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Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005 Numéro du rôle : 2938 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénal La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, L(...) Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005 Numéro du rôle : 2938 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénal La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, L(...)
COUR D'ARBITRAGE COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005 Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005
Numéro du rôle : 2938 Numéro du rôle : 2938
En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2,
du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999 du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999
instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, posée par instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, posée par
le Tribunal de police de Verviers. le Tribunal de police de Verviers.
La Cour d'arbitrage, La Cour d'arbitrage,
composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R.
Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels,
assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 25 février 2004 en cause du ministère public et de G. Par jugement du 25 février 2004 en cause du ministère public et de G.
Fairon et autres contre A. Schmitz et la Région wallonne, dont Fairon et autres contre A. Schmitz et la Région wallonne, dont
l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 1er mars l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 1er mars
2004, le Tribunal de police de Verviers a posé la question 2004, le Tribunal de police de Verviers a posé la question
préjudicielle suivante : préjudicielle suivante :
« L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la « L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la
loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes
morales, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que morales, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que
la personne employée par une personne morale de droit privé qui a la personne employée par une personne morale de droit privé qui a
commis une infraction involontaire, peut ne pas être condamnée si elle commis une infraction involontaire, peut ne pas être condamnée si elle
a commis une faute moins grave que son employeur, alors que la a commis une faute moins grave que son employeur, alors que la
personne employée par une personne morale de droit public qui a commis personne employée par une personne morale de droit public qui a commis
la même infraction devra nécessairement être condamnée, le cumul des la même infraction devra nécessairement être condamnée, le cumul des
responsabilités étant possible dans le second cas, non visé par ledit responsabilités étant possible dans le second cas, non visé par ledit
article ? » article ? »
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 5, alinéa 2, du B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 5, alinéa 2, du
Code pénal, tel qu'il a été rétabli par l'article 2 de la loi du 4 mai Code pénal, tel qu'il a été rétabli par l'article 2 de la loi du 4 mai
1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, qui 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, qui
énonce : énonce :
« Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui « Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui
sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la
défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets
démontrent qu'elles ont été commises pour son compte. démontrent qu'elles ont été commises pour son compte.
Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée
exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique
identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut
être condamnée. Si la personne physique identifiée a commis la faute être condamnée. Si la personne physique identifiée a commis la faute
sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps
que la personne morale responsable. que la personne morale responsable.
Sont assimilées à des personnes morales : Sont assimilées à des personnes morales :
1° les associations momentanées et les associations en participation; 1° les associations momentanées et les associations en participation;
2° les sociétés visées à l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées 2° les sociétés visées à l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées
sur les sociétés commerciales, ainsi que les sociétés commerciales en sur les sociétés commerciales, ainsi que les sociétés commerciales en
formation; formation;
3° les sociétés civiles qui n'ont pas pris la forme d'une société 3° les sociétés civiles qui n'ont pas pris la forme d'une société
commerciale. commerciale.
Ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales Ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales
responsables pénalement pour l'application du présent article : l'Etat responsables pénalement pour l'application du présent article : l'Etat
fédéral, les régions, les communautés, les provinces, l'agglomération fédéral, les régions, les communautés, les provinces, l'agglomération
bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes
territoriaux intra-communaux, la Commission communautaire française, territoriaux intra-communaux, la Commission communautaire française,
la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire
commune et les centres publics d'aide sociale. » commune et les centres publics d'aide sociale. »
B.2. L'article 5 du Code pénal, rétabli par la loi du 4 mai 1999, a B.2. L'article 5 du Code pénal, rétabli par la loi du 4 mai 1999, a
instauré une responsabilité pénale propre des personnes morales, instauré une responsabilité pénale propre des personnes morales,
autonome et distincte de celle des personnes physiques qui ont agi autonome et distincte de celle des personnes physiques qui ont agi
pour la personne morale ou qui ont omis de le faire. Auparavant, une pour la personne morale ou qui ont omis de le faire. Auparavant, une
personne morale ne pouvait pas, en tant que telle, être pénalement personne morale ne pouvait pas, en tant que telle, être pénalement
poursuivie. Une infraction pour laquelle une personne morale aurait pu poursuivie. Une infraction pour laquelle une personne morale aurait pu
être tenue pour responsable était imputée à des personnes physiques être tenue pour responsable était imputée à des personnes physiques
déterminées. déterminées.
