publié le 13 mars 2014
Extrait de l'arrêt n° 169/2013 du 19 décembre 2013 Numéro du rôle : 5550 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 19, § 1 er , alinéa 1 er , et en annulation totale de l'article 21 du décret de la Régi La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, et des juges E. D(...)
Extrait de l'arrêt n° 169/2013 du 19 décembre 2013 Numéro du rôle : 5550 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 19, § 1er, alinéa 1er, et en annulation totale de l'article 21 du décret de la Région wallonne du 21 juin 2012 relatif à l'importation, à l'exportation, au transit et au transfert d'armes civiles et de produits liés à la défense, introduit par l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 janvier 2013 et parvenue au greffe le 9 janvier 2013, l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue du Boulet 22, a introduit un recours en annulation des mots « et confidentiels à la seule attention du Gouvernement » dans l'article 19, § 1er, alinéa 1er, et de l'article 21 du décret de la Région wallonne du 21 juin 2012 relatif à l'importation, à l'exportation, au transit et au transfert d'armes civiles et de produits liés à la défense (publié au Moniteur belge du 5 juillet 2012). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Le décret de la Région wallonne du 21 juin 2012 relatif à l'importation, à l'exportation, au transit et au transfert d'armes civiles et de produits liés à la défense (ci-après : le décret wallon du 21 juin 2012) s'inscrit dans l'exercice de la compétence, transférée aux régions par la loi spéciale du 12 août 2003, en matière d'importation, d'exportation et de transit des armes, munitions et matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente ainsi que des produits et des technologies à double usage (article 6, § 1er, VI, alinéa 1er, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).
B.1.2. Le décret wallon du 21 juin 2012 poursuit quatre objectifs : il tend à assurer la transposition de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 « simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté », à donner une existence officielle à la « Commission d'avis sur les licences d'exportations d'armes », à déterminer un ensemble de procédures, de façon à donner une existence juridique aux pratiques actuelles, et, enfin, à « rappeler un principe strict, celui de la confidentialité dans le traitement des dossiers » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, p. 3).
En ce qui concerne ce dernier objectif, l'exposé des motifs précise : « Les personnes qui sont impliquées [dans] les procédures organisées par le texte seront en effet soumises à une obligation de confidentialité.
Elles s'engagent à observer et faire observer la plus stricte confidentialité à l'égard des informations dont [elles] prennent connaissance dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, et à prendre les mesures nécessaires pour en préserver la confidentialité, à l'égard notamment de leur personnel permanent ou temporaire.
La nouvelle procédure renforce donc les garanties déjà données en matière de droit de l'Homme, tout en accroissant la sécurité pour les entreprises, qui ne peuvent être placées dans une position d'infériorité concurrentielle injustifiée » (ibid.).
La confidentialité répondait ainsi à une demande de l'industrie de l'armement (C.R.I., Parlement wallon, 2011-2012, n° 19, p. 23, et C.R.I.C., Parlement wallon, 2011-2012, n° 148 (lundi 18 juin 2012), p. 10).
B.2.1. Les articles 19 et 21 du décret wallon du 21 juin 2012 disposent : «
Art. 19.§ 1er. Il est créé une ' Commission d'avis sur les licences d'exportations d'armes ', chargée de formuler, à la demande du Gouvernement ou d'initiative, des avis motivés et confidentiels à la seule attention du Gouvernement dans le cadre de l'analyse des demandes d'exportation de produits liés à la défense.
Ces avis sont émis sur la base d'une analyse géostratégique, éthique et économique des dossiers qui lui sont soumis.
Dans ses avis, la Commission recherche d'abord à exprimer son avis par la voie du consensus.
A défaut de consensus, l'avis de la Commission reflète les éventuels avis minoritaires.
S'il y a un vote, un membre peut demander que le vote soit secret. En toute hypothèse, l'avis de la Commission indique le nombre de voix qu'obtient chaque proposition. § 2. Le Gouvernement détermine le siège de cette Commission et arrête les modalités de son fonctionnement ». «
Art. 21.§ 1er. Les certificats et les licences visés par le présent décret ne constituent pas des actes administratifs au sens et pour l'application du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'administration.
Ces certificats et licences mentionnés au présent décret ne sont également pas des actes administratifs au sens et pour l'application de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs. § 2. Les avis rendus par la Commission ne constituent pas des actes administratifs au sens et pour l'application du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'administration et ne peuvent en outre, être communiqués à une autre autorité que le Gouvernement ».
B.2.2. Le recours en annulation est dirigé contre les mots « et confidentiels à la seule attention du Gouvernement » dans l'article 19, § 1er, alinéa 1er, et contre l'article 21 du décret wallon du 21 juin 2012.
En vertu de ces dispositions, les avis de la Commission d'avis sur les licences d'exportations d'armes (ci-après : la Commission d'avis) échappent au champ d'application du décret wallon du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'administration (ci-après : le décret wallon du 30 mars 1995) et sont donc « confidentiels » (les mots attaqués dans l'article 19, ainsi que l'article 21, § 2); les licences et certificats visés par le décret wallon du 21 juin 2012, dont les licences d'exportations d'armes, échappent également à la publicité de principe prévue par le décret wallon du 30 mars 1995 (article 21, § 1er, alinéa 1er), ainsi qu'au champ d'application de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs (article 21, § 1er, alinéa 2).
