté française, il est observé que lorsqu'une décision gouvernementale est ratifiée par le législateur, le recours en annulation dirigé contre l'acte législatif est recevable.
A.4.3. L'examen de la première exception du Gouvernement flamand doit être joint à l'examen du moyen.
A.4.4. La seconde exception du Gouvernement flamand semble soulever la question de l'intérêt de la partie requérante à son recours en annulation. Le Conseil des ministres ne doit toutefois pas justifier d'un quelconque intérêt à un recours devant la Cour.
La Cour n'exerce sa compétence que vis-à -vis de dispositions à valeur législative et non pas à l'égard de la décision du Conseil des ministres d'introduire un recours. Cette décision ne relève pas de la catégorie des actes administratifs visés à l'article 159 de la Constitution.
Pour le surplus, il n'est pas démontré qu'il y aurait eu un détournement de pouvoir et il n'en est en tout cas pas question.
Mémoire en réponse du Gouvernement de la Communauté française A.5. Le Gouvernement de la Communauté française se rallie aux exceptions d'irrecevabilité soulevées par le Gouvernement flamand.
Sur le fond Requête A.6. « L'unique moyen d'annulation est pris de la violation des articles 35 et 127, § 1er, de la Constitution et de l'article 4, 6°, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980.
En ce que le décret du 20 décembre 1996 sanctionnant l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des services télévisés, sanctionne et modifie ledit arrêté;
Que, ce faisant, il s'approprie le contenu de cet arrêté qui doit désormais être assimilé au décret lui-même;
Que l'article 2, 1°, des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision coordonnés par arrêté du Gouvernement flamand du 25 janvier 1995 exclut de son champ d'application ' les services de communication fournissant sur appel individuel, des éléments d'information ou d'autres prestations '.
Que l'article 41, 5°, des décrets coordonnés du 25 janvier 1995 introduit la notion ' d'autres genres de services ' sans qu'elle soit par ailleurs définie dans ces mêmes décrets;
Que l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996, tel que sanctionné et modifié par le décret du 20 décembre 1996, définit les services télévisés visés à l'article 41, 5°, des décrets coordonnés du 25 janvier 1995 comme devant se ' distinguer des programmes courants offerts par le radiodiffuseur de service public de la Communauté flamande ' et comme devant ' présenter aux spectateurs une importante offre complémentaire ou [lire : sur le] plan économique, éducatif, social ou culturel ', et vise par ailleurs chaque nouveau projet de service distinct comme devant faire l'objet d'une autorisation séparée.
Qu'ainsi, aussi largement définis, les services télévisés que le Gouvernement flamand est susceptible d'agréer ou non en application de cette disposition peuvent toucher à des ' services de communications fournissant sur appel individuel, des éléments d'information ou d'autres prestations ' et d'autres services qui dépassent le concept de radiodiffusion et télévision.
Alors qu'il résulte de la combinaison des articles 35 et 127, § 1er, de la Constitution et 4, 6°, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 que le législateur fédéral est resté compétent pour l'ensemble de la matière des télécommunications, à l'exception de la radiodiffusion et de la télévision;
De sorte que les dispositions attaquées violent les articles 35 et 127, § 1er, de la Constitution et 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980. » Mémoire du Gouvernement flamand A.7.1. La matière culturelle de « la radiodiffusion et la télévision » qui a été confiée aux communautés en exécution de l'article 127 de la Constitution concerne des émissions destinées à être reçues par le public en général.
N'est toutefois pas pertinente en l'espèce, la question de savoir si les communautés sont compétentes pour régler plus que la radiocommunication à l'égard du public en général, étant donné que le moyen manque en fait : les dispositions attaquées légifèrent exclusivement dans le domaine de la radiocommunication publique - « point to multipoint » - et n'ont édicté aucune règle en matière de « point to point communication », c'est-à -dire en matière de (télé)communication privée.
Il découle déjà de la lecture conjointe de l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 et des décrets coordonnés que lesdits « services télévisés » relèvent par définition de la « diffusion » au sens de la « radiocommunication publique ».
