publié le 15 août 1997
Arrêt n° 36/97 du 19 juin 1997 Numéro du rôle : 987 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 3 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, posée par le Tribunal de première i La Cour d'arbitrage, composée du président L. De Grève, du juge L. François, faisant fonction de(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 36/97 du 19 juin 1997 Numéro du rôle : 987 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 3 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.
La Cour d'arbitrage, composée du président L. De Grève, du juge L. François, faisant fonction de président, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 16 septembre 1996 en cause de l'a.s.b.l.
Hiberniaschool contre la Communauté flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 3 octobre 1996, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 3 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement viole-t-il l'article 24 de la Constitution en tant qu'il définit le terme ' caractère ' comme étant confessionnel, non confessionnel et pluraliste et que cette répartition est dès lors employée comme critère de distinction pour un traitement approprié au niveau du subventionnement ? » II. Les faits et la procédure antérieure L'a.s.b.l. Hiberniaschool, ayant son siège à 2000 Anvers, Volksstraat 40, a intenté une action visant à entendre dire pour droit que les normes mentionnées à l'article 23, 1er, b), de l'arrêté royal du 30 mars 1982 relatif aux centres d'enseignement secondaire et fixant le plan de rationalisation et de programmation de l'enseignement secondaire de plein exercice sont applicables à la « Hiberniaschool », qui fonctionne selon la pédagogie Steiner, et d'entendre dès lors condamner le Gouvernement flamand à poursuivre le subventionnement de l'école aussi longtemps que celle-ci satisfait aux normes mentionnées à l'article 23 précité de l'arrêté royal du 30 mars 1982, et ce pour l'ensemble de l'enseignement dispensé dans son établissement.
Pour les écoles ayant un « caractère » spécifique, telle que l'a.s.b.l. Hiberniaschool, les minima de population scolaire prévus à l'article 21 de l'arrêté royal du 30 mars 1982 constituent la norme générale. A partir de l'année scolaire 1993-1994, l'école précitée ne répondait plus à cette norme mais elle obtint, de même que pour l'année scolaire suivante, une dérogation. Pour l'année scolaire 1995-1996, le Conseil flamand de l'enseignement (VLOR) remit un avis négatif, de sorte que le Gouvernement flamand n'accorda plus de dérogation.
Devant le Tribunal de première instance, l'a.s.b.l. Hiberniaschool invoque l'article 23, 1er, de l'arrêté royal du 30 mars 1982, qui est libellé comme suit : « Les minima de population scolaire cités à l'article 18 sont diminués de deux tiers par degré ou par cycle si l'établissement concerné n'organise pas exclusivement un enseignement secondaire professionnel et pour autant que l'établissement : a) soit qu'il se compose uniquement du premier degré, uniquement des deux premiers degrés ou uniquement du cycle inférieur et qu'il soit situé à une distance d'au moins 8 km d'un autre établissement de même caractère et appartenant au même réseau, dans lequel le ou les mêmes degrés ou le même cycle sont organisés;b) soit qu'il comprenne le troisième degré ou le cycle supérieur et qu'il soit situé à une distance d'au moins 12 km d'un autre établissement de même caractère et appartenant au même réseau dans lequel le même degré ou le même cycle est organisé. Il est apparu des débats dans l'instance principale que cette disposition ne s'applique matériellement pas à l'a.s.b.l.
Hiberniaschool. La notion de « même caractère » fait en effet référence à la tripartition visée à l'article 3 de la loi du Pacte scolaire, à savoir la nature confessionnelle, non confessionnelle ou pluraliste de l'enseignement dispensé.
Tant l'a.s.b.l. Hiberniaschool que le Conseil d'Etat, dans des arrêts antérieurs, affirment que l'école possède un « caractère spécifique », distinct de la tripartition prévue par la loi. Selon le Conseil d'Etat, l'article 23 de l'arrêté royal du 30 mars 1982 est libellé de telle manière qu'une école à « caractère spécifique » implantée dans une agglomération ne se laisse pas du moins sans exercice de haute voltige intégrer dans le moule de cet article.
Le Tribunal considère qu'il n'a pas à se livrer à des exercices de haute voltige et estime qu'il convient de vérifier si l'article 23 de l'arrêté royal du 30 mars 1982 viole l'interdiction de discrimination, le droit à l'enseignement et la liberté de l'enseignement.
La distinction résultant de l'article 23 de l'arrêté royal précité est fondée sur l'article 3, 2, alinéa 3, de la loi du 29 mai 1959, disposition qui prévoyait déjà une distinction entre, d'une part, les établissements appartenant à l'une des catégories non confessionnelle, confessionnelle ou pluraliste, telles qu'elles ont été définies aux articles 2 et 4 de cette loi, et, d'autre part, les établissements dont l'enseignement ne relève pas de l'une des catégories visées à l'alinéa 3 du paragraphe 2.
Le Tribunal s'est demandé si le fondement légal de la distinction entre le caractère confessionnel, non confessionnel ou pluraliste, d'une part, et le « caractère spécifique » des autres écoles, d'autre part, est objectif, et il a posé, pour cette raison, la question préjudicielle précitée.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 3 octobre 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 octobre 1996.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 22 octobre 1996.