Quant au fond B.3. La partie requérante invoque trois moyens, pris de la violation des articles 10, 11 et 32 de la Constitution, combinés ou non avec d'autres dispositions constitutionnelles et législatives, ainsi que de la violation des règles répartitrices de compétence.
La Cour examine les moyens en ce qu'ils sont dirigés, d'une part, contre l'absence de motivation formelle des certificats et licences (deuxième moyen), et, d'autre part, contre la confidentialité des certificats, licences et avis de la Commission d'avis (premier et troisième moyens).
Quant à l'absence de motivation formelle des certificats et des licences B.4. Dans son deuxième moyen, pris de la violation de l'article 39 de la Constitution, des dispositions de la loi spéciale adoptées en application de cette disposition et particulièrement de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, la partie requérante allègue un excès de compétence du législateur régional, en ce que l'article 21, § 1er, alinéa 2, attaqué prévoit que les certificats et licences visés par le décret wallon du 21 juin 2012 ne sont pas des actes administratifs au sens de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs.
B.5.1. Les articles 1er à 3 de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs disposent : «
Article 1er.Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par : - Acte administratif : L'acte juridique unilatéral de portée individuelle émanant d'une autorité administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l'égard d'un ou de plusieurs administrés ou d'une autre autorité administrative; - Autorité administrative : Les autorités administratives au sens de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat; - Administré : Toute personne physique ou morale dans ses rapports avec les autorités administratives.
Art. 2.Les actes administratifs des autorités administratives visées à l'article premier doivent faire l'objet d'une motivation formelle.
Art. 3.La motivation exigée consiste en l'indication, dans l'acte, des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision.
Elle doit être adéquate. » B.5.2. Ces dispositions généralisent l'obligation de motiver formellement les actes administratifs de portée individuelle. La motivation formelle des actes concernés est dorénavant un droit de l'administré, auquel est ainsi offerte une garantie supplémentaire contre les actes administratifs de portée individuelle qui seraient arbitraires.
B.6.1. La motivation formelle, qui est de nature à renforcer le contrôle juridictionnel sur les actes administratifs, consacré par les articles 159 et 161 de la Constitution, ne se situe pas dans une matière attribuée aux communautés ou aux régions.
Le législateur fédéral, en vertu de sa compétence résiduelle, a réglé l'obligation de motivation formelle des actes administratifs en vue d'assurer la protection de l'administré à l'égard des actes émanant de toutes les autorités administratives. Les législateurs régionaux ou communautaires peuvent compléter ou préciser la protection offerte par la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer en ce qui concerne les actes pour lesquels les communautés et les régions sont compétentes.
B.6.2. En revanche, un législateur communautaire ou régional ne pourrait, sans violer la compétence fédérale en la matière, diminuer la protection offerte par la législation fédérale aux administrés en dispensant les autorités agissant dans les matières pour lesquelles il est compétent de l'application de cette loi ou en autorisant ces autorités à y déroger.
B.7. Concernant la disposition de l'avant-projet devenue l'article 21, § 1er, alinéa 2, la section de législation du Conseil d'Etat a considéré : « En son alinéa 2, l'article 24, § 1er, de l'avant-projet prévoit que les certificats et licences dont il a été question au point 1 ' ne sont également pas des actes administratifs au sens et pour l'application de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs '.
Cette disposition ne peut être admise car la Région wallonne n'est pas compétente pour modifier dans un tel sens la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer précitée. [...] Il se déduit de [l']arrêt [n° 128/2001 de la Cour constitutionnelle] que la Région wallonne sort du champ de ses compétences en écartant l'application de la loi précitée du 29 juillet 1991 pour ce qui concerne les certificats et licences visés dans l'avant-projet. En adoptant une mesure par laquelle ces licences et certificats ne doivent plus être motivés en la forme, la Région wallonne ne complète ni ne précise la protection offerte par la loi précitée du 29 juillet 1991 mais la supprime pour les actes concernés, ce qui porte atteinte au minimum de protection que la loi précitée du 29 juillet 1991 a entendu garantir à tout intéressé.
En outre, la section de législation observe que la loi précitée du 29 juillet 1991 admet au cas par cas que des actes ne soient pas motivés en la forme s'il s'avère que dévoiler leur motivation compromet certains intérêts.
L'article 24, § 1er, alinéa 2, de l'avant-projet sera donc omis » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, pp. 25-26).
B.8. L'avis de la section de législation du Conseil d'Etat n'a pas été suivi, sur la base des considérations suivantes : « L'article 21, § 2 [lire : 21, § 1er, alinéa 2] ne fait que compléter et préciser la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer. Sur ce point, on ne peut suivre la Section de législation du Conseil d'Etat qui considère qu'en fait la disposition en projet, loin de compléter ou de préciser la loi, en restreigne la portée.
En effet, c'est oublier que la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer, si elle offre un minimum de protection au citoyen, comporte également des restrictions à l'obligation de divulgation des motifs, dont les cas de risque de compromission [de] la sécurité extérieure de l'Etat ou de l'atteinte à l'ordre public.
L'exception en projet s'inscrit dans le même ordre d'idées, sachant que les exceptions de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer ont été élaborées de façon à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile la mise en oeuvre des compétences des communautés et des régions, notamment en matière d'organisation et de mode de fonctionnement de l'administration.
En toute hypothèse, il peut être fait application de la théorie des pouvoirs implicites, fondée sur l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, pour justifier l'article 21, § 2 [lire : 21, § 1er, alinéa 2] en projet.
