publié le 21 novembre 2016
Extrait de l'arrêt n° 128/2016 du 13 octobre 2016 Numéro du rôle : 6117 En cause : le recours en annulation des articles XI.212, XI.213 et XI.225 du Code de droit économique, insérés par l'article 3 de la loi du 19 avril 2014 « portant insert La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 128/2016 du 13 octobre 2016 Numéro du rôle : 6117 En cause : le recours en annulation des articles XI.212, XI.213 et XI.225 du Code de droit économique, insérés par l'article 3 de la
loi du 19 avril 2014Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
19/04/2014
pub.
12/06/2014
numac
2014011298
source
service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie
Loi portant insertion du livre XI "Propriété intellectuelle" dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XI dans les livres I, XV et XVII du même Code
type
loi
prom.
19/04/2014
pub.
28/05/2014
numac
2014011266
source
service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie
Loi portant insertion du livre VII "Services de paiement et de crédit » dans le Code de droit économique, portant insertion des définitions propres au livre VII et des peines relatives aux infractions au livre VII, dans les livres I et XV du Code de droit économique, et portant diverses autres dispositions
fermer « portant insertion du Livre XI ' Propriété intellectuelle ' dans le Code de droit économique, et portant insertion des dispositions propres au Livre XI dans les Livres I, XV et XVII du même Code », introduit par la SC SCRL « Agicoa Europe Brussels » et la SC SCRL « Beheers- en belangenvennootschap voor Audiovisuele Producten ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 décembre 2014 et parvenue au greffe le 16 décembre 2014, un recours en annulation des articles XI.212, XI.213 et XI.225 du Code de droit économique, insérés par l'article 3 de la loi du 19 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/04/2014 pub. 12/06/2014 numac 2014011298 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant insertion du livre XI "Propriété intellectuelle" dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XI dans les livres I, XV et XVII du même Code type loi prom. 19/04/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014011266 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant insertion du livre VII "Services de paiement et de crédit » dans le Code de droit économique, portant insertion des définitions propres au livre VII et des peines relatives aux infractions au livre VII, dans les livres I et XV du Code de droit économique, et portant diverses autres dispositions fermer « portant insertion du Livre XI ' Propriété intellectuelle ' dans le Code de droit économique, et portant insertion des dispositions propres au Livre XI dans les Livres I, XV et XVII du même Code » (publiée au Moniteur belge du 12 juin 2014 et du 27 juin 2014, errata) a été introduit par la SC SCRL « Agicoa Europe Brussels » et la SC SCRL « Beheers- en belangenvennootschap voor Audiovisuele Producten », assistées et représentées par Me J. Windey, avocat au barreau de Bruxelles, et Me F. Jongen, avocat au barreau du Brabant wallon. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contenu B.1. L'article XI.212 du Code de droit économique (ci-après : CDE), inséré par l'article 3 de la loi du 19 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/04/2014 pub. 12/06/2014 numac 2014011298 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant insertion du livre XI "Propriété intellectuelle" dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XI dans les livres I, XV et XVII du même Code type loi prom. 19/04/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014011266 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant insertion du livre VII "Services de paiement et de crédit » dans le Code de droit économique, portant insertion des définitions propres au livre VII et des peines relatives aux infractions au livre VII, dans les livres I et XV du Code de droit économique, et portant diverses autres dispositions fermer « portant insertion du Livre XI ' Propriété intellectuelle ' dans le Code de droit économique, et portant insertion des dispositions propres au Livre XI dans les Livres I, XV et XVII du même Code », dispose : « Sans préjudice du droit de l'auteur lorsque la prestation d'un artiste-interprète ou exécutant est licitement reproduite ou radiodiffusée, l'artiste-interprète ou exécutant et le producteur ne peuvent s'opposer : 1° à son exécution publique, à condition que cette prestation ne soit pas utilisée dans un spectacle et qu'un droit d'accès à ce lieu ou une contrepartie pour bénéficier de cette communication n'est pas perçue à charge du public;2° à sa radiodiffusion ». L'article XI.213 du CDE, inséré par l'article 3 précité, dispose : « L'utilisation de prestations, conformément à l'article XI.212, donne droit, quel que soit le lieu de fixation, à une rémunération équitable au profit des artistes-interprètes ou exécutants et des producteurs.
Le Roi détermine le montant de la rémunération équitable qui peut être différencié en fonction des secteurs concernés. Il peut déterminer les modalités selon lesquelles l'exécution de prestations doit être effectuée afin de revêtir un caractère public au sens de l'article XI.212, 1°.
Le Roi fixe les modalités de perception, de répartition et de contrôle de la rémunération ainsi que le moment où celle-ci est due.
La rémunération est versée par les personnes procédant aux actes prévus à l'article XI.212 aux sociétés de gestion des droits, visées au chapitre 9 du présent titre.
Les débiteurs de la rémunération sont tenus dans une mesure raisonnable de fournir les renseignements utiles à la perception et à la répartition des droits.
Le Roi détermine les modalités selon lesquelles ces renseignements et documents seront fournis ».
L'article XI.225 du même Code, inséré par l'article 3 de la loi précitée, dispose : « § 1er. Lorsqu'un auteur ou un artiste-interprète ou exécutant a cédé son droit d'autoriser ou d'interdire la retransmission par câble à un producteur d'oeuvre audiovisuelle, il conserve le droit d'obtenir une rémunération au titre de la retransmission par câble. § 2. Le droit d'obtenir une rémunération au titre de la retransmission par câble, tel que prévu au paragraphe 1er, est incessible et ne peut pas faire l'objet d'une renonciation de la part des auteurs ou artistes- interprètes ou exécutants. Cette disposition est impérative. § 3. La gestion du droit des auteurs d'obtenir une rémunération, prévue au paragraphe 1er, ne peut être exercée que par des sociétés de gestion des droits représentant des auteurs.
