publié le 14 mai 1998
Arrêt n° 27/98 du 10 mars 1998 Numéro du rôle : 1261 En cause : la demande de suspension des articles 24/26, § 3, alinéa 2, et 24/34, § 2, de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gen La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 27/98 du 10 mars 1998 Numéro du rôle : 1261 En cause : la demande de suspension des articles 24/26, § 3, alinéa 2, et 24/34, § 2, de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie, tels qu'ils ont été respectivement remplacé et complété par les articles 2 et 3 de la
loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
16/07/1997
pub.
24/07/1997
numac
1997000528
source
ministere de l'interieur ministere de la justice
Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie
fermer portant modification de la loi précitée, introduite par la Fédération syndicale de la gendarmerie belge et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 décembre 1997 et parvenue au greffe le 23 décembre 1997, une demande de suspension des articles 2 et 3 de la loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie (publiée au Moniteur belge du 24 juillet 1997) a été introduite par la Fédération syndicale de la gendarmerie belge, dont le siège social est établi à 1150 Bruxelles, chaussée de Watermael 106, J. Schonkeren, demeurant à 3670 Meeuwen-Guitrode, Heidestraat 28, F. Maes, demeurant à 2520 Ranst, Schawijkstraat 80, M. Dentant, demeurant à 7912 Frasnes-lez-Anvaing, rue du Beau Site 10, et D. Delpierre, demeurant à 6110 Montigny-le-Tilleul, rue de Gozée 681.
Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation des mêmes dispositions légales.
II. La procédure Par ordonnance du 23 décembre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Par ordonnance du 28 janvier 1998, la Cour a fixé l'audience au 18 février 1998.
Cette ordonnance a été notifiée aux autorités mentionnées à l'article 76 de la loi organique ainsi qu'aux parties requérantes et à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 29 janvier 1998.
A l'audience publique du 18 février 1998 : - ont comparu : . Me W. Willems loco Me W. Daem, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . le colonel F. Koekelberg et le lieutenant J. Stevens, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. Les dispositions entreprises L'article 2 de la loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie énonce : « L'article 24/26, § 3, alinéa 2, de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie, inséré par la loi du 24 juillet 1992 et modifié par la loi du 3 avril 1997, est remplacé par la disposition suivante : ' Le commandant d'unité saisi par le commandant de la gendarmerie, agissant sur injonction du Ministre de l'Intérieur, fait procéder à l'enquête préalable. Le rapport de l'enquête préalable est transmis au commandant de la gendarmerie qui le porte, avec son avis, à la connaissance du Ministre de l'Intérieur qui, le cas échéant, en informe le Ministre de la Justice ou le bourgmestre. Le Ministre de l'Intérieur peut ensuite, d'initiative ou à la requête du Ministre de la Justice ou du bourgmestre, enjoindre au commandant de la gendarmerie de faire procéder à la rédaction d'un rapport introductif par le commandant d'unité en vue de la saisine du conseil d'enquête par le chef de corps, quelle que soit la sanction disciplinaire proposée. Dans ce cas, le conseil d'enquête transmet son avis, quel qu'en soit le contenu, au commandant de la gendarmerie. Ce dernier le transmet au Ministre de l'Intérieur pour décision. Sans préjudice de l'article 24/24, § 2, le Ministre de l'Intérieur peut infliger une des sanctions visées à l'article 24/13, § 1er. Sa décision est, le cas échéant, portée à la connaissance du Ministre de la Justice ou du bourgmestre. ' » L'article 3 de la même loi énonce : « L'article 24/34, § 2, de la même loi, inséré par la loi du 24 juillet 1992, est complété par un troisième alinéa, libellé comme suit : ' En cas d'application de la procédure visée à l'article 24/26, § 3, l'avis unanime du conseil d'enquête relatif à la qualification des faits visées au 2°, s'impose à l'autorité investie du droit de punir. ' » IV. En droit - A - Requête Quant à la recevabilité A.1.1. La Fédération syndicale de la gendarmerie belge est une association de fait qui a été agréée par arrêté royal du 22 juillet 1983 comme union professionnelle en application de l'article 16, § 2, de la loi du 14 janvier 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/01/1975 pub. 07/02/2014 numac 2014000071 source service public federal interieur Loi portant le règlement de discipline des Forces armées. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et comme organisation syndicale en application de la loi du 11 juillet 1978 et a, en cette qualité, intérêt à attaquer les articles 2 et 3 de la loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer qui sont susceptibles d'affecter directement et défavorablement les intérêts de ses membres. Cette loi apporte en effet une modification importante au règlement disciplinaire de la gendarmerie, modification qui, si elle est appliquée, entraînera un alourdissement considérable de la procédure.
