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Extrait de l'arrêt n° 140/2003 du 29 octobre 2003 Numéro du rôle : 2554 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la publicité trompeuse en ce qui concerne les professions libérales, La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P(...) Extrait de l'arrêt n° 140/2003 du 29 octobre 2003 Numéro du rôle : 2554 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la publicité trompeuse en ce qui concerne les professions libérales, La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P(...)
COUR D'ARBITRAGE COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 140/2003 du 29 octobre 2003 Extrait de l'arrêt n° 140/2003 du 29 octobre 2003
Numéro du rôle : 2554 Numéro du rôle : 2554
En cause : la question préjudicielle concernant l'article 5 de la loi En cause : la question préjudicielle concernant l'article 5 de la loi
du 21 octobre 1992 relative à la publicité trompeuse en ce qui du 21 octobre 1992 relative à la publicité trompeuse en ce qui
concerne les professions libérales, posée par le Tribunal de première concerne les professions libérales, posée par le Tribunal de première
instance de Bruxelles. instance de Bruxelles.
La Cour d'arbitrage, La Cour d'arbitrage,
composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L.
François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L.
Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée
du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 25 octobre 2002 en cause de C. Camilli et Par jugement du 25 octobre 2002 en cause de C. Camilli et
l'Association-Loi 1901 « Institut International de Formation de l'Association-Loi 1901 « Institut International de Formation de
Psychothérapeutes en Méthode Camilli et de Somatothérapeutes en Psychothérapeutes en Méthode Camilli et de Somatothérapeutes en
Massage Sensitif » (association de droit français) contre S. Brasseur Massage Sensitif » (association de droit français) contre S. Brasseur
de Warisoux et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la de Warisoux et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la
Cour d'arbitrage le 31 octobre 2002, le Tribunal de première instance Cour d'arbitrage le 31 octobre 2002, le Tribunal de première instance
de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante :
« L'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 sur la publicité trompeuse « L'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 sur la publicité trompeuse
en ce qui concerne les professions libérales (ci-après L.P.L.) en ce qui concerne les professions libérales (ci-après L.P.L.)
viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il
dispose que l'article 4 de la L.P.L., qui instaure une action en dispose que l'article 4 de la L.P.L., qui instaure une action en
cessation, " ne s'applique pas aux actes de contrefaçon qui sont cessation, " ne s'applique pas aux actes de contrefaçon qui sont
sanctionnés par les lois sur les [...] marques de produits ou de sanctionnés par les lois sur les [...] marques de produits ou de
services " en considération du fait que la Cour d'arbitrage a dit pour services " en considération du fait que la Cour d'arbitrage a dit pour
droit que l'article 96 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques droit que l'article 96 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques
du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, qui du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, qui
est le pendant de l'article 5 L.P.L. " viole les articles 10 et 11 de est le pendant de l'article 5 L.P.L. " viole les articles 10 et 11 de
la Constitution en ce qu'il dispose que l'article 95 de cette même loi la Constitution en ce qu'il dispose que l'article 95 de cette même loi
ne s'applique pas ' aux actes de contrefaçon qui sont sanctionnés par ne s'applique pas ' aux actes de contrefaçon qui sont sanctionnés par
les lois sur [...] les marques de produits ou de services ' ", ce qui les lois sur [...] les marques de produits ou de services ' ", ce qui
signifie que la victime d'un acte de contrefaçon à sa marque disposera signifie que la victime d'un acte de contrefaçon à sa marque disposera
d'une action en cessation si l'auteur de la contrefaçon est un d'une action en cessation si l'auteur de la contrefaçon est un
commerçant et ne pourra pas agir en cessation si l'auteur de la commerçant et ne pourra pas agir en cessation si l'auteur de la
contrefaçon est titulaire d'une profession libérale alors que les deux contrefaçon est titulaire d'une profession libérale alors que les deux
textes transposent la même directive et poursuivent le même but (celui textes transposent la même directive et poursuivent le même but (celui
d'éviter qu'une publicité trompeuse n'entraîne une distorsion de d'éviter qu'une publicité trompeuse n'entraîne une distorsion de