A.7.2. Le moyen manque aussi en fait en tant qu'il reproche au Gouvernement flamand de ne pas avoir précisé dans l'arrêté du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des services télévisés ce qu'il y a lieu d'entendre par « services télévisés ».
Il résulte en effet des dispositions de l'article 1er, 1° et 3°, de l'arrêté critiqué que les services télévisés sont des radiodiffuseurs au sens organique, qui s'occupent (ou peuvent s'occuper) exclusivement de radiodiffusion au sens fonctionnel.
A.7.3. Pour le surplus, l'absence, le caractère indirect ou le caractère vague d'une définition peuvent difficilement poser problème.
Le Conseil d'Etat a émis l'avis suivant au sujet du projet qui est devenu l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 : « Le projet soumis pour avis ne comporte pas de définition précise de la notion de ' services télévisés '. [...] L'absence de définition a pour conséquence que pour l'application du projet d'arrêté, le Gouvernement flamand devra veiller à n'agréer d'autres ' services télévisés ' que ceux qui relèvent de la sphère de compétence des Communautés. Dès lors qu'à la lumière de l'interprétation à donner à l'article 41, 5°, des décrets coordonnés, le projet d'arrêté ne peut porter sur d'autres services, il faut conclure qu'il règle en soi une matière relevant de la compétence de la Communauté flamande ».
Lorsqu'un législateur délègue, il faut supposer, en règle, qu'il n'entend habiliter le délégué qu'à faire de son pouvoir un usage conforme à la Constitution.
De toute manière, la Cour n'est pas compétente pour contrôler les éventuelles applications, par le pouvoir exécutif concerné, d'une habilitation législative ou décrétale.
Mémoire du Gouvernement de la Communauté française A.8. L'article 1er de l'arrêté confirmé du 24 juillet 1996 ne contient pas de définition de la notion des services télévisés. Il découle du contexte, et plus précisément des articles 2 et 41, 5°, des décrets coordonnés, que la notion n'inclut pas les services de communication fournissant sur appel individuel des éléments d'information ou d'autres prestations, comme des services de télécopie, les banques de données électroniques et autres services similaires.
L'objectif du législateur décrétal était de permettre au Gouvernement flamand de réglementer les activités nées de l'évolution des techniques et qui se distinguent des services traditionnels de radiodiffusion, tels que la radio et la télévision.
Même si elles ne le précisent pas expressément, les dispositions attaquées ne visent que les services de radiodiffusion et de télévision à caractère « interpersonnel ».
Certes, ni le Constituant, ni le législateur spécial, ni les dispositions internationales ou nationales n'ont expressément pris position sur la qualification qui devait être réservée à ces services au regard des règles de répartition des compétences. Cependant, ce silence ne signifie pas que les services visés ne pourraient pas être qualifiés de services de radiodiffusion ou de télévision.
Les dispositions entreprises visent exclusivement les services télévisés qui s'adressent « aux spectateurs », c'est-à -dire au public en général, à l'exclusion des services de communication fournissant sur appel individuel des éléments d'information ou d'autres prestations. Elles ne sont dès lors aucunement contraires aux articles 35 et 127, § 1er, de la Constitution ou à l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.9.1. L'article 1er, 3°, de l'arrêté litigieux dispose que les « services télévisés » doivent se distinguer des programmes courants offerts par le radiodiffuseur de service public de la Communauté flamande ou d'un autre télédiffuseur particulier agréé par la Communauté flamande.
Cela permet de donner à ce concept un contenu particulièrement large.
En vertu de l'article 1er, 4°, de l'arrêté, les organisations agréées peuvent élargir leur offre « d'un autre genre de service », sans aucune restriction.
Enfin, l'article 1er, 3°, alinéa 2, de l'arrêté prévoit une importante offre complémentaire pour le spectateur sur le plan économique, éducatif, social, culturel.
En adoptant les dispositions attaquées, le Gouvernement flamand et le législateur ont eu la volonté de donner une acception extrêmement large à la notion de services télévisés, qui excède la compétence des communautés en matière de radiodiffusion.