La gestion du droit des artistes-interprètes ou exécutants d'obtenir une rémunération, prévue au paragraphe 1er, ne peut être exercée que par des sociétés de gestion des droits représentant des artistes- interprètes ou exécutants. § 4. Sans préjudice du deuxième alinéa, les organismes de radiodiffusion qui gèrent le droit d'autoriser la retransmission par câble, visé à l'article XI.223, en ce qui concerne leurs propres émissions, les sociétés de gestion qui gèrent les droits d'autoriser ou d'interdire la retransmission par câble, visés à l'article XI.224, paragraphe premier, et les sociétés de gestion qui gèrent le droit à rémunération prévu au paragraphe premier, mettent en place une plateforme unique pour la perception des droits précités.
Après avis du comité de concertation, le Roi détermine les conditions auxquelles cette plateforme doit répondre. Il peut, sur base de critères objectifs, limiter la composition et la portée de la plateforme unique, notamment en ce qui concerne certaines catégories d'ayants droit.
Après avis du comité de concertation, le Roi détermine la date d'entrée en vigueur de la plateforme unique. § 5. Tant que la plateforme unique, prévue au paragraphe 4 n'est pas mise en place, le droit à rémunération prévu au § 1er peut être réclamé directement par les sociétés de gestion des droits auprès des câblodistributeurs ».
B.2. L'article XI.212 du CDE est la reprise de l'article 41 de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution fermer relative au droit d'auteur et aux droits voisins, sous réserve qu'au 1°, les mots « à sa communication dans un lieu public » ont été remplacés par les mots « à son exécution publique ».
L'article XI.213 du CDE est la reprise, partielle, de l'article 42 de la loi précitée du 30 juin 1994.
L'article XI.225 du CDE est entièrement nouveau.
B.3. L'exposé des motifs indique : « La présente codification est, pour l'essentiel, effectuée à droit constant. Cela signifie que, sauf mention expresse d'une modification ou d'un ajout, les dispositions du livre XI reproduisent sans changement la législation telle qu'elle a été adoptée par le législateur avant l'entrée en vigueur de ce livre.
L'exercice de codification a toutefois été mis à profit afin d'apporter un certain nombre de modifications en vue soit de rationaliser la législation existante et d'accroître la sécurité juridique, soit de transposer des directives européennes, soit encore de renforcer la transparence de la gestion du droit d'auteur et des droits voisins. [...] Ces adaptations ont notamment pour objectifs : [...] - de simplifier la fixation des tarifs en matière de rémunération équitable; [...] - de préciser, unifier et rendre plus transparent le droit de retransmission par câble des auteurs et des artistes-interprètes ou exécutants et de garantir la rémunération pour la retransmission; » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3391/001 et 53-3392/001, pp. 5 et 9).
L'objectif de la simplification de la fixation des tarifs en matière de rémunération équitable s'est traduit par la suppression, dans les procédures prévues à l'article XI.213, de l'intervention d'une Commission pour la fixation de la rémunération équitable, fixation désormais réservée au Roi. Cette modification n'est pas attaquée par les parties requérantes.
L'objectif de préciser, unifier et rendre plus transparent le droit de retransmission par câble des auteurs et des artistes-interprètes ou exécutants et de leur garantir une rémunération pour la retransmission par câble a été réalisé, notamment, par l'ajout de l'article XI.225 du CDE. Quant à l'étendue du recours B.4. Les parties requérantes sollicitent l'annulation des articles XI.212, XI.213 et XI.225 du CDE. Elles prennent un moyen unique de la violation par les dispositions précitées des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.5.1. La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.
B.5.2. Le Conseil des ministres soutient que la requête est irrecevable en ce qu'elle sollicite l'annulation de l'article XI.213 du CDE, les développements du moyen unique ne portant en rien sur cette disposition.
B.5.3. L'article XI.212 du CDE impose aux titulaires de droits voisins du droit d'auteur, et notamment aux producteurs représentés par les parties requérantes, un mécanisme de licence obligatoire (dite licence légale) en cas d'exécution publique gratuite ou de radiodiffusion des prestations d'un artiste-interprète ou exécutant, ce qui prive ces titulaires du droit de s'opposer à la communication publique de la prestation. L'article XI.213 du même Code prévoit une contrepartie au mécanisme de la licence obligatoire par la rémunération équitable qu'il instaure au bénéfice des titulaires de droits voisins du droit d'auteur, rémunération qui doit être déterminée par le Roi.
B.5.4. Même si les parties requérantes ne consacrent pas à l'article XI.213 du CDE de longs développements, elles soutiennent toutefois que la rémunération équitable en faveur des producteurs titulaires de droits voisins du droit d'auteur « étant généralement inférieure aux droits corrélatifs à l'autorisation, les producteurs d'oeuvres audiovisuelles sont lésés par l'application de ce mécanisme ». Par ailleurs, en faisant valoir que les producteurs d'oeuvres audiovisuelles peuvent aussi, en cette qualité, être tenus de payer une rémunération équitable aux artistes-interprètes ou exécutants dont ils exécutent les oeuvres publiquement, les parties requérantes montrent à suffisance que les articles XI.212 et XI.213 sont à ce point liés qu'elles ont intérêt à en demander l'annulation conjointe.
B.5.5. L'exception est rejetée.
Quant à la recevabilité des moyens nouveaux introduits par les parties intervenantes et requérantes B.6. Une partie intervenante ne peut modifier ou étendre le recours originaire.