Pour rappel, en vertu de cet[te] disposition, les décrets et ordonnances peuvent donc porter des dispositions relatives à des matières pour lesquelles ce n'est pas le législateur décrétal, mais le législateur fédéral qui est en principe compétent, soit en vertu d'une réserve expresse formulée dans cette loi, soit sur la base de sa compétence résiduaire. Il résulte de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle que, pour préserver la compatibilité avec le principe de l'exclusivité des compétences, la réglementation adoptée doit être nécessaire à l'exercice des compétences de l'entité fédérée, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions en cause sur ces matières soit marginale.
Ces trois conditions sont bien réunies en l'espèce. En effet, l'article 21, § 2 [lire : 21, § 1er, alinéa 2] en projet est nécessaire pour assurer la cohérence de l'ensemble des règles contenues dans le projet de décret et pour permettre à l'autorité régionale de veiller à la préservation de ses relations internationales, à l'égard d'informations sensibles ou des intérêts commerciaux des entreprises du secteur, s'agissant d'informations confidentielles. A nouveau un parallèle peut être fait avec les articles 65/5 et 65/10 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de service.
La matière se prête à un régime différencié, s'agissant d'une législation extrêmement spécifique.
Enfin quant à l'incidence, elle demeure marginale, dès lors qu'elle ne vise que les certificats et licences instituées par le projet de décret.
Et, du reste, il ne faut oublier que l'omission d'une obligation de motivation formelle ne signifie pas la fin du contrôle juridictionnel qui demeure possible sur la base du dossier administratif, lequel n'est pas soustrait audit contrôle, sauf s'il était [fait] usage de la faculté offerte par l'article 87 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la Section du contentieux administratif du Conseil d'Etat » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, p. 7).
Il a été précisé que les dispositions étaient maintenues « pour garantir au maximum la confidentialité des dossiers » (C.R.I., Parlement wallon, 2011-2012, n° 19, p. 22).
B.9.1. Le décret wallon du 21 juin 2012 vise plusieurs types de licences : d'une part, la licence de transfert, qui est « l'autorisation délivrée par le Gouvernement qui permet à un fournisseur de transférer des produits liés à la défense à un destinataire situé dans un autre Etat membre de l'Union européenne » (article 6, 5°, du décret wallon du 21 juin 2012), et, d'autre part, la licence d'exportation, d'importation ou de transit, qui est « l'autorisation individuelle délivrée par le Gouvernement ou son délégué, permettant l'exportation, l'importation ou le transit, de ou vers un pays non membre de l'Union européenne, de produits liés à la défense » (article 13, 9°, du décret du 21 juin 2012).
L'article 8 du décret wallon du 21 juin 2012 prévoit par ailleurs que les licences de transfert peuvent être générales, globales ou individuelles : les licences générales de transfert « autorisent directement les fournisseurs établis sur le territoire de la Région wallonne, qui respectent les conditions indiquées dans la licence générale de transfert, à effectuer des transferts de produits liés à la défense, spécifiés dans la licence générale de transfert, à une ou plusieurs catégories de destinataires situés dans un autre Etat membre de l'Union européenne » (article 8, § 2, 1°); les licences globales de transfert « sont délivrées à la demande de fournisseurs individuels et autorisent les transferts de produits liés à la défense au profit de destinataires situés dans un ou plusieurs autres Etats membres » (article 8, § 2, 2°), et les licences individuelles de transfert sont octroyées pour les opérations qui ne répondent pas aux conditions des licences générales ou globales de transfert (article 8, § 2, 3°).
B.9.2. Le décret wallon du 21 juin 2012 vise également plusieurs types de certificats.
Le décret organise tout d'abord la certification des entreprises destinataires de produits liés à la défense, ayant leur siège social sur le territoire de la Région wallonne, qui établit la fiabilité des entreprises au regard de plusieurs critères (article 10 du décret wallon du 21 juin 2012); le certificat doit contenir certaines mentions minimales, le Gouvernement vérifiant tous les trois ans le respect des conditions prévues par le certificat (article 11 du décret wallon du 21 juin 2012).
Par ailleurs, l'article 13 du décret wallon du 21 juin 2012 définit le « Certificat International d'Importation (CII) » comme « le document émanant du Gouvernement ou de son délégué certifiant à un pays exportateur qu'une importation potentielle de produits liés à la défense est autorisée en Région wallonne » (article 13, 3°, du décret wallon du 21 juin 2012), le « Certificat de Vérification des Livraisons (CVL) » comme « le document émanant du Gouvernement ou de son délégué confirmant à un pays exportateur l'arrivée en Région wallonne de produits liés à la défense dont le pays exportateur a autorisé l'exportation » (article 13, 4°, du décret wallon du 21 juin 2012) et le « Certificat d'Utilisateur Final » (CUF) comme « le document authentifié par les autorités du pays d'importation permettant d'identifier de manière précise les produits liés à la défense faisant l'objet d'une exportation ou d'un transit, leur destinataire et garantissant aux autorités du pays d'exportation que les produits liés à la défense ne seront pas réexportés sans l'autorisation préalable et expresse du pays d'exportation » (article 13, 5°, du décret wallon du 21 juin 2012). B.9.3. Il résulte des définitions qui précèdent qu'en faisant échapper au champ d'application de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer les « certificats et les licences visés par le présent décret », l'article 21, § 1er, alinéa 2, ne peut viser que les certificats au sens des articles 10 et 11 du décret du 21 juin 2012, ainsi que les licences globales et individuelles de transfert, et les licences d'exportation, d'importation et de transit, définies respectivement aux articles 6, 5°, et 8, § 2, 2° et 3°, ainsi qu'à l'article 13, 9°, du décret du 21 juin 2012; les certificats visés à l'article 13 de même que les licences générales de transfert définies à l'article 8, § 2, 1°, du décret du 21 juin 2012 ne peuvent en effet constituer des actes administratifs à portée individuelle, tels qu'ils sont définis par l'article 1er de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer.
