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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 22 mars 2010

Conseil de la concurrence. - Auditorat. - Décision n° 2009-P/K-31-AUD du 24 décembre 2009 Affaire CONC-P/K-04/0036 : Base contre Belgacom I. Procédure Le Conseil de la concurrence a enregistré le 3 juin 2004 sous la référence CONC-P/K-04/0 Le secteur concerné est le secteur des télécommunications (Nace 64.20). Le 1 er octobr(...)

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SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la concurrence. - Auditorat. - Décision n° 2009-P/K-31-AUD du 24 décembre 2009 Affaire CONC-P/K-04/0036 : Base contre Belgacom I. Procédure Le Conseil de la concurrence a enregistré le 3 juin 2004 sous la référence CONC-P/K-04/0036 une plainte émanant de Base SA à l'encontre de Belgacom SA. Le secteur concerné est le secteur des télécommunications (Nace 64.20).

Le 1er octobre 2006, la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006 (M.B. du 29 septembre 2006, ci-après LPCE) est entrée en vigueur et a été modifiée par les articles 142 à 156 de la loi du 6 mai 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/05/2009 pub. 19/05/2009 numac 2009202053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses (M.B. du 19 mai 2009). L'article 94 § 2 de la LPCE prévoit que les actes de procédure effectués conformément à l'ancienne loi continuent à produire leurs effets pour l'application de la LPCE. II. Parties concernées 2.1. Partie plaignante Le plaignant est la société anonyme Base SA (dénomination transformée le 1er juin 2009 en « KPN Group Belgium NV/SA » - ci-après Base), dont le siège social est situé à 1200 Bruxelles, 105 rue de Neerveld, inscrite à la banque carrefour des entreprises sous le numéro 0462.925.669.

Base, filiale du groupe hollandais KPN, est un opérateur de télécommunications qui exploite un réseau et fournit des services de téléphonie mobile en Belgique depuis 1999. Base est le troisième entrant sur le marché belge de la téléphonie mobile, après Belgacom (sous la marque Proximus) et Mobistar. 2.2. Partie incriminée L'entreprise incriminée par la présente plainte est la société anonyme de droit public BELGACOM SA (ci-après BGC), dont le siège social est situé à 1030 Bruxelles, Boulevard du Roi Albert II 27, inscrite à la banque carrefour des entreprises sous le numéro 0453.918.428.

BGC est l'opérateur historique belge de télécommunications. Elle dispose d'une licence d'infrastructure, d'une licence de services de téléphonie vocale et d'un réseau couvrant l'intégralité du territoire qui lui permet d'avoir un point de raccordement dans la presque totalité des foyers et entreprises établis en Belgique.

BGC est la maison mère de Belgacom Mobile SA (ci-après Proximus), qui opère en Belgique sous la marque Proximus. Proximus fournit des services de téléphonie mobile en Belgique.

III. Griefs allégués La plainte concerne la fixation du tarif de Base pour la fourniture, à BGC, de son service de terminaison pour les appels internationaux ainsi que sur le tarif pratiqué par BGC pour son service de transit pour les appels internationaux à destination du réseau de Base pour la période de 1999 à 2003.

Base estime notamment que BGC a commis un abus de position dominante en imposant à Base qu'elle applique un tarif de terminaison excessivement bas pour les appels en provenance de l'international (les « appels internationaux »). BGC aurait empêché Base de fixer son tarif de terminaison pour le trafic international au même niveau que son service de terminaison pour le trafic national alors que, selon Base, le service fourni est identique dans les deux cas. Base estime également que BGC a appliqué des tarifs excessifs pour le service de transit international qu'elle fournit pour la terminaison en Belgique d'appels en provenance de l'étranger. Ce faisant, BGC aurait violé l'article 3 de la loi et l'article 102 (ex 82) du traité CE. Base estime que le comportement de BGC lui a causé un dommage important. Outre la perte de revenus résultant de la différence de tarifs entre la terminaison de Base pour les appels nationaux et internationaux, certains opérateurs auraient profité de ce différentiel tarifaire pour acheminer des appels nationaux à destination de Base via l'international afin de bénéficier des tarifs de terminaison moins élevés pour le trafic international entrant (pratique de « tromboning »).

IV. Résumé des faits 4.1. Description du service de terminaison de Base Le service de terminaison de Base est le service qu'elle fournit à d'autres opérateurs et par lequel elle achemine à destination d'un de ses abonnés un appel en provenance d'un autre réseau, national ou international : Appelant ?d Réseau de l'opérateur A ?d Réseau de Base ?d Abonné de Base Terminaison Selon Base, son service de terminaison d'appels internationaux est identique d'un point de vue technique à celui fourni pour les appels nationaux. 4.2. Chronologie des négociations commerciales Base/BGC -Le 15 mars 1999, Base et BGC ont conclu un Accord provisoire d'interconnexion.

Cet accord provisoire prévoit que les tarifs des services de terminaison (ci-après MTR) de Base sont nettement plus bas si les appels ont comme origine l'international. Base explique son consentement à cette différenciation tarifaire par le fait qu'en tant que nouvel entrant sur le marché Base ne disposait à l'époque que de très peu d'abonnés et ne s'attendait pas à une augmentation de ce nombre avant la fin de l'accord dont question, prévu le 1er mai 1999.

Base estimait que le volume d'appels terminé sur son réseau allait être marginal durant cette période et à ses yeux l'application d'un MTR identique tant pour l'international que pour le national n'était dès lors pas un point crucial.

Par contre Base estimait qu'il était crucial pour elle d'arriver le plus rapidement possible à un accord d'interconnexion avec BGC du fait que son lancement commercial était prévu le 1er avril 1999. - Suite à l'augmentation du nombre d'abonnés après le lancement commercial de son réseau, et partant, du nombre d'appels internationaux terminés sur son réseau, BASE a rapidement estimé nécessaire de solliciter le droit d'appliquer un MTR pour les appels internationaux (ci-après IMTR) identique au MTR pour les appels nationaux (ci-après NMTR).