B.3. En prévoyant, dans la première phrase de la disposition en cause, B.3. En prévoyant, dans la première phrase de la disposition en cause,
que le juge pénal, lorsqu'il constate qu'une infraction qui n'a été que le juge pénal, lorsqu'il constate qu'une infraction qui n'a été
commise ni sciemment ni volontairement l'a été à la fois par une commise ni sciemment ni volontairement l'a été à la fois par une
personne physique et par une personne morale, peut seulement condamner personne physique et par une personne morale, peut seulement condamner
la personne qui a commis la faute « la plus grave », le législateur a la personne qui a commis la faute « la plus grave », le législateur a
instauré une cause d'excuse absolutoire pour celle des deux personnes instauré une cause d'excuse absolutoire pour celle des deux personnes
qui a commis la faute la moins grave. qui a commis la faute la moins grave.
B.4. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article B.4. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article
5, alinéa 2, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la 5, alinéa 2, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la
Constitution en ce que, en cas d'infraction involontaire, la personne Constitution en ce que, en cas d'infraction involontaire, la personne
physique qui travaille pour une personne morale de droit privé ne sera physique qui travaille pour une personne morale de droit privé ne sera
pas condamnée si elle a commis la faute la moins grave, tandis que la pas condamnée si elle a commis la faute la moins grave, tandis que la
personne physique qui travaille pour une personne morale de droit personne physique qui travaille pour une personne morale de droit
public non pénalement responsable ne pourra bénéficier de cette cause public non pénalement responsable ne pourra bénéficier de cette cause
d'excuse absolutoire. d'excuse absolutoire.
B.5.1. Selon l'exposé des motifs, la disposition en cause règle la B.5.1. Selon l'exposé des motifs, la disposition en cause règle la
relation entre la responsabilité de la personne morale et celle des relation entre la responsabilité de la personne morale et celle des
personnes physiques pour les mêmes faits : personnes physiques pour les mêmes faits :
« Le principe retenu est celui de l'exclusion du cumul des « Le principe retenu est celui de l'exclusion du cumul des
responsabilités, sauf dans le cas où il peut être établi que responsabilités, sauf dans le cas où il peut être établi que
l'infraction peut être imputée personnellement à une personne l'infraction peut être imputée personnellement à une personne
physique, qui aurait agi de manière intentionnelle. Contrairement à ce physique, qui aurait agi de manière intentionnelle. Contrairement à ce
que le Conseil d'Etat semble affirmer dans son avis, l'exclusion du que le Conseil d'Etat semble affirmer dans son avis, l'exclusion du
cumul des responsabilités ne concerne que les délits commis avec la cumul des responsabilités ne concerne que les délits commis avec la
négligence comme élément intentionnel. Le point de départ est par négligence comme élément intentionnel. Le point de départ est par
conséquent la qualification légale de l'infraction. conséquent la qualification légale de l'infraction.
La proposition entend ainsi revenir sur une certaine jurisprudence La proposition entend ainsi revenir sur une certaine jurisprudence
audacieuse dans l'imputation d'infractions aux personnes dirigeantes audacieuse dans l'imputation d'infractions aux personnes dirigeantes
au sein de personnes morales en considérant que la preuve de au sein de personnes morales en considérant que la preuve de
l'infraction était présente sur la base de manquements de ces l'infraction était présente sur la base de manquements de ces
personnes, dans des cas où l'incrimination requiert clairement personnes, dans des cas où l'incrimination requiert clairement
l'intention, ou même en arrivant à une responsabilité pénale quasi l'intention, ou même en arrivant à une responsabilité pénale quasi
objective, seulement sur la base de la position de la personne objective, seulement sur la base de la position de la personne
concernée au sein de la personne morale. concernée au sein de la personne morale.