Par ordonnance du 21 novembre 1996, le président en exercice, suite à la demande du Conseil des ministres du 20 novembre 1996, a prorogé de quinze jours le délai d'introduction d'un mémoire.
Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des Ministres par lettre recommandée à la poste le 25 novembre 1996.
Des mémoires ont été introduits par : l'a.s.b.l. Hiberniaschool, Volksstraat 40, 2000 Anvers, par lettre recommandée à la poste le 2 décembre 1996; le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 2 décembre 1996; le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 12 décembre 1996.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 20 décembre 1996.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 20 janvier 1997; l'a.s.b.l. Hiberniaschool, par lettre recommandée à la poste le 22 janvier 1997.
Par ordonnance du 25 mars 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 3 octobre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 30 avril 1997.
Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1997.
A l'audience publique du 30 avril 1997, où le juge L. François remplaçait le président M. Melchior, légitimement empêché : ont comparu : . Me D. D'Hooghe, avocat au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l.
Hiberniaschool; . Me P. Devers, avocat au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; . Me R. Rombaut, avocat au barreau d'Anvers, pour le Conseil des ministres; les juges-rapporteurs G. De Baets et P. Martens ont fait rapport; les avocats précités ont été entendus; l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. En droit A Point de vue du Gouvernement flamand A.1.1. Pour qu'un établissement d'enseignement puisse prétendre au subventionnement, il doit répondre, sur la base de l'article 3, 1er, in fine, de la loi du 29 mai 1959, modifié par la loi du 18 septembre 1981, aux critères fixés dans un plan de rationalisation et de programmation visé à l'article 13, 1er, a), de la même loi, du moins dans les secteurs et niveaux pour lesquels un tel plan existe. La notion qui est centrale en l'occurrence n'est pas celle du « caractère » de l'enseignement, mais celle de « centre d'enseignement » telle qu'elle est définie à l'article 3, 2, de la loi du Pacte scolaire.
Pour ce qui concerne l'enseignement secondaire et le plan de rationalisation et de programmation à y appliquer, la notion de « caractère » est, dans le cadre d'un droit au subventionnement à l'intérieur d'un tel plan, subordonnée à la notion de « centre d'enseignement », de sorte qu'il n'existe plus d'obligation absolue de « choisir un caractère ».
Les établissements scolaires qui, telles les écoles basées sur une méthode particulière, ne peuvent, s'agissant du « caractère », être classés dans une des trois catégories existantes, peuvent exister légalement en dehors de cette répartition sans être exclus du système, ainsi qu'il appert de l'article 3, 2, alinéa 4, de la loi du Pacte scolaire. En effet, ils peuvent, sous certaines conditions, appartenir à des centres d'enseignement existants ou passer des accords avec la commission de planification actuellement le Conseil flamand de l'enseignement (VLOR) en vue de pouvoir malgré tout programmer ou déroger au plan de rationalisation et de programmation.
A.1.2. La distinction constatée par le juge du fond est une distinction hypothétique qui ne se présente que lorsqu'un établissement scolaire à « caractère spécifique », par exemple une école basée sur une méthode particulière, ne réussit pas à former un centre d'enseignement ou à appartenir à un tel centre, ni à obtenir un avis motivé favorable du Conseil flamand de l'enseignement sur une éventuelle programmation propre, ou une dérogation pour les cas exceptionnels ou non prévus. Dans l'arrêt n° 25/92 de la Cour, considérant 4.B.4, il est expliqué que tant le Conseil flamand de l'enseignement que le ministre compétent doivent exercer la compétence qui leur est attribuée par l'article 3, dans le respect du principe d'égalité en matière d'enseignement, tel qu'il est garanti en particulier par l'article 24, 4, de la Constitution.
La distinction opérée en matière de « caractère » est seulement potentielle, dans la mesure où elle donne au pouvoir exécutif la possibilité de lier à cette distinction des effets juridiques lorsqu'il adopte des arrêtés en matière de plans de rationalisation et de programmation. L'étendue des effets juridiques de la distinction ainsi créée, pour les établissements concernés, ne découle pas de l'article 3 de la loi du Pacte scolaire lui-même, et les arrêtés d'exécution basés sur celui-ci n'échappent pas au contrôle de constitutionnalité opéré par le Conseil d'Etat.
A.1.3. La loi du 18 septembre 1981 qui a inséré l'article 3 de la loi du 29 mai 1959 visait à donner un fondement légal au plan de rationalisation et de programmation de l'enseignement secondaire de plein exercice, de façon à combattre une prolifération en matière de programmation, à pouvoir néanmoins adapter l'enseignement aux besoins nouveaux par la création de nouvelles orientation d'études, suivant certaines règles de programmation, et à permettre que le Fonds national de garantie soit débloqué et que la paix scolaire soit sauvegardée.