Une série de courriers et de réunions s'en est suivi en 1999 concernant d'une part l'application de nouveaux tarifs pour la fourniture des services de transit de Belgacom pour les appels sortants d'abonnés de Base à destination de plusieurs pays et d'autre part les demandes de Base d'augmenter son IMTR en vue de l'aligner sur son NMTR. Le 11 janvier 2000, BGC répond à Base qu'elle ne voit pas d'objection à l'application du nouveau MTR pour le trafic de provenance national uniquement. Elle rappelle qu'à ses yeux les appels de provenance internationale constitue une problématique différente et qu'elle fera une proposition à Base dans le futur. - Le 31 janvier 2000, BGC fait parvenir à Base une proposition relative au MTR de Base pour le trafic international, que Base refuse le 7 février 2000 du fait que l'IMTR et le NMTR sont différenciés.

Base signale également qu'elle réfléchit à l'application rétroactive de ses tarifs à partir de juillet 1999 et confirme en date du 22 février 2000 sa volonté d'appliquer un MTR identique tant pour les appels nationaux qu'internationaux. - Le 30 mars 2000, BGC fait une proposition à Base concernant son IMTR. En ce qui concerne le trafic de 1999 terminé sur le réseau de Base, BGC propose d'appliquer le tarif de l'Accord provisoire d'interconnexion augmenté d'une surcharge, pour autant qu'elle ait été perçue par BGC. En ce qui concerne les années 2000 et 2001, BGC distingue quatre périodes afin d'augmenter l'IMTR de Base graduellement.

Dans un courrier du 15 juin 2000, BGC justifie sa volonté de différencier le NMTR et l'IMTR du fait des relations commerciales internationales. A ses yeux modifier ces relations commerciales est un processus long et difficile, cette renégociation supposant l'accord des parties contractantes et certains opérateurs étrangers n'ayant pas les mêmes intérêts, ou les mêmes pratiques, ou estimant que des mesures préparatoires devaient être prises au sein de leurs réseaux. - Le 5 juillet 2000, BGC fait une nouvelle proposition à Base dans laquelle à nouveau plusieurs périodes sont distinguées. Elle signale qu'elle a revu l'ensemble des contrats qu'elle possède avec les opérateurs étrangers et que cet effort de négociation permet de proposer à Base un nouveau IMTR. Base refusa cette proposition du fait que l'IMTR proposé par BGC restait différent du NMTR. Base factura donc à BGC son IMTR au même tarif que son NMTR. Par courrier du 28 août 2000 BGC contesta le montant de cette facture dès lors que BGC n'avait pas reconnu l'IMTR voulu par Base et fait référence aux tarifs proposés dans son courrier du 5 juillet 2000.

Selon Base, au cours des mois suivants BGC continue à contester les factures émises par Base du fait que l'IMTR est aligné sur le NMTR. Par un courrier du 4 décembre 2000, BGC signale à Base qu'elle serait prête à accepter un alignement de l'IMTR et du NMTR si, entre autres, Base aligne son NMTR sur son IMTR. Le 6 juillet 2001, les négociations entre les deux opérateurs aboutissent à la conclusion d'une transaction notamment sur l'IMTR de Base. - Un nouvel accord intervient le 12 septembre 2001 sous la forme d'un amendement à l'Accord provisoire d'interconnexion du 15 mars 1999.

Dans cet accord, Base signale néanmoins sa volonté d'appliquer un seul et même MTR pour le trafic national et international tandis que BGC continue de défendre l'idée d'un tarif différencié. Cet accord prévoit également que BGC fournisse à Base une liste des opérateurs avec lesquels BGC a été dans l'impossibilité de conclure un accord sur base des tarifs IMTR de Base. - L'année 2002 semble correspondre à une certaine accalmie des relations entre les deux opérateurs. Base indique cependant qu'elle tenta en vain de mettre son IMTR au niveau de son NMTR. - En 2003, Base tente à nouveau d'égaliser son IMTR au niveau de son NMTR et souligne que la différenciation des MTR cause un important tromboning et donc une perte de revenu pour elle. BGC accepte quant à elle la possibilité d'un alignement de l'IMTR off-peak sur le NMTR off peak et s'engage à donner la liste des reluctant carriers s'il n'y a pas d'obstacle juridique.

Le 10 juin 2003, Base fait une nouvelle proposition à BGC, refusée le 30 juin 2003. BGC estime que du fait que Base possède un monopole sur la terminaison d'appel sur son propre réseau, la fixation unilatérale par Base de son IMTR sans prendre en considération les conditions du marché est clairement inacceptable. Elle signale cependant qu'elle est ouverte à la discussion dès que Base lui communiquera son NMTR. Elle signale également que la mise en place d'un nouveau IMTR nécessite un délai raisonnable compte tenu des accords conclus avec les opérateurs étrangers.

Diverses réunions eurent encore lieu durant les mois de juillet et août 2003 et notamment les 7 et 8 août 2003. Au cours de cette réunion, BGC signale qu'il n'est pas possible de mettre en place les nouveaux tarifs de Base avant le 1er janvier 2004. Elle signale qu'elle est liée avec les opérateurs étrangers par des contrats d'une durée de [3 à 18] mois et que durant ce délai elle ne peut modifier les tarifs. Elle ajoute que le nouveau MTR de Base va causer des problèmes aux opérateurs étrangers du fait qu'à cette période ils font uniquement la distinction entre Proximus et les autres réseaux mobiles.

