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: la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli
par la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénal La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et
A. Arts, et des juges R. Henneuse, L(...)"
Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005 Numéro du rôle : 2938 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénal La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, L(...) | Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005 Numéro du rôle : 2938 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénal La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, L(...) |
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COUR D'ARBITRAGE | COUR D'ARBITRAGE |
Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005 | Extrait de l'arrêt n° 8/2005 du 12 janvier 2005 |
Numéro du rôle : 2938 | Numéro du rôle : 2938 |
En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, | En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, alinéa 2, |
du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999 | du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la loi du 4 mai 1999 |
instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, posée par | instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, posée par |
le Tribunal de police de Verviers. | le Tribunal de police de Verviers. |
La Cour d'arbitrage, | La Cour d'arbitrage, |
composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. | composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. |
Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, | Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, |
assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, | assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, |
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : | après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : |
I. Objet de la question préjudicielle et procédure | I. Objet de la question préjudicielle et procédure |
Par jugement du 25 février 2004 en cause du ministère public et de G. | Par jugement du 25 février 2004 en cause du ministère public et de G. |
Fairon et autres contre A. Schmitz et la Région wallonne, dont | Fairon et autres contre A. Schmitz et la Région wallonne, dont |
l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 1er mars | l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 1er mars |
2004, le Tribunal de police de Verviers a posé la question | 2004, le Tribunal de police de Verviers a posé la question |
préjudicielle suivante : | préjudicielle suivante : |
« L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la | « L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la |
loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes | loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes |
morales, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que | morales, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que |
la personne employée par une personne morale de droit privé qui a | la personne employée par une personne morale de droit privé qui a |
commis une infraction involontaire, peut ne pas être condamnée si elle | commis une infraction involontaire, peut ne pas être condamnée si elle |
a commis une faute moins grave que son employeur, alors que la | a commis une faute moins grave que son employeur, alors que la |
personne employée par une personne morale de droit public qui a commis | personne employée par une personne morale de droit public qui a commis |
la même infraction devra nécessairement être condamnée, le cumul des | la même infraction devra nécessairement être condamnée, le cumul des |
responsabilités étant possible dans le second cas, non visé par ledit | responsabilités étant possible dans le second cas, non visé par ledit |
article ? » | article ? » |
(...) | (...) |
III. En droit | III. En droit |
(...) | (...) |
B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 5, alinéa 2, du | B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 5, alinéa 2, du |
Code pénal, tel qu'il a été rétabli par l'article 2 de la loi du 4 mai | Code pénal, tel qu'il a été rétabli par l'article 2 de la loi du 4 mai |
1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, qui | 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, qui |
énonce : | énonce : |
« Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui | « Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui |
sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la | sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la |
défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets | défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets |
démontrent qu'elles ont été commises pour son compte. | démontrent qu'elles ont été commises pour son compte. |
Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée | Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée |
exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique | exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique |
identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut | identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut |
être condamnée. Si la personne physique identifiée a commis la faute | être condamnée. Si la personne physique identifiée a commis la faute |
sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps | sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps |
que la personne morale responsable. | que la personne morale responsable. |
Sont assimilées à des personnes morales : | Sont assimilées à des personnes morales : |
1° les associations momentanées et les associations en participation; | 1° les associations momentanées et les associations en participation; |
2° les sociétés visées à l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées | 2° les sociétés visées à l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées |
sur les sociétés commerciales, ainsi que les sociétés commerciales en | sur les sociétés commerciales, ainsi que les sociétés commerciales en |
formation; | formation; |
3° les sociétés civiles qui n'ont pas pris la forme d'une société | 3° les sociétés civiles qui n'ont pas pris la forme d'une société |
commerciale. | commerciale. |
Ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales | Ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales |
responsables pénalement pour l'application du présent article : l'Etat | responsables pénalement pour l'application du présent article : l'Etat |
fédéral, les régions, les communautés, les provinces, l'agglomération | fédéral, les régions, les communautés, les provinces, l'agglomération |
bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes | bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes |
territoriaux intra-communaux, la Commission communautaire française, | territoriaux intra-communaux, la Commission communautaire française, |
la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire | la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire |
commune et les centres publics d'aide sociale. » | commune et les centres publics d'aide sociale. » |
B.2. L'article 5 du Code pénal, rétabli par la loi du 4 mai 1999, a | B.2. L'article 5 du Code pénal, rétabli par la loi du 4 mai 1999, a |
instauré une responsabilité pénale propre des personnes morales, | instauré une responsabilité pénale propre des personnes morales, |
autonome et distincte de celle des personnes physiques qui ont agi | autonome et distincte de celle des personnes physiques qui ont agi |
pour la personne morale ou qui ont omis de le faire. Auparavant, une | pour la personne morale ou qui ont omis de le faire. Auparavant, une |
personne morale ne pouvait pas, en tant que telle, être pénalement | personne morale ne pouvait pas, en tant que telle, être pénalement |
poursuivie. Une infraction pour laquelle une personne morale aurait pu | poursuivie. Une infraction pour laquelle une personne morale aurait pu |
être tenue pour responsable était imputée à des personnes physiques | être tenue pour responsable était imputée à des personnes physiques |
déterminées. | déterminées. |
B.3. En prévoyant, dans la première phrase de la disposition en cause, | B.3. En prévoyant, dans la première phrase de la disposition en cause, |
que le juge pénal, lorsqu'il constate qu'une infraction qui n'a été | que le juge pénal, lorsqu'il constate qu'une infraction qui n'a été |
commise ni sciemment ni volontairement l'a été à la fois par une | commise ni sciemment ni volontairement l'a été à la fois par une |
personne physique et par une personne morale, peut seulement condamner | personne physique et par une personne morale, peut seulement condamner |
la personne qui a commis la faute « la plus grave », le législateur a | la personne qui a commis la faute « la plus grave », le législateur a |
instauré une cause d'excuse absolutoire pour celle des deux personnes | instauré une cause d'excuse absolutoire pour celle des deux personnes |
qui a commis la faute la moins grave. | qui a commis la faute la moins grave. |
B.4. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article | B.4. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article |
5, alinéa 2, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la | 5, alinéa 2, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la |
Constitution en ce que, en cas d'infraction involontaire, la personne | Constitution en ce que, en cas d'infraction involontaire, la personne |
physique qui travaille pour une personne morale de droit privé ne sera | physique qui travaille pour une personne morale de droit privé ne sera |
pas condamnée si elle a commis la faute la moins grave, tandis que la | pas condamnée si elle a commis la faute la moins grave, tandis que la |
personne physique qui travaille pour une personne morale de droit | personne physique qui travaille pour une personne morale de droit |
public non pénalement responsable ne pourra bénéficier de cette cause | public non pénalement responsable ne pourra bénéficier de cette cause |
d'excuse absolutoire. | d'excuse absolutoire. |
B.5.1. Selon l'exposé des motifs, la disposition en cause règle la | B.5.1. Selon l'exposé des motifs, la disposition en cause règle la |
relation entre la responsabilité de la personne morale et celle des | relation entre la responsabilité de la personne morale et celle des |
personnes physiques pour les mêmes faits : | personnes physiques pour les mêmes faits : |
« Le principe retenu est celui de l'exclusion du cumul des | « Le principe retenu est celui de l'exclusion du cumul des |