Cet objectif ne pouvait être réalisé que par l'instauration d'un concept nouveau de « centre d'enseignement » en tant que nouvelle unité de base, en remplacement de l'école ou de l'établissement, mais reposant sur les notions de « réseau » et de « caractère » connues dans le Pacte scolaire. Selon la Cour, l'opportunité de ce choix ne saurait être soumise à un contrôle, ainsi qu'il est dit au considérant 4.B.7 de l'arrêt n° 25/92. Le législateur a veillé à ce que les intérêts des écoles qui ne peuvent être classées suivant les critères classiques soient néanmoins sauvegardés, soit en leur donnant accès aux centres d'enseignement, soit en prévoyant à la place une programmation propre séparée ou une dérogation.
A.1.4. La distinction visée par le juge du fond, qui est toutefois hypothétique et, s'agissant des effets juridiques, potentielle, est, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur et compte tenu des caractéristiques propres de chaque pouvoir organisateur, raisonnablement justifiée sur la base de différences objectives, d'autant que le droit au subventionnement en matière d'enseignement n'est pas seulement limité par les nécessités de l'intérêt général mais également par celle d'une juste répartition des moyens financiers disponibles, qui sont budgétairement limités.
Point de vue du Conseil des ministres A.2.1. Les dispositions de l'article 24 de la Constitution s'opposent à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont, comme en l'espèce, essentiellement différentes. Le traitement différent des établissements ayant un caractère spécifique est précisément contenu dans les dispositions de l'article 3, 2, de la loi du Pacte scolaire et réside dans la procédure particulière d'avis du VLOR concernant la programmation de ces établissements et dans la dérogation que le ministre peut leur accorder, sur avis du VLOR, dans des cas exceptionnels et non prévus. Il a été démontré qu'entre les établissements dont le caractère est défini dans la loi et les établissements ayant un « caractère spécifique » existe une différence objective, au sens de l'article 24, 4, de la Constitution, susceptible de justifier un traitement approprié.
A.2.2. Se référant à l'arrêt n° 76/96 de la Cour, le Conseil des ministres affirme que des procédures dérogatoires particulières peuvent être utilisées afin d'assurer la liberté et l'égalité garanties par la Constitution en matière d'enseignement. Une telle procédure dérogatoire est prévue par la législation contestée, mais le VLOR n'a plus accordé de dérogation à l'a.s.b.l. Hiberniaschool, sur la base d'avis motivés. La doctrine et la jurisprudence s'accordent sur la « disposition relative au caractère » contenue dans l'article 3 de la loi du Pacte scolaire.
Point de vue de l'a.s.b.l. Hiberniaschool A.3.1. L'a.s.b.l. Hiberniaschool expose tout d'abord en détail le régime de rationalisation et de programmation de l'enseignement secondaire tel qu'il a été instauré par l'article 3 de la loi du Pacte scolaire, modifié par la loi du 18 septembre 1981. Il ressort clairement de la jurisprudence du Conseil d'Etat, contenue dans l'arrêt n° 25.423 du 31 mai 1985, que le régime de rationalisation était limité et entendait combattre une nouvelle prolifération plutôt que réduire le système existant. Le Conseil d'Etat s'opposait en cela au point de vue du Gouvernement selon lequel le fait de satisfaire aux normes de rationalisation n'était pas seulement une condition pour pouvoir programmer mais devait également être considéré comme une condition du subventionnement lui-même. Afin de poser explicitement le respect des normes de rationalisation comme condition du subventionnement, l'article 3, 1er, alinéa 3, fut modifié par l'arrêté royal n° 411 du 25 avril 1986.
A.3.2. La problématique découle en particulier de l'application de l'arrêté royal du 30 mars 1982, dont l'article 21 est réputé s'appliquer directement à la « Hiberniaschool », alors que celle-ci, compte tenu du nombre de ses élèves, ne satisfait pas aux conditions mentionnées dans cet article. La « Hiberniaschool » a longtemps pu invoquer l'article 23 de cet arrêté, mais la thèse selon laquelle une école « non caractérisée », au sens de l'article 3 de la loi du Pacte scolaire, pouvait invoquer elle aussi les normes préférentielles des articles 22 et 23 de l'arrêté royal du 30 mars 1982 était controversée, ainsi qu'il est apparu de décisions ultérieures du Conseil flamand de l'enseignement et du Gouvernement flamand.
Il est en particulier contesté que ces dernières dispositions ne trouveraient à s'appliquer que dans le cas d'une école ayant un caractère, au sens de l'article 3, 2, de la loi du Pacte scolaire.
L'article 23 prévoit une réduction des normes de population scolaire pour les établissements situés à une certaine distance l'un de l'autre, ce qui ne réfère nullement au fait d'(être susceptible d')appartenir ou non à un centre d'enseignement. L'annulation décidée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Hibernia tendait seulement à faire en sorte que, tant à l'égard de l'article 18 qu'à l'égard de l'article 21, les écoles qui considèrent ne pouvoir adhérer à un centre d'enseignement soient soumises de manière générale aux normes fixées par l'article 21 et non à celles de l'article 18.
