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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 16 mars 2009

Conseil de la concurrence. - Auditorat. - Décision n° 2008-V/M-73-AUD du 18 décembre 2008 Affaire CONC-V/M-08/0030 : Belgian Posters SA/JC DECAUX Belgium SA et la Région de Bruxelles-Capitale Vu la loi sur la protection de la concurrence écon Vu les pièces du dossier I. Saisine. Le 28 novembre 2008, la société Belgian Posters SA a dé(...)

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SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la concurrence. - Auditorat. - Décision n° 2008-V/M-73-AUD du 18 décembre 2008 Affaire CONC-V/M-08/0030 : Belgian Posters SA/JC DECAUX Belgium SA et la Région de Bruxelles-Capitale Vu la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006 (Moniteur belge du 29 septembre 2006, ci-après LPCE);

Vu les pièces du dossier I. Saisine.

Le 28 novembre 2008, la société Belgian Posters SA a déposé auprès de l'auditorat une demande de mesures provisoires conformément à l'article 62 de la loi, à l'encontre JC Decaux Belgium SA et de la Région de Bruxelles-Capitale.

La demande de mesures provisoires a été enregistrée sous les références : CONC-V/M-08/0030.

II. La plaignante.

Belgian Posters SA est une société anonyme dont le siège social est situé rue des Chrysanthèmes 18, bte 3, à 1020 Bruxelles.

La plaignante est une société familiale active depuis sa création en 1970 sur le marché belge de la publicité extérieure. Belgian Posters dispose en Belgique de 1.508 panneaux d'affichage dont 1.064 de 20 m2 et 444 de 10 m2. Elle propose également 164 faces.

III. Les parties incriminées. 3.1. JC Decaux Belgium SA. JC Decaux Belgium SA (ci-après JC Decaux) est une société anonyme dont le siège social est établi allée Verte 50, à 1000 Bruxelles. Elle est la filiale belge détenue à 100 % par le groupe JC Decaux créé en 1964.

JC Decaux est active en Belgique dans le secteur de la publicité extérieure et plus particulièrement du mobilier urbain (fourniture, placement et entretien) ainsi que sur le marché de l'installation et de la maintenance de vélos en libre service notamment à Paris et à Bruxelles-ville. 3.2. La Région de Bruxelles-Capitale.

La Région de Bruxelles-Capitale (ci-après la Région) est représentée par le gouvernement de la Région, en particulier par le Ministre de la Mobilité, Travaux publics, Taxis et Aide aux personnes de la Région : M. Pascal Smet (ci-après le Ministre) dont le cabinet est situé boulevard Saint-Lazare 10, à 1210 Bruxelles.

IV. Les faits. 4.1. Le contrat de 1999 entre JC Decaux et la ville de Bruxelles.

En 1999, le collège de la ville de Bruxelles a attribué à JC Decaux un marché public portant sur la fabrication, la fourniture, le placement, la mise en service, l'entretien et la maintenance de mobiliers en libre service, d'information, d'abris voyageurs et de supports d'affichage, dont une partie pouvait être utilisée à des fins publicitaires. Les mobiliers concernés ont été installés sur le territoire de la ville de Bruxelles et les mobiliers d'information se situent plus particulièrement, dans le centre ville (pentagone et ses abords).

La convention d'une durée de quinze ans incluait une clause d'exclusivité en faveur de JC Decaux à l'égard de mobiliers équipés de supports publicitaires identiques ou analogues à ceux visés par le marché.

En 2002, un avenant au contrat de 1999 a été conclu réduisant le nombre de supports d'affichage initialement prévu suite à l'adoption d'un règlement régional d'urbanisme.

En 2006, un deuxième avenant au contrat de 1999 est conclu. Cet avenant étend l'objet du marché initial à l'installation et l'exploitation d'un réseau de vélos en libre service mis à la disposition du public. Il prévoit la livraison de 250 vélos en libre service, de 354 bornes de parking à vélos et de 23 stations de gestion de ces parkings équipés d'une borne de payement. Il prévoit également une obligation d'entretien, de maintenance et la gestion quotidienne du parc.

L'avenant est conclu pour une durée de 8 ans soit jusqu'en 2014. JC Decaux a implanté au cours de 2006-2007 un système de vélos en libre service « Cyclocity » dans le pentagone de la ville de Bruxelles.