responsabilités, sauf dans le cas où il peut être établi que | responsabilités, sauf dans le cas où il peut être établi que |
l'infraction peut être imputée personnellement à une personne | l'infraction peut être imputée personnellement à une personne |
physique, qui aurait agi de manière intentionnelle. Contrairement à ce | physique, qui aurait agi de manière intentionnelle. Contrairement à ce |
que le Conseil d'Etat semble affirmer dans son avis, l'exclusion du | que le Conseil d'Etat semble affirmer dans son avis, l'exclusion du |
cumul des responsabilités ne concerne que les délits commis avec la | cumul des responsabilités ne concerne que les délits commis avec la |
négligence comme élément intentionnel. Le point de départ est par | négligence comme élément intentionnel. Le point de départ est par |
conséquent la qualification légale de l'infraction. | conséquent la qualification légale de l'infraction. |
La proposition entend ainsi revenir sur une certaine jurisprudence | La proposition entend ainsi revenir sur une certaine jurisprudence |
audacieuse dans l'imputation d'infractions aux personnes dirigeantes | audacieuse dans l'imputation d'infractions aux personnes dirigeantes |
au sein de personnes morales en considérant que la preuve de | au sein de personnes morales en considérant que la preuve de |
l'infraction était présente sur la base de manquements de ces | l'infraction était présente sur la base de manquements de ces |
personnes, dans des cas où l'incrimination requiert clairement | personnes, dans des cas où l'incrimination requiert clairement |
l'intention, ou même en arrivant à une responsabilité pénale quasi | l'intention, ou même en arrivant à une responsabilité pénale quasi |
objective, seulement sur la base de la position de la personne | objective, seulement sur la base de la position de la personne |
concernée au sein de la personne morale. | concernée au sein de la personne morale. |
Néanmoins, la proposition ne peut être interprétée comme donnant carte | Néanmoins, la proposition ne peut être interprétée comme donnant carte |
blanche aux personnes qui adoptent des comportements punissables dans | blanche aux personnes qui adoptent des comportements punissables dans |
le cadre d'une personne morale. Comme cela a été dit plus haut, la | le cadre d'une personne morale. Comme cela a été dit plus haut, la |
personne morale et la personne physique peuvent être poursuivies et | personne morale et la personne physique peuvent être poursuivies et |
condamnées ensemble comme coauteurs en cas de dol. Si l'élément moral | condamnées ensemble comme coauteurs en cas de dol. Si l'élément moral |
chez la personne physique est la négligence - ce qui sera souvent le | chez la personne physique est la négligence - ce qui sera souvent le |
cas dans le droit pénal spécial où beaucoup d'incriminations ne | cas dans le droit pénal spécial où beaucoup d'incriminations ne |
requièrent pas le dol -, il appartiendra au juge de vérifier au cas | requièrent pas le dol -, il appartiendra au juge de vérifier au cas |
par cas laquelle de la responsabilité de la personne morale ou de la | par cas laquelle de la responsabilité de la personne morale ou de la |
personne physique est déterminante. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, | personne physique est déterminante. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, |
n° 1-1217/1, pp. 6 et 7) | n° 1-1217/1, pp. 6 et 7) |
Il ressort de ce qui précède que le projet de loi entendait consacrer | Il ressort de ce qui précède que le projet de loi entendait consacrer |
le principe du cumul des responsabilités, mais uniquement lorsque | le principe du cumul des responsabilités, mais uniquement lorsque |
l'infraction peut être imputée personnellement à une personne physique | l'infraction peut être imputée personnellement à une personne physique |
qui aurait agi de manière intentionnelle. | qui aurait agi de manière intentionnelle. |
Il a été soutenu, lors des travaux préparatoires, qu'il convient de | Il a été soutenu, lors des travaux préparatoires, qu'il convient de |
faire une distinction entre la criminalité « maffieuse », qui serait « | faire une distinction entre la criminalité « maffieuse », qui serait « |
plutôt une criminalité intentionnelle » et la criminalité « économique | plutôt une criminalité intentionnelle » et la criminalité « économique |
», lorsqu'il s'agit d'un délit de « négligence » (Doc. parl., Sénat, | », lorsqu'il s'agit d'un délit de « négligence » (Doc. parl., Sénat, |
1998-1999, n° 1-1217/6, p. 21). | 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 21). |
B.5.2. A la critique d'un sénateur estimant que « la proposition | B.5.2. A la critique d'un sénateur estimant que « la proposition |
semble aller dangereusement dans le sens d'une levée de la | semble aller dangereusement dans le sens d'une levée de la |
responsabilité des personnes physiques » (amendement n° 11, Doc. | responsabilité des personnes physiques » (amendement n° 11, Doc. |
parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/2, p. 5 et exposé y relatif in Doc. | parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/2, p. 5 et exposé y relatif in Doc. |
parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, pp. 31-50), le ministre a | parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, pp. 31-50), le ministre a |
répondu que l'on ne peut | répondu que l'on ne peut |
« les condamner tous les deux dans ce cas, parce qu'il y a une | « les condamner tous les deux dans ce cas, parce qu'il y a une |
convergence telle entre leurs interventions respectives qu'admettre | convergence telle entre leurs interventions respectives qu'admettre |
systématiquement le cumul dans ce genre d'hypothèse conduirait | systématiquement le cumul dans ce genre d'hypothèse conduirait |
inévitablement à des doubles condamnations, là où, aujourd'hui, il n'y | inévitablement à des doubles condamnations, là où, aujourd'hui, il n'y |
en a qu'une. » | en a qu'une. » |
Le ministre ajouta : | Le ministre ajouta : |
« Or, le but est de rechercher, dans ce genre d'hypothèse, le | « Or, le but est de rechercher, dans ce genre d'hypothèse, le |
véritable responsable. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, | véritable responsable. » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, |
p. 42) | p. 42) |
Un amendement fut alors déposé (amendement n° 19, Doc. parl., Sénat, | Un amendement fut alors déposé (amendement n° 19, Doc. parl., Sénat, |
1998-1999, n° 1-1217/4) qui a mené au texte définitif de l'article 5, | 1998-1999, n° 1-1217/4) qui a mené au texte définitif de l'article 5, |
alinéa 2, l'auteur ayant indiqué ce qui suit : | alinéa 2, l'auteur ayant indiqué ce qui suit : |
« Cet article introduit comme nouvel élément l'implication de la | « Cet article introduit comme nouvel élément l'implication de la |
responsabilité de la personne morale due exclusivement à | responsabilité de la personne morale due exclusivement à |
l'intervention d'une personne physique identifiée. Ce n'est que dans | l'intervention d'une personne physique identifiée. Ce n'est que dans |
ce cas précis que le juge doit faire un choix, en se basant sur le | ce cas précis que le juge doit faire un choix, en se basant sur le |
critère de la faute la plus grave. On peut donc poursuivre les deux | critère de la faute la plus grave. On peut donc poursuivre les deux |
personnes, mais le juge ne peut condamner que celle qui a commis la | personnes, mais le juge ne peut condamner que celle qui a commis la |
faute la plus grave, et uniquement si la responsabilité de la personne | faute la plus grave, et uniquement si la responsabilité de la personne |
morale est engagée, exclusivement en raison de l'intervention de la | morale est engagée, exclusivement en raison de l'intervention de la |
personne physique identifiée. | personne physique identifiée. |
On délimite ainsi le cas où la responsabilité de la personne morale | On délimite ainsi le cas où la responsabilité de la personne morale |
est engagée [00ad] exclusivement en raison de l'intervention d'une | est engagée [00ad] exclusivement en raison de l'intervention d'une |
personne physique [00ad] et on définit le critère, qui est que le juge | personne physique [00ad] et on définit le critère, qui est que le juge |
doit déterminer qui a commis la faute la plus grave. » (Doc. parl., | doit déterminer qui a commis la faute la plus grave. » (Doc. parl., |
Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 46) | Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 46) |
B.5.3. Il ressort de ce qui précède qu'un concours de responsabilités | B.5.3. Il ressort de ce qui précède qu'un concours de responsabilités |
pénales de la personne morale et de la personne physique est en | pénales de la personne morale et de la personne physique est en |
principe exclu (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2093/5, p. 15). Le | principe exclu (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2093/5, p. 15). Le |
législateur entendait ainsi contredire une jurisprudence qui menait à | législateur entendait ainsi contredire une jurisprudence qui menait à |
une responsabilité quasi objective en condamnant des dirigeants de | une responsabilité quasi objective en condamnant des dirigeants de |
personnes morales pour des infractions qu'ils ne commettaient pas | personnes morales pour des infractions qu'ils ne commettaient pas |
matériellement mais auxquels ces infractions étaient imputées en | matériellement mais auxquels ces infractions étaient imputées en |
raison de la position qu'ils occupaient au sein de la personne morale. | raison de la position qu'ils occupaient au sein de la personne morale. |
B.6.1. La personne physique qui travaille pour une personne morale | B.6.1. La personne physique qui travaille pour une personne morale |
responsable pénalement et qui est poursuivie pour des infractions | responsable pénalement et qui est poursuivie pour des infractions |
commises ni sciemment ni volontairement, peut bénéficier de la cause | commises ni sciemment ni volontairement, peut bénéficier de la cause |
d'excuse absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, | d'excuse absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, |
parce que la loi désigne deux auteurs possibles d'une infraction | parce que la loi désigne deux auteurs possibles d'une infraction |
pénale : la personne physique et la personne morale pour le compte de | pénale : la personne physique et la personne morale pour le compte de |