A.1.2. En leur qualité de gendarmes, les requérants individuels justifient de l'intérêt requis pour demander l'annulation des dispositions législatives qui règlent le statut du cadre actif du corps opérationnel de la gendarmerie.
Les dispositions attaquées modifient en effet ce statut et sont également de nature à influencer directement et défavorablement les intérêts des parties requérantes en ce qu'elles instaurent une procédure disciplinaire nouvelle et alourdie dans certaines circonstances.
Les moyens A.2.1. Le premier moyen dénonce la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
A.2.2. La modification de la procédure disciplinaire apportée par la loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer viole le principe constitutionnel d'égalité d'abord en raison de la discrimination qui est instaurée entre le personnel de la gendarmerie et celui de la police judiciaire près les parquets.
Le ministre de l'Intérieur dispose dorénavant à l'égard de la gendarmerie de la possibilité de juger lui-même des sanctions qu'il y a lieu d'infliger dans des dossiers disciplinaires qu'il porte à la connaissance du chef de corps. Sous l'ancien statut disciplinaire de la gendarmerie, le ministre avait uniquement un droit d'injonction pour entamer une procédure disciplinaire et la décision d'engager des poursuites disciplinaires était laissée à l'appréciation de la hiérarchie de la gendarmerie. Une situation comparable existe toujours pour la police judiciaire près les parquets, à l'égard de laquelle le ministre de la Justice n'a pas le pouvoir d'apprécier la suite qu'il convient de donner aux poursuites.
A.2.3. L'adoption des dispositions entreprises est une conséquence du rapport de la commission d'enquête parlementaire Dutroux-Nihoul.
Suivant les travaux préparatoires, la loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer doit permettre au ministre d'infliger lui-même des sanctions disciplinaires et d'en assumer la responsabilité politique, le législateur entendant éviter que les chefs de corps de la gendarmerie ne se retrouvent dans des situations délicates.
Ces motifs ne sauraient toutefois justifier raisonnablement la distinction établie en matière disciplinaire entre la gendarmerie et la police judiciaire près les parquets.
A.2.4. Il ressort du rapport de la commission Dutroux que tous les services de police du pays sont confrontés aux mêmes problèmes. Le fil conducteur de la loi du 24 juillet 1992 modifiant certaines dispositions relatives au statut du personnel du cadre actif de la gendarmerie était le rapprochement du statut disciplinaire de la gendarmerie et de celui des autres services de police.
De nouvelles modifications du statut disciplinaire doivent tendre à une plus grande uniformité entre la gendarmerie et la police judiciaire près les parquets, puisqu'elles exercent des tâches similaires, et non à créer de nouvelles différences, comme le font les dispositions entreprises.
A.2.5. La loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer viole aussi le principe d'égalité en tant qu'elle instaure une distinction en matière de procédure disciplinaire en fonction de la manière dont les faits disciplinaires sont portés à la connaissance de l'autorité investie du droit de punir.
L'ancienne législation disciplinaire était applicable à tous les membres du personnel de la gendarmerie, quelle que soit la manière dont les faits étaient portés à la connaissance de l'autorité investie du droit de punir. Or, la nouvelle procédure disciplinaire instaure un régime d'exception pour les faits que le ministre porte à la connaissance du commandant de la gendarmerie et, par l'intermédiaire de ce dernier, au commandant d'unité. Ainsi qu'il sera démontré ci-après, aucune justification raisonnable ne saurait être donnée pour cette distinction.