Cependant, BGC est prête à indemniser Base pour le délai de mise en place du nouvel IMTR. Cependant cette indemnisation est liée à la promesse d'achat de certains volumes de minutes internationales sortantes auprès de BGC. BGC demande également l'extension de la clause de la « nation la plus favorisée » à l'IMTR. Le 18 septembre 2003, Base envoie à BGC un courrier reprenant les différents points de vue de Base dans les négociations en cours, et notamment concernant l'IMTR. Elle y rappelle que depuis le début des activités de Base, BGC a toujours refusé d'appliquer le même tarif pour le NMTR et l'IMTR et que de ce fait Base a subit une importante perte de revenus et a en outre été victime d'un tromboning massif.

Le 5 décembre 2003, BGC signale à nouveau à Base qu'elle ne peut accepter la volonté de Base de vouloir aligner son IMTR sur son NMTR et qu'elle compte envoyer un courrier aux opérateurs étrangers pour les informer de la volonté de Base d'appliquer ces nouveaux tarifs à partir du 1er janvier 2004.

Dans un courrier datant du 9 décembre 2003, Base constate le changement de stratégie de BGC et lui demande pourquoi elle a attendu plusieurs années avant de permettre à Base d'égaliser ses tarifs IMTR sur ceux NMTR. Elle n'est cependant pas d'accord avec la volonté de BGC d'envoyer un courrier aux opérateurs étrangers.

Le 23 décembre 2003, BGC signale qu'elle est dans l'impossibilité d'accepter les tarifs de Base sans modifier ses accords internationaux. En l'absence de modification elle serait contrainte de proposer ses services à perte. Elle n'a dès lors pas d'autres solutions que de traduire les nouveaux tarifs de Base dans ses relations commerciales avec les opérateurs étrangers et indique qu'elle tiendra Base au courant des évolutions de ces négociations.

BGC ajoute qu'en tant qu'opérateur de transit, elle ne peut se comporter de manière indépendante. - Le 2 février 2004, BGC accepta par courrier l'alignement de l'IMTR de Base sur le NMTR à partir du 1er janvier 2004. - Le 12 mars 2004, Base informa BGC de sa volonté de déposer plainte auprès du Conseil de la concurrence pour abus de position dominante. 4.3. Récapitulatif du MTR de Base

NMTR ( euro cent)

Setup

Peak

Off Peak

Week-end

1999

0

23,85

11,92

-

01/01/2000

4,21

21,57

10,78

-

15/02/2001

4,21

21,57

10,78

-

01/01/2002

5

18,60

13,60

8,70

01/09/2003

5

18,60

13,60

-


IMTR ( euro cent)

Setup Peak

Setup off peak

Peak

Off Peak

Weekend

15/03/1999

[<2]

[<2]

[<2]

[<2]

-

01/01/2000

0

0

[<3]

[<3]

-

01/04/2000

0

0

[<15]

[<15]

-

01/07/2000

0

0

[<15]

[<15]

-

01/10/2000

0

0

[<17]

[<17]

-

01/01/2001

0

0

[<22]

[<15]

-

01/01/2004

0

0

[<22]

[<17]

-


4.4. Situation de Mobistar La situation de Mobistar a connu un parcours similaire. Mobistar estime que les services de terminaison de trafic national et de trafic international sont virtuellement identiques mais que, néanmoins, BGC a jusqu'en 2003/2004 appliqué des tarifs de reversement plus bas pour les services de terminaison fournis par Mobistar pour le trafic international entrant. Plusieurs périodes sont distinguées : - Période du 2 juin 1997 au 1er août 1999 C'est la période correspondant à l'entrée de Mobistar sur le marché.

L'accord d'interconnexion de base de Mobistar prévoyait pour les appels internationaux acheminés par le réseau BGC vers le réseau Mobistar des tarifs substantiellement plus bas que les tarifs NMTR de Mobistar. Dans la pratique, ce déséquilibre entre tarifs IMTR et NMTR menait au phénomène de « tromboning » également cité par Base. - Période du 1er août 1999 au 31 décembre 2000 Mobistar signale que durant les années 1999 et 2000, les discussions ont aboutis à la conclusion de deux amendements à l'accord d'interconnexion. - Période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001 Un nouvel amendement (n° 7) est applicable en 2001. - Période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002 A partir du moment où Mobistar a été déclaré SMP (single market power), ses tarifs NMTR ont baissés à la demande de l'IBPT. Dans ce contexte, BGC a demandé la renégociation à la baisse des tarifs IMTR de Mobistar. Etant donné que les parties ont été dans l'incapacité de conclure un accord, BGC a unilatéralement appliqué à partir d'octobre 2002 des tarifs plus bas pour la terminaison du trafic international entrant sur le réseau Mobistar. - Années 2003/2004 Les négociations ont finalement abouti à l'acceptation par BGC des tarifs de Mobistar pour la terminaison de trafic international entrant. 4.5. Situation de Proximus Proximus ne semble pas considérer la différence tarifaire de son MTR en fonction de l'origine de l'appel comme étant problématique.

Proximus estime que cette différenciation résulte de la régulation.

Elle ajoute qu'elle est convaincue que tant que les possibilités de « tromboning » sont limitées ou évitées, cette double tarification n'est pas à même de perturber les acteurs du marché.

Proximus a donc pratiqué une double tarification de manière volontaire. Sur la période étudiée (1999-2004), nous pouvons constater que l'IMTR et le NMTR se sont alignés à partir de 2001. Bien que des différences subsistent, elles ne sont plus réellement sensibles.