laquelle elle a agi. C'est uniquement en considération de cette | laquelle elle a agi. C'est uniquement en considération de cette |
dualité d'auteurs d'une même infraction que le législateur a écarté le | dualité d'auteurs d'une même infraction que le législateur a écarté le |
cumul des responsabilités pénales lorsque l'infraction n'a pas été | cumul des responsabilités pénales lorsque l'infraction n'a pas été |
commise sciemment et volontairement (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° | commise sciemment et volontairement (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° |
1-1217/6, pp. 10, 11 et 42). | 1-1217/6, pp. 10, 11 et 42). |
B.6.2. La règle de non-cumul des responsabilités pénales de la | B.6.2. La règle de non-cumul des responsabilités pénales de la |
personne physique et de la personne morale apparaît donc comme le | personne physique et de la personne morale apparaît donc comme le |
corollaire voulu par le législateur de l'instauration d'une | corollaire voulu par le législateur de l'instauration d'une |
responsabilité pénale des personnes morales. Cette règle de non-cumul | responsabilité pénale des personnes morales. Cette règle de non-cumul |
de responsabilités est dépourvue de toute raison d'être lorsque la | de responsabilités est dépourvue de toute raison d'être lorsque la |
personne morale n'est pas responsable pénalement. | personne morale n'est pas responsable pénalement. |
B.6.3. Le législateur a jugé nécessaire d'exclure certaines personnes | B.6.3. Le législateur a jugé nécessaire d'exclure certaines personnes |
morales de droit public du champ d'application de la responsabilité | morales de droit public du champ d'application de la responsabilité |
pénale. | pénale. |
Dans son arrêt n° 128/2002, la Cour a conclu à la compatibilité de | Dans son arrêt n° 128/2002, la Cour a conclu à la compatibilité de |
l'article 5, alinéa 4, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la | l'article 5, alinéa 4, du Code pénal avec les articles 10 et 11 de la |
Constitution, en ce qu'il exclut de son champ d'application les | Constitution, en ce qu'il exclut de son champ d'application les |
personnes morales de droit public qu'il énumère, aux termes des | personnes morales de droit public qu'il énumère, aux termes des |
considérations suivantes : | considérations suivantes : |
« B.7.2. Les personnes morales de droit public se distinguent des | « B.7.2. Les personnes morales de droit public se distinguent des |
personnes morales de droit privé en ce qu'elles n'ont que des missions | personnes morales de droit privé en ce qu'elles n'ont que des missions |
de service public et doivent ne servir que l'intérêt général. Le | de service public et doivent ne servir que l'intérêt général. Le |
législateur peut raisonnablement considérer que son souci de lutter | législateur peut raisonnablement considérer que son souci de lutter |
contre la criminalité organisée ne l'oblige pas à prendre à l'égard | contre la criminalité organisée ne l'oblige pas à prendre à l'égard |
des personnes morales de droit public les mêmes mesures qu'à l'égard | des personnes morales de droit public les mêmes mesures qu'à l'égard |
des personnes morales de droit privé. | des personnes morales de droit privé. |
B.7.3. Le législateur doit cependant tenir compte de ce que des | B.7.3. Le législateur doit cependant tenir compte de ce que des |
personnes morales de droit public ont des activités semblables à | personnes morales de droit public ont des activités semblables à |
celles de personnes morales de droit privé et que, dans l'exercice de | celles de personnes morales de droit privé et que, dans l'exercice de |
telles activités, les premières peuvent se rendre coupables | telles activités, les premières peuvent se rendre coupables |
d'infractions qui ne se distinguent en rien de celles qui peuvent être | d'infractions qui ne se distinguent en rien de celles qui peuvent être |
commises par les secondes. Il lui appartient, pour concilier avec le | commises par les secondes. Il lui appartient, pour concilier avec le |
principe d'égalité sa volonté de mettre fin à l'irresponsabilité | principe d'égalité sa volonté de mettre fin à l'irresponsabilité |
pénale des personnes morales, de ne pas exclure du champ d'application | pénale des personnes morales, de ne pas exclure du champ d'application |
de la loi les personnes morales de droit public qui ne se distinguent | de la loi les personnes morales de droit public qui ne se distinguent |
des personnes morales de droit privé que par leur statut juridique. | des personnes morales de droit privé que par leur statut juridique. |
B.7.4. Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause | B.7.4. Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause |
qu'en principe les personnes morales de droit public sont pénalement | qu'en principe les personnes morales de droit public sont pénalement |
responsables et que l'exception à cette règle ne concerne que celles | responsables et que l'exception à cette règle ne concerne que celles |
'qui disposent d'un organe directement élu selon des règles | 'qui disposent d'un organe directement élu selon des règles |
démocratiques' (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/1, p. 3). | démocratiques' (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/1, p. 3). |
B.7.5. La différence de traitement ainsi établie entre personnes | B.7.5. La différence de traitement ainsi établie entre personnes |
morales selon qu'elles disposent d'un organe démocratiquement élu ou | morales selon qu'elles disposent d'un organe démocratiquement élu ou |
non repose sur un critère objectif. | non repose sur un critère objectif. |
Les personnes morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa | Les personnes morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa |
4, du Code pénal ont la particularité d'être principalement chargées | 4, du Code pénal ont la particularité d'être principalement chargées |
d'une mission politique essentielle dans une démocratie | d'une mission politique essentielle dans une démocratie |
représentative, de disposer d'assemblées démocratiquement élues et | représentative, de disposer d'assemblées démocratiquement élues et |
d'organes soumis à un contrôle politique. Le législateur a pu | d'organes soumis à un contrôle politique. Le législateur a pu |
raisonnablement redouter, s'il rendait ces personnes morales | raisonnablement redouter, s'il rendait ces personnes morales |
pénalement responsables, d'étendre une responsabilité pénale | pénalement responsables, d'étendre une responsabilité pénale |
collective à des situations où elle comporte plus d'inconvénients que | collective à des situations où elle comporte plus d'inconvénients que |
d'avantages, notamment en suscitant des plaintes dont l'objectif réel | d'avantages, notamment en suscitant des plaintes dont l'objectif réel |
serait de mener, par la voie pénale, des combats qui doivent se | serait de mener, par la voie pénale, des combats qui doivent se |
traiter par la voie politique. | traiter par la voie politique. |
B.7.6. Il s'ensuit que, en excluant des personnes morales de droit | B.7.6. Il s'ensuit que, en excluant des personnes morales de droit |
public du champ d'application de l'article 5 du Code pénal et en | public du champ d'application de l'article 5 du Code pénal et en |
limitant cette exclusion à celles qui sont mentionnées à l'alinéa 4 de | limitant cette exclusion à celles qui sont mentionnées à l'alinéa 4 de |
cet article, le législateur n'a pas accordé à celles-ci une immunité | cet article, le législateur n'a pas accordé à celles-ci une immunité |
qui serait injustifiée. » | qui serait injustifiée. » |
B.6.4. La personne physique qui travaille pour une des personnes | B.6.4. La personne physique qui travaille pour une des personnes |
morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa 4, du Code | morales de droit public énumérées à l'article 5, alinéa 4, du Code |
pénal, qui est poursuivie pour des infractions commises ni sciemment | pénal, qui est poursuivie pour des infractions commises ni sciemment |
ni volontairement et qui ne peut bénéficier de la cause d'excuse | ni volontairement et qui ne peut bénéficier de la cause d'excuse |
absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, se trouve | absolutoire créée par l'article 5, alinéa 2, du Code pénal, se trouve |
dans une situation qui ne permet pas de la comparer à la personne dont | dans une situation qui ne permet pas de la comparer à la personne dont |
la situation est décrite en B.6.1. En effet, cette cause d'excuse | la situation est décrite en B.6.1. En effet, cette cause d'excuse |
absolutoire n'a de sens qu'en cas de concours de responsabilités, ce | absolutoire n'a de sens qu'en cas de concours de responsabilités, ce |
qui ne peut être le cas lorsque la personne physique est seule | qui ne peut être le cas lorsque la personne physique est seule |
punissable en raison de l'irresponsabilité pénale de certaines | punissable en raison de l'irresponsabilité pénale de certaines |
personnes morales de droit public prévue par l'article 5, alinéa 4, du | personnes morales de droit public prévue par l'article 5, alinéa 4, du |
Code pénal, disposition jugée compatible avec les articles 10 et 11 de | Code pénal, disposition jugée compatible avec les articles 10 et 11 de |
la Constitution par l'arrêt n° 128/2002 rappelé en B.6.3. | la Constitution par l'arrêt n° 128/2002 rappelé en B.6.3. |
B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative. | B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative. |
Par ces motifs, | Par ces motifs, |
la Cour | la Cour |
dit pour droit : | dit pour droit : |
L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la | L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il a été rétabli par la |
loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes | loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes |
morales, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. | morales, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. |
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, | Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, |
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur | conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur |
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 janvier 2005. | la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 janvier 2005. |
Le greffier, | Le greffier, |
L. Potoms | L. Potoms |
Le président, | Le président, |
M. Melchior | M. Melchior |