B.9.4. Les certificats au sens des articles 10 et 11 du décret wallon du 21 juin 2012, de même que les licences globales et individuelles de transfert, et les licences d'exportation, d'importation et de transit, constituent par contre des actes administratifs à portée individuelle, soumis par conséquent en principe à l'obligation générale de motivation formelle que prévoit la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer.
B.10. En supprimant pour les certificats et licences visés en B.9.4 l'obligation de motivation formelle établie par la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs, l'article 21, § 1er, alinéa 2, porte atteinte au droit du destinataire de l'acte, mais également de tout tiers intéressé, de prendre immédiatement connaissance des motifs qui justifient la décision par leur indication dans l'acte lui-même. En conséquence, il porte également atteinte à la compétence fédérale en matière de protection des droits des administrés.
B.11.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que l'éventuel empiétement sur la compétence du législateur fédéral est justifié par les pouvoirs implicites, conformément à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lorsque le législateur régional règle l'importation, l'exportation et le transit des armes.
B.11.2. Pour que l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 puisse s'appliquer, il est requis que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions attaquées sur la matière ne soit que marginale.
B.12.1. Dès lors que l'article 4 de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer prévoit que l'obligation de motivation ne s'impose pas lorsque l'indication des motifs de l'acte peut notamment « compromettre la sécurité extérieure de l'Etat », « porter atteinte à l'ordre public », « violer le droit au respect de la vie privée » ou « constituer une violation des dispositions [en] matière de secret professionnel », l'atteinte portée en l'espèce à la compétence fédérale en matière de protection des droits des administrés n'est pas nécessaire à l'exercice de la compétence régionale relative à l'importation, à l'exportation et au transit d'armes.
B.12.2. Par ailleurs, l'atteinte portée à la compétence fédérale relative à la protection des droits des administrés n'est pas marginale, dès lors qu'elle revient à exclure du droit de pouvoir prendre connaissance des motifs d'une décision administrative dans l'acte lui-même tous les demandeurs de licences et certificats visés en B.9.4, ainsi que tous les tiers intéressés par ces licences et certificats, qui relèvent de la Région wallonne.
B.13. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner en outre si la matière peut se prêter à un règlement différencié, il découle de ce qui précède que les conditions permettant l'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 ne sont pas réunies en l'espèce.
B.14. Le deuxième moyen est fondé. En conséquence, l'article 21, § 1er, alinéa 2, du décret wallon du 21 juin 2012 doit être annulé.
Quant à l'absence de publicité des certificats et des licences, ainsi que des avis de la Commission d'avis B.15. Dans son premier moyen, la requérante allègue une atteinte discriminatoire au droit à la transparence administrative garanti par l'article 32 de la Constitution, en ce que les licences d'exportations d'armes et les avis de la Commission d'avis sont soustraits à la publicité organisée par le décret wallon du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'administration, ce qui a pour effet de priver les personnes intéressées du contrôle de la Commission d'accès aux documents administratifs, puis du contrôle du Conseil d'Etat.
Dans son troisième moyen, la requérante estime qu'en soustrayant les certificats, licences et avis de la Commission d'avis à la publicité administrative, le législateur régional aurait porté atteinte à la compétence du Conseil d'Etat et des cours et tribunaux; cette atteinte méconnaîtrait ainsi la compétence fédérale, et créerait également une discrimination entre justiciables.
La Cour examine ces deux moyens ensemble.
B.16.1. L'article 32 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 ».
B.16.2. En déclarant, à l'article 32 de la Constitution, que chaque document administratif - notion qui, selon le Constituant, doit être interprétée très largement - est en principe public, le Constituant a érigé le droit à la publicité des documents administratifs en un droit fondamental.
Des exceptions au principe de la publicité des documents administratifs ne sont possibles que dans les conditions fixées par la loi, le décret ou l'ordonnance. Elles doivent être justifiées et sont de stricte interprétation (Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 100-49/2°, p. 9). B.16.3. En permettant qu'un législateur puisse prévoir dans quels cas et à quelles conditions il peut être dérogé au principe de la transparence administrative, le Constituant n'a pas exclu que l'accès à certains documents soit soumis à des conditions ou soit limité, pour autant que ces restrictions soient raisonnablement justifiées et n'entraînent pas d'effets disproportionnés.
Il convient, à cet égard, de souligner que la transparence administrative participe à l'effectivité de l'exercice du droit de recours des administrés devant le Conseil d'Etat ou devant les juridictions judiciaires.
B.17. Le décret de la Région wallonne du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'administration (ci-après : le décret wallon du 30 mars 1995) organise en Région wallonne la publicité des documents administratifs. Aux termes de l'article 1er, alinéa 2, 2°, du décret wallon du 30 mars 1995, par document administratif, il faut entendre « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une autorité administrative dispose ». Les articles 4 et 5 du décret wallon du 30 mars 1995 organisent le droit de principe de consulter un document administratif, de s'en faire délivrer une copie et de recevoir des explications y relatives.