Néanmoins, la proposition ne peut être interprétée comme donnant carte Néanmoins, la proposition ne peut être interprétée comme donnant carte
blanche aux personnes qui adoptent des comportements punissables dans blanche aux personnes qui adoptent des comportements punissables dans
le cadre d'une personne morale. Comme cela a été dit plus haut, la le cadre d'une personne morale. Comme cela a été dit plus haut, la
personne morale et la personne physique peuvent être poursuivies et personne morale et la personne physique peuvent être poursuivies et
condamnées ensemble comme coauteurs en cas de dol. Si l'élément moral condamnées ensemble comme coauteurs en cas de dol. Si l'élément moral
chez la personne physique est la négligence - ce qui sera souvent le chez la personne physique est la négligence - ce qui sera souvent le
cas dans le droit pénal spécial où beaucoup d'incriminations ne cas dans le droit pénal spécial où beaucoup d'incriminations ne
requièrent pas le dol -, il appartiendra au juge de vérifier au cas requièrent pas le dol -, il appartiendra au juge de vérifier au cas
par cas laquelle de la responsabilité de la personne morale ou de la par cas laquelle de la responsabilité de la personne morale ou de la
personne physique est déterminante. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, personne physique est déterminante. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999,
n° 1-1217/1, pp. 6 et 7) n° 1-1217/1, pp. 6 et 7)
Il ressort de ce qui précède que le projet de loi entendait consacrer Il ressort de ce qui précède que le projet de loi entendait consacrer
le principe du cumul des responsabilités, mais uniquement lorsque le principe du cumul des responsabilités, mais uniquement lorsque
l'infraction peut être imputée personnellement à une personne physique l'infraction peut être imputée personnellement à une personne physique
qui aurait agi de manière intentionnelle. qui aurait agi de manière intentionnelle.
Il a été soutenu, lors des travaux préparatoires, qu'il convient de Il a été soutenu, lors des travaux préparatoires, qu'il convient de
faire une distinction entre la criminalité « maffieuse », qui serait « faire une distinction entre la criminalité « maffieuse », qui serait «
plutôt une criminalité intentionnelle » et la criminalité « économique plutôt une criminalité intentionnelle » et la criminalité « économique
», lorsqu'il s'agit d'un délit de « négligence » (Doc. parl., Sénat, », lorsqu'il s'agit d'un délit de « négligence » (Doc. parl., Sénat,
1998-1999, n° 1-1217/6, p. 21). 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 21).
B.5.2. A la critique d'un sénateur estimant que « la proposition B.5.2. A la critique d'un sénateur estimant que « la proposition
semble aller dangereusement dans le sens d'une levée de la semble aller dangereusement dans le sens d'une levée de la
responsabilité des personnes physiques » (amendement n° 11, Doc. responsabilité des personnes physiques » (amendement n° 11, Doc.
parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/2, p. 5 et exposé y relatif in Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/2, p. 5 et exposé y relatif in Doc.
parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, pp. 31-50), le ministre a parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, pp. 31-50), le ministre a
répondu que l'on ne peut répondu que l'on ne peut
« les condamner tous les deux dans ce cas, parce qu'il y a une « les condamner tous les deux dans ce cas, parce qu'il y a une
convergence telle entre leurs interventions respectives qu'admettre convergence telle entre leurs interventions respectives qu'admettre
systématiquement le cumul dans ce genre d'hypothèse conduirait systématiquement le cumul dans ce genre d'hypothèse conduirait
inévitablement à des doubles condamnations, là où, aujourd'hui, il n'y inévitablement à des doubles condamnations, là où, aujourd'hui, il n'y
en a qu'une. » en a qu'une. »
Le ministre ajouta : Le ministre ajouta :
« Or, le but est de rechercher, dans ce genre d'hypothèse, le « Or, le but est de rechercher, dans ce genre d'hypothèse, le
véritable responsable. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, véritable responsable. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6,
p. 42) p. 42)
Un amendement fut alors déposé (amendement n° 19, Doc. parl., Sénat, Un amendement fut alors déposé (amendement n° 19, Doc. parl., Sénat,
1998-1999, n° 1-1217/4) qui a mené au texte définitif de l'article 5, 1998-1999, n° 1-1217/4) qui a mené au texte définitif de l'article 5,
alinéa 2, l'auteur ayant indiqué ce qui suit : alinéa 2, l'auteur ayant indiqué ce qui suit :
« Cet article introduit comme nouvel élément l'implication de la « Cet article introduit comme nouvel élément l'implication de la
responsabilité de la personne morale due exclusivement à responsabilité de la personne morale due exclusivement à
l'intervention d'une personne physique identifiée. Ce n'est que dans l'intervention d'une personne physique identifiée. Ce n'est que dans
ce cas précis que le juge doit faire un choix, en se basant sur le ce cas précis que le juge doit faire un choix, en se basant sur le
critère de la faute la plus grave. On peut donc poursuivre les deux critère de la faute la plus grave. On peut donc poursuivre les deux
personnes, mais le juge ne peut condamner que celle qui a commis la personnes, mais le juge ne peut condamner que celle qui a commis la
faute la plus grave, et uniquement si la responsabilité de la personne faute la plus grave, et uniquement si la responsabilité de la personne
morale est engagée, exclusivement en raison de l'intervention de la morale est engagée, exclusivement en raison de l'intervention de la
personne physique identifiée. personne physique identifiée.
On délimite ainsi le cas où la responsabilité de la personne morale On délimite ainsi le cas où la responsabilité de la personne morale
est engagée [00ad] exclusivement en raison de l'intervention d'une est engagée [00ad] exclusivement en raison de l'intervention d'une
personne physique [00ad] et on définit le critère, qui est que le juge personne physique [00ad] et on définit le critère, qui est que le juge
doit déterminer qui a commis la faute la plus grave. » (Doc. parl., doit déterminer qui a commis la faute la plus grave. » (Doc. parl.,
Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 46) Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 46)
B.5.3. Il ressort de ce qui précède qu'un concours de responsabilités B.5.3. Il ressort de ce qui précède qu'un concours de responsabilités
pénales de la personne morale et de la personne physique est en pénales de la personne morale et de la personne physique est en
principe exclu (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2093/5, p. 15). Le principe exclu (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2093/5, p. 15). Le
législateur entendait ainsi contredire une jurisprudence qui menait à législateur entendait ainsi contredire une jurisprudence qui menait à
une responsabilité quasi objective en condamnant des dirigeants de une responsabilité quasi objective en condamnant des dirigeants de
personnes morales pour des infractions qu'ils ne commettaient pas personnes morales pour des infractions qu'ils ne commettaient pas
matériellement mais auxquels ces infractions étaient imputées en matériellement mais auxquels ces infractions étaient imputées en
raison de la position qu'ils occupaient au sein de la personne morale. raison de la position qu'ils occupaient au sein de la personne morale.
B.6.1. La personne physique qui travaille pour une personne morale B.6.1. La personne physique qui travaille pour une personne morale
responsable pénalement et qui est poursuivie pour des infractions responsable pénalement et qui est poursuivie pour des infractions
commises ni sciemment ni volontairement, peut bénéficier de la cause commises ni sciemment ni volontairement, peut bénéficier de la cause
d'excuse absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, d'excuse absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal,
parce que la loi désigne deux auteurs possibles d'une infraction parce que la loi désigne deux auteurs possibles d'une infraction
pénale : la personne physique et la personne morale pour le compte de pénale : la personne physique et la personne morale pour le compte de
laquelle elle a agi. C'est uniquement en considération de cette laquelle elle a agi. C'est uniquement en considération de cette
dualité d'auteurs d'une même infraction que le législateur a écarté le dualité d'auteurs d'une même infraction que le législateur a écarté le
cumul des responsabilités pénales lorsque l'infraction n'a pas été cumul des responsabilités pénales lorsque l'infraction n'a pas été
commise sciemment et volontairement (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° commise sciemment et volontairement (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n°
1-1217/6, pp. 10, 11 et 42). 1-1217/6, pp. 10, 11 et 42).
B.6.2. La règle de non-cumul des responsabilités pénales de la B.6.2. La règle de non-cumul des responsabilités pénales de la
personne physique et de la personne morale apparaît donc comme le personne physique et de la personne morale apparaît donc comme le
corollaire voulu par le législateur de l'instauration d'une corollaire voulu par le législateur de l'instauration d'une
responsabilité pénale des personnes morales. Cette règle de non-cumul responsabilité pénale des personnes morales. Cette règle de non-cumul
de responsabilités est dépourvue de toute raison d'être lorsque la de responsabilités est dépourvue de toute raison d'être lorsque la
personne morale n'est pas responsable pénalement. personne morale n'est pas responsable pénalement.
B.6.3. Le législateur a jugé nécessaire d'exclure certaines personnes B.6.3. Le législateur a jugé nécessaire d'exclure certaines personnes
morales de droit public du champ d'application de la responsabilité morales de droit public du champ d'application de la responsabilité
pénale. pénale.
Dans son arrêt n° 128/2002, la Cour a conclu à la compatibilité de Dans son arrêt n° 128/2002, la Cour a conclu à la compatibilité de
l'article 5, alinéa 4, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la l'article 5, alinéa 4, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la
Constitution, en ce qu'il exclut de son champ d'application les Constitution, en ce qu'il exclut de son champ d'application les
personnes morales de droit public qu'il énumère, aux termes des personnes morales de droit public qu'il énumère, aux termes des
considérations suivantes : considérations suivantes :
« B.7.2. Les personnes morales de droit public se distinguent des « B.7.2. Les personnes morales de droit public se distinguent des
personnes morales de droit privé en ce qu'elles n'ont que des missions personnes morales de droit privé en ce qu'elles n'ont que des missions
de service public et doivent ne servir que l'intérêt général. Le de service public et doivent ne servir que l'intérêt général. Le
législateur peut raisonnablement considérer que son souci de lutter législateur peut raisonnablement considérer que son souci de lutter
contre la criminalité organisée ne l'oblige pas à prendre à l'égard contre la criminalité organisée ne l'oblige pas à prendre à l'égard
des personnes morales de droit public les mêmes mesures qu'à l'égard des personnes morales de droit public les mêmes mesures qu'à l'égard
des personnes morales de droit privé. des personnes morales de droit privé.
B.7.3. Le législateur doit cependant tenir compte de ce que des B.7.3. Le législateur doit cependant tenir compte de ce que des
personnes morales de droit public ont des activités semblables à personnes morales de droit public ont des activités semblables à
celles de personnes morales de droit privé et que, dans l'exercice de celles de personnes morales de droit privé et que, dans l'exercice de
telles activités, les premières peuvent se rendre coupables telles activités, les premières peuvent se rendre coupables
d'infractions qui ne se distinguent en rien de celles qui peuvent être d'infractions qui ne se distinguent en rien de celles qui peuvent être
commises par les secondes. Il lui appartient, pour concilier avec le commises par les secondes. Il lui appartient, pour concilier avec le
principe d'égalité sa volonté de mettre fin à l'irresponsabilité principe d'égalité sa volonté de mettre fin à l'irresponsabilité
pénale des personnes morales, de ne pas exclure du champ d'application pénale des personnes morales, de ne pas exclure du champ d'application
de la loi les personnes morales de droit public qui ne se distinguent de la loi les personnes morales de droit public qui ne se distinguent
des personnes morales de droit privé que par leur statut juridique. des personnes morales de droit privé que par leur statut juridique.
B.7.4. Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause B.7.4. Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause
qu'en principe les personnes morales de droit public sont pénalement qu'en principe les personnes morales de droit public sont pénalement
responsables et que l'exception à cette règle ne concerne que celles responsables et que l'exception à cette règle ne concerne que celles
'qui disposent d'un organe directement élu selon des règles 'qui disposent d'un organe directement élu selon des règles
démocratiques' (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/1, p. 3). démocratiques' (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/1, p. 3).