A.9.2. Il est exact que selon l'article 1er, 1°, de l'arrêté entrepris, seules les personnes morales de droit privé peuvent être agréées avec comme seul objectif social de prendre en charge des « services télévisés » au sens de l'article 41, 5°, des décrets coordonnés. Cette dernière disposition ne donne cependant pas de définition claire desdits « services télévisés ».
En tout état de cause, la définition de la radiodiffusion et de la télédiffusion donnée à l'article 2, 1°, des décrets coordonnés, c'est-à -dire l'émission primaire de programmes destinés à être reçus par le public, ne limite pas suffisamment le champ d'application et la notion de services télévisés.
Même lues en combinaison avec les dispositions des décrets coordonnés et interprétées à la lumière de celles-ci, les dispositions entreprises violent les règles citées au moyen. En tout état de cause, il est difficile d'admettre qu'elles puissent être considérées comme conformes aux règles de répartition des compétences.
Les dispositions attaquées ne pourraient être conformes à ces règles que si, lues en combinaison avec les articles 2 et 41, 5°, des décrets coordonnés, elles étaient interprétées comme ne visant au titre des « services télévisés » pour lesquels le Gouvernement flamand est compétent et autorisé à accorder un agrément que des services de radiocommunication dont les émissions sont destinées à être reçues directement par le public en général et qui répondent à un ensemble d'éléments faisant apparaître qu'il s'agit bien de radiodiffusion, ayant de surcroît un impact culturel indéniable sur le public en général.
En ordre subsidiaire, pour autant qu'il n'en résulterait pas d'annulation, le Conseil des ministres demande à la Cour de dire pour droit que les dispositions attaquées ne constituent pas, dans l'interprétation donnée ci-dessus, une violation des règles de compétence citées au moyen.
Mémoire en réponse du Gouvernement de la Communauté française A.10. Les arguments du Gouvernement flamand correspondent, pour ce qui concerne le fond de l'affaire, à ceux invoqués par le Gouvernement de la Communauté française. - B - Quant à la recevabilité B.1. Selon le Gouvernement flamand, la disposition attaquée n'a pas la portée que lui attribue le moyen d'annulation et le recours est dirigé en réalité contre l'article 41, 5°, des décrets coordonnés du 25 janvier 1995.
L'exception sera examinée en même temps que le fond de l'affaire.
B.2. L'exception d'irrecevabilité ratione temporis soulevée par le Gouvernement de la Communauté française ne peut être admise, étant donné que le recours introduit le 4 août 1997 est dirigé contre le décret du 20 décembre 1996 publié au Moniteur belge du 4 février 1997, c'est-à -dire dans le délai légal prescrit de six mois.
B.3.1. Selon le Gouvernement de la Communauté française, la Cour est incompétente parce que le recours est dirigé en réalité contre un arrêté d'exécution.
B.3.2. En l'espèce, le recours en annulation est dirigé contre un décret modifiant et confirmant un arrêté du Gouvernement flamand. Par conséquent, la Cour, qui est compétente en vertu de l'article 142, alinéa 2, 1°, de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, doit, lors du contrôle de la norme attaquée, inclure dans celui-ci le contenu de l'arrêté confirmé.
L'exception est rejetée.
B.4. Le Gouvernement flamand soutient encore à titre d'exception d'irrecevabilité que la Cour ne peut tenir compte, conformément à l'article 159 de la Constitution, de la décision du Conseil des ministres d'intenter le recours, requise par l'article 7, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, étant donné que cette décision procéderait d'un détournement de pouvoir, en tant qu'elle poursuivrait un autre but que celui pour lequel le Conseil des ministres est compétent.
En exécution de l'article 142 de la Constitution, l'article 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 désigne le Conseil des ministres comme autorité autorisée à saisir la Cour d'un recours. Pour ce faire, le Conseil des ministres ne doit ni justifier d'un intérêt ni poursuivre un objectif déterminé.
L'exception est rejetée.
Quant au fond B.5. Dans un moyen unique, le Conseil des ministres dénonce la violation des articles 35 et 127, § 1er, de la Constitution et de l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que les « services télévisés » que le Gouvernement flamand est en droit d'agréer en application de la disposition attaquée sont définis de façon tellement large qu'ils pourraient également concerner des services de communication fournissant, sur appel individuel, des éléments d'information ou d'autres prestations et d'autres services qui dépassent le concept de radiodiffusion et télévision.