V. En droit 5.1. Examen de la recevabilité 5.1.1. Champ d'application Les pratiques dénoncées par le plaignant sont susceptibles de violer l'article 2 et/ou 3 de la LPCE et donc d'entrer dans son champ d'application. 5.1.2. Dépôt de la plainte Le plaignant a respecté le prescrit de l'Arrêté royal du 22 janvier 1998 relatif à l'introduction des plaintes et demandes visées à l'article 23, § 1er, c) et d) de la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999. 5.1.3. Intérêt direct et actuel En vertu de l'article 44, § 1er de la LPCE, l'instruction des affaires par l'auditorat se fait sur plainte d'une personne physique ou morale démontrant un intérêt direct et actuel dans le cadre d'une infraction à l'article 2, § 1er ou à l'article 3 de la LPCE. Base est un opérateur de télécommunications qui exploite un réseau et fournit des services de téléphonie mobile en Belgique et est à ce titre un concurrent direct de Proximus. De ce fait, les pratiques dénoncées ont une incidence directe sur son activité commerciale. Par conséquent, Base justifie d'un intérêt au regard de la LPCE. 5.1.4. Qualification d'entreprise En vertu de l'article 1er de la LPCE, celle-ci s'applique à "toute personne physique ou morale poursuivant de manière durable un but économique".

Il n'est pas contesté que les activités de Base répondent aux conditions requises pour être qualifiée comme entreprise. 5.1.5. Conclusion Au vu de ce qui précède, la plainte est recevable. 5.2. Marchés concernés 5.2.1. Marché des services de transit internationaux pour la terminaison d'appels en Belgique 5.2.1.1. Position de Base Base estime que le marché concerné par le comportement de BGC est celui du service de transit international pour la terminaison d'appels en Belgique. Selon elle, un marché englobant l'intégralité des services de transit, tant entrants que sortants, tant nationaux qu'internationaux, serait trop vaste.

Dans un premier temps il y a lieu à ses yeux de distinguer le marché des services de transit national et international du fait que les conditions concurrentielles prévalant sur le marché de transit pour les appels internationaux sont différentes de celles prévalant sur le marché du transit pour les appels nationaux. Base cite trois facteurs de différentiation : - Détermination des conditions tarifaires : les tarifs sont déterminés de manière différente selon l'origine de l'appel. - Structure de la demande : pour le trafic national, il est dans une certaine mesure économiquement possible pour les opérateurs alternatifs de conclure avec les principaux partenaires nationaux des accords d'interconnexion directe. Par contre, pour les appels entrant internationaux, le service de transit de BGC reste un point de passage quasi-indispensable. - Structure de l'offre : pour le service de transit national, il existe une certaine concurrence. Par contre pour le transit international, il n'existe pas d'offre comparable à celle de BGC. Base soutient également qu'au sein du marché des services de transit internationaux il y a lieu de distinguer deux sous-marchés selon que les appels sont acheminés de la Belgique vers l'international ou de l'international vers la Belgique. Elle avance à ce propos deux arguments : - Conditions tarifaires : les tarifs diffèrent en fonction du fait que le service de transit international concerne des appels en provenance de la Belgique vers l'étranger, ou des appels en provenance de l'étranger vers la Belgique. - Structure de l'offre de la demande : la plupart des opérateurs alternatifs n'utilisent les services de transit de BGC pour le trafic sortant que d'une manière limitée. Par contre, pour le trafic entrant, les services de transit de BGC sont quasi-indispensables.

Base ajoute que la dimension géographique du marché est nationale. En conclusion Base estime que le marché pertinent est le marché du service de transit international pour l'acheminement d'appels à destination d'un usager d'un opérateur établi en Belgique. 5.2.1.2. Position de BGC BGC estime qu'il est contestable de s'écarter de la recommandation de la CE, les principes examinés par la Commission européenne devant également être pris en considération dans le contexte de ce dossier.

Elle ajoute que dans le cadre de la préparation de sa recommandation, la CE s'est référé au caractère compétitif des services de « transit ». Elle souligne cependant que la Recommandation ne traite pas des aspects transfrontaliers et se concentre sur les problématiques nationales.

BGC pense également qu'il faut se demander s'il n'y a pas lieu d'inclure dans la définition de marché les interconnexions directes entre opérateurs qu'elle estime substituables aux services de « transit ».

Elle constate également que les opérateurs alternatifs offrent déjà de nombreuses possibilités de transit (national et international) sur leurs propres infrastructure (et/ou se servant des relations directes et/ou indirectes qu'ils ont établies avec d'autres opérateurs nationaux et internationaux). Elle ajoute qu'elle est loin d'être le seul opérateur terminant en Belgique du trafic provenant d'autres pays.

BGC soutient également que la frontière entre trafic national et international est une frontière floue. Elle cite comme exemple le fait que les opérateurs disposant d'une interconnexion nationale avec son réseau se servent de cette interconnexion pour injecter du trafic avec une origine internationale dans son réseau (soit à destination d'un utilisateur final se situant sur le réseau de BGC, soit à destination d'un utilisateur final se situant sur le réseau d'un autre opérateur alternatif), faisant en sorte que du trafic international se transforme en trafic national. Elle cite comme autre exemple le cas du « tromboning ».

BGC ajoute que la relation contractuelle entre elle et Base ne prévoit pas explicitement la fourniture d'un service de transit par BGC à la partie plaignante. Dans le cadre de leur relation d'interconnexion les parties contractantes ont uniquement prévu des conditions pour la terminaison de trafic sur le réseau de la plaignante. BGC conteste dès lors son caractère « incontournable » sur le marché.