L'a.s.b.l. Hiberniaschool a toujours soutenu qu'une interprétation conforme à la Constitution devait être donnée à l'article 23 de l'arrêté royal du 30 mars 1982, de manière telle que même les écoles « non caractérisées » puissent directement invoquer le bénéfice des normes préférentielles contenues dans cet article. Tout établissement qui satisfait aux conditions de l'article 23 pourrait prétendre au subventionnement, sans égard au fait qu'il soit soumis à la norme de base de l'article 18 ou à la norme de base de l'article 21. Une telle interprétation ne semble pas exclue par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Hibernia : si l'on admet que les normes de population fixées dans l'arrêté royal du 30 mars 1982 s'appliquent également aux écoles à « caractère spécifique », il n'y a aucune raison ni a fortiori aucune raison compatible avec le principe d'égalité pour ne pas appliquer aux écoles à « caractère spécifique » les normes préférentielles qui sont appliquées sans restriction aux écoles qui ne peuvent adhérer à un centre d'enseignement.
Le Tribunal de première instance de Bruxelles a toutefois considéré qu'une telle interprétation n'était pas compatible avec la notion de « caractère » définie à l'article 3, 2, de la loi du Pacte scolaire.
A.3.3. L'a.s.b.l. Hiberniaschool constate en outre que la non-applicabilité des articles 22 et suivants de l'arrêté royal du 30 mars 1982 ne peut être compensée ni par la procédure spéciale pour les écoles « non caractérisées » ni par la procédure spéciale de dérogation pour les cas exceptionnels ou non prévus.
A.4. Selon l'a.s.b.l. Hiberniaschool, l'article 3 de la loi du Pacte scolaire viole l'article 24, 4, de la Constitution, primo, parce que la notion de « caractère » d'une école ne peut être considérée comme une caractéristique qui justifierait un traitement différent en matière de règles de rationalisation et de programmation (voy. ci-après A.5.1 et suivants), secundo, parce que, sur la base de la procédure particulière de dérogation qui y est contenue, il ne peut être obtenu de dérogation pour rationaliser (voy. ci-après A.6.1 et suivants).
En outre, l'article 3 de la loi du Pacte scolaire viole l'interdiction de mesures préventives inscrite à l'article 24, 1er, de la Constitution et le principe de légalité contenu à l'article 24, 5, de la Constitution (voy. ci-après A.7.1. et suivants).
A.5.1. Après avoir souligné, notamment sur la base des travaux préparatoires de l'article 24 de la Constitution, de la doctrine et de la jurisprudence de la Cour et du Conseil d'Etat, que les garanties constitutionnelles de cet article ne s'étendent pas uniquement à la distinction entre écoles confessionnelles et non confessionnelles, mais également aux écoles dites « non caractérisées », telle que la « Hiberniaschool », dont est reconnu non seulement le droit à l'existence mais également la valeur du concept pédagogique, l'a.s.b.l. Hiberniaschool soutient que la « disposition relative au caractère » inscrite à l'article 3 de la loi du Pacte scolaire viole le principe d'égalité contenu à l'article 24, 4, de la Constitution.
A.5.2. La distinction entre écoles à caractère et écoles « non caractérisées » donne lieu, dans l'article 3, 2, de la loi du Pacte scolaire, à un double traitement différencié.
Tout d'abord, le fait d'être ou non caractérisé détermine la possibilité pour un établissement d'enseignement d'appartenir ou non à un centre d'enseignement. Un centre d'enseignement est, en vertu de l'article 3, 2, de la loi du Pacte scolaire, « un groupe d'établissements qui dispensent un enseignement de même caractère », les écoles non caractérisées qui souhaiteraient tout de même appartenir à un centre d'enseignement n'ayant que deux possibilités de dérogation. Il s'ensuit que seuls les établissements d'enseignement ayant un caractère peuvent former un centre d'enseignement sans autorisation écrite des pouvoirs organisateurs, sans l'avis favorable préalable de la commission de planification et sans l'accord du ministre.
Ensuite, cette disposition fournit le fondement légal permettant d'établir un plan de rationalisation et de programmation et d'opérer à cet égard une distinction entre les établissements ayant un caractère et les établissements non caractérisés, au sens de la loi du Pacte scolaire (voy. entre autres, l'article 23, 1er, a), de l'arrêté royal du 30 mars 1982). Dès lors, les établissements d'enseignement ayant un caractère et les établissements d'enseignement non caractérisés qui satisfont aux mêmes conditions pourront, s'agissant des premiers, et ne pourront pas, en ce qui concerne les seconds, bénéficier des normes préférentielles. Dans la fixation des normes de population scolaire, en vue de l'extension de l'offre de programmes et d'un accès éventuel au fonds des bâtiments scolaires, il est donc opéré une distinction selon que l'établissement d'enseignement a ou non un « caractère » au sens de la loi du Pacte scolaire.
Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement flamand, il ne s'agit donc pas ici d'une distinction hypothétique dont on ne saurait déduire la portée potentielle de la distinction entre écoles avec et écoles sans caractère. Il ne s'agit pas non plus d'une discrimination positive des écoles non caractérisées, ainsi que l'a déjà démontré le Conseil d'Etat dans l'arrêt Hibernia, qui a prononcé l'annulation sur la base du constat qu'une charge plus lourde est imposée à une école à caractère spécifique restant indépendante.
