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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 16 mars 2009

Conseil de la concurrence. - Auditorat. - Décision n° 2008-P/K-72-AUD du 16 décembre 2008 Affaire CONC-V/M-08/0029 : ClearChannel Belgium/JC DECAUX Belgium SA et la Région de Bruxelles-Capitale Vu la loi sur la protection de la concurrence éc Vu les pièces du dossier; I. Saisine Le 13 novembre 2008, la société ClearChannel Belgium SA(...)

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SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la concurrence. - Auditorat. - Décision n° 2008-P/K-72-AUD du 16 décembre 2008 Affaire CONC-V/M-08/0029 : ClearChannel Belgium/JC DECAUX Belgium SA et la Région de Bruxelles-Capitale Vu la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006 (Moniteur belge du 29 septembre 2006, ci-après LPCE);

Vu les pièces du dossier;

I. Saisine Le 13 novembre 2008, la société ClearChannel Belgium SA a déposé auprès de l'auditorat une demande de mesures provisoires conformément à l'article 62 de la LPCE, à l'encontre JC Decaux Belgium SA, la ville de Bruxelles et la Région de Bruxelles-Capitale. La plaignante a également complété la plainte référencée CONC-P/K-08/0005 qu'elle avait déposée le 27 février 2008.

La demande de mesures provisoires a été enregistrée sous les références : CONC-V/M-08/0029.

II. La plaignante ClearChannel Belgium SA (ci-après ClearChannel) est une société anonyme dont le siège social est établi boulevard de la Plaine 5, à 1050 Bruxelles.

ClearChannel est une filiale belge du groupe international ClearChannel Communication Inc. Elle exerce entre autres une activité de fourniture, de placement et d'exploitation de mobilier urbain dans les villes et les communes de Belgique. Le groupe est aussi actif en Belgique dans le secteur de la publicité extérieure et plus particulièrement les affiches grand format : panneaux de 16, 20 et 36 m2.

ClearChannel est aussi présente sur le marché de l'installation et de la maintenance de vélos en libre service, elle fournit de tels services à Rome, Oslo et Barcelone.

ClearChannel est membre d'un groupement momentané d'entreprises : STIB/Transdev/Provelo/ClearChannel, qui a soumis une offre pour la concession d'un système de vélos en libre service dans la Région de Bruxelles-Capitale.

III. Les parties incriminées 3.1. JC Decaux Belgium SA JC Decaux Belgium SA (ci-après JC Decaux) est une société anonyme dont le siège social est établi Allée Verte 50, à 1000 Bruxelles. Elle est filiale à 100 % de la société de droit français JC Decaux.

JC Decaux est active en Belgique dans le secteur de la publicité extérieure et plus particulièrement du mobilier urbain (fourniture, placement et entretien) ainsi que sur le marché de l'installation et de la maintenance de vélos en libre service notamment à Paris et à Bruxelles-ville. 3.2. Ville de Bruxelles La ville de Bruxelles est une autorité publique et est représentée par son Collège de bourgmestre et échevins, situé à l'Hôtel de Ville Grand Place, à 1000 Bruxelles. 3.3. Région de Bruxelles-Capitale La Région de Bruxelles-Capitale (ci-après la Région) est représentée par le gouvernement de la Région, en particulier par le Ministre de la Mobilité, Travaux publics, Taxis et Aide aux personnes de la Région : M. P. Smet (ci-après le Ministre) dont le cabinet est situé Boulevard Saint-Lazare 10, à 1210 Bruxelles.

IV. Les faits 4.1. Le contrat de 1999 entre JC Decaux et la ville de Bruxelles En 1999, le Collège de la ville de Bruxelles a attribué à JC Decaux un marché public portant sur du mobilier d'information, d'abris-voyageurs et des supports d'affichage principalement destinés à des fins publicitaires. JC Decaux a été chargé de la fabrication, de la fourniture, du placement, de la mise en service, de l'entretien et de la maintenance de ce mobilier. La convention prévoit une clause d'exclusivité en faveur de JC Decaux à l'égard de mobiliers équipés de supports publicitaires identiques ou analogues à ceux visés par le marché.

La convention a une durée de 15 ans.

En 2002, un avenant au contrat de 1999 a été conclu réduisant le nombre de supports d'affichage initialement prévu.

En 2006, un deuxième avenant au contrat de 1999 est conclu. Cet avenant étend l'objet du marché initial à l'installation et l'exploitation d'un réseau de vélos en libre service mis à la disposition du public. Il prévoit la livraison de 250 vélos en libre service, de 354 bornes de parking à vélos et de 23 stations de gestion de ces parkings équipés d'une borne de payement. Il prévoit également une obligation d'entretien, de maintenance et la gestion quotidienne du parc.

L'avenant est conclu pour une durée de 8 ans soit jusqu'en 2014. JC Decaux a implanté au cours de 2006-2007 un système de vélos en libre service "Cyclocity" dans le pentagone de la ville de Bruxelles.

Le contrat de 1999 et l'avenant de 2006 ont fait l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat. Les recours sont toujours pendants : - une requête en annulation est pendante devant le Conseil d'Etat, les parties attendent le rapport de l'auditeur. - une procédure au fond est pendante devant le Tribunal de première Instance de Bruxelles, elle est au rôle en attendant la décision du Conseil d'Etat. - une procédure en référé devant le Tribunal de première instance de Bruxelles a donné lieu à une ordonnance du 30 juin 2006 déclarant l'action de ClearChannel irrecevable. L'affaire est pendante devant la Cour d'appel.

Le 27 février 2008, ClearChannel a introduit une plainte (référencée CONC-P/K 08/0005) auprès du Conseil de la concurrence à l'encontre de JC Decaux, la ville de Bruxelles et la Région de Bruxelles-Capitale.

Cette plainte dénonce : - l'avenant de 2006 comme une entente illégale entre JC Decaux et la ville de Bruxelles, - un abus de position dominante de JC Decaux sur le marché de la fourniture de mobilier urbain publicitaire à Bruxelles, - un risque de restriction à la concurrence sur les marchés de la fourniture et de la gestion d'un réseau de vélos en libre service et sur le marché de la fourniture de mobilier publicitaire sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. 4.2. Le contrat de concession de la Région de Bruxelles-Capitale Le 28 février 2008, le Conseil des Ministres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a marqué son accord sur la procédure proposée pour la conclusion d'une convention de concession pour un système de location de vélos automatisé et a chargé le Ministre de la Mobilité de sa mise en oeuvre.

Le 15 mars 2008, la Région a publié, dans le Journal Officiel des Communautés européennes, un avis de marché concernant une concession pour l'établissement d'un système automatisé de location de vélos sur tout le territoire de la Région. La date limite pour l'introduction des manifestations d'intérêt a été fixée au 17 avril 2008. Les candidats qui avaient adressé leur manifestation d'intérêt de manière conforme ont été invités, le 30 avril 2008, par lettre recommandée, à introduire une offre.

Le cahier des charges se compose d'un document intitulé >information générale' et un document >formulaire d'offre'. La date limite des offres était fixée au 6 juin 2008 à 12 heures et a été prolongée au mercredi 18 juin 2008 à 12 heures, par lettre recommandée envoyée le 23 mai 2008 à tous les candidats.

Le 17 avril 2008, la STIB, Transdev, Provelo et ClearChannel (ci-après le Groupement) ont conclu un accord de groupement momentané d'entreprises afin de participer conjointement au marché du vélo de la Région.

Par lettre du 30 avril 2008, le Ministre a accepté le Groupement dans la procédure de mise en concurrence et a communiqué le cahier des charges.

Endéans le délai, trois offres sont parvenues au Cabinet contre accusé de réception : une offre de la SA Belgian Posters (irrecevable), une offre de JC Decaux et une offre du Groupement.

Le 22 juillet 2008, le Ministre a invité ClearChannel et JC Decaux à introduire une Best and Final Offer (BAFO).

Le 22 septembre 2008, le Ministre a invité JC Decaux à entamer des négociations en vue de conclure une convention de concession.

ClearChannel pouvait être invitée à tout moment aux négociations.

Par lettre du 23 octobre 2008, le Ministre a indiqué que la BAFO du Groupement avait été réceptionnée le 9 septembre et que la Région mène des négociations avec un autre candidat ayant introduit une BAFO. Par lettre du 29 octobre 2008, le conseil du Groupement a demandé au Ministre de confirmer avant le 30 octobre qu'une période de standstill (1) sera appliquée avant de conclure un contrat avec l'autre candidat. Le 30 octobre 2008, le Ministre a refusé le standstill.

Le 6 novembre 2008, ClearChannel a introduit une action en référé devant le Président du Tribunal de Première instance visant notamment à faire interdiction à la Région de Bruxelles-Capitale de notifier au soumissionnaire retenu la décision d'attribution du marché avant que ne soit écoulé un délai de dix jours calendrier, et en cas de recours devant le juge judiciaire ou devant le Conseil d'Etat, jusqu'à ce que ladite juridiction ait statué. Le 14 novembre, l'ordonnance du Président du Tribunal de Première instance a fait droit à la demande de ClearChannel, la Région de Bruxelles-Capitale a notifié la décision d'attribution de marché au requérant L'attribution de la concession a été fixée à l'agenda du Conseil des Ministres de la Région Bruxelles Capitale du 13 novembre 2008. Le Gouvernement a attribué à la société JC Decaux la concession du développement et de l'exploitation du système de location de vélos automatisé sur le territoire de la Région, cette décision a été notifiée le 5 décembre.

Le 13 novembre 2008, ClearChannel a déposé une demande de mesures provisoires et un complément de plainte auprès de l'Auditorat du Conseil de la concurrence, ainsi qu'une requête en suspension en extrême urgence devant le Conseil d'Etat. Le 26 novembre, l'auditeur auprès du Conseil d'Etat a rendu son avis dans lequel il constate qu'il s'agit bien d'un contrat de concession et non d'un appel d'offre et qu'il n'y avait pas lieu de respecter une clause de standstill, le Conseil d'Etat a rejeté ce recours car l'objet de l'action n'avait pas fait l'objet d'une décision en bonne et due forme du Conseil d'administration de la société.

V. Objet de la demande ClearChannel demande au Président du Conseil d'interdire à la Région de Bruxelles-Capitale de conclure un contrat de concession pour un "système automatisé de location de vélos sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale" avec JC Decaux, ou avec tout groupement dont JC Decaux ferait partie, sous peine d'une astreinte unique de 10.000.000, dans l'attente d'une décision du Conseil d'Etat à la suite du recours en annulation introduit par ClearChannel le 23 mars 2006 ou à tout le moins dans l'attente d'une décision au fond du Conseil de la concurrence à la suite des deux plaintes déposées par ClearChannel.

VI. Marchés concernés 6.1. Selon ClearChannel 6.1.1.Le marché de produits ClearChannel estime que deux marchés sont concernés par des pratiques anticoncurrentielles a/Le marché de la fourniture et de la gestion de parcs de vélos en libre service La mise à disposition de vélos en libre service est un nouveau type de service que certaines villes veulent offrir à leurs habitants. Afin d'installer et exploiter un système de vélo en libre service les collectivités publiques font appel à des prestataires extérieurs. Ces prestataires sont chargés de fournir et installer un parc de vélos spécialement conçus pour être mis à disposition librement, des bornes de placement, des systèmes informatiques de gestion du parc et de payement spécifiques. Les prestataires en assurent la gestion et la maintenance.

L'installation et la gestion d'un parc de vélos en libre service est un service spécifique, non substituable ou interchangeable à d'autres services dans le chef du consommateur. Il n'est pas substituable à la gestion d'autres services de transport public (métro, bus, tram), ni au service de location de vélo classique et il est tout à fait distinct de la fourniture de mobilier urbain.

La différence flagrante entre le marché de la fourniture de mobilier urbain et celui de la fourniture et de la gestion de vélos en libre service est la suivante : le vélo constitue en premier lieu un service de transport public individuel qui vise, à la demande des collectivités locales, à l'introduction d'un service de transport complémentaire au service de transports publics existants.

Quant à la fourniture de mobilier urbain, il porte sur l'installation de mobilier destiné à l'information, à la protection contre les intempéries, à l'hygiène, à la demande des collectivités locales.

L'installation d'un système de vélos en libre service peut engendrer une demande de mobiliers urbains accessoires (de type publicitaire ou non). Néanmoins, cette demande se situe sur un autre marché de produits et n'est que secondaire ou accessoire à la demande du produit principal qui est le vélo en libre service. b/ Le marché de la fourniture de mobilier urbain publicitaire Les collectivités locales installent du mobilier urbain sur la voie publique pour répondre à des besoins d'intérêt général très divers : information locale, protection des usagers des transports en commun, éclairage public, signalisation routière, etc.

Il existe deux catégories de mobilier urbain : le mobilier urbain publicitaire (fonction partiellement commerciale) et le mobilier urbain non publicitaire (fonction exclusivement d'intérêt public).

La plaignante se réfère au Conseil de la Concurrence français qui a jugé que le marché de la fourniture de mobilier publicitaire en libre service doit être distingué du marché de fourniture de mobilier non publicitaire. Le mobilier urbain publicitaire répond à deux demandes : celle des collectivités locales et celle des annonceurs. Le marché de fourniture de mobilier publicitaire en libre service constitue un marché en amont du marché de l'affichage sur le mobilier publicitaire.

La plaignante estime que cette analyse du marché est également valable pour le marché belge.

En résumé, les services et les biens affectés sont : - la fourniture et la gestion d'un parc de vélos en libre service comme forme de transport public individuel, comprenant les vélos, les bornes de placement, le système de payement et le système technique et informatique propriétaire; - la fourniture de mobilier urbain publicitaire comprenant des abris-bus, des kiosques, des panneaux directionnels et des panneaux d'information comprenant l'exploitation d'affiches publicitaires de 2m5 prévues sur ou à côté de ce mobilier. 6.1.2. Le marché géographique : ClearChannel retient comme marché géographique pour les deux marchés de produits la Région de Bruxelles-Capitale. 6.2. Selon JC Decaux 6.2.1. Le marché de produits JC Decaux retient 4 marchés : Le marché de la fourniture de mobilier urbain Le marché de la publicité extérieure Le marché de l'attribution d'un système de vélos urbains Le marché de services relatifs à la mise en libre service de vélos urbains aux usagers 6.2.2. Le marché géographique Selon JC Decaux, seul le marché de la mise en libre service des vélos urbains aux usagers pourrait être défini localement. Les marchés de la fourniture du mobilier urbain, de la publicité extérieure et de l'attribution d'un système de vélos urbains sont des marchés à dimension nationale, sinon européenne. Les concurrents sont en mesure d'être présents et de concourir aux niveaux national ou européen, tant pour la fourniture de mobilier urbain qu'en matière de publicité extérieure. Il en va de même de la mise en concurrence des entreprises actuellement ou potentiellement présentes sur le marché de l'attribution de systèmes de vélos urbains. 6.3. Selon l'auditeur L'auditeur considère que des demandes de mesures provisoires ne sont pas le cadre pertinent pour trancher de manière définitive la segmentation de marché et ne se prononce pas formellement sur la définition de marché dans la mesure où, quelque soit la segmentation de marché retenue, cela n'a pas d'impact sur l'analyse retenue dans le cadre de la demande de mesures provisoires.

Le marché géographique est au minimum celui de la Région de Bruxelles-Capitale, voir nationale si l'on se réfère à la jurisprudence en la matière tant au niveau belge qu'européenne (concurrents présents sur l'ensemble du territoire, campagnes publicitaires négociées sur le plan national,...) VII. En droit En vertu de l'article 62, § 1er, de la loi, le président du Conseil de la concurrence peut, sur demande du plaignant ou du Ministre, prendre des mesures provisoires destinées à suspendre les pratiques restrictives de concurrence faisant l'objet de l'instruction, s'il est urgent d'éviter une situation susceptible de provoquer un préjudice grave, imminent et irréparable aux entreprises dont les intérêts sont affectés par ces pratiques ou de nuire à l'intérêt économique général. 7.1. Existence d'une plainte au fond recevable Le 27 février 2008, la société ClearChannel a déposé une plainte auprès de l'auditorat à l'encontre de JC Decaux et de la ville de Bruxelles. Cette plainte a été enregistrée sous les références : CONC-P/K-08/0005. 7.1.1. Le plaignant justifie-t-il de l'intérêt requis par la loi? Comme expliqué au point 2, ClearChannel est active dans le secteur de la publicité extérieure et de la fourniture, du placement et d'entretien de mobilier urbain ainsi que sur le marché de l'installation et de la maintenance de vélos en libre service.

ClearChannel justifie d'un intérêt direct dans la mesure où si les pratiques dénoncées sont avérées, elles lui porteraient directement préjudice dans l'exercice de ses activités commerciales en le privant d'accès à des espaces publicitaires en Région de Bruxelles-Capitale.

Par ailleurs, ClearChannel a participé à la procédure d'attribution de la concession et a été retenue par la Région de Bruxelles-Capitale.

Dès lors, le plaignant justifie de l'intérêt requis par la loi. 7.1.2. La notion d'entreprise En vertu de l'article 1er de la loi, celle-ci s'applique à "toute personne physique ou morale poursuivant de manière durable un but économique".

Selon une jurisprudence constante, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement (2). Toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné constitue bien une activité économique. - JC Decaux JC Decaux est une société active en Belgique dans le secteur de la publicité extérieure et du mobilier urbain qui poursuit durablement un but économique. JC Decaux est une entreprise au sens de la loi. - La Ville de Bruxelles La plainte est également dirigée contre la ville de Bruxelles représentée par son Collège de bourgmestre et échevins. Cependant, l'auditeur constate que la ville de Bruxelles est étrangère au contrat de concession attribué par la Région de Bruxelles-Capitale (et indirectement au marché de la publicité extérieure lié), mis en cause dans le cadre de la demande de mesures provisoires.

L'auditeur constate dès lors que la ville de Bruxelles n'est pas visée par la demande de mesures provisoires, ce qui a été confirmé par ClearChannel. - La Région Bruxelles-Capitale La Région Bruxelles-Capitale est représentée par le Ministre.

La notion d'entreprise au sens du droit de la concurrence peut viser des pouvoirs publics. Une Région peut donc être considérée comme une entreprise si elle exerce des activités économiques soit directement, soit par le biais d'un organe faisant partie de l'administration de l'Etat.

La Cour a considéré à de nombreuses reprises qu'un pouvoir public, à condition qu'il exerce une activité économique détachable (3) de l'exercice de ses missions d'autorité publique, pouvait être considéré comme une entreprise au sens du traité CE et selon les règles du droit européen de la concurrence.

Il convient donc de faire la différence entre les activités de la Région s'exerçant dans le cadre de l'autorité publique et celles qui s'exercent dans le cadre d'activités économiques de caractère commercial.

Selon l'auditeur, la Région agit en octroyant la concession au minimum sur deux "marchés" : le premier marché octroie un contrat de concession de vélo à JC Decaux pour lequel la Région entend ne pas payer et pour lequel JC Decaux peut réclamer une somme modique au consommateur, le but poursuivi étant de favoriser les transports en commun. Dans ce cadre, l'auditeur peut concevoir prima facie que la Région de Bruxelles-Capitale ne poursuivrait pas durablement (et principalement) un but économique.

Cependant, l'auditeur constate qu'indirectement la Région agit en tant qu'acteur économique et en tant qu'entreprise dans la mesure où cette attribution engendre dans le chef de l'entreprise sélectionnée un droit à des espaces publicitaires pour lesquels la Région se prive volontairement pour une durée de 15 ans de recettes publicitaires, il s'agit du « prix payé » par celle-ci pour l'obtention d'un service, la mise à disposition de vélos. L'auditeur constate donc que, lorsqu'elle vend cet espace publicitaire la Région agit en tant qu'entreprise. La Région a porté son choix sur le concessionnaire le moins gourmand en terme d'espace publicitaire, et donc celui qui amputera le moins ses recettes publicitaires futures. L'auditeur considère qu'on ne peut écarter l'application d'une loi d'ordre public (4) par le simple regroupement de deux marchés.

Par conséquent, la Région doit être considérée dans ce cadre comme une entreprise au sens de l'article 1de la LPCE et des articles 81 et 82 du Traité CE. 7.1.3. Conclusion La plainte introduite par ClearChannel est recevable. 7.2. Sur la notion d'infraction prima facie : 7.2.1. Selon ClearChannel L'argumentation principale de ClearChannel repose sur le postulat que l'extension (illicite selon celle-ci) du contrat de 1999 entre la ville de Bruxelles et JC Decaux permettrait à ce dernier d'emporter la concession octroyée par la Région de Bruxelles-Capitale. Il y aurait donc une entente illicite au sens de l'article 2 de la LPCE, qui permettrait à JC Decaux d'abuser de sa position dominante dans le cadre du contrat de concession qui doit être attribué par la Région de Bruxelles-Capitale.

Pour rappel, le contrat conclu entre la ville de Bruxelles et JC Decaux en 1999 comporte une clause d'exclusivité pour le mobilier équipé de supports publicitaires identiques ou analogues et est prévu pour 15 ans. En 2006, un avenant a étendu l'objet initial du marché à l'installation et l'exploitation d'un réseau de vélos en libre service mis à la disposition du public.

ClearChannel qualifie cet avenant de 2006 d'entente illégale et considère que JC Decaux a abusé de sa position dominante sur le marché de la fourniture de mobilier urbain publicitaire à Bruxelles. En effet, JC Decaux aurait empêché toute concurrence sur le marché de la fourniture d'un service de vélos urbains à Bruxelles et aurait acquis de manière abusive une position dominante sur ce marché. JC Decaux aurait également renforcé de manière abusive sa position dominante sur le marché du mobilier urbain publicitaire à Bruxelles, en ajoutant du mobilier urbain publicitaire auxiliaire aux installations de vélos en libre service. De même, JC Decaux aurait pratiqué de la vente liée ou >tying' en liant les prestations livrées sous un contrat publicitaire à des prestations supplémentaires (service de vélos urbains), qui par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet du contrat initial au sens de l'article 82, § 2 du Traité CE et 3, 4° de la LPCE. ClearChannel dénonce dans sa demande de mesures provisoires un risque d'extension des violations du droit de la concurrence sur ces marchés pour toute la Région de Bruxelles-Capitale. - En effet, selon le plaignant, JC Decaux profite de l'effet "plateforme exemple" de son système Cyclocity à Bruxelles; - De facto, JC Decaux est le seul fournisseur qui pourrait garantir à la Région de Bruxelles-Capitale la compatibilité du système régional avec le système Cyclocity déjà en place à Bruxelles; - JC Decaux a l'avantage d'être le premier en Belgique a avoir introduit un système de vélo en libre service par un artifice (entente illégale et abus de position dominante) qui lui permettrait de fausser ou de restreindre le jeu normal de la concurrence; - L'effet "plateforme exemple" et "first mover advantage" auraient un effet de levier qui empêcherait de manière effective la mise en concurrence fondée sur les mérites.

Le plaignant en conclut que JC Decaux aurait disposé d'avantages obtenus de manière illicite. En outre, selon le plaignant, le projet Cyclocity aurait servi de référence pour l'établissement du cahier des charges par la Région de Bruxelles-Capitale, ce qui donnerait selon celui-ci, un avantage indiscutable à JC Decaux.

JC Decaux dispose : - déjà de 23 stations de vélos avec support publicitaire sur le territoire de la ville de Bruxelles; - et d'une exclusivité jusqu'en 2014 sur les panneaux de 2 m2 sur le territoire de la ville de Bruxelles;

Le cahier des charges envoyé par la Région précise que : « La préférence est donnée à un système de financement dans lequel la publicité se limite autant que possible à des éléments qui font partie du réseau, quelque soit la part de cette source de revenus dans les recettes totales. » La ville de Bruxelles interdit l'affichage de panneaux de plus de 2 m2 en espace public.

Sur les 400 premières stations de vélos, 70 devront se trouver sur le territoire de la ville de Bruxelles. Le plaignant en conclut que seul JC Decaux pourra faire de la publicité dans les stations de vélo.

Tout financement par la publicité du système de vélos sur le territoire de la ville de Bruxelles par un autre opérateur que JC Decaux serait extrêmement difficile voire impossible.

L'article 31 permettrait à JC Decaux d'intégrer l'avenant de 2006 au contrat passé avec la Région de Bruxelles-Capitale.

Le projet de convention accorderait à JC Decaux un contrôle et un monopole de fait sur le marché de la publicité en Région de Bruxelles-Capitale pour une durée minimum de 18 ans qui risquerait même de devenir définitif en raison notamment d'une grande liberté d'exploitation dont bénéficierait JC Decaux dans l'exécution de la partie de la convention relative à l'exploitation publicitaire, de plus, le type de mobilier urbain n'étant pas défini, l'ensemble du marché mobilier urbain tous formats confondus serait visé.

Selon le plaignant, la convention violerait également les règles de marché public en étendant son objet sur le territoire des communes : - La renonciation à l'application de toute charge financière en ce compris les taxes, redevances de voiries et toute redevance générale - Le fait que JC Decaux pourrait imposer ses choix d'implantation en cas de refus de celle-ci de lui octroyer une autorisation.

ClearChannel estime que si JC Decaux obtient l'attribution de la concession, cela faussera de manière significative le jeu de la concurrence sur les marchés de la publicité extérieure sur toute la Région de Bruxelles-Capitale. Les concurrents de JC Decaux n'auraient plus d'opportunité pour concurrencer JC Decaux sur ces marchés et seront ipso facto exclus des marchés pour une durée minimum de 18 ans. 7.2.2. Analyse de l'auditeur Il ressort de la plainte et de la demande de mesures provisoires que l'objet essentiel n'est pas l'attribution du contrat de concession de vélos, mais bien le marché publicitaire lié à celle-ci. L'instruction a dès lors essentiellement visé à vérifier prima facie le respect des règles de concurrence dans le cadre de la procédure de concession et l'impact de cette attribution sur la position concurrentielle de ClearChannel. - Sur l'avantage tiré par JC Decaux d'être le "premier entrant" Il ressort des informations fournies par la Région de Bruxelles- Capitale que celle-ci a exigé de JC Decaux la suppression du système installé sur le territoire de Bruxelles ville dans l'hypothèse où JC Decaux remporterait le marché (cf. article 32 de la convention). Le système est spécialement développé pour la Région, celle-ci conclut par ailleurs : " Le système de location de la ville de Bruxelles n'est pas compatible avec le système régional en raison d'une nouvelle génération de vélos, de nouvelles couleurs, d'une nouvelle marque et d'un nouveau type d'infrastructures. Il devra donc être démantelé.

Il revient à la ville de Bruxelles et à JC Decaux de trouver une solution à cet effet, si ce dernier entend conclure un contrat avec la Région. » L'auditeur écarte dès lors l'argument selon lequel JC Decaux bénéficie d'un avantage concurrentiel dans le cadre de l'attribution du marché de concession mis en place par la Région. L'auditeur considère qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant cet argument dans le cadre de la demande de mesures provisoires dont l'objet est d'interdire la conclusion du contrat de concession entre la Région de Bruxelles-Capitale et JC Decaux. - Sur la procédure de sélection et les critères de sélection : La Région a communiqué à l'Auditorat la "Décision concernant l'octroi d'une concession pour l'exploitation d'un système de location de vélos automatisé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale au candidat JC Decaux Belgium NV-SA". ClearChannel a obtenu 65,02 % et JC Decaux 81,67 %.

Sur cette base, les deux candidats ont pu introduire une Best and Final Offer, au regard de cette BAFO, la Région a constaté en résumé que l'association momentanée dont fait partie ClearChannel a besoin de plus d'espace pour les stations de location que JC Decaux et qu'elle ne fournit pas d'élément particulier susceptible d'améliorer la localisation des vélos sur le territoire et qui pourrait donc favoriser le contrôle du système et la prévention du vol. De plus, l'offre ne permet pas de développer le réseau demandé sans apport financier du concédant. L'association momentanée ne satisferait pas non plus à la demande d'indiquer séparément pour les deux types de panneaux de 2m2 le pourcentage de revenus provenant de la publicité.

La Conclusion de la Région à l'issue de cette procédure est la suivante : « Les deux candidats ont soumis une BAFO" valable et ont fournis les renseignements supplémentaires qui leur ont été demandés.

Etant entendu que les critères originaux du cahier des charges sont les critères prépondérants pour une comparaison entre les offres et les préférences du concédant, le classement établi dans la décision du 28 juillet 2008 n'est pas influencé par ces éléments complémentaires au point d'affecter le classement des candidats.

Etant donné la préférence marquée pour un système doté de la plus grande facilité d'utilisation possible, ayant le plus petit impact possible sur les transports publics, l'opérationnalité garantie la plus grande, l'augmentation la plus minime du nombre de panneaux publicitaires sur le territoire de la Région et le plus petit apport financier de la part du concédant, il est décidé à ce stade de la procédure, de mener des négociations avec JC Decaux SA en vue de conclure une concession.

Etant donné la validité de la BAFO du GM et ce qui a été spécifié dans le cahier des charges, le GM peut également être invité à tout moment aux négociations.

Décision La SA JC Decaux est invitée à entamer des négociations en vue de conclure une convention de concession.

Le Groupement momentané STIB-ProVelo-ClearChannel-Transdev n'est pas, jusqu'à décision contraire, invité à ces négociations » Conclusion : L'auditeur constate que la décision de la Région Bruxelles-Capitale est motivée et basée sur des critères transparents qui étaient connus de l'ensemble des candidats. L'auditeur est conscient que l'attribution d'espaces publicitaires dans ce cadre aura un impact sur la situation concurrentielle de l'entreprise qui remporte la concession, mais également sur la position concurrentielle des candidats évincés. Cet impact est inhérent aux procédures de concession (et d'appel d'offre) et admissible pour autant que la procédure soit transparente, ouverte et non-discriminatoire et que la convention ne contienne pas de clauses anticoncurrentielles ne pouvant faire l'objet d'une analyse au regard de l'article 2, § 3 de la LPCE. Prima facie, aucun élément ne permet de qualifier cette offre de concession d'entente illicite, dans la mesure où l'offre de concession peut être qualifiée d'offre ouverte, transparente et non discriminatoire. De même, aucun article de la convention ne semble prima facie ne pas pouvoir répondre à un examen sommaire au regard de l'article 2, § 3 de la LPCE. Les exigences relatives à l'établissement de l'infraction dans le cadre d'une demande de mesures provisoires ne sont donc pas remplies. (5) Par ailleurs, aucun élément de l'instruction ne permet d'établir que JC Decaux aurait abusé d'une éventuelle position dominante dans le cadre de cette procédure.

Une analyse plus poussée de ce contrat en mesures provisoires ne pourrait être envisagée que dans l'hypothèse où ClearChannel risquerait à court terme de disparaître du marché. Ce point n'est pas retenu par l'auditeur en raison des considérations développées infra. 7.3. Sur le préjudice grave, imminent, et irréparable Il appartient au demandeur en mesures provisoires d'identifier son préjudice, lequel doit être de nature concurrentielle, en ce sens que l'entreprise "victime" soit risque de disparaître du marché, soit ne peut pénétrer ledit marché. (6) L'analyse porte donc sur l'impact de la convention entre JC Decaux et la Région de Bruxelles-Capitale.

Sur le préjudice grave ClearChannel justifie l'existence d'un préjudice grave et irréparable car le contrat de concession de vélo affecte également la position de concurrence sur le marché du mobilier publicitaire urbain dans toute la Région. ClearChannel chiffre le contrat de concession à 10.000.000 euro par an. Pour mémoire, la simple évocation d'un préjudice financier ne suffit pas.

Il ressort de l'instruction que les panneaux publicitaires visés par le contrat de concession de la Région de Bruxelles-Capitale constituent une nouvelle offre d'espaces publicitaires. L'auditeur a demandé à la Région de Bruxelles-Capitale s'il était envisageable que des panneaux octroyés à ClearChannel ou à Belgian Posters leur soient retirés afin de permettre à la Région de Bruxelles-Capitale de respecter ses engagements vis-à-vis de JC Decaux. La Région a répondu que la convention prévoit l'octroi d'un certain nombre de dispositifs de publicité indépendamment des autorisations déjà existantes pour Belgian Posters, ClearChannel et JC Decaux.

Concrètement, cela signifie qu'aucun acteur présent ne voit sa position actuelle modifiée à court terme dans la mesure où la Région de Bruxelles-Capitale a clairement affirmé que les espaces publicitaires de 2 m2 et de 8 m2 actuellement octroyés à Belgian Posters, ClearChannel et JC Decaux ne seront pas utilisés dans le cadre du contrat de concession. Ce qu'invoque donc ClearChannel comme préjudice est la perte d'un gain futur et non une perte d'un chiffre d'affaires avéré.

Conclusion : dans la mesure où la Région de Bruxelles-Capitale n'entend pas utiliser dans le cadre du contrat de concession les espaces publicitaires octroyés actuellement à Belgian Posters et à ClearChannel, et que le plaignant n'apporte aucune preuve contraire, l'auditeur conclut que la condition relative à l'établissement d'un préjudice grave n'est pas établie. Les conditions de préjudice grave, imminent et irréparable étant cumulatives, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les autres conditions et ce d'autant plus que la condition d'infraction prima facie n'est pas établie.

Par ces motifs, 1. L'auditeur constate que la demande de mesures provisoires dans l'affaire CONC-V/M-08/0029 est recevable et non-fondée et en ordonne le classement conformément à l'article 62, § 3, de la LPCE.2. Fait à Bruxelles, le 16 décembre 2008. Pour l'Auditorat, L'auditeur, Marielle Fassin Notes (1) Le standstill implique (i) que la Région communique au Groupement la décision motivée de l'attribution à l'autre candidat, (ii) que la Région octroie un délai de minimum 10 jours pour permettre d'introduire le cas échéant une action en référé devant le juge judiciaire, et (iii) que dans l'hypothèse où de telles procédures sont introduites, la Région ne procède pas à la conclusion du contrat de concession avant que le Conseil d'Etat ou le juge judiciaire n'ait prononcé son arrêt ou jugement (2) Affaire C-41/90, Höfner et Elser, Rec.p. I-1979, §21. (3) « il découle de la jurisprudence qu'un examen autonome de chaque activité assumée par un organisme est indispensable pour déterminer si celle-ci doit être qualifiée d'économique », Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro dans l'affaire C-205/03 Federacion Espanola de Empresas de Tecnologia Sanitria (FENIN), point 43. (4) CJCE, 1er juin 1999, Eco Swiss, aff.C-126/97, Rec., p I-3055. (5) Laurence IDOT, Les mesures provisoires en droit de la concurrence : un nouvel exemple de symbiose entre le droit français et le droit communautaire de la concurrence, RTD eur.29(4) oct. déc.1993, p.539. (6) Laurence IDOT, Les mesures provisoires en droit de la concurrence : un nouvel exemple de symbiose entre le droit français et le droit communautaire de la concurrence, RTD eur.29 (4) oct-déc 1993.

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