En ce qui concerne les relations entre opérateurs « internationaux », BGC souligne qu'on ne peut faire abstraction du fait que ces relations soient basées sur des accords bilatéraux qui font l'objet de négociations commerciales entre parties et qui nécessitent l'accord de ces deux parties avant de s'établir ou de se prolonger. 5.2.1.3. Position des tiers - Mobistar Mobistar estime que le marché à prendre en considération est celui du service de transit international pour la terminaison d'appel en Belgique. Selon elle : « Le marché en question consiste des services de transit offerts à des opérateurs étrangers qui envoie du trafic international vers des réseaux en Belgique (...). Quand Belgacom offre les services en question, le trafic transite sur son réseau. En pratique, dans la plupart des cas, Belgacom (ou un autre opérateur de transit) offrira aux opérateurs étrangers également les services de terminaison. En effet, étant donné que c'est l'appelant qui paie pour l'entièreté de la communication à l'opérateur étranger, ce dernier achètera l'ensemble des services de transit et de terminaison de l'opérateur de transit. L'opérateur de transit achètera à son tour des services de terminaison de l'opérateur qui reçoit l'appel étranger sur son réseau. ». - Versatel et TELE2 Versatel et TELE2 indiquent ne pas connaître suffisamment le marché pour pouvoir donner leur avis. - Telenet Telenet estime également qu'il y a lieu d'isoler le marché des services de transit international pour la terminaison d'appel en Belgique. Telenet avance plusieurs raisons : |b3 les caractéristiques des services sont différentes; |b3 le transit international n'est pas régulé, au contraire des services de transit nationaux; |b3 les services de transit internationaux sortant ont été libéralisés plus tôt que les autres services d'interconnexion; |b3 pour un petit opérateur, il est impossible de conclure des contrats bilatéraux avec l'ensemble des opérateurs étrangers. 5.2.1.4. Position de Proximus Proximus signale uniquement qu'elle n'est pas active sur le marché de transit. 5.2.1.5. Analyse de l'auditorat - Distinction entre services de transit nationaux et internationaux Au regard de la pratique de la Commission et de l'IBPT et comme le souligne BGC, les services de transit nationaux et internationaux sont distingués. En effet, la Recommandation de la CE du 11 février 2003 isole les services nationaux de transit, laissant en dehors les services de transit internationaux. Dans son analyse des marchés du groupe « téléphonie fixe » du 11 août 2006, l'IBPT isole également les services de transit nationaux et n'inclut pas les services de transit internationaux.

En effet, il est difficilement concevable que les services de transit nationaux et les services de transit internationaux puissent être substituables. Si les tarifs des services de transit internationaux sortant devaient connaître une hausse de l'ordre de 10 %, une entreprise ne se tournerait pas vers les services de transit nationaux pour combler ses besoins pour la simple et bonne raison que ces deux services possèdent des finalités différentes.

En ce qui concerne la substituabilité du côté de l'offre, ce même constat se pose. Il est en effet illusoire de penser qu'une entreprise fournissant un service de transit national puisse facilement développer un service de transit international si les tarifs de ces derniers devaient connaître une hausse sensible et durable. En effet, comme le souligne BGC, ce service demande l'établissement de nombreux contrats bilatéraux (la quasi-totalité des opérateurs de la planète) ce qui ne peut se faire aisément. Il y a donc lieu de distinguer les services de transit nationaux des services de transit internationaux. - Distinction entre les services de transit internationaux sortants et entrants En ce qui concerne la substituabilité entre les services de transit internationaux sortants et les services de transit internationaux entrants, le même raisonnement peut être suivi. En effet, si les tarifs des services de transit sortant devaient connaître une hausse durable de 10 %, un opérateur ne se tournerait pas vers les services de transit internationaux entrants du fait que ces deux services possèdent des caractéristiques intrinsèques profondément différentes pour leurs utilisateurs. Il en va de même pour la substituabilité du côté de l'offre du fait des très nombreuses relations contractuelles bilatérales qu'un changement d'activité implique.

Cette absence de substituabilité se reflète d'ailleurs dans la structure du marché belge. A l'instar de Base, l'instruction a montré que les opérateurs possédant un réseau propre ont tendance à prendre des opérateurs de transit autres que BGC pour les appels sortants tandis qu'ils continuent à utiliser en grande majorité BGC pour les appels entrants. Comme le signale TELE2, les opérateurs utilisant le CPS/CSC (Carrier pre-select) sont pour leur part entièrement dépendants de BGC tant pour le trafic entrant que sortant.

Seul Proximus semble utiliser BGC tant pour le trafic international entrant que sortant, ce choix étant naturel du fait que Proximus est la filiale mobile de BGC. En conclusion, l'auditorat est d'avis qu'il y a lieu de distinguer les marchés des services de transit internationaux entrants et sortants.

Le marché retenu est le marché des services de transit internationaux pour la terminaison des appels en Belgique. 5.2.2. Marché de la terminaison d'appel sur le réseau de Base 5.2.2.1. Pratique actuelle Le service de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles individuels est un marché de gros mettant en relation les opérateurs mobiles d'une part (vendeurs) et les autres opérateurs tant fixes que mobiles d'autre part (acheteurs). Ces derniers sont contraints d'acheter ces services s'ils désirent terminer les appels débutant ou transitant sur leur propre réseau.

Une jurisprudence constante de la Commission estime que dès lors qu'il n'existe pas de substitution possible pour la terminaison des appels sur chaque réseau individuel (un consommateur final sur un réseau donné peut être seulement joint en terminant l'appel sur ce réseau spécifique) chaque réseau de terminaison d'appel constitue un marché relevant (Affaire COMP/M.4034, Telenor/Vodafone Sverige, 22 décembre 2005, § 1er).

La Recommandation 2003/311/EC suit cette jurisprudence et estime qu'il y a lieu de distinguer un marché pour la terminaison sur chaque réseau mobile.

La Décision du Conseil de l'IBPT du 11 août 2006 relative à la définition des marchés, l'analyse des conditions de concurrence, l'identification des opérateurs puissants et la détermination des obligations appropriées pour le marché 16 (Terminaison d'appels sur chaque réseau mobile) signale que : « L'IBPT considère que les marchés pertinents sont les marchés de la terminaison d'appel vocal vers le réseau d'un opérateur de réseau public mobile de deuxième ou de troisième génération, par le biais d'une offre d'interconnexion et les appels passés par les GSM-Gateways, c'est à dire : - Le marché de la terminaison d'appel vocal sur le réseau mobile de Belgacom Mobile (...) » 5.2.2.2. Conclusion Il n'existe aucune raison particulière de s'écarter du raisonnement tant de la Commission européenne que de l'IBPT, ceci ayant été confirmé par les entreprises tierces interrogées. Le marché concerné est dès lors le marché de la terminaison d'appel sur le réseau mobile de Base. 5.3. Position dominante de BGC sur le marché des services de transit internationaux pour la terminaison des appels en Belgique 5.3.1. Position de Base Base estime que le critère principal d'évaluation d'une position dominante est l'évaluation des parts de marché. Base estime la part de marché de BGC à plus de 90 % pour l'acheminement d'appels internationaux à destination d'un opérateur établi en Belgique. Selon elle, une telle part de marché prouve à elle seule l'existence d'une position dominante.

Elle signale qu'en toute hypothèse la part de marché de BGC ne saurait être inférieure à 70 % du fait que BGC signale dans son prospectus d'introduction en bourse que sa part de marché s'élevait à environ 70 % fin 2003. 5.3.2. Position de BGC Vu que BGC conteste la délimitation de marché retenue par Base, elle conteste également le fait qu'elle détiendrait une position dominante.

BGC signale en outre que les relations en cause dans le présent contexte sont trilatérales, qu'elle est dépendante de ses correspondants internationaux et que ces derniers l'empêchent de facto de se comporter de manière indépendante. BGC ajoute qu'il existe des moyens alternatifs pour faire acheminer le trafic international entrant. 5.3.3. Position des tiers 5.3.3.1. Mobistar Mobistar estime également que BGC possède une position dominante sur le marché malgré le processus de libéralisation. Elle cite à ce propos plusieurs raisons à cet état de fait : - BGC est l'opérateur disposant du plus de points de terminaison en Belgique du fait qu'elle contrôle la boucle locale et que sa filiale PROXIMUS est le premier opérateur mobile. - En tant qu'opérateur historique, BGC est également l'opérateur le plus interconnecté avec d'autres réseaux. - Il y a également beaucoup d'opérateurs étrangers - surtout ceux dont le volume de trafic vers la Belgique est relativement bas - qui préfèrent n'avoir qu'un opérateur de contact pour le déroulement de leur trafic. - En outre, BGC a pu maintenir sa position sur le marché concerné en forçant les opérateurs alternatifs à appliquer des tarifs de terminaison en dessous de leur niveau normal empêchant de ce fait que les opérateurs alternatifs recourent à l'interconnexion direct avec des opérateurs étrangers, ces derniers préférant un transit via BGC leur garantissant un tarif inférieur.

Mobistar estime que la part de marché de BGC est nettement supérieur à 50 % au regard de ses données internes. 5.3.3.2.Telenet Telenet estime que BGC dispose d'une part de marché aux alentour de [...] en ce qui concerne le service de transit international entrant.

Elle explique cette forte position du fait du passé d'opérateur historique de BGC. En effet, BGC dispose depuis de nombreuses années d'accords bilatéraux avec la quasi-totalité des opérateurs mondiaux. 5.3.4. Analyse de l'Auditorat 5.3.4.1. Introduction En ce qui concerne la période étudiée, il est nécessaire de souligner que BGC dispose d'un avantage indéniable sur les opérateurs alternatifs du fait de son statut d'opérateur historique. En effet, ce statut fait qu'au moment de la libéralisation, BGC disposait avant tout le monde des interconnexions nécessaires à l'acheminement du trafic international. Ceci a fait de BGC un partenaire incontournable pour tout opérateur désirant se lancer sur le marché belge et souhaitant un service de transit international entrant. 5.3.4.2. Examen des parts de marché Une jurisprudence constante de la CJCE signale que : « S'agissant des parts de marché, la Cour a jugé que des parts extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante. Tel est le cas d'une part de marché de 50 % comme celle constatée en l'espèce. » (Affaire C-62/86, AKZO Chemie BV c.

Commission, Rec 1991, pp. I-03359, § 60).

Dans l'affaire « United Brands » (Affaire 27/76, United Brands Company et United Brands Continentaal BV c. Commission, Rec. 1978, pp. 207 et svtes, § 109), la CJCE a estimé que des parts de marché situées entre 40 et 45 % ne permettaient pas de conclure automatiquement à l'existence d'une position dominante et qu'il était nécessaire d'analyser d'autres facteurs. De même, le TPI a estimé que British Airways (Affaire T-219/99, British Airways plc c. Commission, 17 décembre 2003, §§ 211-225) détenait une position dominante avec des parts de marché très légèrement inférieures à 40 % en prenant en compte d'autres facteurs.

La Commission a d'ailleurs rappelé au secteur des télécommunications que : « Selon la pratique décisionnelle de la Commission, une position dominante individuelle n'est généralement à craindre que pour des entreprises dont la part de marché dépasse 40 %, il peut néanmoins arriver que la Commission soupçonne l'existence d'une position dominante en présence de parts plus restreintes. D'après une jurisprudence constante, la présence de parts de marché très élevées - supérieures à 50 % - suffit sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante. » (Lignes directrices de la Commission sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire, JOCE, C165/6, 11 juillet 2002, § 75).

Cette approche a été confirmée par la Commission dans sa « Communication sur les priorités pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes » (2009/C45/02 - JOCE C45/7 du 24 février 2009, §§ 13 à 15).