L'intervention de la société « Medialaan », fondée sur l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, est irrecevable en tant qu'elle demande à la Cour de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, relativement à la compatibilité de l'article XI.225 du CDE avec plusieurs dispositions du droit de l'Union européenne, dispositions dont la violation n'est pas invoquée dans la requête, ce qui constitue un moyen nouveau.
Il en est de même s'agissant des parties intervenantes « Nethys » et « Brutélé » qui invitent également la Cour à interroger la Cour de justice de l'Union européenne relativement à la compatibilité de l'article XI.225 au regard des mêmes dispositions du droit de l'Union européenne.
B.7.1. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes soutiennent pour la première fois que l'article XI.225 du CDE violerait la directive 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (ci-après : la directive 93/83/CEE) et allèguent une nouvelle discrimination au détriment des producteurs qui résulterait de la dissociation opérée entre le droit à autorisation et la gestion de la rémunération.
B.7.2. L'invocation par les parties requérantes, dans leur mémoire en réponse, de la violation de la directive 93/83/CEE constitue un moyen nouveau qui ne peut être admis, en vertu de l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
B.8. Toutefois, la Cour tient compte, pour l'examen de la compatibilité de la disposition attaquée avec les articles 10 et 11 de la Constitution, des dispositions pertinentes du droit international et du droit européen en la matière.
Quant aux articles XI.212 et XI.213 du CDE B.9. Les parties requérantes soutiennent que les articles XI.212 et XI.213 du CDE sont discriminatoires en ce qu'ils traitent de façon identique deux catégories de producteurs, à savoir les producteurs de phonogrammes, d'une part, et les producteurs d'oeuvres audiovisuelles, d'autre part. Il existerait plusieurs différences factuelles et concrètes entre les prestations de ces deux catégories de producteurs, de sorte que les dispositions attaquées ne pourraient les traiter de manière identique sans violer les articles 10 et 11 de la Constitution.
Les parties requérantes font valoir que des différences factuelles existeraient en ce qui concerne les conditions de communication au public : les exécutions publiques gratuites ou les radiodiffusions des prestations musicales seraient fréquentes et difficilement individualisables; elles seraient de courte durée et fréquemment utilisées comme fond sonore d'autres activités. A l'inverse, de telles utilisations de prestations audiovisuelles seraient plus rares en raison des difficultés pratiques qu'elles entraînent : les oeuvres seraient plus longues, elles nécessiteraient un matériel de diffusion plus lourd et requerraient un surcroît d'attention du public.
Elles font encore valoir que des différences importantes existeraient en ce qui concerne les conditions de production, en particulier quant au financement, des oeuvres audiovisuelles. D'une part, en application de l'article XI.182 du CDE, le producteur d'une oeuvre audiovisuelle bénéficie, sauf stipulation contractuelle contraire, d'une cession des droits exclusifs des auteurs quant à l'exploitation de l'oeuvre.
D'autre part, le financement des productions audiovisuelles nécessite de pouvoir négocier des cofinancements, avec entre autres des radiodiffuseurs, dont la contrepartie consiste en des contrats de priorité ou d'exclusivité de diffusion, contrats englobant l'ensemble des droits d'exploitation, en ce compris tant les droits d'auteur que les droits voisins.
La partie intervenante « Medialaan » soutient qu'aucun objectif légitime de cette disposition n'aurait été énoncé dans les travaux préparatoires.
B.10. Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution fermer relative aux droits d'auteur à l'origine des dispositions aujourd'hui insérées dans le CDE, le législateur fixe dans ces termes les objectifs qu'il assigne aux droits voisins des droits d'auteur : « 3° Tout un chapitre de la proposition de loi est destiné à reconnaître les droits qualifiés traditionnellement de droits voisins du droit d'auteur, c'est-à -dire les droits des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et/ou de video-grammes ainsi que des organismes de radiodiffusion.
Notre objectif est d'établir un texte légal définissant avec précision des droits qui ne sont pas toujours clairement reconnus par la jurisprudence, et permettant aux différents titulaires d'obtenir une rémunération pour certaines utilisations de leurs prestations.
Il s'agit notamment de reconnaître aux artistes-interprètes le droit fondamental d'autoriser ou d'interdire certaines utilisations de leurs prestations, le droit d'exiger que leur nom y soit associé et enfin de s'opposer à toute modification ou déformation de celles-ci.
Ces artistes-interprètes bénéficieront d'une rémunération équitable lors de la radiodiffusion ou de la distribution par câble (simultanée et intégrale) d'une émission de radiodiffusion ou de la communication dans un lieu public de phonogrammes édités à des fins de commerce, auxquels leur interprétation est intégrée.
Il est prévu qu'un relevé des recettes doit leur être communiqué une fois l'an.
De manière analogue à ce qui est prescrit pour les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et/ou de videogrammes jouissent d'un droit d'autoriser ou d'interdire certaines utilisations de leur production.
Une rémunération équitable est, en outre, accordée aux producteurs de phonogrammes lorsqu'un phonogramme publié à des fins de commerce fait l'objet de certains types d'exploitation, telles que la radiodiffusion, la communication publique,... » (Doc. parl., Sénat, SE 1991-1992, n° 145-1, pp. 10 et 11).
Au cours des travaux préparatoires, le groupe d'experts chargé par la Chambre de remettre un avis sur la proposition de loi a observé : « cette section contient des dispositions qui devraient se rapporter également au secteur audiovisuel étant entendu que les producteurs de premières fixations de films ne voient en rien diminuer par cette section tous les droits qu'ils détiennent comme titulaires de droits d'auteur » (Doc. parl., Chambre, SE 1991-1992, n° 473/33, p. 244).
Il a encore relevé : « l'existence d'un système de licence légale en matière de droits voisins ne porte nullement préjudice aux droits exclusifs de l'auteur.
