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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 13 février 1998

Arrêt n° 1/98 du 14 janvier 1998 Numéro du rôle : 1044 En cause : le recours en annulation de l'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)

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1998021018
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 1/98 du 14 janvier 1998 Numéro du rôle : 1044 En cause : le recours en annulation de l'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, introduit par l'a.s.b.l. Groupement belge pour la promotion de la médecine extra-hospitalière.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 janvier 1997 et parvenue au greffe le 31 janvier 1997, l'a.s.b.l.

Groupement belge pour la promotion de la médecine extra-hospitalière, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, avenue de la Couronne 20, a introduit un recours en annulation de l'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions (publiée au Moniteur belge du 1er août 1996).

II. La procédure Par ordonnance du 31 janvier 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 21 février 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 22 février 1997.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 2 avril 1997.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 17 avril 1997.

La partie requérante a introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 15 mai 1997.

Par ordonnance du 25 juin 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 29 janvier 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 30 octobre 1997, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 18 novembre 1997.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 31 octobre 1997.

A l'audience publique du 18 novembre 1997 : - ont comparu : . Me A. Van Keer, avocat au barreau de Gand, pour la partie requérante; . Me J. Vanden Eynde et Me B. Van Hyfte, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet de la disposition entreprise L'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, inséré dans le chapitre III (Organisation des soins de santé) du titre III (Soins de santé et santé publique), s'énonce comme suit : « Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'améliorer l'organisation des soins de santé. A cette fin, Il peut : 2° généraliser, notamment par des incitants financiers, la tenue d'un dossier médical par patient et instaurer des formes d'échelonnement des soins;».

IV. En droit - A - Quant à l'intérêt Requête A.1.1. L'a.s.b.l. Groupement belge pour la promotion de la médecine extra-hospitalière, créée en 1984, s'occupe en général de tout ce qui concerne les médecins extra-hospitaliers et poursuit en particulier les objectifs énumérés à l'article 2, litterae a à f, des statuts.

L'association remplit les conditions relatives à l'intérêt collectif posées par la Cour.

La disposition entreprise intervient fondamentalement « dans l'organisation des soins médicaux et notamment dans le rôle du médecin spécialiste dans le processus de soins » et affecte donc directement l'objet social de l'association.

Mémoire du Conseil des ministres A.1.2. La partie requérante ne justifie pas de l'intérêt légalement requis à l'annulation de la disposition attaquée.

En premier lieu, la partie requérante affirme que ses membres seraient lésés du fait que les incitants financiers visés dans la disposition attaquée seraient réservés aux médecins généralistes. Ce préjudice ne saurait toutefois se déduire de la disposition entreprise, et est trop indirect.

Ensuite, la partie requérante invoque comme préjudice le fait que le recours à ses membres serait subordonné au diagnostic et à la bonne volonté d'un médecin généraliste. Cela ne se déduit pas davantage de la disposition entreprise. Ce préjudice allégué est inexistant, hypothétique et à tout le moins indirect.

Enfin, le fait que la tenue d'un dossier médical devienne le monopole du médecin généraliste ne ressort pas davantage de la disposition attaquée.

En conclusion, il convient de constater que le préjudice invoqué par la partie requérante ne découle aucunement de la disposition entreprise. Celle-ci offre uniquement au Roi la possibilité de prendre des mesures.

Mémoire en réponse de la partie requérante A.1.3. La disposition législative litigieuse affecte l'objet social de la partie requérante précisé à l'article 2 de ses statuts.

L'intérêt de la partie requérante porte, d'une part, sur le préjudice qu'elle subit du fait de la disposition entreprise et, d'autre part, sur le bénéfice qu'elle attend de son annulation.

Selon la jurisprudence de la Cour, l'intérêt existe chez ceux dont la situation juridique est susceptible d'être affectée. Ont également un intérêt, ceux dont la situation pourrait être influencée de manière défavorable.

Quant à la compétence de la Cour Requête A.2.1. L'article entrepris figure dans une loi au sens de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. La Cour est donc compétente ratione materiae.

Mémoire du Conseil des ministres A.2.2. L'article 12, 2°, litigieux de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer dispose uniquement que le Roi « peut prendre » toutes les mesures nécessaires en vue notamment de généraliser la tenue d'un dossier médical par patient et d'instaurer des formes d'échelonnement des soins.

Le recours est dirigé contre une mesure soumise à l'intervention du Roi, qui échappe à la compétence de la Cour.