L'article 6, § 1er, du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit une série d'exceptions à cette publicité de principe, en disposant : « L'autorité administrative régionale ou non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : 1° la sécurité de la population;2° les libertés et les droits fondamentaux des administrés;3° l'ordre public;4° la recherche ou la poursuite de faits punissables;5° les relations internationales de la Région;6° un intérêt économique ou financier de la Région ». L'article 8 du décret wallon du 30 mars 1995 instaure une Commission d'accès aux documents administratifs, qui peut rendre un avis sur une demande de consultation ou de correction d'un document administratif, avec possibilité de recours devant le Conseil d'Etat contre l'avis de cette Commission.
B.18. En disposant que les certificats et licences visés en B.9.4, ainsi que les avis de la Commission d'avis, ne constituent pas des actes administratifs au sens et pour l'application du décret wallon du 30 mars 1995, l'article 21, § 1er, alinéa 1er, et § 2, ainsi que les mots « et confidentiels à la seule attention du Gouvernement » dans l'article 19 du décret wallon du 21 juin 2012 instaurent une exception générale au droit fondamental garanti par l'article 32 de la Constitution.
La différence de traitement qui en résulte, entre les personnes qui souhaitent prendre connaissance des documents visés par les dispositions attaquées, qui sont automatiquement exclues de ce droit, et les personnes qui souhaitent prendre connaissance d'autres documents administratifs, qui bénéficient de la procédure instaurée par le décret wallon du 30 mars 1995, ne peut résister à un contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution que si elle repose sur un critère objectif et si elle est raisonnablement justifiée. Le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
En ce qui concerne les certificats et les licences B.19. Concernant la disposition de l'avant-projet devenue l'article 21, § 1er, alinéa 1er, la section de législation du Conseil d'Etat a considéré ce qui suit : « L'alinéa en projet doit être examiné au regard de l'article 32 de la Constitution duquel il découle que chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par le décret.
En Région wallonne, l'exercice de ce droit fondamental est encadré par le décret du 30 mars 1995 précité.
En vertu de l'article 32 de la Constitution, ce décret du 30 mars 1995 détermine donc, pour la Région wallonne, les cas et conditions dans lesquels le droit reconnu à chacun de consulter des documents administratifs et de s'en faire remettre copie peut être limité.
Afin de garantir le droit fondamental de l'administré à la publicité des documents administratifs, le décret du 30 mars 1995 précité soumet les demandes de consultation des documents administratifs à une procédure détaillée dans laquelle est prévue l'intervention d'une Commission ad hoc. Les décisions prises dans le cadre de cette procédure sont in fine soumises à un contrôle juridictionnel.
Il se fait que le décret du 30 mars 1995 précité tel qu'il a été conçu, et singulièrement son article 6, permet de rencontrer les préoccupations de l'auteur de l'avant-projet puisque, sur la base d'une décision motivée, il sera toujours loisible à l'autorité régionale de refuser la consultation d'une licence qui contiendrait des informations sensibles.
Prévoir que les licences visées par l'avant-projet ne constitueraient pas des documents administratifs au sens du décret du 30 mars 1995 précité est donc inutile pour assurer la protection des intérêts visés par le commentaire des articles.
Il y a dès lors lieu de déduire de ce qui précède que l'article 24, § 1er, alinéa 1er, de l'avant-projet [devenu l'article 21, § 1er, alinéa 1er, attaqué] ne peut être juridiquement admis. L'article 24, § 1er, alinéa 1er, de l'avant-projet s'analyse en effet comme une limitation apportée au droit fondamental consacré par l'article 32 de la Constitution. Or, une limitation non nécessaire d'un droit fondamental viole obligatoirement le principe de proportionnalité, avec cette conséquence qu'une telle limitation en devient dépourvue de fondement puisqu'il est de règle que toute limitation apportée à un droit fondamental n'est admissible que si elle respecte le principe de proportionnalité.
L'article 24, § 1er, alinéa 1er, sera donc omis » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, p. 25).
B.20. Le législateur décrétal wallon a décidé de ne pas suivre l'avis de la section de législation aux termes des considérations suivantes : « La question que pose l'avis de la Section de législation n'est donc pas celle de la compétence sensu stricto de la Région, mais celle [de] savoir s'il faut privilégier le décret du 30 mars 1995 et la procédure de recours qu'il organise, en son article 8 ou s'il est préférable de prévoir une exception complémentaire à celles visées à l'article 6 de ce décret.
Le texte en projet privilégie cette deuxième option.
En effet, il est clair qu'il appartient avant tout, dans une matière sensible, non seulement en matière concurrentielle, mais également de relations internationales, d'éviter que ne soi [en]t divulgué [es] des informations de ce type.
A cet égard, la circonstance qu'il existe un recours administratif et un contrôle juridictionnel n'est pas en soi suffisant pour s'assurer que ces informations seront effectivement protégées et ne seront pas divulguées.
En effet, si, à suivre la Section de législation, il sera toujours loisible à l'autorité régionale de refuser la consultation d'une licence qui contiendrait des informations sensibles, un administré pourra toujours exercer un recours devant la Commission d'accès aux documents administratifs.