Le contrat de 1999 et l'avenant de 2006 ont fait l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat. Les recours sont toujours pendants : - une requête en annulation est pendante devant le Conseil d'Etat, les parties attendent le rapport de l'auditeur; - une procédure au fond est pendante devant le tribunal de première instance de Bruxelles, elle est au rôle en attendant la décision du Conseil d'Etat; - une procédure en référé devant le tribunal de première instance de Bruxelles a donné lieu à une ordonnance du 30 juin 2006 déclarant l'action de ClearChannel irrecevable. L'affaire est pendante devant la Cour d'appel. 4.2. Le contrat de concession de la Région de Bruxelles-Capitale.

Le 28 février 2008, le Conseil des Ministres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a marqué son accord sur la procédure proposée pour la conclusion d'une convention de concession pour un système de location de vélos automatisé et a chargé le Ministre de sa mise en oeuvre.

Le 15 mars 2008, la Région Bruxelles-Capitale a publié, dans le Journal Officiel des Communautés européennes, un avis de marché concernant une concession pour l'établissement d'un système automatisé de location de vélos sur tout le territoire de la Région. La date limite pour l'introduction des manifestations d'intérêt a été fixée au 17 avril 2008. Les candidats qui avaient adressé leur manifestation d'intérêt de manière conforme ont été invités, le 30 avril 2008, par lettre recommandée, à introduire une offre.

Le cahier des charges se compose d'un document intitulé « information générale » et un document « formulaire d'offre ». La date limite des offres était fixée au 6 juin 2008, à 12 heures, et a été prolongée au mercredi 18 juin 2008, à 12 heures, par lettre recommandée envoyée le 23 mai 2008 à tous les candidats.

Endéans le délai, trois offres sont parvenues au Cabinet contre accusé de réception : une offre de la SA Belgian Poster (irrecevable), une offre de la SA JC Decaux Belgium et une offre de l'Association momentanée STIB- ProVelo-ClearChannel Transdev (ci-après le Groupement).

Le 9 juin 2008, Belgian Posters a déposé au Conseil de la concurrence, une plainte à l'encontre de JC Decaux, la ville de Bruxelles et la Région de Bruxelles-Capitale.

Le 22 juillet 2008, le Ministre a invité ClearChannel et JC Decaux à introduire une Best and Final Offer (BAFO).

Le 22 septembre 2008, le Ministre a invité JC Decaux à entamer des négociations en vue de conclure une convention de concession.

ClearChannel pouvait être invitée à tout moment aux négociations.

Par lettre du 23 octobre 2008, le Ministre a indiqué que la BAFO du Groupement avait été réceptionnée le 9 septembre et que la Région mène des négociations avec un autre candidat ayant introduit une BAFO. Par lettre du 29 octobre 2008, le conseil du Groupement a demandé au Ministre de confirmer avant le 30 octobre qu'une période de standstill (1) sera appliquée avant de conclure un contrat avec l'autre candidat. Le 30 octobre 2008, le Ministre a refusé le standstill.

L'attribution de la concession a été fixée à l'agenda du Conseil des Ministres de la Région Bruxelles-Capitale du 13 novembre 2008.

Le Gouvernement a attribué à la société JC Decaux la concession du développement et de l'exploitation du système de location de vélos automatisé sur le territoire de la Région. La décision a été notifiée le 5 décembre à JC Decaux.

Le 6 novembre 2008, ClearChannel a introduit une action en référé devant le président du tribunal de première instance visant notamment à faire interdiction à la Région de Bruxelles-Capitale de notifier au soumissionnaire retenu la décision d'attribution du marché avant que ne soit écoulé un délai de dix jours calendrier, et en cas de recours devant le juge judiciaire ou devant le Conseil d'Etat, jusqu'à ce que ladite juridiction ait statué. Le 14 novembre, l'ordonnance du président du tribunal de première instance a fait droit à la demande de ClearChannel, la Région de Bruxelles-Capitale a notifié la décision d'attribution de marché au requérant.

Le 13 novembre 2008, ClearChannel a déposé une demande de mesures provisoires et un complément de plainte auprès du Conseil de la concurrence.

Une requête en suspension en extrême urgence a été introduite le 13 novembre 2008 devant le Conseil d'Etat par le Groupement. Le 28 novembre, le Conseil d'Etat a déclaré ce recours irrecevable et a dès lors rejeté la demande de suspension et de mesures provisoires d'extrême urgence.