Quant à l'article 35 de la Constitution B.6. L'article 35 de la Constitution dispose : « L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même.
Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.
Disposition transitoire La loi visée à l'alinéa 2 détermine la date à laquelle le présent article entre en vigueur. Cette date ne peut pas être antérieure à la date d'entrée en vigueur du nouvel article à insérer au titre III de la Constitution, déterminant les compétences exclusives de l'autorité fédérale. » En l'absence de la loi visée à l'alinéa 2 de l'article précité de la Constitution, loi qui, en vertu de la disposition transitoire qui accompagne cet article, doit déterminer la date d'entrée en vigueur de ce dernier, la Cour ne peut opérer aucun contrôle au regard de cette disposition.
Quant à l'article 127, § 1er, de la Constitution et quant à l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles B.7.1. L'article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières culturelles visées à l'article 59bis, § 2, 1°, de la Constitution [actuellement l'article 127, § 1er] sont : 6° La radiodiffusion et la télévision, à l'exception de l'émission de communications du Gouvernement fédéral ». B.7.2. Sous réserve de l'exception qu'il a prévue, le législateur spécial a transféré aux communautés l'ensemble de la matière de la radiodiffusion et de la télévision. Les communautés sont compétentes pour déterminer le statut des services de radiodiffusion et de télévision et pour édicter des règles en matière de programmation et de diffusion des émissions.
B.8. Le décret attaqué de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 modifie et confirme l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1996 relatif à l'agrément des services télévisés.
En exécution des articles 70 et 71 des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés par arrêté du 25 janvier 1995, l'arrêté précité du 24 juillet 1996 fixe les conditions de l'agrément des « services télévisés ».
Les communautés peuvent, sur la base de la compétence qui leur est attribuée par l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, soumettre à un agrément les services offerts en matière de radiodiffusion et de télévision.
Le législateur décrétal était donc compétent pour déterminer les conditions d'agrément des services télévisés ou, comme il l'a fait en l'espèce, pour les confirmer.
B.9. Le Conseil des ministres affirme toutefois que la disposition attaquée fait apparaître la volonté du législateur décrétal de donner à la notion de « services télévisés » un large contenu qui excède la compétence des communautés.
B.10. Il découle de l'article 1er, 1°, de l'arrêté du 24 juillet 1996 que l'agrément porte sur « la prise en charge des services visés à l'article 41, 5°, des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995 ». En vertu dudit article 41, 5°, les services télévisés sont des « organismes privés de télédiffusion s'adressant au public ou à une partie du public avec d'autres genres de services ».
B.11. L'analyse des définitions figurant à l'article 2, 1°, 4° et 9°, des décrets coordonnés relatifs à la radiodiffusion et à la télévision révèle qu'un service télévisé, en sa qualité d'« organisme de télédiffusion », peut uniquement « radiodiffuser » au moyen d'un « programme de radiodiffusion télévisuelle ». Dans la définition de « radiodiffuser », il est expressément prévu que sont exclus de l'activité de « radiodiffusion » les « services de communications fournissant sur appel individuel, des éléments d'information ou d'autres prestations, tels que services de téléscopie [lire : télécopie], les banques de données électroniques et autres services similaires ».
B.12. L'article 1er, 3°, de l'arrêté du 24 juillet 1996 dispose certes : « les services doivent se distinguer des programmes courants offerts par le radiodiffuseur de service public de la Communauté flamande ou par un organisme privé de télédiffusion, agréé par la Communauté flamande.
Ils doivent présenter aux spectateurs une importante offre complémentaire sur le plan économique, éducatif, social ou culturel; ».
Ni cette disposition qui constitue une condition d'agrément, ni aucune autre disposition du décret ou de l'arrêté ne dérogent à la définition du terme « radiodiffuser ». Cette définition qui figure à l'article 2, 1°, des décrets coordonnés précités contient l'exclusion indiquée en B.11.
B.13. Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 24 juin 1998.
Le greffier, L. Potoms Le président, L. De Grève