Or, qui dit Commission de recours signifie que celle-ci disposera d'un pouvoir d'appréciation quant à l'exception, fondée sur le texte actuellement en vigueur du décret du 30 mars 1995. Un tel pouvoir d'appréciation ne sera jamais soumis qu'à un contrôle marginal de la Section du contentieux administratif du Conseil d'Etat et par
référence à la notion d'erreur manifeste.
Aucune garantie n'existe donc réellement que des informations commerciales ou sensibles politiquement ne seront [en fin] de compte rendues publiques et il est donc inexact de soutenir que le texte en projet est inutile pour assurer la protection des intérêts visés par le commentaire des articles.
Face à ce risque, il est privilégié la voie de la sécurité. Ce faisant et pour les motifs qui précèdent, il ne peut être soutenu que le texte en projet constitue une limitation disproportionnée au droit fondamental à la transparence administrative consacré par l'article 32 de la Constitution » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, pp. 6-7).
B.21.1. Les certificats et licences visés en B.9.4 constituent des actes administratifs à portée individuelle. Ces actes relèvent en principe de la protection offerte par l'article 32 de la Constitution.
Lorsque le Constituant a adopté l'article 32 de la Constitution, il a été souligné que les exceptions à ce droit appellent en principe un examen cas par cas des différents intérêts en présence : « l'intérêt de la publication doit chaque fois contrebalancer concrètement l'intérêt qui est protégé par un motif d'exception » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5).
B.21.2. Le Gouvernement wallon justifie le régime de confidentialité instauré par le souci de sécurité, et par le fait que ces documents contiennent des informations sensibles en matière de concurrence économique ou de relations internationales.
A supposer que ces documents puissent, en certaines hypothèses, contenir des informations sensibles, le Gouvernement wallon reste en défaut de démontrer que les exceptions et la procédure instaurées par le décret wallon du 30 mars 1995 seraient insuffisantes pour garantir la confidentialité de pareilles informations, lorsqu'elles sont contenues dans les certificats et licences visés en B.9.4.
En effet, comme il est indiqué en B.17, l'article 6 du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit plusieurs exceptions au droit d'accès, notamment en considération des relations internationales de la Région (5°) ou d'un intérêt économique ou financier de la Région (6°); l'application de ces « motifs d'exception » requiert une appréciation concrète de la demande, la Commission d'accès aux documents administratifs veillant au respect de ces exceptions, sous le contrôle éventuel du Conseil d'Etat; enfin, les documents administratifs obtenus en application du décret wallon du 30 mars 1995 « ne peuvent être diffusés ni utilisés à des fins commerciales », conformément à l'article 10 du décret wallon du 30 mars 1995, de sorte que toute personne qui méconnaîtrait cette interdiction risquerait d'engager sa responsabilité. L'objectif de sécurité poursuivi pouvait donc être atteint par le recours à la procédure organisée par le décret wallon du 30 mars 1995.
B.21.3. En instaurant une exception générale et absolue au droit à la transparence administrative pour l'ensemble des certificats et licences visés en B.9.4, le législateur décrétal a pris une mesure qui n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi.
B.22. Dans cette mesure, les moyens sont fondés. En conséquence, l'article 21, § 1er, alinéa 1er, du décret wallon du 21 juin 2012 doit être annulé.
En ce qui concerne les avis de la Commission d'avis B.23. Les travaux préparatoires commentent comme suit l'article 19 attaqué : « Cet article crée une Commission d'avis pour les exportations de produits liés à la défense.
Cette Commission ne remet ses avis qu'au Ministre compétent, désigné comme tel par l'arrêté de mise en place du Gouvernement.
Ses membres exercent leurs fonctions au sein de la Commission de façon autonome et aucune instruction ne peut leur être donnée dans le cadre de l'élaboration des avis de la Commission, notamment par un supérieur hiérarchique; dans le cadre de l'exercice de leurs missions au sein de la Commission, les agents issus des services des Gouvernements sont dispensés de se référer et de faire rapport à leur hiérarchie du travail effectué.
Incarnant la continuité du service public au niveau de la Wallonie, la Commission apportera, dans le cadre d'une indépendance renforcée, l'expertise requise pour l'analyse des dossiers les plus sensibles.
La Commission communiquera au Ministre compétent un avis après une analyse approfondie du dossier sous les angles à la fois géopolitique, éthique et économique, notamment dans le respect des critères du Code de conduite européen, de la jurisprudence européenne, du rapport du responsable du service ' contrôle licences, analyse politique étrangère, droits de l'homme ', du rapport du haut représentant des Droits de l'Homme à Genève et les questions bilatérales et de toutes les autres informations dont elle dispose » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, pp. 5-6).
B.24. Au sujet de la disposition de l'avant-projet devenue l'article 19 du décret du 21 juin 2012, la section de législation du Conseil d'Etat a considéré : « Comme la consultation de cette Commission n'est pas obligatoire et que ses avis ne sont pas de nature à lier l'autorité, le législateur n'a pas à s'immiscer dans l'organisation du pouvoir exécutif en créant une Commission d'avis. Telle que cette Commission est conçue, c'est en effet au Gouvernement, s'il le juge opportun, qu'il reviendra de la créer.
L'article 4 n'a dès lors pas de raison d'être et doit en conséquence être omis » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, p. 21).