B.7.5. La différence de traitement ainsi établie entre personnes B.7.5. La différence de traitement ainsi établie entre personnes
morales selon qu'elles disposent d'un organe démocratiquement élu ou morales selon qu'elles disposent d'un organe démocratiquement élu ou
non repose sur un critère objectif. non repose sur un critère objectif.
Les personnes morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa Les personnes morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa
4, du Code pénal ont la particularité d'être principalement chargées 4, du Code pénal ont la particularité d'être principalement chargées
d'une mission politique essentielle dans une démocratie d'une mission politique essentielle dans une démocratie
représentative, de disposer d'assemblées démocratiquement élues et représentative, de disposer d'assemblées démocratiquement élues et
d'organes soumis à un contrôle politique. Le législateur a pu d'organes soumis à un contrôle politique. Le législateur a pu
raisonnablement redouter, s'il rendait ces personnes morales raisonnablement redouter, s'il rendait ces personnes morales
pénalement responsables, d'étendre une responsabilité pénale pénalement responsables, d'étendre une responsabilité pénale
collective à des situations où elle comporte plus d'inconvénients que collective à des situations où elle comporte plus d'inconvénients que
d'avantages, notamment en suscitant des plaintes dont l'objectif réel d'avantages, notamment en suscitant des plaintes dont l'objectif réel
serait de mener, par la voie pénale, des combats qui doivent se serait de mener, par la voie pénale, des combats qui doivent se
traiter par la voie politique. traiter par la voie politique.
B.7.6. Il s'ensuit que, en excluant des personnes morales de droit B.7.6. Il s'ensuit que, en excluant des personnes morales de droit
public du champ d'application de l'article 5 du Code pénal et en public du champ d'application de l'article 5 du Code pénal et en
limitant cette exclusion à celles qui sont mentionnées à l'alinéa 4 de limitant cette exclusion à celles qui sont mentionnées à l'alinéa 4 de
cet article, le législateur n'a pas accordé à celles-ci une immunité cet article, le législateur n'a pas accordé à celles-ci une immunité
qui serait injustifiée. » qui serait injustifiée. »
B.6.4. La personne physique qui travaille pour une des personnes B.6.4. La personne physique qui travaille pour une des personnes
morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa 4, du Code morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa 4, du Code
pénal, qui est poursuivie pour des infractions commises ni sciemment pénal, qui est poursuivie pour des infractions commises ni sciemment
ni volontairement et qui ne peut bénéficier de la cause d'excuse ni volontairement et qui ne peut bénéficier de la cause d'excuse
absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, se trouve absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, se trouve
dans une situation qui ne permet pas de la comparer à la personne dont dans une situation qui ne permet pas de la comparer à la personne dont
la situation est décrite en B.6.1. En effet, cette cause d'excuse la situation est décrite en B.6.1. En effet, cette cause d'excuse
absolutoire n'a de sens qu'en cas de concours de responsabilités, ce absolutoire n'a de sens qu'en cas de concours de responsabilités, ce
qui ne peut être le cas lorsque la personne physique est seule qui ne peut être le cas lorsque la personne physique est seule
punissable en raison de l'irresponsabilité pénale de certaines punissable en raison de l'irresponsabilité pénale de certaines
personnes morales de droit public prévue par l'article 5, alinéa 4, du personnes morales de droit public prévue par l'article 5, alinéa 4, du
Code pénal, disposition jugée compatible avec les articles 10 et 11 de Code pénal, disposition jugée compatible avec les articles 10 et 11 de
la Constitution par l'arrêt n° 128/2002 rappelé en B.6.3. la Constitution par l'arrêt n° 128/2002 rappelé en B.6.3.
B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative. B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la
loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes
morales, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. morales, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 janvier 2005. la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 janvier 2005.
Le greffier, Le greffier,
L. Potoms L. Potoms
Le président, Le président,
M. Melchior M. Melchior
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