concurrence et/ou que celle-ci affecte la situation économique des concurrence et/ou que celle-ci affecte la situation économique des
consommateurs ? » consommateurs ? »
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1. Il ressort des faits de la cause et de la motivation de la B.1. Il ressort des faits de la cause et de la motivation de la
décision de renvoi que la question préjudicielle dont la Cour est décision de renvoi que la question préjudicielle dont la Cour est
saisie a pour origine l'arrêt no 2/2002 rendu par la Cour le 9 janvier saisie a pour origine l'arrêt no 2/2002 rendu par la Cour le 9 janvier
2002, par lequel elle a dit pour droit que l'article 96 de la loi du 2002, par lequel elle a dit pour droit que l'article 96 de la loi du
14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et
la protection du consommateur viole les articles 10 et 11 de la la protection du consommateur viole les articles 10 et 11 de la
Constitution en ce qu'il dispose que l'article 95 de cette même loi ne Constitution en ce qu'il dispose que l'article 95 de cette même loi ne
s'applique pas « aux actes de contrefaçon qui sont sanctionnés par les s'applique pas « aux actes de contrefaçon qui sont sanctionnés par les
lois sur [...] les marques de produits ou services ». Les parties lois sur [...] les marques de produits ou services ». Les parties
demanderesses devant le juge a quo, qui exercent une profession demanderesses devant le juge a quo, qui exercent une profession
libérale, déduisent de cet arrêt que les commerçants pourront donc libérale, déduisent de cet arrêt que les commerçants pourront donc
désormais, étant donné ce constat d'inconstitutionnalité, introduire désormais, étant donné ce constat d'inconstitutionnalité, introduire
une action en cessation. Les parties demanderesses interrogent dès une action en cessation. Les parties demanderesses interrogent dès
lors la Cour sur la différence de traitement qui en résulte pour elles lors la Cour sur la différence de traitement qui en résulte pour elles
en ce que, en tant qu'elles exercent une profession libérale, en ce que, en tant qu'elles exercent une profession libérale,
l'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la publicité l'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la publicité
trompeuse en ce qui concerne les professions libérales (ci-après trompeuse en ce qui concerne les professions libérales (ci-après
L.P.T.L.) interdit, comme l'article 95 de la loi précitée du 14 L.P.T.L.) interdit, comme l'article 95 de la loi précitée du 14
juillet 1991, qu'une action en cessation puisse être introduite contre juillet 1991, qu'une action en cessation puisse être introduite contre
« des actes de contrefaçon sanctionnés par les lois sur [...] les « des actes de contrefaçon sanctionnés par les lois sur [...] les
marques de produits ou services ». marques de produits ou services ».
La Cour est donc en l'espèce invitée à comparer la situation des La Cour est donc en l'espèce invitée à comparer la situation des
commerçants qui peuvent dorénavant se fonder sur l'arrêt rendu par la commerçants qui peuvent dorénavant se fonder sur l'arrêt rendu par la
Cour relativement à l'article 95 de la loi du 14 juillet 1991 pour Cour relativement à l'article 95 de la loi du 14 juillet 1991 pour
introduire une action en cessation contre les actes de contrefaçon introduire une action en cessation contre les actes de contrefaçon
définis ci-dessus et la situation des titulaires des professions définis ci-dessus et la situation des titulaires des professions
libérales qui ne peuvent pas, compte tenu de l'article 5 de la loi libérales qui ne peuvent pas, compte tenu de l'article 5 de la loi
précitée du 21 octobre 1992, introduire d'action en cessation contre précitée du 21 octobre 1992, introduire d'action en cessation contre
les mêmes actes de contrefaçon. les mêmes actes de contrefaçon.
B.2.1. L'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la B.2.1. L'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la
publicité trompeuse en ce qui concerne les professions libérales, publicité trompeuse en ce qui concerne les professions libérales,
repris à l'article 19 de la loi du 2 août 2002 relative à la publicité repris à l'article 19 de la loi du 2 août 2002 relative à la publicité
trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux
contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales, contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales,
dispose : dispose :
« L'article 4 ne s'applique pas aux actes de contrefaçon qui sont « L'article 4 ne s'applique pas aux actes de contrefaçon qui sont
sanctionnés par les lois sur les brevets d'inventions, les marques de sanctionnés par les lois sur les brevets d'inventions, les marques de
produits ou de services, les dessins ou modèles et le droit d'auteur. produits ou de services, les dessins ou modèles et le droit d'auteur.