A.2.6. Pour justifier cette procédure d'exception, le ministre renvoie dans les travaux préparatoires à la situation difficile dans laquelle pourraient se trouver les commandants au moment de prendre une décision sur des sanctions disciplinaires à infliger à des subordonnés.
Il ajoute que cette nouvelle procédure n'a pas tellement été développée pour des dossiers disciplinaires graves mais bien pour des dossiers auxquels l'opinion publique et les médias attachent une importance. Toutefois, une telle motivation ne saurait justifier l'instauration d'un régime d'exception totalement dérogatoire.
Selon cette procédure d'exception, les membres du personnel concernés sont soustraits à leur juge naturel, à savoir le commandant d'unité et le chef de corps. Ceux-ci sont en effet obligés, quel que soit le résultat de l'enquête préalable, d'introduire le dossier disciplinaire auprès du conseil d'enquête. Il n'est plus question en l'occurrence d'un pouvoir d'appréciation permettant d'engager ou non une procédure disciplinaire.
Pour la simple raison que les faits bénéficient d'une certaine attention des médias, ce qui est d'ores et déjà susceptible de compromettre l'honneur et la réputation des intéressés, il faut suivre une longue procédure, même s'il devait déjà s'avérer clairement, à l'issue d'une première enquête, qu'il n'a pas été commis de faits sanctionnés disciplinairement ou même si de tels faits étaient prescrits. Le dommage que cette procédure est ainsi susceptible de causer aux intéressés n'est pas proportionné à l'éventuelle utilité de cette procédure.
A.2.7. Le régime d'exception va toutefois encore plus loin, puisque les autorités compétentes ne disposent même plus de leur pouvoir normal d'infliger elles-mêmes des sanctions plus légères, à savoir un avertissement ou un blâme adressé par un commandant d'unité et subsidiairement la retenue de traitement infligée par le chef de corps.
Il est de surcroît permis de se demander dans quelle mesure l'article 24/25 est conciliable avec cette procédure. Selon cet article, le commandant de la gendarmerie peut annuler un blâme ou un avertissement s'il devait, par exemple, estimer que les faits ne constituent pas une faute disciplinaire dans les circonstances de la cause. On peut difficilement s'imaginer qu'un commandant de gendarmerie aille à l'encontre d'une décision du ministre, pour autant que cela soit possible. Cette circonstance accentue également la disproportion entre le but visé et le moyen employé.
A.2.8. Enfin, cette procédure d'exception s'écarte aussi de la normale en matière de compétence du conseil d'enquête. Conformément à l'article 24/34, § 2, de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie, l'autorité investie du droit de punir n'est liée que par l'avis du conseil d'enquête pour ce qui concerne l'énoncé des faits et leur imputation éventuelle au membre du personnel en cause.
Or, la loi attaquée insère en son article 3 un troisième alinéa dans ce paragraphe, qui a pour effet que lorsqu'il prend sa décision, le ministre serait également lié en ce qui concerne la qualification des faits, si l'avis du conseil d'enquête est unanime. Selon les travaux préparatoires, le but est que, dans la mesure du possible, le ministre ne prenne aucune décision sous la pression de l'opinion publique. Pour éviter cela, il est obligé de suivre la décision du conseil d'enquête, un conseil d'enquête qui se compose pour sa majorité d'officiers de la gendarmerie et de représentants des syndicats de la gendarmerie. Et ce, alors que le but de la procédure d'exception était précisément de maintenir la gendarmerie en dehors de ces cas délicats et de donner au ministre la possibilité d'assumer pleinement sa responsabilité en tant qu'autorité disciplinaire.
A.2.9. Force est de conclure, de toutes ces considérations, que les moyens employés manquent le but visé. La procédure d'exception, prévue aux articles 2 et 3 de la loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer, viole le principe de proportionnalité et, partant, le principe constitutionnel d'égalité.
A.3. Le deuxième moyen dénonce la violation de l'article 11 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans l'ancienne procédure disciplinaire, qui était initiée par le ministre de l'Intérieur, les droits de la défense étaient garantis par les articles 24/27 et 24/28, auxquels faisait explicitement référence l'ancien article 24/26, § 3, alinéa 2, de la loi du 27 décembre 1973.