Cela signifie dans le domaine audiovisuel, que la communication au public de films dans le cas particulier visé ci-avant [c'est-à -dire la communication radiodiffusée] ne requiert pas l'autorisation des titulaires des droits voisins mais bien celle des titulaires du droit d'auteur, et donc des producteurs de films » (ibid., p. 245).
B.11.1. Les articles XI.212 et XI.213, attaqués, du CDE figurent dans le titre 5, chapitre 3, du livre XI du CDE, sous l'intitulé « Des droits voisins ». Les dispositions relatives aux droits d'auteur font l'objet du chapitre 2 de ce même titre.
Le droit d'auteur comprend une série de prérogatives ou droits exclusifs définis dans le chapitre 2 (« Droit d'auteur ») du titre 5 (ce dernier étant intitulé : « Droit d'auteur et droits voisins »), tout spécialement à l'article XI.165. Parmi les droits d'auteur appliqués à une oeuvre, il y a notamment « le droit de la communiquer au public par un procédé quelconque » (article XI.165, § 1er, alinéa 4). Ce droit de communication au public couvre notamment le droit d'exécution en public (jouer sur scène une pièce de théâtre ou montrer un film dans une salle de projection) et le droit de radiodiffusion (diffuser par les ondes des oeuvres comme de la musique ou des oeuvres audiovisuelles). Ces droits d'auteur ont la caractéristique d'être exclusifs, en ce sens que le titulaire de ces droits peut ou non donner ou refuser une autorisation à quelqu'un qui souhaite utiliser l'oeuvre (par exemple une salle de concert ou une chaîne de télévision). En pratique, les auteurs ou ceux qui ont obtenu les droits d'auteur par cession, comme les producteurs, vont autoriser divers usages aux conditions et selon la rémunération qu'ils déterminent de commun accord avec les utilisateurs. Les producteurs dans le domaine musical et le domaine audiovisuel disposent donc de droits d'auteur exclusifs qui leur permettent d'entrer en négociation et de valoriser leur catalogue d'oeuvres, ce qui leur permet en définitive de financer leurs activités de production. La possibilité de refuser l'autorisation renforce la position des producteurs dans la négociation avec les utilisateurs. Les droits d'exécution en public et de radiodiffusion dont les producteurs disposent par l'effet des contrats de cession des droits d'auteur (ou, s'agissant des producteurs audiovisuels, par l'effet de la présomption légale) ne sont pas soumis à un régime de licence légale.
Les producteurs, tant dans le domaine musical que dans le domaine audiovisuel, sont également titulaires originaires de droits voisins.
Ces droits voisins ont été largement définis et imposés à la fois par la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (remplaçant la directive 92/100/CEE du 19 novembre 1992) et par la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Ces droits exclusifs des producteurs musicaux et audiovisuels sont consacrés en droit belge à l'article XI.209, lequel prévoit par exemple que « le producteur a seul le droit de communiquer au public par un procédé quelconque le phonogramme ou la première fixation du film » (article XI.209, § 1er, alinéa 4). Ce droit voisin de communication au public comprend le droit de contrôler l'exécution publique et la radiodiffusion, de la même manière que le droit de communication au public reconnu pour le droit d'auteur permet d'autoriser ou d'interdire l'exécution publique et la radiodiffusion.
Mais ce droit voisin porte sur les prestations protégées par le droit voisin des producteurs, à savoir le phonogramme (pour le domaine musical) et la première fixation de film (pour le domaine audiovisuel).
Le « phonogramme » est défini comme « la fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons autre que sous la forme d'une fixation incorporée dans une oeuvre cinématographique ou une autre oeuvre audiovisuelle » et le « producteur d'un phonogramme » est « la personne physique ou morale qui prend l'initiative et assume la responsabilité de la première fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou des représentations de sons » (voir article 2, b) et d), du Traité de l'Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (Traité WPPT), adopté à Genève le 20 décembre 1996). Alors que la composition musicale (suite de notes) ou le texte (pour une chanson) sont protégés comme oeuvres par le droit d'auteur, le droit voisin du producteur vaut pour le travail de fixation des sons qui est habituellement réalisé en studio par des ingénieurs de sons puis reproduit sur des supports qui peuvent varier (disque CD, etc.). Pour la plupart des phonogrammes, il y a superposition d'un droit d'auteur sur la composition ou le texte, habituellement cédé à l'éditeur de musique, et d'un droit voisin du producteur, à savoir une maison de disques, qui peut, en outre, avoir obtenu par cession contractuelle le droit voisin de l'artiste qui interprète ou exécute la composition musicale. Certains rares phonogrammes, par exemple un enregistrement de sons d'oiseaux ou d'une foule (par opposition à un enregistrement d'une exécution), ne sont protégés que par un droit voisin (vu l'absence d'exécution d'une oeuvre musicale).
Il en va de même dans le domaine de l'audiovisuel. Le producteur est aussi la personne responsable de la première fixation. La directive 2006/115/CE (article 9) et la directive 2001/29/CE (articles 2 et 3) consacrent divers droits des « producteurs des premières fixations de films » sur « l'original » et les « copies de leurs films ». Ces droits voisins pour l'audiovisuel vont au-delà du minimum international (« Traité WPPT ») prévu uniquement pour la musique. Le « film » est lui-même défini à l'article 2(1)(c) de la directive 2006/115/CE comme « une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle ou une séquence animée d'images, accompagnées ou non de son ». Comme le phonogramme en matière musicale, le film résulte de la première fixation (ici d'une séquence animée d'images); en outre, comme en matière musicale, le « film » reprend soit une oeuvre (une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle protégée à travers la réalisation, le scénario, les dialogues originaux, etc.), soit des images qui ne sont pas protégées par le droit d'auteur (une séquence non originale d'images, par exemple celle d'un volcan en éruption, d'une foule qui danse dans une discothèque, d'un événement sportif pris à partir d'une caméra fixe, etc.). Pour ces derniers « films », il n'y a pas de droit d'auteur (ni d'artiste-interprète ou exécutant), mais uniquement un droit voisin du producteur.