A.5.3.1. La notion de « caractère » n'est cependant pas pertinente pour justifier un traitement différencié.
A.5.3.2. La notion de « caractère » ne peut tout d'abord être considérée comme une caractéristique, au sens de l'article 24 de la Constitution, qui justifierait un traitement approprié, notamment en matière de subventionnement.
A cet égard, il est renvoyé à la jurisprudence de la Cour dans l'arrêt n° 38/91 du 5 décembre 1991 : « la rédaction nouvelle de l'article [24] et la compétence nouvelle que le Constituant a donnée simultanément à la Cour d'arbitrage par l'article [142] de la Constitution indiquent sans équivoque qu'il appartient à la Cour de vérifier la compatibilité des normes législatives relatives à l'enseignement avec l'article [24] de la Constitution, de la même manière qu'elle contrôle la conformité d'autres normes législatives aux articles [10] et [11].» La référence à la loi du Pacte scolaire dans la préparation du nouvel article 24 de la Constitution n'autorise pas à donner à cette disposition législative une valeur constitutionnelle.
Concrètement, il est constaté que la notion de « caractère » fait plutôt référence aux équilibres philosophiques recherchés dans l'esprit de la loi du Pacte scolaire, alors que le terme « caractéristique » figurant à l'article 24 de la Constitution n'a pas tant trait à la nature philosophique mais bien plutôt aux « conséquences juridiques pertinentes de la nature de l'établissement d'enseignement ». Des différences objectives entre écoles peuvent seulement être justifiées par les caractéristiques propres d'un pouvoir organisateur lorsque ces différences sont liées à la nature juridique des pouvoirs organisateurs, à savoir les communautés, les autres autorités publiques, telles que les communes et les provinces, et les personnes physiques ou morales de droit privé, ce qui résulte du texte de la Constitution elle-même, dès lors que la notion de « caractéristique » est explicitement liée au pouvoir organisateur de l'enseignement dont il s'agit.
A.5.3.3. Ce n'est pas la tendance (philosophique) de l'enseignement mais bien l'organisation (juridique) de celui-ci qui constitue la « caractéristique » d'un établissement d'enseignement, visée par la Constitution, pouvant justifier un traitement approprié. L'identité philosophique d'une école ayant un caractère n'est donc pas à considérer comme la caractéristique ni a fortiori comme une caractéristique objective pertinente de cette école, susceptible de justifier un traitement distinct. Ceci est confirmé également dans le considérant 5.6.1.2 de l'arrêt Hibernia du Conseil d'Etat : « Il y a lieu dès lors en l'espèce d'attribuer sans réserve à l'article [24] [de la Constitution] une signification autonome, qui ne peut être limitée en fonction de situations et de traditions historiques : ainsi l'article comporte également la liberté d'organiser des écoles éventuellement sur la seule base des méthodes pédagogiques ».
Conformément à l'article 24, 4, de la Constitution, dès qu'un certain nombre (fixé par la loi) de parents et d'enfants expriment leur préférence pour un établissement d'enseignement et que celui-ci satisfait aux autres conditions objectives, une école doit avoir droit à un traitement identique à celui des autres écoles qui se trouvent placées dans les mêmes circonstances.
Dans le même sens, la Cour a explicitement déclaré dans l'arrêt n° 76/96 du 18 décembre 1996, à l'égard de la nature philosophique de l'enseignement, que la « liberté de l'enseignement visée à l'article 24, 1er, de la Constitution, suppose, pour les pouvoirs organisateurs, le droit d'organiser ou d'offrir, sans référence à une philosophie confessionnelle ou non confessionnelle déterminée, et en pouvant prétendre à un financement ou au subventionnement par l'autorité, un enseignement dont la spécificité réside dans des conceptions déterminées d'ordre pédagogique ou éducatif », sans préjudice du droit de l'autorité de tenir compte des moyens financiers disponibles et de la nécessité de garantir la qualité et l'équivalence de l'enseignement dispensé à l'aide des deniers publics. A cet égard, il doit toutefois être tenu compte du principe d'égalité, de sorte que le législateur adopte des mesures qui s'appliquent de manière générale aux établissements d'enseignement, sans égard à la spécificité de l'enseignement dispensé par ces établissements. Les mesures imposées doivent également être contrôlées au regard du principe de proportionnalité. Il s'ensuit, selon l'a.s.b.l. Hiberniaschool, qu'un établissement ayant une conception pédagogique ou éducative propre peut prétendre au même traitement que les autres pouvoirs organisateurs qui offrent un enseignement basé ou non sur une philosophie (confessionnelle ou non confessionnelle). Une distinction qui s'appuie sur une référence exclusive à une philosophie confessionnelle ou non confessionnelle répond à une différence objective qui, s'agissant des conditions de subventionnement, ne saurait justifier un traitement approprié au sens de l'article 24, 4, alinéa 2, de la Constitution.