De même, le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 2009-P/K-10 du 26 mai 2009, Base/Proximus a conclu que : « 139. Pour déterminer s'il existe une telle position dominante, le Conseil devra examiner plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants. Parmi ces facteurs, une grande importance est généralement attachée à la part de marché puisqu'une part de marché très importante constitue une présomption d'existence de position dominante. (...) 150. Cependant, il est constant qu'une part de marché de plus de 40 % n'est peut-être pas décisive en soi mais constitue un indice très important de l'existence d'une position dominante.Dans ce cas, la part de marché est nettement supérieure. » Au regard des données récoltées auprès des différents opérateurs, il peut être estimé avec certitude que les parts de marchés de BGC dépasse très largement les 50 %. Ainsi la plaignante dépend pour plus de 70 % de son trafic international entrant de BGC, cette dépendance existe également tant pour Mobistar que pour Telenet. 5.3.4.3. Autres éléments à prendre en considération Si la part de marché constitue un indice important de dominance, d'autres facteurs peuvent également contribuer à démontrer l'existence d'une position dominante dans la présente affaire : - Le statut d'opérateur historique de BGC Du fait de son statut d'opérateur historique, BGC dispose d'un avantage indéniable en ce qui concerne les services de transit international entrant. En effet, ce statut lui a permis de multiplier les contrats d'interconnexion avec la quasi-totalité des opérateurs mondiaux et ce avant la libéralisation du marché. Ce fait constitue un avantage indéniable pour BGC. - La présence forte sur de nombreux marchés connexes BGC, en tant qu'opérateur historique, est présente sur de nombreux marchés connexes. BGC a été reconnu opérateur puissant sur de nombreux marchés adjacents à celui des services de téléphonie mobile et ceci constitue un avantage indéniable selon la jurisprudence de la CE (cf.

Affaire COMP/E-2/36.041/PO - Michelin, JOCE L143/1, 31 mai 2002, §§ 186-190).

Ainsi, l'IBPT a décidé que BGC est un opérateur puissant sur : |b3 Le marché des services téléphoniques nationaux accessibles au public en position déterminée pour la clientèle résidentielle; |b3 Le marché des services téléphoniques nationaux accessibles au public en position déterminée pour la clientèle non-résidentielle; |b3 Le marché de départ d'appel sur le réseau téléphonique public en position déterminée; |b3 Le marché de la terminaison d'appel sur le réseau de BGC en position déterminée; |b3 Le marché des services de transit sur le réseau public fixe; |b3 Le marché de l'accès au réseau téléphonique en position déterminée pour la clientèle résidentielle; |b3 Le marché de l'accès au réseau téléphonique en position déterminée pour la clientèle non-résidentielle.

Cette forte présence de BGC sur de nombreux marchés adjacents est un avantage sensible pour Proximus. - La stabilité ou l'augmentation des parts de marché Il ressort des données fournies par BGC, que son volume pour le transit international entrant est en croissance continue sur la période étudiée. - Capacité à imposer sa politique tarifaire Comme la présente plainte le démontre, BGC est capable de dicter sa politique tarifaire à l'égard des fournisseurs. En effet, BGC a réussi à refuser à Mobistar et Base le fait de recevoir pour le service de terminaison d'appel le même montant que pour la terminaison national.

BGC signale que cet état de fait provient des pressions de ses acheteurs, à savoir les opérateurs internationaux. Cependant BGC reste en défaut d'apporter des documents démontrant que les opérateurs internationaux l'empêchaient de rétribuer les deux opérateurs mobiles à hauteur des tarifs nationaux pour le trafic international entrant.

De plus, en ce qui concerne les contrats liant BGC aux autres opérateurs, il apparaît que les changements tarifaires sont relativement aisés et fréquents. 5.3.4.4. Conclusion L'Auditorat considère dès lors que dans la période 1999 à 2004 BGC détenait une position dominante sur le marché des services de transit internationaux pour la terminaison des appels en Belgique. 5.4. Position dominante de Base sur le marché de la terminaison sur son propre réseau Base possède un monopole de fait sur les services de terminaison d'appel sur son propre réseau. Elle y détient dès lors une position dominante. 5.5. Absence d'abus 5.5.1. Préambule L'instruction du Service de la concurrence (devenu Direction générale de la concurrence) a été effectuée auprès de nombreux opérateurs et acteurs présents sur le marché : BGC, Mobistar, Telenet, BT, Colt, Tele2, Equant, Worldcom ainsi qu'auprès du régulateur national, l'IBPT. Les demandes de renseignements ont porté notamment sur la définition du marché relevant, sur les accords d'interconnexion existants, sur les volumes du transit international entrant et sortant pour les années en cause et sur les différents types de services de transit éventuellement fournis tant pour les appels nationaux qu'internationaux.

Dans la mesure où une part importante des réponses reçues sont couvertes par le secret des affaires, les développements qui suivent sont nécessairement limités. 5.5.2. Années 1999 et 2000 L'instruction a montré qu'il y a lieu de distinguer les années 1999 et 2000 des autres années prises en compte dans le présent dossier. En effet, 1999 a vu la renégociation des conventions bilatérales internationales en vue d'intégrer la problématique des tarifs de terminaison mobile et les problèmes de « tromboning » qui découlaient de leur alignement sur les tarifs de terminaison fixe. Auparavant, il n'existait pas de distinction tarifaire entre le trafic vers les lignes fixes et le trafic vers les lignes mobiles.

Le constat que les années 1999 et 2000 constituaient une période de transition au regard des accords bilatéraux internationaux a également été relevé par le régulateur français (l'ARCEP) dans sa décision n° 00-974 du 20 septembre 2000.

Cette renégociation impliquant un nombre particulièrement élevé d'opérateurs s'est déroulée sur une période de deux ans, période que l'on peut estimer raisonnable d'autant plus que durant cette période Base et les deux autres opérateurs mobiles (dont la filiale de BGC) ont connu des hausses similaires. En ce sens, les trois opérateurs ont été traités de manière non discriminatoire durant les années 1999 et 2000.

L'auditorat est dès lors d'avis que BGC a négocié de bonne foi durant cette période de transition avec Base, lui accordant des hausses régulières aboutissant -suivant BGC- à [90-100 %] du montant « exigé » par cette dernière au 1er janvier 2001. Base a d'ailleurs bénéficié d'un régime privilégié par rapport à la propre filiale de BGC. BGC n'a dès lors pas abusé de sa position dominante en 1999 et 2000. 5.5.3. Imposition de prix d'achat inéquitables Comme le souligne Base, une entreprise en position dominante peut abuser de celle-ci non seulement dans le cadre des services qu'elle preste ou des produits qu'elle vend, mais aussi en imposant à un tiers des conditions inéquitables lors de l'achat desdits services ou produits.

Il ressort de l'analyse de la jurisprudence que pour déterminer s'il existe un abus de position dominante « d'acheteur », il y a lieu de comparer le prix d'achat à la valeur réel du service (cf. Affaire C-298/83, CICCE c. Commission, 28 mars 1985, §§ 24-30). Or Base n'a apporté aucun élément démontrant que les prix d'achats fixés pendant les négociations avec BGC étaient inférieurs à la valeur réel du service de terminaison de Base.

Base estime que le simple fait que son IMTR est plus bas que son NMTR démontre à suffisance que le prix d'achat est inéquitable. L'auditorat ne peut suivre ce raisonnement. En effet, la baisse des prix fait partie des objectifs de l'application du droit de la concurrence. Il s'ensuit que pour démontrer qu'une entreprise abuse de sa position dominante d'acheteur, il convient de prouver que l'entreprise dominante impose un prix d'achat qui est inférieur à la valeur réelle du service acheté.

Or Base possède une position dominante sur le marché de la terminaison d'appel sur son propre réseau et le MTR pratiqué par Base entre le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 2004 au niveau national ne peut pas être considéré comme étant égal à la valeur réelle du service. Il faudrait pour ce faire que Base démontre que durant cette période son NMTR était orienté sur les coûts ce qui n'est pas développé dans la plainte. Il ressort par ailleurs que le MTR régulé en août 2006 par l'IBPT est largement inférieur à l'IMTR imposé par BGC. En conclusion, l'Auditorat conclut à l'absence d'abus de position dominante de BGC qui serait la conséquence d'une imposition de prix d'achat inéquitables. 5.5.4. Application de tarifs excessifs Base soupçonne Belgacom de pratiquer des tarifs excessifs pour le service de transit international pour les appels entrants. Base soupçonne en effet BGC de pratiquer des tarifs trop élevés vis-à-vis de ses correspondants internationaux. Elle n'apporte cependant aucun élément autre que le tarif qu'elle doit payer pour ses appels internationaux sortants lorsqu'elle passe par BGC. Sur la base des éléments transmis par BGC lors de l'instruction de la présente affaire, compte tenu des tarifs que BGC a pratiqués à l'égard de ses principaux clients, il n'est pas possible de conclure à l'existence d'une pratique de prix excessifs.

En conclusion, l'Auditorat constate que le dossier ne contient aucun indice suffisant démontrant que BGC aurait commis un abus de position dominante dans le cadre de l'application de prix excessifs pour les services de transit international des appels entrants. 5.5.5. Discrimination Comme cela l'a été souligné précédemment, il n'a pas été constaté de discrimination de la part de BGC envers les opérateurs mobiles pour les années 1999 et 2000. Les tableaux qui suivent illustrent cette absence de discrimination.

Pour la consultation du tableau, voir image A partir du 1er janvier 2001, Base a reçu un tarif similaire à celui de Proximus et, alors que ce tarif est resté constant en ce qui concerne Base, le tarif accordé à Proximus a diminué de manière régulière. En valeur absolue, Base a dès lors bénéficié d'un tarif privilégié par rapport à la filiale de BGC en ce qui concerne l'IMTR. En termes de valeur relative par rapport au NMTR, il est constaté que l'IMTR de Base est effectivement inférieur à ce premier. Par contre, Proximus a reçu un IMTR légèrement supérieur à son NMTR. Le fait que l'IMTR de Base soit inférieur à son NMTR contrairement à la situation que connaît la filiale mobile de BGC durant la même période ne peut cependant pas être qualifié de discriminatoire. S'il est vrai que cette situation peut encourager l'apparition d'une problématique de « tromboning », cette problématique provient de la différence entre les deux tarifs et non pas du fait que l'IMTR devrait être obligatoirement aligné sur le NMTR plus élevé. En effet, il était loisible à Base d'aligner son NMTR sur son IMTR, IMTR qui ne peut être qualifié de tarif inéquitable.

L'auditorat constate que Base jouit d'une position dominante sur le marché de la terminaison d'appel sur son propre réseau et que durant la période litigieuse ses tarifs de terminaison nationale n'étaient pas soumis à une obligation d'orientation sur les coûts. Or, au regard de la décision précitée de l'IBPT, le NMTR de l'époque pouvait être qualifié de supra-concurrentiel. La discrimination dénoncée par Base prend donc sa source dans sa propre pratique de fixation des prix et ne peut dès lors être reprochée à BGC malgré le fait que cette dernière possède également une position dominante. Il en serait par contre différemment si BGC avait imposé un IMTR à Base inférieur à ses coûts.

L'Auditorat conclut dès lors à l'absence d'abus dans le chef de BGC. VI. Classement Conformément à l'article 45, § 2 de la LPCE, l'Auditorat est habilité à classer, par décision motivée, une plainte ou une demande, dans la mesure où cette plainte ou demande est irrecevable ou non fondée, mais également eu égard à la politique de priorité et des moyens disponibles.

Par ces motifs, L'Auditorat après du Conseil de la concurrence, Conformément à l'article 45, § 2 de la LPCE, - Constate que la plainte dans l'affaire CONC-P/K-04/0036 est recevable et non-fondée - En ordonne le classement.

Ainsi décidé pour l'Auditorat par Bert Stulens, Auditeur général, Patrick Marchand, Auditeur et Karel Marchand, Auditeur adjoint en date du 24 décembre 2009.

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