B.11.2. Les dispositions attaquées ne modifient en rien les droits exclusifs que détient un auteur, ce que confirme d'ailleurs l'article XI.203 du CDE qui figure au début du chapitre 3, qui dispose : « Les dispositions du présent chapitre ne portent pas atteinte aux droits de l'auteur. Aucune d'entre elles ne peut être interprétée comme une limite à l'exercice du droit d'auteur. [...] ».
Ainsi, le régime de licence obligatoire qui est attaqué par les parties requérantes ne vise que les droits voisins du droit d'auteur à l'exception des droits d'auteur exclusifs que peuvent détenir les producteurs d'oeuvres audiovisuelles, tels que le droit de communication au public inclus dans les droits d'auteur sur les oeuvres audiovisuelles et les droits d'auteur qui auraient été cédés par un auteur à un producteur d'oeuvres audiovisuelles, c'est-à -dire des droits d'auteur dérivés, lesquels bénéficient de la même exclusivité.
Dans la mesure où les parties requérantes considèrent que les dispositions attaquées s'appliqueraient aux droits d'auteur, y compris aux droits d'auteur qui auraient été cédés aux producteurs de phonogrammes ou d'oeuvres audiovisuelles, elles se méprennent sur la portée des dispositions attaquées. En effet, les producteurs d'oeuvres audiovisuelles protégées par les droits d'auteur conservent leurs droits exclusifs parmi lesquels le droit d'autoriser pour la première fois l'exécution publique (notamment l'exploitation en salle) ou la radio- et télédiffusion. Ces droits exclusifs leur permettent donc de fixer, avec les utilisateurs de ces oeuvres et par la négociation, les conditions exactes de l'exécution publique et de la radiodiffusion, en ce compris la rémunération en contrepartie.
B.12. Aux termes de l'article XI.212 du CDE, les prestations d'un artiste-interprète ou d'un exécutant ainsi que celles d'un producteur de phonogrammes et de première fixation de films sont soumises au régime de la licence obligatoire lorsque ces prestations sont exécutées publiquement et gratuitement en dehors d'un spectacle ou lorsque ces prestations font l'objet d'une radiodiffusion. Par l'effet de ce régime de licence obligatoire, les artistes-interprètes ou exécutants et les producteurs titulaires d'un droit voisin du droit d'auteur n'ont plus le droit exclusif de refuser ou d'accepter ces prestations mais, en contrepartie, l'article XI.213 du CDE prévoit une rémunération équitable à leur profit.
Le régime de la licence légale obligatoire vise donc l'exécution secondaire d'une oeuvre déjà exécutée sur un phonogramme ou sur un support audiovisuel, l'exécution « publique » visée par la disposition attaquée se faisant « en dehors d'un spectacle » c'est-à -dire en réalité à partir d'un appareil de communication (lecteur de CD, etc.) à l'exclusion, comme il a été dit en B.11, de la première fixation de l'exécution d'une oeuvre sur un phonogramme ou sur un support audiovisuel, exécution qui est protégée par un droit d'auteur exclusif, qu'il soit originaire ou qu'il ait été cédé à un producteur.
B.13. Les différences factuelles relevées dans leurs mémoires par les parties requérantes et par la partie intervenante « Medialaan » et rappelées en B.9, sont des arguments d'opportunité, par ailleurs contestés, qui n'expliquent ni ne suffisent à justifier pourquoi une différence de traitement devrait être faite entre les deux types de production ni en quoi, partant, les dispositions attaquées violeraient les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.14. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le législateur a pu raisonnablement, et de manière éclairée, étendre le système de la licence légale aux producteurs audiovisuels.
B.15. Le moyen n'est pas fondé en ce qu'il vise les articles XI.212 et XI.213 du CDE. Quant à l'article XI.225 du CDE B.16. L'article XI.225 du CDE permet à l'auteur ou à l'artiste-interprète ou exécutant qui a cédé son droit d'autoriser ou d'interdire la retransmission par câble à un producteur d'oeuvres audiovisuelles, de conserver le droit d'obtenir une rémunération au titre de la retransmission par câble, cette rémunération devant être versée directement à la société qui gère ses droits. Les parties requérantes reprochent à cette disposition de ne pas garantir cette rémunération au producteur qui a cédé ses droits à un autre producteur, ce qui créerait une discrimination au détriment d'une catégorie d'ayants droit qui ne serait ni objectivement, ni raisonnablement justifiée.
B.17.1. Le mécanisme mis en place par l'article XI.225 du CDE, dont seuls les trois premiers paragraphes font l'objet de développements dans la requête, procède de la volonté du législateur de garantir que la rémunération au titre de la retransmission par câble soit effectivement perçue par les auteurs à travers une société de gestion collective de leurs droits d'auteur ainsi que par les artistes-interprètes ou exécutants à travers une société de gestion collective de leurs droits voisins. L'exposé des motifs de la disposition attaquée l'explique en ces termes : « Il est inséré un nouvel article XI.225. Ce nouvel article XI.225 ne porte pas atteinte à l'objectif du législateur de 1994, à savoir permettre une exploitation fluide de la retransmission par câble.