On retrouvera le même point de vue dans les avis récents du Conseil d'Etat relatifs au projet de décret concernant l'enseignement fondamental. Le règlement du libre choix contenu dans ce projet n'est plus basé sur une distinction entre enseignement confessionnel et non confessionnel, distinction considérée comme dépassée, mais sur la distinction entre enseignement officiel et libre. Cette dernière notion est toutefois à nouveau mise en rapport avec « une religion ou une philosophie reconnue ». Le Conseil d'Etat a constaté à cet égard que « les écoles libres qui ne sont pas basées sur une religion ou une philosophie reconnue » ne peuvent être associées au système du libre choix (avis du Conseil d'Etat, Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 451/1, p. 303). S'agissant de la distinction faite en la matière entre les écoles libres, le Conseil d'Etat a dit qu' « une telle distinction n'est évidemment admissible que si des raisons objectives motivent cette différence de traitement et pour autant qu'elles soient proportionnées à l'objectif poursuivi. L'article 24, 4, de la Constitution dispose à cet égard que la loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. L'exposé des motifs ne fournit cependant pas d'informations à ce sujet. Compte tenu de l'ampleur de l'avant-projet et du délai aussi bref que déraisonnable, par comparaison, dans lequel un avis doit être remis, le Conseil d'Etat, section de législation, se limite à observer que le contrôle final sur ce point sera opéré par la Cour d'arbitrage » (ibidem, p. 304). Concernant un amendement relatif à l'article dont il s'agit, le Conseil d'Etat a estimé qu'il « ne répond pas à la question posée par le Conseil d'Etat de savoir pourquoi les écoles libres qui ne sont pas basées sur une religion ou une philosophie reconnue (les écoles dites de méthode) ne peuvent être associées au système du libre choix » (avis L.25.820/1, inédit).
Lorsque le Conseil d'Etat se pose des questions quant à la constitutionnalité d'un système de libre choix basé sur la distinction bipolaire classique entre enseignement confessionnel et non confessionnel ou libre et officiel, on comprendra à plus forte raison que cette distinction ne saurait être utilisée légitimement pour l'établissement des conditions générales de rationalisation formulées en vue de l'admission aux subventions.
La notion de « caractère », au sens de la loi du Pacte scolaire, qui fournit la base légale pour une application inégale des normes de rationalisation et de programmation et, partant, pour l'attribution différenciée de subventions, sur la base de l'identité philosophique de l'établissement d'enseignement, est contraire à l'article 24, 4, de la Constitution.
A.5.3.4. La limitation de la portée de la notion de « caractère » dans l'article 3 de la loi du Pacte scolaire par le Gouvernement flamand et le Conseil des ministres n'est pas acceptée par l'a.s.b.l.
Hiberniaschool. Antérieurement à la loi du 18 septembre 1981, la notion de « caractère » n'était utilisée que comme fondement du régime du libre choix de l'école, au sens de l'article 4 de la loi du Pacte scolaire, mais elle est devenue depuis lors aussi la pierre angulaire pour l'application des plans de rationalisation et de programmation et donc un principe d'organisation qui régit la création et le subventionnement d'écoles et qui est applicable à toutes les écoles.
En ce qui concerne la réglementation de la programmation, la notion de « caractère » est surtout importante à cause de la place centrale réservée à la notion de « centre d'enseignement », ainsi qu'il ressort des articles 37, 1er, et 40 de l'arrêté royal du 30 mars 1982. Pour ce qui concerne la rationalisation, la notion de « centre d'enseignement » est moins importante, compte tenu notamment de la portée de l'arrêt Hibernia du Conseil d'Etat. A la différence de la programmation, il n'est pas prévu, en matière de rationalisation, une procédure particulière pour les écoles sans caractère, celles-ci pouvant seulement faire appel à la procédure pour les cas exceptionnels ou non prévus prévue à l'article 3, 3, alinéa 2, 4°. En matière de rationalisation, la notion de « caractère » conserve bien toute son importance, étant donné que seules les écoles ayant un caractère, au sens de l'article 3 de la loi du Pacte scolaire, peuvent invoquer les normes de rationalisation préférentielles des articles 22 et suivants de l'arrêté royal du 30 mars 1982. Ainsi, la distinction philosophique entre écoles confessionnelles et non confessionnelles, adaptée à la situation bipolaire de l'enseignement en Belgique, devient déterminante pour la création et le subventionnement et, partant, pour l'organisation des écoles, ce qui n'est pas compatible avec l'article 24 de la Constitution. Le Conseil d'Etat a dit à ce propos dans l'arrêt Hibernia : « Cette optique étriquée qui se préoccupe uniquement de l'opposition traditionnelle et politiquement importante entre l'enseignement ' privé ' confessionnel et l'enseignement public non confessionnel, méconnaît toutefois incontestablement la portée générale de l'article [24], même si les textes émanent de la Commission du Pacte scolaire et bien qu'ils aient été approuvés par le Parlement ».
A.5.4. Même si un critère philosophique pouvait être considéré comme une différence objective susceptible de justifier un traitement différent quod non , la notion de « caractère » n'en impliquerait pas moins une discrimination, parce qu'une distinction est opérée entre philosophies traditionnelles et non traditionnelles.
A.6.1. L'article 3 de la loi du Pacte scolaire instaure en outre une inégalité de traitement entre les « écoles caractérisées » et les « écoles non caractérisées », en ce que seules les premières nommées peuvent bénéficier de normes préférentielles en matière de programmation et de rationalisation, cependant que les secondes, sur la base d'une procédure particulière, peuvent simplement obtenir des dérogations aux normes de programmation, inégalité qui est la conséquence de la modification de cette disposition par l'arrêté royal n° 411 du 25 avril 1986. A.6.2. Le fait que le législateur a omis de modifier également la procédure de dérogation particulière pour les « écoles non caractérisées » crée une lacune discriminatoire qui, selon la jurisprudence de la Cour, peut être estimée contraire à la Constitution (arrêts nos 31/96 et 36/96).
A.7.1. La circonstance que les écoles à caractère spécifique qui ne satisfont pas aux normes de base ne pourraient être subventionnées qu'après avis favorable du VLOR et décision du Gouvernement flamand viole l'interdiction de mesures préventives inscrite à l'article 24, 1er, de la Constitution et le principe de légalité inscrit à l'article 24, 5, de la Constitution.
A.7.2. La liberté d'enseignement garantie par la Constitution implique le droit de créer notamment des écoles dont la spécificité réside dans certaines conceptions d'ordre pédagogique ou éducatif et suppose, si on entend qu'elle ne reste pas purement théorique, que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-ci (arrêts nos 25/92 et 28/92).
A.7.3.1. L'article 24, 5, de la Constitution confirme et renforce le principe en vigueur de la primauté du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, ce qui implique, en matière de subventionnement d'une école, que l'existence et la portée de l'obligation de subventionnement sont déterminées par des prescriptions générales dont l'application par l'autorité ne suppose pas d'appréciation discrétionnaire de données factuelles concrètes. La Cour déclare, dans son arrêt n° 43/96, que « le Constituant n'a pas entendu interdire toute délégation qui serait accordée par le législateur au gouvernement. Une telle délégation ne saurait toutefois être à ce point étendue qu'elle laisserait au gouvernement le soin de fixer des règles essentielles à l'organisation de l'enseignement ».
A cet égard, la Cour a précisé dans ses arrêts nos 33/92 et 45/94 que des délégations données au pouvoir exécutif ne peuvent porter que sur la mise en oeuvre des principes arrêtés par le législateur lui-même, sans que les organes exécutifs puissent combler l'imprécision de ces principes ou affiner des options insuffisamment détaillées. Les plans de rationalisation et de programmation doivent, sous ce rapport, être considérés comme relevant du domaine de l'organisation et du subventionnement de l'enseignement auxquels sont applicables les garanties de l'article 24, 5, de la Constitution (arrêt n° 45/94).
A.7.3.2. Le législateur a omis d'indiquer dans la loi elle-même que les normes préférentielles doivent également être appliquées aux écoles ne possédant pas de caractère défini par la loi, et il n'a pas été donné d'habilitation au Roi à cet égard. Les écoles n'ayant pas le caractère exigé par la loi peuvent, pour cette raison, faire seulement appel à la procédure dérogatoire particulière prévue à l'article 3, 2, alinéas 5 et 6, de la loi du Pacte scolaire ou à la procédure particulière de dérogation pour les cas exceptionnels et non prévus fixée à l'article 3, 3, alinéa 2, 4°, de la même loi. Ces procédures délèguent des compétences excessives et confèrent au Conseil flamand de l'enseignement et au Gouvernement flamand le pouvoir le plus étendu, étant donné l'absence, dans les normes ayant force de loi, de critères objectifs, juridiquement sûrs, sur la base desquels les demandes doivent être appréciées. Compte tenu des modalités auxquelles sont soumises les autorisations, il s'agit d'une mesure préventive interdite. La compétence reconnue au Gouvernement, conformément à l'article 3 de la loi du Pacte scolaire, d'autoriser des dérogations au plan de rationalisation et de programmation, sur la base d'une procédure particulière, moyennant l'avis conforme du VLOR, implique une délégation qui est contraire à l'article 24, 5, de la Constitution, parce qu'elle concerne l'établissement de règles qui sont essentielles à l'organisation et au subventionnement de l'enseignement.
B B.1. La question préjudicielle consiste à demander à la Cour si la distinction que l'article 3, 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement opère entre les établissements d'enseignement secondaire de plein exercice, selon qu'ils ont ou n'ont pas l'un des caractères visés dans cette disposition législative, est compatible avec l'égalité des établissements d'enseignement consacrée par l'article 24 de la Constitution, en tant que ces caractères entrent en ligne de compte dans la détermination des conditions du maintien des subventions prévues par le plan de rationalisation.
B.2. L'article 3, 1er, alinéa 3, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement énonce : « Dans les secteurs et niveaux auxquels s'applique un plan de rationalisation et de programmation tel que défini à l'article 13, 1, a, de la présente loi, il ne peut être maintenu ou créé des établissements organisés par la Communauté, sections ou autres subdivisions d'établissements s'ils ne répondent pas aux critères de ce plan. Pas plus des établissements ou des sections d'établissements ne peuvent continuer à être subsidiés ou être admis aux subventions, s'ils ne répondent pas aux critères de ce même plan. » B.3.1. Le traitement inégal contenu à l'article 3, 2, de la loi du 29 mai 1959, dont la constitutionnalité est contestée, a été instauré par la loi du 18 septembre 1981. Cette loi fixait les dispositions législatives nécessaires aux plans de rationalisation et de programmation dans l'enseignement secondaire de plein exercice. Pour ce faire, on a recouru à la notion de « centre d'enseignement », « formé par un groupe d'établissements qui dispensent un enseignement de même caractère » (article 3, 2, alinéa 2, de la loi du 29 mai 1959), ce qui signifie que cet enseignement appartient à l'une des catégories « non confessionnel », « confessionnel » ou « pluraliste », selon la classification non exhaustive donnée aux articles 2 et 4 de la loi du 29 mai 1959.
B.3.2. Les établissements qui, pour quelque raison que ce soit, ne répondent pas à ces critères et sont de ce fait qualifiés de « non catégorisables » pourraient faire partie d'un centre d'enseignement et « par conséquent bénéficier de normes plus favorables et, d'autre part, [...] développer des initiatives nouvelles » (Doc. parl., Sénat, 1980-1981, n° 685/2, p. 6).
En effet, une école « non catégorisable » peut se joindre à un centre d'enseignement formé par des établissements ayant un caractère (confessionnel, non confessionnel ou pluraliste) , moyennant l'accord écrit des pouvoirs organisateurs des établissements qui forment ce centre d'enseignement. De telles écoles peuvent elles-mêmes former ensemble un centre d'enseignement, moyennant l'avis favorable de la Commission de planification et l'accord du ministre (article 3, 2, alinéa 4, de la loi du 29 mai 1959). Tout établissement qui rencontre des difficultés à faire partie d'un centre d'enseignement secondaire peut demander la conciliation de la Commission de planification (article 3, 2, alinéa 5, de la loi du 29 mai 1959).
B.3.3. Lorsqu'un établissement d'enseignement est dans l'impossibilité de satisfaire aux normes de rationalisation ce qui met en péril son droit aux subventions , il peut, comme l'a fait l'a.s.b.l.
Hiberniaschool, recourir à la procédure définie à l'article 3, 3, alinéa 2, 4°, de la loi du 29 mai 1959 en vue d'obtenir une dérogation aux normes de rationalisation pour les cas exceptionnels ou non prévus.
B.4. L'article 24, 4, première phrase, de la Constitution réaffirme, en matière d'enseignement, le principe d'égalité et de non-discrimination.
B.5.1. Le traitement différent des établissements d'enseignement « catégorisables » et « non catégorisables » instauré par l'article 3, 2, de la loi du 29 mai 1959 repose sur un critère objectif et pertinent en ce que, pour fixer la manière dont les établissements d'enseignement peuvent constituer un centre d'enseignement, il a été tenu compte de leur orientation philosophique. En prévoyant que les centres d'enseignement à constituer en vue de l'application du plan de rationalisation et de programmation doivent être en règle générale constitués d'établissements de même caractère au sens de la loi, le législateur a cherché à sauvegarder, à travers la nécessaire rationalisation de l'offre d'enseignement, la liberté de choix des parents garantie par la Constitution.
La présence ou l'absence d'un des caractères définis par la loi est un critère pertinent pour justifier un traitement distinct.
B.5.2. Pour les établissements d'enseignement qui ne sont pas classés, le législateur a prévu une procédure particulière leur permettant, soit de s'associer à un centre d'enseignement existant ou d'en constituer un eux-mêmes, soit, s'ils entendent conserver pleinement leur spécificité, d'obtenir une dérogation à la norme de rationalisation, de la manière indiquée à l'article 3, 3, alinéa 2, 4°, de la loi du 29 mai 1959 « pour les cas exceptionnels ou non prévus ».
B.6. Le critère de distinction mis en oeuvre par le législateur à l'article 3, 2, de la loi du 29 mai 1959 est objectif et non dénué de rapport avec l'équilibre entre les dispensateurs traditionnels d'enseignement tels qu'ils se présentaient au moment de l'élaboration de la loi. Il conduit néanmoins à ce que les écoles qui ne font pas partie d'un centre d'enseignement voient la continuité de l'enseignement qu'elles dispensent à ce point entravée ou menacée qu'elles sont défavorisées de manière excessive par rapport aux établissements qui font partie d'un tel centre. En effet, elles sont obligées, pour assurer le maintien de leur droit aux subventions, de recourir à une procédure que le législateur présente comme étant exceptionnelle, et pour laquelle il n'indique lui-même aucune garantie en ce qui concerne les droits en matière d'enseignement inscrits à l'article 24 de la Constitution.
B.7. Dans cette mesure, l'article 3, 2, de la loi du 29 mai 1959 viole l'article 24 de la Constitution.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 3, 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, tel qu'il a été modifié par l'article 1er de la loi du 18 septembre 1981, viole l'article 24 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 juin 1997.
Le greffier, Le président, L. Potoms. L. De Grève