L'alinéa précédent n'est toutefois pas applicable aux marques de L'alinéa précédent n'est toutefois pas applicable aux marques de
services utilisées sur le territoire Benelux à la date d'entrée en services utilisées sur le territoire Benelux à la date d'entrée en
vigueur du Protocole du 10 novembre 1983 portant modification de la vigueur du Protocole du 10 novembre 1983 portant modification de la
loi uniforme Benelux sur les marques de produits lorsque la loi loi uniforme Benelux sur les marques de produits lorsque la loi
uniforme Benelux sur les marques ne permet pas aux propriétaires des uniforme Benelux sur les marques ne permet pas aux propriétaires des
marques précitées d'invoquer les dispositions du droit des marques. » marques précitées d'invoquer les dispositions du droit des marques. »
Il ressort des faits soumis et de la motivation du jugement que la Il ressort des faits soumis et de la motivation du jugement que la
question préjudicielle concerne l'article 5 uniquement en tant que question préjudicielle concerne l'article 5 uniquement en tant que
celui-ci exclut l'action en cessation pour les actes de contrefaçon celui-ci exclut l'action en cessation pour les actes de contrefaçon
qui sont sanctionnés par les lois sur les marques de produits ou de qui sont sanctionnés par les lois sur les marques de produits ou de
services. services.
B.2.2. L'article 13, A, 1, de la loi uniforme Benelux sur les marques B.2.2. L'article 13, A, 1, de la loi uniforme Benelux sur les marques
du 19 mars 1962 (ci-après L.B.M.) définit les atteintes à la marque du 19 mars 1962 (ci-après L.B.M.) définit les atteintes à la marque
auxquelles le titulaire d'une marque peut s'opposer et est libellé auxquelles le titulaire d'une marque peut s'opposer et est libellé
comme suit : comme suit :
« Sans préjudice de l'application éventuelle du droit commun en « Sans préjudice de l'application éventuelle du droit commun en
matière de responsabilité civile, le droit exclusif à la marque permet matière de responsabilité civile, le droit exclusif à la marque permet
au titulaire de s'opposer à : au titulaire de s'opposer à :
a) tout usage qui, dans la vie des affaires, serait fait de la marque a) tout usage qui, dans la vie des affaires, serait fait de la marque
pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée; pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée;
b) tout usage qui, dans la vie des affaires, serait fait de la marque b) tout usage qui, dans la vie des affaires, serait fait de la marque
ou d'un signe ressemblant pour les produits pour lesquels la marque ou d'un signe ressemblant pour les produits pour lesquels la marque
est enregistrée ou pour des produits similaires, lorsqu'il existe, est enregistrée ou pour des produits similaires, lorsqu'il existe,
dans l'esprit du public, un risque d'association entre le signe et la dans l'esprit du public, un risque d'association entre le signe et la
marque; marque;
c) tout usage qui, dans la vie des affaires et sans juste motif, c) tout usage qui, dans la vie des affaires et sans juste motif,
serait fait d'une marque qui jouit d'une renommée à l'intérieur du serait fait d'une marque qui jouit d'une renommée à l'intérieur du
territoire Benelux ou d'un signe ressemblant pour des produits non territoire Benelux ou d'un signe ressemblant pour des produits non
similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque
l'usage de ce signe tirerait indûment profit du caractère distinctif l'usage de ce signe tirerait indûment profit du caractère distinctif
ou de la renommée de la marque ou leur porterait préjudice; ou de la renommée de la marque ou leur porterait préjudice;
d) tout usage qui, dans la vie des affaires et sans juste motif, d) tout usage qui, dans la vie des affaires et sans juste motif,
serait fait d'une marque ou d'un signe ressemblant autrement que pour serait fait d'une marque ou d'un signe ressemblant autrement que pour
distinguer des produits, lorsque l'usage de ce signe tirerait indûment distinguer des produits, lorsque l'usage de ce signe tirerait indûment
profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur
porterait préjudice. » porterait préjudice. »
Compte tenu de ce que la question préjudicielle entend comparer la Compte tenu de ce que la question préjudicielle entend comparer la
situation des titulaires des professions libérales et celle des situation des titulaires des professions libérales et celle des