B.25.1. Le texte initial de l'article 24, § 2, de l'avant-projet soumis à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat disposait : « Les avis rendus par la Commission visée au chapitre III ne constituent pas des actes administratifs au sens et pour l'application du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'administration et ne peuvent, en outre, être communiqués à une autre autorité que le Gouvernement. Ces avis ne sont pas communiqués dans l'hypothèse de recours introduits à l'encontre d'une décision de la Région wallonne relative à l'octroi, au refus, à la suspension ou au retrait d'une licence d'exportation et ce tant dans le cadre d'un recours porté devant le Conseil d'Etat ou devant une juridiction de l'ordre judiciaire » (ibid., p. 40).
B.25.2. A l'égard de cette disposition en projet, la section de législation du Conseil d'Etat a considéré : « En vertu de son paragraphe 2, les avis rendus par la Commission instituée par l'avant-projet sont soustraits au champ d'application du décret précité du 30 mars 1995. Les objections énoncées dans la première observation sous l'article 24 valent mutatis mutandis : la limitation qui est ainsi apportée au droit fondamental de consultation des documents administratifs n'est pas nécessaire pour rencontrer les objectifs poursuivis par l'auteur du projet de telle sorte que cette limitation viole le principe de proportionnalité; s'il s'avère que certains avis donnés par la Commission contiennent des informations jugées sensibles, il sera loisible à l'autorité régionale d'en refuser la consultation sur la base de la procédure prévue par le décret précité du 30 mars 1995 » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, p. 26).
Elle a ajouté : « Le paragraphe 2 énonce également que les avis de la Commission instituée par l'avant-projet ne sont pas communiqués dans le dossier soumis aux juridictions de l'ordre judiciaire et au Conseil d'Etat lorsque ces juridictions sont saisies d'un ' recours ' portant sur l'octroi, le refus, la suspension ou le retrait d'une licence d'exportation.
La Région wallonne n'étant pas compétente pour l'organisation des procédures qui se déroulent devant les tribunaux judiciaires et devant le Conseil d'Etat, il ne lui appartient pas d'édicter des règles qui touchent au contenu des dossiers soumis à ces juridictions.
La section de législation observe du reste que, faisant suite à des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour constitutionnelle qui ont estimé que les parties à une procédure juridictionnelle devaient, malgré le principe du contradictoire et du respect des droits de la défense, pouvoir invoquer la confidentialité de certaines pièces des dossiers soumis aux juridictions, l'arrêté du Régent du 23 août 1948 ' déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat ' prévoit, en son article 87, remplacé par l'arrêté royal du 24 mai 2011 ' modifiant divers arrêtés relatifs à la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat concernant la confidentialité des pièces ', que les parties peuvent demander que certaines pièces du dossier ne soient pas communiquées aux autres parties.
En conclusion, le paragraphe 2 échappe donc aux compétences de la Région wallonne et n'a pas de raison d'être » (ibid.).
La section de législation du Conseil d'Etat a conclu que « l'article 24 doit être omis dans sa totalité puisque les règles qu'il contient ne sauraient advenir sans violer le cadre juridique dans lequel elles sont appelées à s'insérer » (ibid., p. 27).
B.25.3. Le législateur décrétal wallon a, dans l'article 21, § 2, attaqué, partiellement tenu compte des observations du Conseil d'Etat, en supprimant une partie du texte en projet, mais en maintenant le principe de la confidentialité des avis de la Commission d'avis, instaurée par l'article 19 attaqué et en précisant que ces avis « ne peuvent, en outre, être communiqués à une autre autorité que le Gouvernement ». Il a été souligné qu'il était « essentiel d'imposer la confidentialité de ces avis, ce qui ne peut se faire que par décret » (C.R.I., Parlement wallon, 2011-2012, n° 19, p. 22, et C.R.I.C., Parlement wallon, 2011-2012, n° 148 (lundi 18 juin 2012), p. 7).
Les travaux préparatoires expliquent que les avis « ne peuvent donc être transmis au Parlement » (Doc. parl., Parlement wallon, 2011-2012, n° 614/1, p.6), tout en précisant : « Ceci ne porte naturellement nullement atteinte au pouvoir des autorités judiciaires dans le cadre de leur pouvoir et mission d'enquête telles qu'elles sont organisées par le Code d'instruction criminelle ou par le Code pénal. Cette disposition s'explique, d'une part, par le fait que les avis de la Commission contiennent des informations commerciales et confidentielles et, d'autre part, par le fait que ces rapports contiennent des informations et considérations sensibles, notamment en termes géopolitiques et diplomatiques qui requièrent qu'ils risquent jamais d'être diffusés » (ibid.).
Le contrôle juridictionnel « demeure possible sur la base du dossier administratif, lequel n'est pas soustrait audit contrôle, sauf s'il était [fait] usage de la faculté offerte par l'article 87 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la Section du contentieux administratif du Conseil d'Etat » (ibid., p. 7) : « C'est du reste à raison de cette faculté que l'avant-projet a été revu en supprimant le fait que les avis rendus par la Commission d'avis sur les licences d'exportation d'armes ne devaient pas [être] communiqués dans l'hypothèse de recours introduits à l'encontre d'une décision de la Région wallonne relative à l'octroi, au refus, à la suspension ou au retrait d'une licence d'exportation et ce tant dans le cadre d'un recours porté devant le Conseil d'Etat ou devant une juridiction de l'ordre judiciaire » (ibid.).