Mémoire en réponse de la partie requérante A.2.3. Le recours en annulation n'est pas dirigé contre des mesures que le Roi peut prendre à l'avenir, mais contre les incitants financiers que l'article critiqué de la loi réserve à une catégorie déterminée de médecins et contre l'échelonnement qu'il établit au moyen des incitants financiers.

A.2.4. Le recours n'est pas davantage dirigé contre l'instauration d'un dossier médical, mais contre le fait qu'il soit réservé aux médecins généralistes.

Le recours n'est pas non plus dirigé contre les formes d'échelonnement à préciser, mais contre l'échelonnement en soi, à savoir une hiérarchisation opérée au sein d'une catégorie de personnes appartenant au même groupe professionnel.

A.2.5. Le traitement discriminatoire est contenu dans l'article critiqué de la loi lui-même.

Cet article établit une distinction entre les médecins. Il vise, par l'octroi d'incitants financiers, à établir une hiérarchisation au sein de la catégorie des médecins, sans recourir à un critère quelconque.

La façon dont le Roi concrétisera cette distinction n'est pas pertinente. Seule la circonstance que l'échelonnement est instauré dans un même groupe professionnel, sans recourir à un critère objectif et pertinent, doit être retenue en l'occurrence.

Quant au fond Requête A.3.1. L'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Dans les travaux préparatoires de la disposition entreprise, il est question de prestations de soins de « première ligne » et de « deuxième ligne » et d'« échelonnement », sans que ces notions soient définies.

Il est uniquement précisé que le but est d'établir une distinction entre « médecins généralistes » et « médecins non généralistes », distinction qui ne repose sur aucun fondement objectif, étant donné que le cadre et le contenu des mesures sont insuffisamment définis.

L'exposé des motifs du projet qui est devenu la loi attaquée révèle que les dispositions sont fondées sur un dogme, du fait qu'il n'est nullement démontré que la prestation de soins par un médecin généraliste serait moins chère que celle d'un médecin non généraliste, ni que les médecins non généralistes n'auraient pas connaissance des antécédents personnels et familiaux du patient.

Selon les dispositions en vigueur, les bénéficiaires de l'assurance maladie-invalidité peuvent choisir librement le prestataire de soins auquel ils s'adressent. Parmi les praticiens de l'art de guérir, il n'existe aucune distinction entre « médecins de première ligne » et « médecins de deuxième ligne ».

La loi entreprise instaure donc un traitement inégal de personnes se trouvant toutes dans des situations égales ou analogues.

A.3.2. La disposition entreprise réserve aux médecins généralistes les incitants financiers envisagés et soumet uniquement les « médecins non généralistes » à des mesures d'économie. Elle instaure donc une discrimination directe entre des personnes qui doivent être traitées de façon égale.

Les soins ambulatoires des « médecins non généralistes » ne sont pas plus chers que la médecine généraliste. Il n'y a pas de raison de limiter des soins qui ne sont pas inutiles ou qui sont nécessaires.

A.3.3. Le fait que certaines prestations soient plus chères ne constitue pas en soi un critère pertinent pour établir une distinction entre les prestataires.

L'obligation de recourir aux soins de première ligne porte atteinte au libre choix du patient.

Le recours à un spécialiste ne rend pas la prestation plus onéreuse, au contraire, étant donné que celui-ci peut plus rapidement établir un diagnostic exact et faire exécuter des investigations et des analyses plus orientées.

La distinction entre des soins onéreux et des soins moins onéreux tient exclusivement à l'environnement dans lequel le patient peut être soigné. Il est évident que les soins dispensés dans l'hôpital sont plus chers que les soins ambulatoires.

Tant le médecin généraliste que le médecin non généraliste exercent une fonction « de filtrage » tout aussi importante pour éviter l'hospitalisation.

A.3.4. La distinction entre médecins généralistes et médecins non généralistes n'est pas raisonnablement justifiée.

Le médecin généraliste ou le médecin généraliste recyclé se voient attribuer une compétence plus large que le spécialiste qui est plus apte à établir le diagnostic exact et à traiter lui-même le patient ou à l'envoyer chez un autre médecin. Le spécialiste devient entièrement tributaire du diagnostic et du bon vouloir d'un médecin généraliste ou d'un médecin généraliste recyclé.

A.3.5. Selon les travaux préparatoires, l'échelonnement des soins de santé poursuit « l'efficacité du système de santé et la satisfaction du patient ».

Rien ne permet toutefois de présumer de la plus grande efficacité d'un échelonnement en vertu duquel le diagnostic doit être confié de préférence à un généraliste.

L'on ne saurait démontrer que le traitement d'un médecin généraliste garantit les soins les plus adéquats dans les délais les plus brefs.

A.3.6. Faire de la tenue d'un dossier médical la prérogative du médecin généraliste est source de discrimination à l'égard des médecins non généralistes.

Le patient peut être contraint de confier des données médicales personnelles à un médecin généraliste et non plus à un médecin traitant qui n'est pas généraliste.

Le médecin non généraliste devient directement tributaire du médecin généraliste qui tient le dossier médical et qui décide ce qu'il en transmet au médecin traitant.

A.3.7. En conclusion, il est établi une distinction injustifiée entre médecins généralistes et médecins non généralistes.

En tant que l'objectif principal consiste en une mesure d'économie et que l'échelonnement doit être un moyen permettant de limiter les prestations de la catégorie de médecins prétendument plus onéreuse, la mesure pourrait être objective. L'autorité ne prouve cependant pas que les prestations de soins des médecins non généralistes seraient plus onéreuses.

La mesure de l'échelonnement n'est pas pertinente à la lumière du but financier, étant donné qu'elle ne conduira pas à une baisse des dépenses de l'assurance maladie. Cette mesure n'est pas davantage pertinente à la lumière de l'objectif consistant à réaliser la satisfaction du patient.

Enfin, l'échelonnement produit des effets disproportionnés pour les « médecins non généralistes ». Le pouvoir de décision du médecin ayant une connaissance plus spécialisée et disposant d'un appareillage de diagnostic plus adéquat est limité de façon disproportionnée et le spécialiste devient intégralement tributaire de la décision du médecin généraliste d'envoyer ou non le patient chez lui.

Mémoire du Conseil des ministres A.4.1. La partie requérante aperçoit une discrimination fondée sur des hypothèses, des projections, des déductions et des interprétations qu'elle puise dans une lecture erronée des travaux préparatoires de la disposition entreprise.

Il ne se déduit nullement de la disposition attaquée que les incitants financiers seraient réservés aux seuls médecins généralistes. Il ne s'en déduit pas davantage qu'il serait attribué aux médecins généralistes un « monopole du premier diagnostic » et que les spécialistes seraient désormais tributaires des médecins généralistes.

Enfin, l'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne précise pas que la tenue du dossier médical deviendra la prérogative du médecin généraliste.

Le moyen n'est pas dirigé contre un traitement différencié qui serait contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, étant donné que l'article entrepris de la loi offre uniquement la possibilité de prendre des mesures et ne contient en soi aucune distinction. Ce moyen est dirigé en revanche contre un jugement d'opportunité concernant la politique de santé du pouvoir exécutif, ce qui échappe à la compétence de la Cour.

En outre, la partie requérante invoque la violation d'une série d'autres dispositions législatives dont le contrôle échappe également à la compétence de la Cour.

A.4.2. Pour ce qui est du fond, le moyen part de constats erronés, tant en fait qu'en droit.

Contrairement à ce que soutient la partie requérante, les travaux préparatoires ne font nullement apparaître que la mesure est dictée par la considération que les médecins généralistes seraient moins onéreux que les médecins non généralistes. La mesure vise à l'efficacité des soins de santé par la tenue d'un dossier médical central qui doit faciliter la transmission d'informations et l'envoi de patients chez le spécialiste.

Selon la partie requérante, la disposition entreprise aurait également été dictée par la considération que les médecins non généralistes ne connaîtraient pas les antécédents personnels et familiaux du patient.

Les travaux préparatoires font uniquement apparaître que le but était que les médecins généralistes occupent une position centrale dans la tenue d'un dossier médical central, compte tenu de leur connaissance des antécédents personnels et familiaux du patient.

La partie requérante se base aussi sur d'autres constatations matérielles erronées, parmi lesquelles la prétendue affirmation que seul le médecin généraliste serait un bon médecin et que le médecin non généraliste fournirait ou prescrirait des prestations superflues ou inutiles, et le fait que les médecins généralistes bénéficieraient d'un monopole et que les médecins non généralistes deviendraient tributaires des médecins généralistes et des informations que ceux-ci consignent dans le dossier.

Que le moyen soit également fondé sur des constats juridiques erronés apparaît tout d'abord de la considération de la partie requérante selon laquelle le cadre et le contenu des mesures sont insuffisamment définis. Or, il s'agit en l'espèce d'une loi-cadre qui habilite le Roi à prendre des mesures. Cela confirme que le moyen est dirigé contre les mesures d'exécution, pour lesquelles la Cour est sans compétence.

De surcroît, le moyen part d'une interprétation juridique erronée du but poursuivi par la disposition législative attaquée. Le but consiste à moderniser la gestion de la sécurité sociale et à améliorer les services fournis, et uniquement en ordre subsidiaire à préserver la viabilité financière du régime en contrôlant les dépenses.

La disposition entreprise ne fait pas apparaître et ne saurait faire apparaître qu'une différence de traitement serait établie entre le « médecin de première ligne » et le « médecin de deuxième ligne ».

En l'absence d'une distinction quelconque, il n'est pas possible d'examiner s'il existe une différence de traitement fondée sur un critère objectif et pertinent et qui ne soit pas disproportionnée.

Le caractère proportionné peut difficilement être apprécié, étant donné que l'élaboration de la mesure a été confiée au Roi.

Enfin, il est rappelé que l'appréciation de l'opportunité de la mesure ne relève pas de la compétence de la Cour.

Mémoire en réponse de la partie requérante A.5.1. Il ressort des travaux préparatoires que la disposition attaquée ne fait pas allusion à une distinction entre médecins généralistes et médecins non généralistes, mais explicite cette distinction et en confie l'élaboration concrète au Roi.

Il est clair que même s'il a été dit lors de la discussion du projet de loi que le but n'est pas d'imposer l'obligation, pour certaines spécialités, de consulter d'abord le médecin généraliste, l'article entrepris vise explicitement à obliger le patient à consulter un médecin généraliste avant de consulter un spécialiste.

A.5.2. L'échelonnement et l'obligation de faire appel à un médecin généraliste produisent des effets disproportionnés pour les médecins spécialistes.

Le principe d'égalité est violé lorsque les moyens employés ne sont pas raisonnablement proportionnés au but poursuivi. - B - Quant à la compétence de la Cour B.1. Selon le Conseil des ministres, le recours porte sur une mesure qui requiert l'intervention du Roi, ce qui échappe à la compétence de la Cour.

Etant donné que le recours en annulation est dirigé contre une loi au sens de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, la Cour est compétente pour en connaître et l'exception soulevée doit être rejetée.

Quant à l'intérêt B.2.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la partie requérante ne justifie pas de l'intérêt requis en droit à son recours en annulation, parce qu'elle ne démontre pas qu'un préjudice découle de la disposition entreprise elle-même.

B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.2.3. En vertu de l'article 2 de ses statuts, l'a.s.b.l. Groupement belge pour la promotion de la médecine extra-hospitalière entend notamment améliorer les conditions de travail, principalement des médecins spécialistes exerçant leur profession entièrement ou partiellement en dehors du milieu hospitalier. Elle soutient que la disposition entreprise touche à l'organisation des soins médicaux et lèse les médecins spécialistes par rapport aux médecins généralistes.

B.2.4. La disposition entreprise concerne des incitants en vue de la tenue d'un dossier médical central par patient et l'« échelonnement » des prestations de soins. Les médecins spécialistes pourraient être affectés défavorablement dans leur situation en tant que la disposition entreprise permet, selon les travaux préparatoires, que le rôle et la position du médecin généraliste soient explicités et que son apport spécifique soit mieux apprécié, spécialement en tant que détenteur du dossier médical central Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 607/1, pp.11-12).

B.2.5. La partie requérante justifie donc de l'intérêt requis en droit.

Quant au fond B.3. Le moyen unique dénonce la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, qui dispose : « Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'améliorer l'organisation des soins de santé. A cette fin, Il peut : 2° généraliser, notamment par des incitants financiers, la tenue d'un dossier médical par patient et instaurer des formes d'échelonnement des soins;».

B.4.1. Ainsi qu'il ressort de l'intitulé et des travaux préparatoires de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et de son article 2, celle-ci a pour objet de moderniser la sécurité sociale et d'assurer la viabilité des régimes légaux des pensions.

Après les dispositions générales et les principes généraux inscrits au titre Ier, le titre II traite du financement et de la gestion globale de la sécurité sociale.

Le titre III « Soins de santé et santé publique » comprend trois chapitres, concernant respectivement la « Maîtrise des dépenses », l'« Amélioration de l'accès aux soins de santé » et l'« Organisation des soins de santé », chapitre dans lequel figure la disposition entreprise.

Les diverses mesures que contient la loi ne sont, ainsi qu'il ressort des principes fondamentaux énumérés à l'article 2, 1° à 7°, pas nécessairement toutes inspirées par des motifs d'économie immédiate.

B.4.2. En ce qui concerne spécifiquement la disposition entreprise, les travaux préparatoires précisent : « Dans le but d'adapter l'organisation des soins à l'évolution des concepts et pratiques de santé, le Roi pourra créer les conditions favorables, tant pour le patient que pour le dispensateur, à l'échelonnement des soins de santé.

Via, entre autres, des incitants financiers, la tenue d'un dossier médical par patient sera généralisée et des formes d'échelonnement de soins seront encouragées. Le médecin généraliste, qui connaît le contexte personnel et familial de ses patients, joue un rôle important dans ce processus de soins. Il importe donc d'expliciter ce rôle et cette position. L'apport spécifique du médecin généraliste doit être mieux apprécié; parallèlement, le rôle du médecin généraliste comme détenteur du dossier médical central doit être défini.

Le dossier médical généralisé devra répondre à des critères déterminés en matière, entre autres, de contenu minimal, de droit de consultation et de droit de suivi du patient.

Dans l'échelonnement des soins de santé, l'efficacité du système de santé et la satisfaction du patient doivent être recherchées. Les soins de santé peuvent être considérés comme efficaces lorsqu'ils ont été dispensés au bon moment et au bon endroit et qu'ils satisfont le patient. Des soins de première ligne efficaces réduisent ou évitent le recours aux soins de seconde ligne » Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 607/1, pp.11-12), et : « L'objectif de la loi n'est pas de mettre en place un système de planification et d'obligation générale en matière d'échelonnement. Il s'agit plutôt de stimuler la fidélisation de même que la standardisation du dossier constitué par divers échelons de soins, dans l'intérêt du patient et de l'assurance-maladie. » Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 607/9, p. 215).

B.5. C'est au législateur fédéral qu'il incombe de fixer les objectifs en matière de sécurité sociale. Il peut ainsi, dans ce cadre, notamment prévoir la possibilité de mesures telles que des incitants financiers, dont il estime qu'ils vont promouvoir la qualité et l'efficacité des soins de santé. Il n'appartient pas à la Cour d'apprécier si les mesures que le législateur prend ou fait prendre dans cette optique sont opportunes ou souhaitables.

Lorsque la disposition législative attaquée instaure elle-même une différence de traitement entre des catégories de personnes comparables, la Cour doit examiner si cette différence est objective et raisonnablement justifiée.

B.6. A l'article 12, 2°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, le législateur s'est limité à habiliter le Roi, en des termes généraux, à prendre des mesures pour « généraliser [...] la tenue d'un dossier médical par patient et instaurer des formes d'échelonnement des soins ».

Cette disposition s'inscrit dans l'objectif du législateur de promouvoir la qualité et l'efficacité des soins de santé.

B.7. La partie requérante estime qu'il n'est pas objectivement et raisonnablement justifié d'établir une distinction entre les dispensateurs de soins de première ligne et ceux de deuxième ligne, notamment entre les médecins généralistes et les médecins non généralistes, dès lors que rien ne fait apparaître que les soins dispensés par les médecins non généralistes seraient plus onéreux; la mesure ne serait donc pas pertinente au regard du but financier ou par rapport à l'objectif de réaliser la satisfaction du patient; en outre, la mesure produirait des effets disproportionnés en ce que le libre choix du patient est compromis et en ce que la tenue d'un dossier médical deviendrait la prérogative absolue des médecins généralistes qui doivent décider si le patient sera ou non envoyé chez un non-généraliste.

B.8. Les travaux préparatoires cités en B.4.2 font apparaître que la disposition entreprise vise à modifier le comportement du patient, ce qui n'a pas immédiatement ou nécessairement un effet d'économie.

B.9.1. La disposition litigieuse elle-même ne permet pas de conclure à une obligation dans le chef du patient de consulter d'abord le médecin généraliste pour toute prestation de soins; il ne s'en déduit pas davantage une interdiction pour le patient de consulter directement ou non un médecin spécialiste de son choix. Ce médecin spécialiste conserve évidemment le droit de tenir un dossier médical propre.

B.9.2. Il n'est pas déraisonnable que le législateur décide de renforcer, dans l'optique des objectifs prédécrits, le rôle du médecin généraliste en tant que détenteur d'un dossier médical central qui peut être échangé entre les divers niveaux des prestations de soins.

B.9.3. Par ailleurs, lorsque le législateur attribue un pouvoir réglementaire au Roi, il ne peut s'agir d'une habilitation à prendre des mesures incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution. C'est au juge ordinaire ou au juge administratif qu'il appartient d'apprécier si le Roi, dans l'usage qu'Il fait de la compétence qui Lui est attribuée, respecte les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.9.4. Il résulte de ce qui précède que la disposition attaquée n'est pas en soi manifestement disproportionnée.

B.10. Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 janvier 1998.

Le greffier, L. Potoms Le président, L. De Grève

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