Le 28 novembre 2008, la société Belgian Posters a déposé au Conseil de la concurrence une demande de mesures provisoires à l'encontre de la société JC Decaux et de la Région de Bruxelles-Capitale ainsi qu'une demande en référés devant le tribunal de première instance de Bruxelles. Le 8 décembre, le président du tribunal de première instance a déclaré la demande principale irrecevable en tant que dirigée contre la société JC Decaux Billboard et recevable mais non fondée en tant que dirigée contre la Région de Bruxelles-Capitale.

V. Objet de la demande.

Belgian Posters demande au Conseil de la concurrence : - de faire interdiction à la Région de Bruxelles-Capitale et à JC Decaux de poursuivre la procédure d'octroi de la concession relative à l'installation et à l'exploitation par JC Decaux d'un système automatisé de location de vélos sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale - de leur faire injonction de ne pas signer la convention de concession actuellement en projet et de s'abstenir de toute autre mesure de nature à entraver la concurrence sur le marché de la publicité extérieure sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, et en particulier des panneaux de 8 m2, dans l'attente d'une décision définitive du Conseil de la concurrence sur le fond du problème; - à titre subsidiaire, si le Conseil n'entendait pas s'opposer à titre provisoire à la signature de cette convention, suspendre l'intégralité des clauses des contrats à conclure entre la Région bruxelloise et la JC Decaux ayant trait à l'octroi de surfaces publicitaires de 8 m2, dans l'attente d'une décision définitive du Conseil de la concurrence sur le fond du problème; - à titre infiniment subsidiaire, si le Conseil n'entendait aucunement s'opposer à titre provisoire à la signature de la convention, exiger de la Région bruxelloise d'une part, qu'elle n'annule pas de conventions précaires d'octroi de surfaces publicitaires de 8 m2 attribuées aux concurrents de JC Decaux pour les attribuer à cette dernière et, si elle devait procéder à la création de nouveaux emplacements publicitaires de 8 m2 pour rencontrer ses obligations contractuelles à l'égard de JC Decaux, qu'elle les attribue dans le respect de l'équilibre actuel du marché et ce, dans l'attente d'une décision au fond du Conseil de la concurrence sur le fond du problème; - prononcer une astreinte de 10 millions d'euros à l'encontre de la Région de Bruxelles-Capitale et de JC Decaux pour chaque infraction constatée aux mesures provisoires qui seront adoptées par le Conseil de la concurrence.

VI. Les marchés. 6.1. Selon Belgian Posters.

Selon Belgian Posters, deux marchés sont concernés par la plainte : - Marché de concession du système automatisé de location de vélos sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. - Marché de la publicité extérieure sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. 6.2. Selon JC Decaux JC Decaux identifie quatre marchés de produits : - Le marché de la fourniture de mobilier urbain. - Le marché de l'attribution d'un droit d'exploiter un système de vélos urbains. - Le marché de services relatifs à la mise en libre service de vélos urbains aux usagers. - Le marché de la publicité extérieure.

Sur le marché géographique, JC Decaux considère que seul le marché de la mise en libre service de vélos urbains aux usagers pourrait être défini localement. Les trois autres marchés sont des marchés à dimension nationale, voire européenne. 6.3. Selon l'auditeur.

L'auditeur considère que des demandes de mesures provisoires ne sont pas le cadre pertinent pour trancher de manière définitive la segmentation de marché et ne se prononce pas formellement sur la définition de marché dans la mesure où, quelque soit la segmentation de marché retenue, cela n'a pas d'impact sur l'analyse retenue dans le cadre de la demande de mesures provisoires.

Le marché géographique est au minimum celui de la Région de Bruxelles-Capitale, voir nationale si l'on se réfère à la jurisprudence en la matière tant au niveau belge qu'européenne (concurrents présents sur l'ensemble du territoire, campagnes publicitaires négociées sur le plan national,...) VII. En droit.

En vertu de l'article 62, § 1er, de la loi, le président du Conseil de la concurrence peut, sur demande du plaignant ou du Ministre, prendre des mesures provisoires destinées à suspendre les pratiques restrictives de concurrence faisant l'objet de l'instruction, s'il est urgent d'éviter une situation susceptible de provoquer un préjudice grave, imminent et irréparable aux entreprises dont les intérêts sont affectés par ces pratiques ou de nuire à l'intérêt économique général. 7.1. Existence d'une plainte au fond recevable.

Le 9 juin 2008, la société Belgian Posters a déposé une plainte auprès de l'auditorat à l'encontre de JC Decaux, de la ville de Bruxelles et de la Région de Bruxelles-Capitale. Cette plainte a été enregistrée sous les références : CONC-P/K-08/0012. 7.1.1. Le plaignant justifie-t-il de l'intérêt requis par la loi ? Comme expliqué au point 2, Belgian Posters est active dans le secteur de la publicité extérieure et de la fourniture, du placement et d'entretien de mobilier urbain.

Belgian Posters justifie d'un intérêt direct dans la mesure où si les pratiques dénoncées sont avérées, elles lui porteraient directement préjudice dans l'exercice de ses activités commerciales en le privant d'accès à des espaces publicitaires en Région de Bruxelles-Capitale.

Dès lors, le plaignant justifie de l'intérêt requis par la loi. 7.1.2. La notion d'entreprise.

En vertu de l'article 1er de la loi, celle-ci s'applique à « toute personne physique ou morale poursuivant de manière durable un but économique ».

Selon une jurisprudence constante, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement (2). Toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné constitue bien une activité économique. - JC Decaux : JC Decaux est une société active en Belgique dans le secteur de la publicité extérieure et du mobilier urbain qui poursuit durablement un but économique. JC Decaux est une entreprise au sens de la loi. - La Région Bruxelles-Capitale : La Région Bruxelles-Capitale est représentée par le Ministre.

La notion d'entreprise au sens du droit de la concurrence peut viser des pouvoirs publics. Une Région peut donc être considérée comme une entreprise si elle exerce des activités économiques soit directement, soit par le biais d'un organe faisant partie de l'administration de l'Etat.

La Cour a considéré à de nombreuses reprises qu'un pouvoir public, à condition qu'il exerce une activité économique détachable (3) de l'exercice de ses missions d'autorité publique, pouvait être considéré comme une entreprise au sens du Traité CE et selon les règles du droit européen de la concurrence.

Il convient donc de faire la différence entre les activités de la Région s'exerçant dans le cadre de l'autorité publique et celles qui s'exercent dans le cadre d'activités économiques de caractère commercial.

Selon l'auditeur, la Région agit en octroyant la concession au minimum sur deux « marchés » : le premier marché octroie un contrat de concession de vélo à JC Decaux pour lequel la Région entend ne pas payer et pour lequel JC Decaux peut réclamer une somme modique au consommateur, le but poursuivi étant de favoriser les transports en commun. Dans ce cadre, l'Auditeur peut concevoir prima facie que la Région de Bruxelles-Capitale ne poursuivrait pas durablement (et principalement) un but économique.

Cependant, l'auditeur constate qu'indirectement la Région agit en tant qu'acteur économique et en tant qu'entreprise dans la mesure où cette attribution engendre dans le chef de l'entreprise sélectionnée un droit à des espaces publicitaires pour lesquels la Région se prive volontairement pour une durée de 15 ans de recettes publicitaires, il s'agit du « prix payé » par celle-ci pour l'obtention d'un service, la mise à disposition de vélos. L'auditeur constate donc que, lorsqu'elle vend cet espace publicitaire la Région agit en tant qu'entreprise. La Région a porté son choix sur le concessionnaire le moins gourmand en terme d'espace publicitaire, et donc celui qui amputera le moins ses recettes publicitaires futures. L'auditeur considère qu'on ne peut écarter l'application d'une loi d'ordre public (4) par le simple regroupement de deux marchés.

Par conséquent, la Région doit être considérée dans ce cadre comme une entreprise au sens de l'article 1er de la LPCE et des articles 81 et 82 du Traité CE. 7.1.3. Conclusion.

La plainte introduite par Belgian Posters est recevable. 7.2. Sur la notion d'infraction prima facie : 7.2.1. Selon Belgian Posters.

Selon Belgian Posters, la source des problèmes est à trouver dans l'attribution, en 1999 par le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Bruxelles, à JC Decaux d'un marché public portant sur la fourniture de mobilier urbain dont une partie pouvait être utilisée à des fins publicitaires.

La convention incluait une clause d'exclusivité valable de 1999 à 2014.