B.26.1. En soustrayant à la publicité organisée par le décret wallon du 30 mars 1995 les avis de la Commission d'avis, et en prévoyant que ces avis ne peuvent être communiqués à une autre autorité que le Gouvernement wallon, les articles 19 et 21, § 2, du décret wallon du 21 juin 2012 empêchent toute personne, ou toute autorité autre que le Gouvernement wallon, de prendre connaissance de ces avis.
Si ces avis relatifs à l'octroi de licences d'exportations d'armes ne sont pas comme tels des actes administratifs susceptibles de recours, ils n'en constituent pas moins des actes préparatoires à l'adoption des décisions individuelles portant sur les demandes de licences d'exportations d'armes; ces éléments, non seulement relèvent en principe du droit à la transparence administrative, mais peuvent en outre constituer des informations permettant à la personne intéressée de pouvoir introduire un recours en connaissance de cause, à l'égard des actes administratifs de portée individuelle que sont les décisions portant sur les demandes de licences d'exportations d'armes.
B.26.2. Par ailleurs, à supposer que ces avis contiennent des informations sensibles, le Gouvernement wallon reste en défaut de démontrer que les exceptions et la procédure instaurées par le décret wallon du 30 mars 1995 seraient insuffisantes pour garantir la confidentialité de pareilles informations, lorsqu'elles sont contenues dans les avis de la Commission d'avis sur les licences d'exportations d'armes.
En effet, comme il est indiqué en B.17, l'article 6 du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit plusieurs exceptions au droit d'accès, notamment en considération des relations internationales de la Région (5°) ou d'un intérêt économique ou financier de la Région (6°); l'application de ces « motifs d'exception » requiert une appréciation concrète de la demande, la Commission d'accès aux documents administratifs veillant au respect de ces exceptions, sous le contrôle éventuel du Conseil d'Etat; enfin, les documents administratifs obtenus en application du décret wallon du 30 mars 1995 « ne peuvent être diffusés ni utilisés à des fins commerciales », conformément à l'article 10 du décret wallon du 30 mars 1995, de sorte que toute personne qui méconnaîtrait cette interdiction risquerait d'engager sa responsabilité. L'objectif de sécurité poursuivi pouvait donc être atteint par le recours à la procédure organisée par le décret wallon du 30 mars 1995.
Par ailleurs, lors de l'examen des exceptions prévues par l'article 6 du décret du 30 mars 1995, il y a lieu de tenir compte de la confidentialité prévue par les dispositions de la Position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d'équipements militaires.
B.26.3. Le Gouvernement wallon avance également que les avis de la Commission d'avis se fondent sur des informations classifiées au sens de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007004 source ministere de la defense nationale Loi relative à la classification et aux habilitations de sécurité type loi prom. 11/12/1998 pub. 03/02/1999 numac 1999009051 source ministere de la justice Loi transposant la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007003 source ministere de la defense nationale Loi portant création d'un organe de recours en matière d'habilitations de sécurité fermer relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité. La classification concerne les informations, documents ou données, le matériel, les matériaux ou matières, sous quelque forme que ce soit, dont l'utilisation inappropriée peut porter atteinte à l'un des intérêts énumérés à l'article 3 de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007004 source ministere de la defense nationale Loi relative à la classification et aux habilitations de sécurité type loi prom. 11/12/1998 pub. 03/02/1999 numac 1999009051 source ministere de la justice Loi transposant la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007003 source ministere de la defense nationale Loi portant création d'un organe de recours en matière d'habilitations de sécurité fermer précitée. Le degré de classification - très secret, secret ou confidentiel (article 4) - est déterminé d'après le contenu (article 5). Si certains avis de la Commission d'avis se fondent sur des documents classifiés, il peut alors être justifié que l'accès à ces documents soit refusé cas par cas, selon la procédure organisée par le décret wallon du 30 mars 1995, soumise au contrôle de la Commission d'accès aux documents administratifs.
B.26.4. En instaurant une exception générale et absolue au droit à la transparence administrative pour l'ensemble des avis de la Commission d'avis, et en prévoyant leur confidentialité absolue, sans pouvoir être communiqués à une autre autorité que le Gouvernement wallon, le législateur décrétal a pris une mesure qui n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi.
B.26.5. En outre, cette mesure limite également les possibilités de recours juridictionnels contre les décisions individuelles portant sur les licences d'exportations d'armes.
A supposer même que la modification du texte de l'avant-projet autorise que les avis soient communiqués dans le dossier administratif en cas de recours devant le Conseil d'Etat ou devant une juridiction de l'ordre judiciaire, cette circonstance ne change pas cette conclusion, dès lors que cette communication postérieure au recours ne permet pas d'introduire en connaissance de cause les recours adaptés contre les décisions individuelles portant sur les licences d'exportations d'armes.
B.27. Dans cette mesure, les moyens sont fondés.
En conséquence, il y a lieu d'annuler, dans l'article 19, § 1er, alinéa 1er, du décret wallon du 21 juin 2012, les mots « et confidentiels à la seule attention du Gouvernement », et l'article 21, § 2, du même décret.
Par ces motifs, la Cour - annule, dans l'article 19 du décret de la Région wallonne du 21 juin 2012 relatif à l'importation, à l'exportation, au transit et au transfert d'armes civiles et de produits liés à la défense, les mots « et confidentiels à la seule attention du Gouvernement »; - annule l'article 21 du même décret.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 19 décembre 2013.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels