publié le 29 avril 2005
Conseil de la Concurrence Décision n° 2005-V/M-13 du 18 mars 2005 Affaire CONC-V/M-04/0018 - Tondeur Diffusion S.A./AMP S.A. Vu la demande de mesures provisoires datée du 11 mars 2004 introduite conformément à l'article 35 de la loi sur la Vu le rapport motivé daté du 25 mars 2004 et les pièces du dossier d'instruction; Vu le procès-v(...)
SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE
Conseil de la Concurrence Décision n° 2005-V/M-13 du 18 mars 2005 Affaire CONC-V/M-04/0018 - Tondeur Diffusion S.A./AMP S.A. Vu la demande de mesures provisoires datée du 11 mars 2004 introduite conformément à l'article 35 de la loi sur la protection de la concurrence économique (en abrégé LPCE) par la S.A. Tondeur Diffusion ayant son siège social à 1070 Bruxelles, avenue Van Kalken 9, inscrite à la Banque-Carrefour des Entreprises sous le numéro 0403.542.368;
Vu le rapport motivé daté du 25 mars 2004 et les pièces du dossier d'instruction;
Vu le procès-verbal d'audition du 23 mars 2004 de Monsieur Bruno Coppé, représentant permanent de la S.A. Igazi Management, administrateur-délégué de la S.A. AMP, transmis le 26 mars 2004 au président du Conseil de la concurrence et au conseil d'AMP;
Vu les pièces de la procédure;
Entendu à l'audience du 29 mars 2004 : M. le rapporteur Patrick Marchand, assisté de Mesdames Anne Bouillet et Michèle Makoko du Service de la concurrence;
La société anonyme Tondeur Diffusion représentée par son administrateur-délégué, M. Jean-Philippe Tondeur : La société anonyme AMP ayant son siège social à 1070 Bruxelles, rue de la Petite Ile 1, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises, sous le numéro 0403.482.188, représentée conformément à ses statuts par M. Bruno Coppé (représentant permanent d'Igazi Management S.A.) et son conseil, Me Bruno Moulinasse, avocat à Bruxelles;
La société anonyme Press Shop A.L.G., partie intervenante ayant son siège social à 1000 Bruxelles, boulevard du Roi Albert II 30/2, inscrite à la Banque-Carrefour des Entreprises, sous le numéro 0403.517.327, représentée par son administrateur-délégué, Monsieur Alex Williams;
I. LES FAITS La S.A. Tondeur Diffusion est une société qui distribue la presse périodique spécialisée sur l'ensemble du territoire belge. Elle a déposé une plainte contre la S.A. AMP du chef de violation de l'article 3 LPCE (abus de position dominante) en date du 7 février 2003. Cette plainte fait actuellement l'objet d'une instruction par le Service de la concurrence sous la direction du Corps des rapporteurs. La S.A. AMP est une entreprise intégrée verticalement, présente sur le marché de la distribution des produits de presse destinés à la vente au numéro et sur le marché de la vente au détail des produits de presse via sa filiale, la S.A. Press Shop A.L.G. qui exploite les magasins Press Shop et Relay.
AMP est une filiale à 99 % de Hachette Distribution Service et fait ainsi partie du groupe Hachette qui est présent notamment sur le marché de l'édition, la distribution et la diffusion des produits de presse dans plusieurs pays, dont la Belgique, la France, la Suisse, le Canada, les Etats-Unis et l'Espagne.
AMP assure également la distribution de journaux et magazines étrangers. AMP est le principal importateur des produits de presse distribués par NMPP. NMPP est détenu à 49 % par le groupe Hachette, principal distributeur de la presse en France.
Les autres activités d'AMP sont : ? L'activité de grossiste en librairie (distribution de livres); ? la distribution des confiseries "Trendy"; ? la vente et le développement Photos en partenariat avec « Press Labo Service »; ? la livraison en 24h des colis « 3 Suisses »; ? la représentation exclusive des produits « Montblanc » en Belgique (papeteries spécialisées et bijouteries); ? la vente de cartes téléphoniques via sa filiale Alvadis.
Ces autres activités sont peu importantes, AMP réalisant environ 95 % de son chiffre d'affaires dans le secteur de la distribution de la presse.
Tondeur Diffusion et AMP assurent la distribution dans des points de vente, des produits de presse destinés à la vente au numéro aux consommateurs.
Certains points de vente - dont notamment les Press Shop/Relay - ont opté pour un système d'un fournisseur exclusif pour les produits de presse. Ils ont choisi AMP comme fournisseur exclusif. AMP est ainsi chargé pour ces points de vente, de la livraison des produits de presse qu'il distribue mais aussi des produits de presse distribués par les concurrents dont Tondeur Diffusion.
Une convention conclue le 31 octobre 2002 entre AMP et Tondeur Diffusion règle les modalités des prestations de distribution accomplies par AMP pour le compte de Tondeur Diffusion dans les Press Shop/Relay. Cette convention a été élargie par un avenant du 13 mai 2003 à certains magasins Carrefour (soit environ 10 % des magasins Carrefour qui ont un rayon presse.). Avant d'être repris par AMP, ces magasins Carrefour étaient fournis précédemment par un "guichet unique" (un grossiste indépendant). Ils sont désormais livrés par AMP comme fournisseur exclusif pour les produits de presse.
En vertu de cette convention, la récupération des invendus des produits distribués par Tondeur Diffusion et livrés par AMP est effectuée par AMP. Cette convention prévoit notamment en son article 6.6 qu' « AMP s'engage à ce que la différence entre le nombre d'exemplaires invendus physiquement retournés et le nombre d'exemplaires invendus repris sur les attestations d'invendus (c'est-à -dire, invendus crédités aux points de ventes) ne soit pas supérieure à 5 % (exprimée par rapport aux quantités fournies).
L'écart éventuel sera facturé à AMP aux conditions en vigueur ».
L'article 7 de cette convention détermine les règles de facturation et de paiement des produits livrés par Tondeur Diffusion à AMP. L'article 7.1 précise ainsi que " les « produits » livrés par Tondeur Diffusion à AMP lui seront facturés en fin de mois... L'article 7.2 stipule que « Tondeur Diffusion remettra à AMP, pour les invendus, une note de crédit mensuelle,...".
En 2003, Tondeur Diffusion a facturé à AMP des écarts d'invendus relatifs à la période 2001 à 2003, pour une somme globale de plus de euro 400.000, soit en l'espèce notamment une facture du 8 octobre 2003 portant entre autres sur des invendus du premier semestre 2001 et une facture du 24 novembre 2003 portant entre autres sur des invendus du 2e semestre 2001.
Par courrier recommandé du 15 décembre 2003, AMP a contesté officiellement ces factures en indiquant que les invendus font l'objet d'inventaires avant d'être retournés à Tondeur Diffusion. En cas de contestation d'un inventaire, elle devrait être communiquée dans des délais raisonnables qui permettent, en tout cas, la réalisation d'un nouvel inventaire contradictoire. L'écoulement d'un délai de près de trois ans, rend impossible tout nouvel inventaire contradictoire et contraint AMP à refuser la facturation de Tondeur Diffusion. Dans son courrier du 15 décembre 2003, AMP précise encore être à l'entière disposition de Tondeur Diffusion pour organiser à l'avenir, pour les nouveaux retours de marchandises, un inventaire contradictoire à bref délai.
Une autre facture émise par Tondeur Diffusion, datée du 28 novembre 2003 a été reçue par AMP le 23 décembre 2003. Cette facture d'un montant de euro 209.601,55 porte également sur des retours d'invendus relatifs à l'année 2001. Par courrier recommandé du 24 décembre 2003, AMP a également contesté cette dernière facture compte tenu du fait que l'écoulement d'un délai de plus de deux ans rend impossible tout nouvel inventaire contradictoire.
AMP refusant de payer ces factures contestées, Tondeur Diffusion a porté l'affaire en justice, devant le Tribunal de commerce de Bruxelles.
Suite à ces facturations par Tondeur Diffusion et à un échange de correspondance entre Tondeur Diffusion et AMP, cette dernière a exprimé dans un courrier du 4 mars 2004 le souhait de modifier le contrat qui les lie en supprimant la clause relative aux écarts d'invendus et a, par ailleurs invité Tondeur Diffusion à lui adresser une note de crédit annulant l'ensemble des factures d'écarts d'invendus. AMP mentionne dans son courrier du 4 mars 2004 qu'à défaut d'accord sur ces points d'ici le 31 mars 2004, AMP serait évidemment amené à remettre en cause l'ensemble des dispositions contractuelles qui la lient à Tondeur Diffusion.
Le 11 mars 2004, Tondeur Diffusion adresse une demande de mesures provisoires au président du Conseil de la Concurrence tendant « à ordonner à titre conservatoire que la S.A. Press Shop, filiale d'AMP accepte d'être livrée en direct par Tondeur Diffusion, ou à titre subsidiaire, que l'AMP maintienne la situation existante et ne puisse dénoncer ou modifier le contrat qui la lie à Tondeur Diffusion tant que le Conseil de la Concurrence ne s'est pas prononcé au fond ».
Tondeur Diffusion soutient dans cette demande que « L'AMP veut ainsi imposer une modification d'un élément essentiel du contrat et faire annuler les factures établies en réparation de ses fautes. Il ne peut être question pour Tondeur Diffusion de se soumettre à ce chantage, ni de ne plus pouvoir mettre ses magazines en vente dans les Press Shops qui n'acceptent actuellement que l'AMP comme fournisseur de presse... » Lors de son audition du 23 mars 2004, AMP conteste l'affirmation selon laquelle Tondeur ne pourrait plus livrer les Press Shop, ni les magasins Carrefour et confirme son intention de remettre en cause la clause relative aux invendus pour des raisons purement économiques, estimant ne pas avoir les moyens d'assumer les risques des invendus.
AMP précise que la date du 31 mars 2004 est un timing non pour la rupture mais pour la discussion. En aucun cas, AMP n'a dénoncé le contrat.
II. CONDITIONS D'octroi DES MESURES PROVISOIRES En vertu de l'article 35 de la loi sur la protection de la concurrence économique, « le président du Conseil de la Concurrence peut, sur demande du plaignant ou du ministre de l'Economie, prendre des mesures provisoires destinées à suspendre les pratiques restrictives de concurrence faisant l'objet de l'instruction, s'il est urgent d'éviter une situation susceptible de provoquer un préjudice grave, imminent et irréparable aux entreprises dont les intérêts sont affectés par ces pratiques ou de nuire à l'intérêt économique général ».
III. PROCEDURE DEVANT LE PRESIDENT DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE Lors de l'audience, après avoir rappelé les rétroactes de la procédure et l'objet de sa demande de mesures provisoires, Tondeur Diffusion considère qu'AMP abuse de sa position dominante en voulant mettre un terme au contrat qui les lie, sans livraison directe possible dans les Press Shop, en insistant sur l'importance des dommages qui résulterait dans son chef de ne plus pouvoir livrer aux Press Shop par le biais d'AMP. AMP estime que les conditions requises par l'article 35 LPCE pour que des mesures provisoires puissent être prononcées, ne sont pas réunies en l'espèce étant donné qu'il n'y a pas d'infraction prima facie à la loi sur la protection de la concurrence économique, qu'il n'y a pas de préjudice irréparable étant donné que M. Tondeur peut négocier avec Press Shop et qu'il n'y a pas de préjudice grave, imminent étant donné que la date du 31 mars 2004 visée dans le courrier d'AMP du 4 mars 2003, n'était qu'indicative.
Compte tenu des débats à l'audience et du fait qu'une solution amiable semblait pouvoir se dégager, une remise d'au-moins deux mois a été sollicitée par les parties afin de permettre la négociation d'un accord. AMP s'est en outre formellement engagée à ne pas demander ou poursuivre une rupture du contrat conclu avec Tondeur Diffusion, durant cette période. Cette remise a ainsi été accordée.
Par courrier daté du 1er juin 2004, le conseil d'AMP, en accord avec M. Tondeur, a fait savoir au président du Conseil de la concurrence que les discussions entre Tondeur Diffusion et Press Shop progressent sensiblement et que les pourparlers sont avancés et permettent d'espérer un accord dans un délai assez rapproché. Dans ces circonstances, il paraît opportun de fixer un délai complémentaire jusqu'au début septembre permettant aux parties Tondeur et Press Shop de finaliser leurs discussions. Le conseil d'AMP confirme par ailleurs dans ce courrier que dans l'intervalle, sa cliente, la société AMP, s'engage à ne pas mettre fin unilatéralement au contrat en cours conclu avec Tondeur Diffusion.
Par courrier daté du 30 août 2004, Tondeur Diffusion a fait savoir au président du Conseil de la Concurrence que les négociations entre Tondeur Diffusion et Press Shop viennent d'aboutir à un accord de livraison directe et qu'un préavis de trois mois a aussitôt été adressé à l'AMP. Par courrier du 2 septembre 2004, le conseil d'AMP a fait savoir au président du Conseil de la Concurrence que la demande de mesures provisoires introduite par Tondeur Diffusion était devenue manifestement sans objet et pouvait être classée. Cette demande était en effet déposée suite à une « soi-disant menace pour la société AMP de mettre fin au contrat liant les parties ... Les sociétés Tondeur Diffusion et Press Shop ont conclu un accord et conséquemment, la société Tondeur Diffusion a rompu son contrat avec AMP ... ».
Par courrier du 20 janvier 2005, Tondeur Diffusion a également fait savoir que « l'accord convenu avec Press Shop a bien été mis en pratique depuis début décembre, et ceci de façon satisfaisante.
Les mesures provisoires demandées à l'encontre de AMP sont donc devenues sans objet ».
Attendu qu'il y a lieu de constater, comme les parties l'ont expressément fait savoir, que suite à l'audience, un accord a pu intervenir entre Tondeur Diffusion et Press Shop, filiale de AMP et que le contrat liant AMP et Tondeur Diffusion a été dénoncé par Tondeur Diffusion.
Que dans ces conditions, la demande de mesures provisoires datée du 11 mars 2004 introduite par la S.A. Tondeur Diffusion, n'a plus d'objet.
Par ces motifs, Nous, Patrick De Wolf, vice-président faisant fonction de président du Conseil de la Concurrence, constatons que la demande de mesures provisoires introduire par la S.A. Tondeur Diffusion et enregistrée au secrétariat du Conseil de la Concurrence sous la référence CONC-V/M-04/0018 est devenue sans objet.
Ainsi décidé le 18 mars 2005 par Patrick De Wolf, vice-président faisant fonction de président du Conseil de la Concurrence.