La nouvelle version de l'article 24/26, § 3, alinéa 2, ne contient pas cette référence aux droits de la défense. Cette loi crée donc pour le moins l'imprécision quant au contenu et à l'applicabilité des droits de la défense dans la nouvelle procédure. Pour ces motifs, l'article 2 de la loi du 16 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1997 pub. 24/07/1997 numac 1997000528 source ministere de l'interieur ministere de la justice Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer viole les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination, lues en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La demande de suspension A.4.1. Les moyens invoqués doivent être réputés sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage.
A.4.2. En ce qui concerne le préjudice grave difficilement réparable, il ressort des travaux préparatoires que le but recherché est de pouvoir appliquer cette nouvelle procédure dans les plus brefs délais, comme le fait également ressortir l'article 4 de la loi, qui dispose que la loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.
Les requérants exposent le préjudice potentiel comme suit : « A la lumière de ce fondement spécifique de la loi, l'engagement de cette procédure d'exception entraînera dès lors quelques conséquences importantes. L'engagement de cette procédure contre un membre de la gendarmerie le couvrira pour ainsi dire d'opprobre. Il est vraisemblable que les médias s'en saisiront avidement et fouilleront ' jusque dans les moindres recoins ' la vie professionnelle mais également privée de l'intéressé. La colère populaire émotionnelle qu'a soulevée l'affaire Dutroux est toujours à la recherche de coupables, de noms sur lesquels un visage pourrait être collé. Le ministre peut ainsi être tenté d'infliger des sanctions exemplaires, disproportionnées à la faute. Même s'il devait s'avérer ultérieurement qu'une sanction disciplinaire légère peut en fait suffire ou que les faits disciplinaires n'ont nullement eu lieu, le membre du personnel en question demeure couvert d'opprobre.
En cas d'annulation ultérieure de la loi, il sera difficile, voire impossible, de réparer le dommage. L'intéressé aura déjà depuis longtemps été cloué au pilori des médias. L'exécution immédiate de la procédure prévue par la loi attaquée causera aux personnes concernées un préjudice grave difficilement réparable. » - B - B.1. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.
B.2.1. Le préjudice invoqué par la Fédération syndicale de la gendarmerie belge ne saurait être considéré comme un préjudice grave difficilement réparable au sens de l'article 20 de la loi spéciale du 6 janvier 1989. Sans qu'il soit besoin, au stade actuel de la procédure, d'examiner si le recours de la Fédération syndicale de la gendarmerie belge est ou non recevable, la Cour constate que le préjudice que cette association est susceptible de subir est un préjudice purement moral qui découle de l'adoption ou de l'application de dispositions légales qui peuvent affecter les intérêts de ses membres. Semblable préjudice disparaît par l'éventuelle annulation des dispositions entreprises et n'est donc pas difficilement réparable.
B.2.2. En ce qui concerne les requérants individuels, la Cour observe que le préjudice invoqué par eux, qui résulterait de l'application des dispositions entreprises, se situe dans le cadre d'une affaire particulièrement retentissante.
Les dispositions entreprises attribuent des compétences supplémentaires au ministre de l'Intérieur pour infliger des sanctions disciplinaires à des membres du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie. Toutefois, le préjudice invoqué n'est pas imputé à la décision du ministre en elle-même ou à ses effets préjudiciables pour les intéressés, mais au fait que la presse ferait écho à la décision du ministre et que les intéressés, en cas d'annulation éventuelle des dispositions entreprises, auraient injustement « été longtemps cloués au pilori des médias ».
B.2.3. Aucun parmi les requérants n'affirme être d'une façon ou d'une autre concerné dans l'affaire précitée. Ils ne font donc pas apparaître que l'application immédiate des dispositions attaquées risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable.
B.3. Dès lors que la deuxième condition visée à l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 n'est pas remplie, la Cour ne doit pas examiner si les moyens invoqués à l'appui de la demande de suspension sont sérieux.
Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 mars 1998.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, L. De Grève.