commerçants depuis l'arrêt no 2/2002 prononcé par la Cour relativement commerçants depuis l'arrêt no 2/2002 prononcé par la Cour relativement
à l'article 96 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du à l'article 96 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du
commerce et sur l'information et la protection du consommateur commerce et sur l'information et la protection du consommateur
(ci-après : L.P.C.C.), il convient tout d'abord de répondre à la (ci-après : L.P.C.C.), il convient tout d'abord de répondre à la
question de savoir si l'exclusion par l'article 5 de la L.P.T.L. de question de savoir si l'exclusion par l'article 5 de la L.P.T.L. de
l'action en cessation pour les actes de contrefaçon visés à l'article l'action en cessation pour les actes de contrefaçon visés à l'article
13, A, 1, a et b, de la L.B.M., alors qu'une telle action est possible 13, A, 1, a et b, de la L.B.M., alors qu'une telle action est possible
pour les autres atteintes à la marque visées à l'article 13, A, 1, c pour les autres atteintes à la marque visées à l'article 13, A, 1, c
et d, de la même loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution. et d, de la même loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la
non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit
établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose
sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant
compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la
nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé
lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 21 octobre 1992 B.4. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 21 octobre 1992
que, « lors de l'élaboration du présent projet, on s'est que, « lors de l'élaboration du présent projet, on s'est
scrupuleusement référé au texte du projet de loi sur les pratiques de scrupuleusement référé au texte du projet de loi sur les pratiques de
commerce et que les remarques formulées au cours de sa discussion ont commerce et que les remarques formulées au cours de sa discussion ont
été prises en considération » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, no été prises en considération » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, no
1234-2, p. 2). 1234-2, p. 2).
C'est donc à la loi précitée et à ses travaux préparatoires qu'il C'est donc à la loi précitée et à ses travaux préparatoires qu'il
convient de se référer en l'espèce. convient de se référer en l'espèce.
B.5. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 14 juillet 1991 B.5. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 14 juillet 1991
qu'en excluant de l'action en cessation les droits de propriété qu'en excluant de l'action en cessation les droits de propriété
intellectuelle et en particulier le droit des marques, le législateur intellectuelle et en particulier le droit des marques, le législateur
entendait séparer le statut de protection particulier conféré par le entendait séparer le statut de protection particulier conféré par le
droit des marques de l'obligation générale de prudence contenue dans droit des marques de l'obligation générale de prudence contenue dans
la loi sur les pratiques commerciales : il entendait ainsi éviter que la loi sur les pratiques commerciales : il entendait ainsi éviter que
les marques non déposées soient tout de même protégées contre les les marques non déposées soient tout de même protégées contre les
actes de contrefaçon par le biais de l'action en cessation visée à actes de contrefaçon par le biais de l'action en cessation visée à
l'article 96 de la L.P.C.C. (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, no 464/2, l'article 96 de la L.P.C.C. (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, no 464/2,
pp. 248-250). Le législateur considérait également que, vu pp. 248-250). Le législateur considérait également que, vu
l'efficacité de la protection obtenue via le droit particulier de la l'efficacité de la protection obtenue via le droit particulier de la
propriété intellectuelle, toute autre protection fondée sur la propriété intellectuelle, toute autre protection fondée sur la
concurrence déloyale serait superflue (Doc. parl., Chambre, 1969-1970, concurrence déloyale serait superflue (Doc. parl., Chambre, 1969-1970,
no 615/2, pp. 8 et 9). Enfin, le législateur entendait aussi éviter no 615/2, pp. 8 et 9). Enfin, le législateur entendait aussi éviter
des conflits de compétence entre les différents juges. des conflits de compétence entre les différents juges.
L'article 96 de la L.P.C.C. reproduit à cet égard l'article 56 de la L'article 96 de la L.P.C.C. reproduit à cet égard l'article 56 de la
loi du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce, qui consacrait loi du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce, qui consacrait
le point de vue développé dans l'arrêt de la Cour de cassation du 16 le point de vue développé dans l'arrêt de la Cour de cassation du 16
mars 1939, dans lequel il était dit : mars 1939, dans lequel il était dit :
« Qu'en effet, ou bien la marque a été déposée, et alors elle se « Qu'en effet, ou bien la marque a été déposée, et alors elle se
trouve protégée par les actions prévues par la loi du 1er avril 1879, trouve protégée par les actions prévues par la loi du 1er avril 1879,
ou bien elle n'a pas été déposée, et nul ne peut prétendre à un droit ou bien elle n'a pas été déposée, et nul ne peut prétendre à un droit
privatif sur elle, ne peut fonder sur sa contrefaçon une action en privatif sur elle, ne peut fonder sur sa contrefaçon une action en
justice; justice;
Que, certes, des faits de concurrence déloyale, qui accompagnent une Que, certes, des faits de concurrence déloyale, qui accompagnent une
contrefaçon de marque de fabrique, ne cesseraient pas pour cela de contrefaçon de marque de fabrique, ne cesseraient pas pour cela de
pouvoir être atteints par application de l'article 1382 du Code civil, pouvoir être atteints par application de l'article 1382 du Code civil,
mais que ce serait ruiner les principes légaux de la protection des mais que ce serait ruiner les principes légaux de la protection des
marques de fabrique que d'admettre que la contrefaçon elle-même soit marques de fabrique que d'admettre que la contrefaçon elle-même soit
réprimée conformément à cet article, sous la qualification de réprimée conformément à cet article, sous la qualification de
concurrence déloyale, sans égard aux dispositions de la loi du 1er concurrence déloyale, sans égard aux dispositions de la loi du 1er
avril 1879; » (Cass., 16 mars 1939, Pas., 1939, p. 153). avril 1879; » (Cass., 16 mars 1939, Pas., 1939, p. 153).
B.6. La différence de traitement critiquée repose sur un critère B.6. La différence de traitement critiquée repose sur un critère
objectif, à savoir le type d'atteinte à la marque. Alors que les actes objectif, à savoir le type d'atteinte à la marque. Alors que les actes
de contrefaçon visés à l'article 13, A, 1, a et b, de la L.B.M. se de contrefaçon visés à l'article 13, A, 1, a et b, de la L.B.M. se
rapportent à l'usage fait de la marque pour les produits pour lesquels rapportent à l'usage fait de la marque pour les produits pour lesquels
la marque est enregistrée ou pour des produits similaires, les la marque est enregistrée ou pour des produits similaires, les
atteintes à la marque visées à l'article 13, A, 1, c et d, de la atteintes à la marque visées à l'article 13, A, 1, c et d, de la
L.B.M. concernent soit l'usage d'une marque pour des produits non L.B.M. concernent soit l'usage d'une marque pour des produits non
similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, soit similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, soit
l'usage qui en serait fait autrement que pour distinguer des produits. l'usage qui en serait fait autrement que pour distinguer des produits.
Alors que la première sorte d'atteintes à la marque concerne donc la Alors que la première sorte d'atteintes à la marque concerne donc la
spécificité de la marque, il n'en va pas de même pour la deuxième spécificité de la marque, il n'en va pas de même pour la deuxième
sorte d'atteintes, qui concerne le caractère distinctif de la marque sorte d'atteintes, qui concerne le caractère distinctif de la marque
et son pouvoir d'attraction. et son pouvoir d'attraction.
B.7.1. Compte tenu du but et des effets de la mesure litigieuse, ce B.7.1. Compte tenu du but et des effets de la mesure litigieuse, ce
critère de distinction, fondé sur le type d'atteinte à la marque, critère de distinction, fondé sur le type d'atteinte à la marque,
n'est toutefois pas pertinent au regard du but poursuivi par le n'est toutefois pas pertinent au regard du but poursuivi par le
législateur, tel qu'il est exposé au B.5. Un tel critère aboutit au législateur, tel qu'il est exposé au B.5. Un tel critère aboutit au
contraire à ce que l'on s'écarte de cet objectif. Dans les travaux contraire à ce que l'on s'écarte de cet objectif. Dans les travaux
préparatoires de la loi du 14 juillet 1991, le ministre compétent préparatoires de la loi du 14 juillet 1991, le ministre compétent
déclarait déjà : déclarait déjà :
« [...] on peut se demander toutefois si ces distinctions, parfois « [...] on peut se demander toutefois si ces distinctions, parfois
fort subtiles, se justifient. En effet, on peut penser que fort subtiles, se justifient. En effet, on peut penser que
l'expression ' actes de contrefaçon ' utilisée à l'article 56 vise l'expression ' actes de contrefaçon ' utilisée à l'article 56 vise
plutôt toute imitation de l'objet d'un droit intellectuel (ici, la plutôt toute imitation de l'objet d'un droit intellectuel (ici, la
marque), quelle que soit la forme que prend cette contrefaçon : marque), quelle que soit la forme que prend cette contrefaçon :
l'exposé des motifs de l'article 56 assigne en effet à cet article l'exposé des motifs de l'article 56 assigne en effet à cet article
l'exclusion des ' litiges en matière de droits intellectuels '. De l'exclusion des ' litiges en matière de droits intellectuels '. De
plus, le législateur Benelux semble bien avoir considéré comme actes plus, le législateur Benelux semble bien avoir considéré comme actes
de contrefaçon de marque aussi bien ceux visés à l'article 13.A.1. que de contrefaçon de marque aussi bien ceux visés à l'article 13.A.1. que
ceux visés à l'article 13.A.2. » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, no ceux visés à l'article 13.A.2. » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, no
464/2, pp. 250 et 251) 464/2, pp. 250 et 251)
En effet, selon les termes de l'article 13, A, 1, première phrase, de En effet, selon les termes de l'article 13, A, 1, première phrase, de
la L.B.M., le titulaire d'une marque peut, en se fondant sur « son la L.B.M., le titulaire d'une marque peut, en se fondant sur « son
droit exclusif » et « sans préjudice de l'application éventuelle du droit exclusif » et « sans préjudice de l'application éventuelle du
droit commun en matière de responsabilité civile », s'opposer à droit commun en matière de responsabilité civile », s'opposer à
chacune des quatre atteintes à la marque énumérées dans cette chacune des quatre atteintes à la marque énumérées dans cette
disposition, de sorte que la Cour n'aperçoit pas en quoi le critère de disposition, de sorte que la Cour n'aperçoit pas en quoi le critère de
la nature de l'atteinte à la marque, liée à la spécificité de la nature de l'atteinte à la marque, liée à la spécificité de
celle-ci, serait pertinent pour autoriser ou non une action en celle-ci, serait pertinent pour autoriser ou non une action en
cessation pour des actes d'usage de la marque qui constituent en même cessation pour des actes d'usage de la marque qui constituent en même
temps une atteinte à la marque au sens de l'article 13, A, 1, de la temps une atteinte à la marque au sens de l'article 13, A, 1, de la
L.B.M. et une violation de la L.P.C.C. L.B.M. et une violation de la L.P.C.C.
Il en est d'autant plus ainsi qu'il ressort de la jurisprudence que la Il en est d'autant plus ainsi qu'il ressort de la jurisprudence que la
distinction entre les deux sortes d'atteintes à la marque n'apparaît distinction entre les deux sortes d'atteintes à la marque n'apparaît
pas toujours aussi clairement dans la pratique (voy., par exemple, pas toujours aussi clairement dans la pratique (voy., par exemple,
Cour de justice Benelux, 20 décembre 1993, Daimler-Benz/Haze, Jur., Cour de justice Benelux, 20 décembre 1993, Daimler-Benz/Haze, Jur.,
1993, p. 65). 1993, p. 65).
B.7.2. La mesure a en outre pour effet que le titulaire de la marque B.7.2. La mesure a en outre pour effet que le titulaire de la marque
peut intenter l'action en cessation visée à l'article 96 de la peut intenter l'action en cessation visée à l'article 96 de la
L.P.C.C. contre les actes accompagnant les atteintes à la marque et L.P.C.C. contre les actes accompagnant les atteintes à la marque et
les atteintes à la marque visées à l'article 13, A, 1, c et d, de la les atteintes à la marque visées à l'article 13, A, 1, c et d, de la
L.B.M., mais non contre les atteintes à la marque qui sont des actes L.B.M., mais non contre les atteintes à la marque qui sont des actes
de contrefaçon au sens de l'article 13, A, 1, a et b, de la L.B.M. et de contrefaçon au sens de l'article 13, A, 1, a et b, de la L.B.M. et
qui constituent cependant par définition « un emploi illicite de la qui constituent cependant par définition « un emploi illicite de la
marque » au sens de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 novembre 1989 marque » au sens de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 novembre 1989
(Pas., 1990, p. 276) et, partant, un acte de concurrence déloyale. (Pas., 1990, p. 276) et, partant, un acte de concurrence déloyale.
Il est par conséquent excessif de ne pas autoriser, pour la dernière Il est par conséquent excessif de ne pas autoriser, pour la dernière
catégorie citée d'atteintes à la marque, l'utilisation de cette voie catégorie citée d'atteintes à la marque, l'utilisation de cette voie
de droit efficace que constitue l'action en cessation. En effet, à la de droit efficace que constitue l'action en cessation. En effet, à la
différence de la procédure en référé, l'action en cessation n'exige différence de la procédure en référé, l'action en cessation n'exige
pas l'urgence pour que le président du tribunal de commerce soit pas l'urgence pour que le président du tribunal de commerce soit
compétent. En outre, il s'agit d'une décision au fond. La nature compétent. En outre, il s'agit d'une décision au fond. La nature
particulière du droit des marques peut, certes, avoir une influence particulière du droit des marques peut, certes, avoir une influence
sur l'étendue de la protection et sur les règles de la preuve sur l'étendue de la protection et sur les règles de la preuve
concernant les diverses atteintes à la marque, mais il est concernant les diverses atteintes à la marque, mais il est
manifestement disproportionné de priver d'une voie de droit efficace manifestement disproportionné de priver d'une voie de droit efficace
le titulaire d'une marque victime d'atteintes à l'essence même de le titulaire d'une marque victime d'atteintes à l'essence même de
celle-ci et de l'obliger à scinder son action en fonction du type celle-ci et de l'obliger à scinder son action en fonction du type
d'atteinte à la marque. d'atteinte à la marque.
B.7.3. Il résulte du lien voulu par le législateur entre la loi du 21 B.7.3. Il résulte du lien voulu par le législateur entre la loi du 21
octobre 1992 et la loi du 14 juillet 1991 (B.4) qu'en tant que octobre 1992 et la loi du 14 juillet 1991 (B.4) qu'en tant que
l'article 5 de la L.P.T.L. ne permet pas de saisir le président du l'article 5 de la L.P.T.L. ne permet pas de saisir le président du
tribunal de première instance d'une action en cessation des atteintes tribunal de première instance d'une action en cessation des atteintes
à la marque visées en B.7.2, il n'est pas compatible avec les articles à la marque visées en B.7.2, il n'est pas compatible avec les articles
10 et 11 de la Constitution. 10 et 11 de la Constitution.
B.8. Il découle de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'examiner s'il B.8. Il découle de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'examiner s'il
existe une discrimination entre le commerçant et le titulaire d'une existe une discrimination entre le commerçant et le titulaire d'une
profession libérale quant à l'exercice de l'action en cessation. profession libérale quant à l'exercice de l'action en cessation.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la publicité L'article 5 de la loi du 21 octobre 1992 relative à la publicité
trompeuse en ce qui concerne les professions libérales viole les trompeuse en ce qui concerne les professions libérales viole les
articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il dispose que l'article articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il dispose que l'article
4 de cette même loi ne s'applique pas « aux actes de contrefaçon qui 4 de cette même loi ne s'applique pas « aux actes de contrefaçon qui
sont sanctionnés par les lois sur [...] les marques de produits ou de sont sanctionnés par les lois sur [...] les marques de produits ou de
services ». services ».
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 29 octobre 2003. la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 29 octobre 2003.
Le greffier, Le greffier,
P.-Y. Dutilleux. P.-Y. Dutilleux.
Le président, Le président,
M. Melchior. M. Melchior.
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