Belgian Posters considère que JC Decaux a abusé de sa position dominante et a participé en 2006 à la conclusion d'un accord illicite avec la ville de Bruxelles dans le cadre de l'extension du marché portant sur la fourniture du mobilier urbain qui lui avait été octroyé en 1999 au marché des vélos en libre service.

La plaignante estime que JC Decaux abuse de sa position dominante sur le marché de la mise à disposition de vélos en libre service acquise illégalement sur le territoire de la ville de Bruxelles pour s'accaparer du marché de la mise à disposition des vélos en libre service sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

Belgian Posters considère également que JC Decaux abuse de sa position dominante en couplant le marché de la mise à disposition de vélos en libre service avec le marché de la publicité extérieure (comme étant un moyen de financement de ce dernier marché).

La plaignante ajoute que JC Decaux a bénéficié d'un effet de levier de par l'avenant au contrat fait en 2006 et qui lui permet d'avoir été choisi comme concessionnaire du marché de vélos pour la Région bruxelloise.

Selon Belgian Posters, l'octroi de la concession du système automatisé de location de vélos sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale couplé avec le marché de la publicité extérieure implique un renforcement du contrôle et du monopole de JC Decaux sur ce dernier marché. Ce qui ressortirait selon la plaignante des dispositions mêmes du projet de convention dont : - le financement du système vélos par la publicité; - l'absence de définition claire du mobilier urbain; - l'octroi d'espaces publicitaires considérables et modulables en contrepartie de la prestation de service vélos. Ce système met en cause des espaces publicitaires actuellement concédés aux concurrents de JC Decaux sur le marché de la publicité extérieure - la possibilité d'étendre à l'avenir l'objet de la convention de manière modulable avec extension de la contrepartie publicitaire; - la durée abusive de la convention; - la possibilité de modifier dans le chef du concédant et du concessionnaire de commun accord, la concession. Ce qui signifie selon Belgian Posters que les espaces publicitaires actuellement octroyés à JC Decaux pourront être revus au détriment des concurrents actuellement présents sur le marché de la publicité extérieure. 7.2.2. Analyse de l'auditeur.

Il ressort de la plainte et de la demande de mesures provisoires que l'objet essentiel n'est pas l'attribution du contrat de concession de vélos, mais bien le marché publicitaire lié à celle-ci. L'instruction a dès lors essentiellement visé à vérifier prima facie le respect des règles de concurrence dans le cadre de la procédure de concession et l'impact de cette attribution sur la position concurrentielle de Belgian Posters. - Le financement du système vélos par la publicité : L'auditeur constate que la Région de Bruxelles-Capitale a fait un choix politique à savoir s'assurer qu'un système de location de vélos soit disponible pour l'ensemble de la Région de Bruxelles-Capitale sans que celle-ci ne doive participer à son financement. A cet égard, il y a lieu de souligner qu'il ressort des conditions générales du cahier des charges que « La préférence va à l'offre dans laquelle aucune intervention financière de la part du concédant n'est attendue.

Le concessionnaire porte le risque d'exploitation de sorte qu'en aucun cas le concédant n'interviendra financièrement de manière forfaitaire récurrente. Autrement dit, si le concédant est considéré comme une source de revenus, il devra s'agir d'une intervention forfaitaire unique ou d'une intervention récurrente qui sera fonction du succès de l'exploitation. » L'auditeur considère que le « lien » entre les deux marchés résulte d'un choix politique de la Région soucieuse de promouvoir un nouveau service de location de vélos. Ce mécanisme est appliqué par d'autres grandes villes. Prima facie, l'auditeur estime que cette décision ne relève pas du champ d'application de l'article 2 de la LPCE. Par ailleurs, l'auditeur constate que tant ClearChannel que Belgian Posters ont lié dans leurs offres les deux marchés. - Sur l'effet de levier : Il ressort des informations fournies par la Région de Bruxelles-Capitale que celle-ci a exigé de JC Decaux la suppression du système installé sur le territoire de Bruxelles ville dans l'hypothèse où JC Decaux remporterait le marché (cf. article 32 de la convention).

Le système est spécialement développé pour la Région, celle-ci conclut par ailleurs : « Le système de location de la ville de Bruxelles n'est pas compatible avec le système régional en raison d'une nouvelle génération de vélos, de nouvelles couleurs, d'une nouvelle marque et d'un nouveau type d'infrastructures. Il devra donc être démantelé.

Il revient à la ville de Bruxelles et à JC Decaux de trouver une solution à cet effet, si ce dernier entend conclure un contrat avec la Région. » L'auditeur écarte dès lors l'argument selon lequel JC Decaux bénéficie d'un avantage concurrentiel dans le cadre de l'attribution du marché de concession mis en place par la Région. L'auditeur considère qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant cet argument dans le cadre de la demande de mesures provisoires dont l'objet est d'interdire la conclusion du contrat de concession entre la Région de Bruxelles-Capitale et JC Decaux. - Sur la procédure de sélection et les critères de sélection : La Région a communiqué à l'Auditorat la « Décision concernant l'octroi d'une concession pour l'exploitation d'un système de location de vélos automatisé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale au candidat JC Decaux Belgium NV-SA ». ClearChannel a obtenu (2e place) ... % et JC Decaux (1re place) ... %.

Sur cette base, les deux candidats ont pu introduire une Best and Final Offer.

La Conclusion de la Région à l'issue de cette procédure est la suivante : « Les deux candidats ont soumis une BAFO valable et ont fournis les renseignements supplémentaires qui leur ont été demandés.

Etant entendu que les critères originaux du cahier des charges sont les critères prépondérants pour une comparaison entre les offres et les préférences du concédant, le classement établi dans la décision du 28 juillet 2008 n'est pas influencé par ces éléments complémentaires au point d'affecter le classement des candidats.

Etant donné la préférence marquée pour un système doté de la plus grande facilité d'utilisation possible, ayant le plus petit impact possible sur les transports publics, l'opérationnalité garantie la plus grande, l'augmentation la plus minime du nombre de panneaux publicitaires sur le territoire de la Région et le plus petit apport financier de la part du concédant, il est décidé à ce stade de la procédure, de mener des négociations avec JC Decaux SA en vue de conclure une concession.

Etant donné la validité de la BAFO du GM et ce qui a été spécifié dans le cahier des charges, le GM peut également être invité à tout moment aux négociations.

Décision.

La SA JC Decaux est invitée à entamer des négociations en vue de conclure une convention de concession.

Le Groupement momentané STIB-ProVelo-ClearChannel-Transdev n'est pas, jusqu'à décision contraire, invité à ces négociations » Conclusion : L'auditeur constate que la décision de la Région Bruxelles-Capitale est motivée et basée sur des critères transparents qui étaient connus de l'ensemble des candidats. L'auditeur est conscient que l'attribution d'espaces publicitaires dans ce cadre aura un impact sur la situation concurrentielle de l'entreprise qui remporte la concession, mais également sur la position concurrentielle des candidats évincés. Cet impact est inhérent aux procédures de concession (et d'appel d'offre) et admissible pour autant que la procédure soit transparente, ouverte et non-discriminatoire et que la convention ne contienne pas de clauses anticoncurrentielles ne pouvant pas faire l'objet d'une analyse au regard de l'article 2, § 3 de la LPCE. Prima facie, aucun élément ne permet de qualifier cette offre de concession d'entente illicite, dans la mesure où l'offre de concession peut être qualifiée d'offre ouverte, transparente et non discriminatoire. De même, aucun article de la convention ne semble prima facie ne pas pouvoir répondre à un examen sommaire au regard de l'article 2, § 3 de la LPCE. Les exigences relatives à l'établissement de l'infraction dans le cadre d'une demande de mesures provisoires ne sont donc pas remplies. (5) Par ailleurs, aucun élément de l'instruction ne permet d'établir que JC Decaux aurait abusé d'une éventuelle position dominante dans le cadre de cette procédure.

Une analyse plus poussée de ce contrat en mesures provisoires ne pourrait être envisagée que dans l'hypothèse où Belgian Posters risquerait à court terme de disparaître du marché et que cette disparition serait en relation causale avec l'infraction prima facie.

Ce point n'est pas retenu par l'auditeur en raison des considérations développées infra. 7.3. Sur le préjudice grave, imminent, et irréparable.

Il appartient au demandeur en mesures provisoires d'identifier son préjudice, lequel doit être de nature concurrentielle, en ce sens que l'entreprise « victime » soit risque de disparaître du marché, soit ne peut pénétrer ledit marché. (6) L'analyse porte donc sur l'impact de la convention entre JC Decaux et la Région de Bruxelles-Capitale.

Sur le préjudice grave.

Belgian Posters justifie l'existence d'un préjudice grave et irréparable en ce que l'adoption de cette convention et le couplage des marchés des vélos et de la publicité extérieure supprimerait toute concurrence sur le marché de la publicité extérieure sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Belgian Posters considère également qu'en raison du coût important du « système vélo », « il serait nécessaire d'une part, d'octroyer à JC Decaux un nombre important de nouveaux emplacements publicitaires et d'autre part, d'annuler des concessions précaires octroyées à des concurrents de JC Decaux pour les attribuer à ce dernier. » Il ressort de l'instruction que les panneaux publicitaires visés par le contrat de concession de la Région de Bruxelles-Capitale constituent une nouvelle offre d'espaces publicitaires. L'auditeur a interrogé la Région de Bruxelles-Capitale afin de déterminer s'il était envisageable que des panneaux octroyés à ClearChannel ou à Belgian Posters leur soient retirés afin de permettre à la Région de Bruxelles-Capitale de respecter ses engagements vis-à-vis de JC Decaux. Prima facie, l'auditeur considère que la perte des panneaux publicitaires actuellement octroyés à Belgian Posters et à ClearChannel aurait effectivement constitué un préjudice grave et irréparable. La Région a répondu que la convention prévoit l'octroi d'un certain nombre de dispositifs de publicité indépendamment des autorisations déjà existantes pour Belgian Posters, ClearChannel et JC Decaux.

Concrètement, cela signifie qu'aucun acteur présent ne voit sa position actuelle modifiée à court terme dans la mesure où la Région de Bruxelles-Capitale a clairement affirmé que les espaces publicitaires de 2 m2 et de 8 m2 actuellement octroyés à Belgian Posters, ClearChannel et JC Decaux ne seront pas utilisés dans le cadre du contrat de concession. Ce qu'invoque donc Belgian Posters comme préjudice est la perte d'un gain futur et non une perte d'un chiffre d'affaires avéré.

Conclusion : dans la mesure où la Région de Bruxelles-Capitale n'entend pas utiliser dans le cadre du contrat de concession les espaces publicitaires octroyés actuellement à Belgian Posters et à ClearChannel, et que le plaignant n'apporte aucune preuve contraire, l'auditeur conclut que la condition relative à l'établissement d'un préjudice grave n'est pas établie. Les conditions de préjudice grave, imminent et irréparable étant cumulatives, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les autres conditions et ce d'autant plus que la condition d'infraction prima facie n'est pas établie.

Par ces motifs, 1. L'auditeur constate que la demande de mesures provisoires dans l'affaire CONC-V/M-08/0030 est recevable et non-fondée et en ordonne le classement conformément à l'article 62, § 3 de la LPCE.2. Fait à Bruxelles, le 18 décembre 2008 Pour l'Auditorat, L'auditeur, Marielle Fassin Notes (1) Le standstill implique (i) que la Région communique au Groupement la décision motivée de l'attribution à l'autre candidat, (ii) que la Région octroie un délai de minimum dix jours pour permettre d'introduire le cas échéant une action en référé devant le juge judiciaire, et (iii) que dans l'hypothèse où de telles procédures sont introduites, la Région ne procède pas à la conclusion du contrat de concession avant que le Conseil d'Etat ou le juge judiciaire n'ait prononcé son arrêt ou jugement (2) Affaire C-41/90, Höfner et Elser, Rec.p. I-1979, § 21. (3) « il découle de la jurisprudence qu'un examen autonome de chaque activité assumée par un organisme est indispensable pour déterminer si celle-ci doit être qualifiée d'économique », Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro dans l'affaire C-205/03 Federacion Espanola de Empresas de Tecnologia Sanitria (FENIN), point 43.(4) CJCE, 1er juin 1999, Eco Swiss, aff.C-126/97, Rec., p I-3055 (5) Laurence IDOT, Les mesures provisoires en droit de la concurrence : un nouvel exemple de symbiose entre le droit français et le droit communautaire de la concurrence, RTD eur.29 (4) oct.-déc. 1993, p.539 (6) Laurence IDOT, Les mesures provisoires en droit de la concurrence : un nouvel exemple de symbiose entre le droit français et le droit communautaire de la concurrence, RTD eur.29 (4) oct.-déc. 1993.

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