L'article XI.225 vise à garantir que la rémunération au titre de la retransmission par câble arrive, à travers leur propre société de gestion, auprès des ayants droit visés par le législateur. Le législateur estime en effet que les intérêts des ayants droit sont le mieux servis par la société de gestion qui gère les droits de cette catégorie d'ayants droit. Le nouvel article XI.225 stipule dès lors que, même lorsque l'auteur ou l'artiste-interprète ou exécutant a cédé son droit d'autoriser ou d'interdire la retransmission par câble à un producteur d'une oeuvre audiovisuelle, il conserve le droit à rémunération pour la retransmission par câble, dont le législateur précise qu'il ne peut pas faire l'objet d'une renonciation. Il convient également de préciser, à la demande du Conseil de la Propriété Intellectuelle, que les auteurs et les artistes-interprètes ou exécutants ne peuvent pas céder par contrat le droit à rémunération pour la retransmission par câble. Les présomptions de cession au profit du producteur d'oeuvres audiovisuelles, prévues aux articles XI.183 et XI.206, ne s'appliquent pas aux droits à rémunération qui reviennent aux auteurs et aux artistes-interprètes ou exécutants. La gestion de ce droit à rémunération reste cependant, comme le droit d'autoriser ou d'interdire la retransmission par câble, soumise à une gestion collective obligatoire. Selon le législateur, la propre société de gestion offre les meilleures garanties d'un traitement efficace des intérêts de cette catégorie d'ayants droit.
Dans la mesure où le droit à rémunération est d'application en vertu de l'article XI.289 de la loi, les paragraphes 2 et 3 de l'article XI.225 ne portent pas atteinte aux dispositions pertinentes du droit international privé. Ainsi, les auteurs et les artistes-interprètes étrangers qui, en vertu de l'article XI.289 de la loi ont le droit de demander un droit à rémunération pour la retransmission par câble en Belgique, pourraient transférer ce droit au producteur d'oeuvres audiovisuelles. Ce transfert sera déterminé conformément à la loi qui est d'application à la titularité du droit d'auteur et des droits voisins en vertu des articles 93-94 du Code de D [roit]I [nternational]P [rivé]. Dans le cas où le droit à rémunération est conformément aux règles pertinentes du droit international privé, transféré au producteur d'oeuvres audiovisuelles, la gestion du droit à rémunération pour la retransmission par câble peut être effectuée par les sociétés de gestion des droits qui représentent les producteurs.
Afin de prévoir une exploitation fluide des oeuvres audiovisuelles par les câblodistributeurs, le quatrième paragraphe prévoit la création, d'un guichet unique pour la perception des droits de retransmission par câble. Ce guichet unique permettra de mener de manière collective les négociations entre, d'une part, les ayants droit (les organismes de radiodiffusion qui, pour leurs propres émissions, exercent le droit d'autoriser la retransmission par câble, et les sociétés de gestion qui gèrent le droit exclusif ou le droit à rémunération pour la retransmission par câble) et d'autre part, les câblodistributeurs, et de conclure un contrat collectif. Cela offrira à ces derniers l'avantage de savoir à combien s'élèvera la rémunération globale pour la retransmission par câble des émissions.
Le Roi déterminera la date d'entrée en vigueur du guichet unique. Cela permet, par exemple, de faire entrer cette disposition en vigueur plus tôt ou plus tard. Le Roi déterminera, également, après consultation du comité de concertation, prévu à l'article XI.282, des organismes de radiodiffusion et [des] sociétés de gestion concernés, sur base de critères objectifs, les conditions auxquelles le guichet unique doit répondre, notamment en ce qui concerne sa composition et sa portée.
Les organismes de radiodiffusion pourraient ainsi, sur base de critères objectifs, ne pas faire partie du guichet unique.
Tant que le guichet unique n'est pas mis en place, le droit à rémunération peut être réclamé directement auprès des câblodistributeurs par les sociétés de gestion des droits.
Il convient encore de souligner que les modifications légales proposées à l'article 225, n'ont pas pour objectif de modifier le montant total des droits d'auteur et des droits voisins actuellement payés par les exploitants d'oeuvres audiovisuelles pour la retransmission par câble, mais au contraire d'assurer une répartition plus équilibrée entre les différentes catégories d'ayants droit » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3391/001 et 53-3392/001, pp. 41 à 43).
Ainsi, l'article XI.225 du CDE prévoit que, même lorsqu'un auteur ou un artiste-interprète ou un exécutant a cédé son droit d'autoriser ou d'interdire la retransmission par câble à un producteur d'oeuvres audiovisuelles, il conserve un droit à la rémunération pour la retransmission par câble (article XI.225, § 1er), droit dont le législateur précise qu'il ne peut faire l'objet d'une renonciation (article XI.225, § 2) et que ce droit est soumis à une gestion collective obligatoire par la société gérant cette catégorie de droits (article XI.225, § 3). Pour faciliter les négociations entre les différentes parties, tant pour les droits exclusifs pour la retransmission par câble (article XI.225, § 1er) que pour les droits de rémunération incessibles (article XI.225, § 2), le législateur prévoit que soit mise en place une plateforme unique pour la perception de ces droits (article XI.225, § 4) et qu'aussi longtemps que celle-ci n'est pas en place, le droit incessible à une rémunération peut être réclamé directement par les sociétés de gestion auprès des câblodistributeurs (article XI.225, § 5).
B.17.2. L'article XI.225, comme les articles XI.223 et suivants du CDE, transpose en droit belge les dispositions en matière de retransmission par câble de la directive 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993 « relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble ».
L'article XI.223 du CDE, qui n'est pas attaqué, prévoit un droit exclusif de retransmission par câble, ce qui implique que les câblodistributeurs doivent obtenir une autorisation des auteurs et des titulaires de droits voisins du droit d'auteur pour distribuer par le câble des programmes protégés.
L'article XI.224 du CDE, qui n'est pas non plus attaqué, prévoit que ce droit exclusif est soumis à un système de gestion collective obligatoire. Il en résulte que les producteurs audiovisuels (pour les droits d'auteur qui leur ont été cédés et pour leurs droits voisins) et les artistes-interprètes ou exécutants (pour leurs droits voisins) ne peuvent pas exercer individuellement ces droits exclusifs : seule une société de gestion collective de droits peut le faire.
L'objectif de ce mécanisme est double : d'une part, il s'agit de garantir une rémunération adéquate des ayants droit, à savoir les titulaires d'un droit d'auteur et d'un droit voisin, un mécanisme de licence légale ayant été expressément rejeté par le législateur européen. Les considérants 21 et 24 de la directive 93/83/CEE expliquent ce premier objectif : « (21) considérant qu'il est nécessaire de veiller à ce que la protection des auteurs, des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion soit accordée dans tous les Etats membres et qu'elle ne soit pas soumise à un régime de licences prévu par la loi; que c'est le seul moyen d'éviter que d'éventuelles disparités du niveau de protection à l'intérieur du marché commun ne donnent lieu à des distorsions de concurrence; ». « (24) considérant que l'harmonisation des législations envisagée dans la présente directive comprend l'harmonisation des dispositions qui garantissent un niveau de protection élevé aux auteurs, artistes-interprètes ou exécutants, producteurs de phonogrammes et organismes de radiodiffusion; que cette harmonisation ne devrait pas permettre aux organismes de radiodiffusion de tirer avantage de différences existant dans les niveaux de protection en déplaçant le lieu d'implantation de leurs activités au détriment de la production audiovisuelle; ».
D'autre part, il s'agit d'assurer une fluidité dans la négociation des droits « câble » en réduisant le nombre de parties à la négociation puisque seules des sociétés de gestion collective peuvent exercer ce droit exclusif et non des titulaires individuels. Le second objectif est précisé au considérant 28 de la même directive : « considérant que, pour faire en sorte que des personnes extérieures détenant des droits sur certains éléments de programmes ne puissent mettre en cause, en faisant valoir leurs droits, le bon déroulement des arrangements contractuels, il convient, dans la mesure où les caractéristiques de la retransmission par câble l'exigent, de prévoir, avec l'obligation de recours à une société de gestion collective, un exercice exclusivement collectif du droit d'autorisation; que le droit d'autorisation en tant que tel demeure intact et que seul son exercice est réglementé dans une certaine mesure, ce qui implique que la cession du droit d'autoriser une retransmission par câble reste possible; que la présente directive n'affecte pas l'exercice du droit moral; ».
Ni le droit de l'Union européenne, ni le droit belge qui le transpose n'interdisent la cession du droit exclusif de retransmission par câble. Ainsi, les auteurs ou les artistes-interprètes ou exécutants peuvent céder par contrat leur propre droit exclusif de retransmission par câble à des producteurs audiovisuels, lesquels, à titre individuel, ne pourront l'exercer que par l'entremise d'une société de gestion collective de producteurs.
B.17.3. La disposition attaquée est justifiée par la volonté du législateur de réduire les litiges qui opposent les câblodistributeurs, les producteurs, les auteurs et les artistes-interprètes, en particulier sur les montants des sommes à payer par les câblodistributeurs en échange de l'obtention des autorisations de diffusion et, ensuite, sur la part, de ces sommes, liée aux droits des auteurs et artistes-interprètes.
B.18.1. La différenciation qui résulte de la disposition attaquée entre le droit exclusif de retransmission par câble, qui est cessible, et le droit à la rémunération qui est lui, incessible, est justifiée au regard du premier objectif recherché par le législateur, à savoir de garantir une rémunération adéquate des ayants droit d'une oeuvre audiovisuelle, qu'il s'agisse des titulaires d'un droit d'auteur ou des titulaires d'un droit voisin. Il convient à cet égard de constater que cette disposition ne remet pas en cause les droits exclusifs des producteurs audiovisuels qui conservent, en cette qualité, le droit de négociation avec les câblodistributeurs de la rémunération à laquelle la transmission par câble d'une oeuvre audiovisuelle donne droit.
Contrairement à ce qu'allèguent les parties requérantes, l'article XI.225 du CDE garantit au producteur d'oeuvres audiovisuelles, comme à l'auteur ou à l'artiste-interprète ou exécutant, une rémunération au titre de la retransmission par câble d'une oeuvre audiovisuelle qu'il a produite ou dont il a acquis les droits. En rendant incessible le droit à la rémunération, la disposition attaquée vise uniquement à garantir une rémunération minimale à tous les ayants droit. Cette garantie est rendue d'autant plus nécessaire qu'une présomption de cession des droits d'auteur existe dans le chef des producteurs audiovisuels, présomption inscrite aux articles XI.182 et XI.206 du CDE, non attaqués, lesquels ont prévu, pour la cession des droits d'auteur et droits voisins, ce que l'article 3 de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, « relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle » a prévu pour leur location. Cet article dispose : « 1. Le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la location et le prêt appartient : a) à l'auteur, en ce qui concerne l'original et les copies de son oeuvre;b) à l'artiste interprète ou exécutant, en ce qui concerne les fixations de son exécution;c) au producteur de phonogrammes, en ce qui concerne ses phonogrammes;d) au producteur de la première fixation de film, en ce qui concerne l'original et les copies de son film. [...] 4. Sans préjudice du paragraphe 6, lorsqu'un contrat concernant la production d'un film est conclu, individuellement ou collectivement, entre des artistes interprètes ou exécutants et un producteur de film, l'artiste interprète ou exécutant couvert par ce contrat est présumé, sous réserve de clauses contractuelles contraires, avoir cédé son droit de location, sous réserve de l'article 5.5. Les Etats membres peuvent prévoir une présomption similaire à celle prévue au paragraphe 4 en ce qui concerne les auteurs. [...] ».
La disposition attaquée n'empêche donc pas les sociétés de gestion représentant les producteurs d'oeuvres audiovisuelles d'assurer la gestion du droit d'autoriser ou de refuser la retransmission par câble des oeuvres audiovisuelles que leurs membres ont produites.
B.18.2. Par ailleurs, et pour les mêmes motifs, les sociétés de gestion collective des auteurs et des artistes-interprètes ne sauraient, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, bloquer la retransmission par câble d'une oeuvre audiovisuelle puisque lesdites sociétés n'ont plus de droit exclusif de retransmission par câble par l'effet des cessions contractuelles ou de la présomption légale de cession inscrite aux articles XI.182 et XI.206 du CDE. Ce droit exclusif revient donc aux sociétés de gestion représentant les producteurs d'oeuvres audiovisuelles.
B.18.3. Contrairement à ce que soutiennent encore les parties requérantes, le régime mis en place par l'article XI.225 du CDE ne crée pas de distorsion au niveau du droit international, l'exposé des motifs de la disposition attaquée expliquant, comme il a été dit en B.17.1, que le droit à la rémunération des auteurs et artistes-interprètes étrangers est régi par les règles contenues à l'article XI.289 du CDE et aux articles 93 et 94 du Code de droit international privé.
B.18.4. Quant à la plateforme unique qui, en exécution de l'article XI.225, § 4, du CDE, doit être mise en place, elle a pour seule mission d'inciter à une négociation collective des droits.
La création de cette plateforme ne saurait être assimilée au système des licences légales puisque, comme il a été dit, les producteurs conservent leur droit exclusif de négocier la retransmission par le câble des oeuvres audiovisuelles qu'ils ont produites ou dont ils ont acquis les droits d'auteur.
B.18.5. S'agissant de la cession par un producteur de son droit exclusif de retransmission par câble à un autre producteur, celle-ci implique un accord de volontés des deux parties au contrat de cession et, partant, un accord sur la rémunération due au producteur cédant.
La situation d'un producteur qui a acquis le droit exclusif de câble de l'auteur ou de l'artiste-interprète est essentiellement différente de celle du producteur qui a acquis le droit de retransmission par câble d'un autre producteur. En effet, dans la première hypothèse, même si les parties ne s'entendent pas pour définir les conditions dans le contrat de production, la participation de l'auteur ou de l'artiste-interprète ou exécutant à la production audiovisuelle vaut en principe cession des droits exclusifs d'exploitation audiovisuelle, en ce compris le droit exclusif de l'exploitation de l'oeuvre par câblodistribution. La situation de l'artiste ou de l'auteur, en sa qualité de « travailleur individuel », est essentiellement différente de celle d'un producteur. Le droit à une rémunération incessible au profit de l'auteur ou de l'artiste-interprète ou exécutant participe de la volonté, raisonnable et justifiée, du législateur de corriger le déséquilibre dans le pouvoir de négociation des producteurs, d'une part, et des auteurs et artistes-interprètes ou exécutants, d'autre part. A cet égard aussi, la situation du producteur qui envisage de céder son droit de retransmission par câble à un autre producteur est essentiellement différente de celle d'un auteur ou d'un artiste qui doit négocier avec un producteur dans le cadre d'une relation individuelle de travail.
B.18.6. Enfin, et contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes et les parties intervenantes « Nethys », « Brutélé » ainsi que « Medialaan », le paragraphe 3 de l'article XI.225 du CDE, aux termes duquel le droit à la rémunération incessible ne peut être exercé que par une société de gestion collective des droits, n'est pas en contradiction avec le paragraphe 4 de la même disposition qui prévoit que les radiodiffuseurs gèrent eux-mêmes le droit à la rémunération de leurs propres émissions.
En effet, la situation particulière des radiodiffuseurs à cet égard a pour origine l'article 10 de la directive 93/83/CEE, qui dispose : « Exercice du droit de retransmission par câble par les organismes de radiodiffusion Les Etats membres veillent à ce que l'article 9 ne s'applique pas aux droits exercés par un organisme de radiodiffusion à l'égard de ses propres émissions, que les droits en question lui appartiennent ou qu'ils lui aient été transférés par d'autres titulaires de droits d'auteur et/ou de droits voisins ».
Un rapport de la Commission européenne explique : « Dans le cadre de l'article 10, la particularité de la situation de l'organisme de radiodiffusion a été prise en compte. Celui-ci est, en effet, à la fois détenteur de droits exclusifs du fait de ses propres programmes et acquéreur de droits pour la diffusion primaire des programmes qu'il a acquis. Dans ce contexte, latitude lui a été reconnue de négocier l'acquisition des droits liés à la retransmission des programmes sans que les ayants droit soient obligatoirement représentés par une société de gestion collective.
La conséquence liée à cette alternative est que l'organisme de radiodiffusion peut acquérir la totalité des droits liés à la retransmission par câble et être ainsi l'unique interlocuteur du câblo-opérateur » (Rapport de la Commission européenne sur l'application de la directive 93/83/CEE du Conseil relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, 26 juillet 2002, COM(2002) 430 final, p. 5).
Les organismes de radiodiffusion concentrant une multitude de droits exclusifs de retransmission par câble (y compris leurs droits de producteur quand ils produisent eux-mêmes des émissions), le législateur n'a pas estimé nécessaire de fluidifier, en ce qui les concerne, la négociation des droits exclusifs de câblodistribution par l'imposition de la gestion collective.
B.19. Le moyen n'est pas fondé en ce qu'il vise l'article XI.225 du CDE. Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 13 octobre 2016.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels