publié le 30 avril 2012
Extrait de l'arrêt n° 22/2012 du 16 février 2012 Numéros du rôle : 5228 et 5256 En cause : les demandes de suspension totale ou partielle du décret flamand du 8 juillet 2011 « portant organisation des élections locales et provinciales et port La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 22/2012 du 16 février 2012 Numéros du rôle : 5228 et 5256 En cause : les demandes de suspension totale ou partielle du décret flamand du 8 juillet 2011 « portant organisation des élections locales et provinciales et portant modification du décret communal du 15 juillet 2005, du décret provincial du 9 décembre 2005 et du décret du 19 décembre 2008 relatif à l'organisation des centres publics d'aide sociale », introduites par Jean Marie de Meester et par l'association de fait « Groen! » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des demandes et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 octobre 2011 et parvenue au greffe le 28 octobre 2011, Jean Marie de Meester, demeurant à 8020 Oostkamp, Stationsstraat 212, a introduit une demande de suspension des articles 165 à 169 du décret flamand du 8 juillet 2011 « portant organisation des élections locales et provinciales et portant modification du décret communal du 15 juillet 2005, du décret provincial du 9 décembre 2005 et du décret du 19 décembre 2008 relatif à l'organisation des centres publics d'aide sociale » (publié au Moniteur belge du 25 août 2011). Par la même requête, la partie requérante demande également l'annulation des mêmes dispositions. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 novembre 2011 et parvenue au greffe le 25 novembre 2011, une demande de suspension du décret flamand précité du 8 juillet 2011 a été introduite par l'association de fait « Groen! », dont le siège est établi à 1070 Anderlecht, rue Sergent De Bruyne 78-82, Kathleen Bevernage, demeurant à 8900 Ypres, Capucienenstraat 16, Remi Heylen, demeurant à 2260 Westerlo, Olenseweg 261, Stan Scholiers, demeurant à 2627 Schelle, Rubensstraat 54, Chris Habraken, demeurant à 3900 Overpelt, Heesakkerstraat 143, Jackie Timmers, demeurant à 3910 Neerpelt, Geerkensstraat 26, Jaak Billiet, demeurant à 8700 Tielt, Wingensesteenweg 108, Carlo De Winter, demeurant à 8560 Wevelgem, Guido Gezellestraat 21, Lut Dornez, demeurant à 8700 Tielt, Wingensesteenweg 108, et Frank Douchy, demeurant à 9620 Zottegem, Haagkouter 10. Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation du même décret.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 5228 et 5256 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la recevabilité B.1.1. Le requérant dans l'affaire n° 5228 demande l'annulation et la suspension des articles 165 à 169 du décret flamand du 8 juillet 2011 « portant organisation des élections locales et provinciales et portant modification du décret communal du 15 juillet 2005, du décret provincial du 9 décembre 2005 et du décret du 19 décembre 2008 relatif à l'organisation des centres publics d'aide sociale » (ci-après : le décret du 8 juillet 2011).
Il fait valoir que les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elles prévoient, pour les prochaines élections communales en Région flamande, le recours au « système Imperiali » à la place du « système D'Hondt », qui est utilisé pour les élections des conseils provinciaux et des conseils de district urbain en Région flamande.
Le « système Imperiali » est formulé à l'article 166, alinéa 1er, du décret du 8 juillet 2011, qui dispose : « Le bureau principal communal divise successivement le chiffre électoral de chaque liste par 1; 1 1/2; 2; 2 1/2; 3; 3 1/2; 4; 4 1/2; etc., et classe les quotients dans l'ordre de leur importance jusqu'à concurrence d'un nombre total de quotients égal à celui des membres à élire ».
Pour les prochaines élections provinciales, l'article 181, § 2, alinéa 5, du décret du 8 juillet 2011 dispose : « Le bureau principal provincial divise successivement les chiffres électoraux visés au deuxième alinéa par 1, 2, 3, etc., si la liste ne comptait encore aucun siège définitivement acquis; par 2, 3, 4, etc., si elle n'en avait acquis qu'un seul; par 3, 4, 5, etc., si elle en avait déjà acquis deux, et ainsi de suite, la première division se faisant chaque fois par un chiffre égal au total des sièges que le groupement ou la liste obtiendraient si le premier des sièges encore disponibles lui était attribué ».
En vertu de l'article 175, 5°, du décret du 8 juillet 2011, le « système D'Hondt » ainsi formulé s'applique également à l'élection des conseils de district urbain.
B.1.2. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5256 demandent l'annulation et la suspension de l'ensemble du décret du 8 juillet 2011.
Le premier moyen mentionne en particulier les articles 166, 175, 5°, et 181, § 2, précités, du décret du 8 juillet 2011.
Le second moyen dans l'affaire n° 5256 est plus précisément dirigé contre l'article 7, § 1er, alinéa 2, du décret du 8 juillet 2011, qui fait référence à la liste des districts électoraux provinciaux annexée à ce décret, et contre l'article 181, § 2, alinéas 1er à 3, du même décret, ces alinéas étant ainsi rédigés : « Le bureau principal provincial arrête le chiffre électoral de chaque groupement de listes en additionnant les chiffres électoraux des listes qui en font partie. Les autres listes conservent leurs chiffres électoraux.
Le bureau principal provincial détermine, par circonscription électorale provinciale, en totalisant les unités des quotients établis par application du paragraphe 1, le nombre de sièges déjà acquis aux différents groupes de listes et aux listes isolées pour l'ensemble de la circonscription électorale provinciale, ainsi que le nombre de sièges à répartir complémentairement.
Le bureau principal provincial admet à cette répartition complémentaire tous les groupements de listes, qui satisfont aux conditions suivantes : - avoir obtenu, dans au moins un district provincial de la circonscription électorale provinciale dont le groupement fait partie, un nombre de voix qui est au moins égal à soixante-six pour cent du diviseur électoral, fixé conformément au paragraphe 1, premier alinéa ».
B.2.1. Dans une première exception, le Gouvernement flamand fait valoir que les recours sont partiellement irrecevables, pour cause de tardiveté, étant donné que, en ce qui concerne une série de matières réglées par les dispositions attaquées, le législateur décrétal n'a manifestement pris aucune nouvelle décision.
B.2.2. La demande de suspension étant subordonnée au recours en annulation, la recevabilité du recours doit déjà être examinée au stade de l'examen de la demande de suspension.
B.2.3.1. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal poursuivait plusieurs objectifs.
Il y avait lieu notamment de donner suite à l'arrêt de la Cour n° 149/2007 du 5 décembre 2007, qui a annulé la répartition des districts électoraux pour les élections provinciales, telle qu'elle était réglée à l'article 2 et à l'annexe au décret de la Région flamande du 2 juin 2006 modifiant le décret provincial du 9 décembre 2005 (Doc. parl., Parlement flamand, 2010-2011, n° 1084/1, pp. 4 et 9, n° 1084/8, pp. 5-6 et 21-22, et Ann., Parlement flamand, 2010-2011, n° 43, 29 juin 2011, pp. 109 et 132).
Le législateur décrétal voulait aussi, en ce qui concerne les élections locales et provinciales - matière pour laquelle il est devenu compétent à la suite du remplacement de l'article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles par l'article 4 de la loi du 13 juillet 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/07/2001 pub. 03/08/2001 numac 2001021378 source services du premier ministre Loi spéciale portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés fermer portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés -, parvenir à « une réglementation intégrée pour les élections locales, réunissant la réglementation de manière claire et cohérente dans un seul décret électoral global » (ibid., n° 1084/1, p. 4, et n° 1084/8, pp. 5 et 21, et Ann., Parlement flamand, 2010-2011, n° 43, 29 juin 2011, pp. 108, 110, 122 et 123).
En outre, il entendait concrétiser certains points de l'accord de gouvernement relatifs à des adaptations de la législation électorale (ibid., n° 1084/1, p. 4, et n° 1084/8, pp. 6 et 8, et Ann., Parlement flamand, 2010-2011, n° 43, 29 juin 2011, pp. 109, 111, 113, 114 et 132).
B.2.3.2. Le décret attaqué ne se réduit donc pas à une simple confirmation ou à une reprise formelle de dispositions déjà existantes mais témoigne de la volonté du législateur décrétal de légiférer à nouveau dans cette matière.
Du reste, en ce qui concerne plus particulièrement le « système Imperiali » (article 166, alinéa 1er) et le quorum (article 181, § 2, alinéa 3), les recours visent précisément le maintien des dispositions similaires issues de la législation fédérale, malgré les propositions d'amendement de ces dispositions.
Par conséquent, l'on ne saurait considérer que les recours en annulation - et les demandes de suspension - sont en fait dirigés contre des dispositions qui ont été publiées au Moniteur belge respectivement plus de six et trois mois auparavant.
B.2.3.3. L'exception d'irrecevabilité ratione temporis est rejetée.
B.3.1. Dans une deuxième exception, le Gouvernement flamand fait valoir que les recours sont partiellement irrecevables, faute de griefs.
B.3.2. La Cour, qui doit déterminer l'étendue des recours en annulation et des demandes de suspension sur la base du contenu des requêtes, constate que les griefs sont uniquement dirigés contre l'article 166, alinéa 1er, du décret du 8 juillet 2011, lequel applique le « système Imperiali » pour l'attribution des sièges à répartir lors des élections communales, et contre les articles 7, § 1er, alinéa 2, et 181, § 2, alinéa 3, du décret du 8 juillet 2011, dans la mesure où ceux-ci concernent la division en districts pour les élections provinciales et le quorum pour le groupement de listes pour ces districts.
La Cour limite donc à ces dispositions son examen des demandes de suspension.
B.4.1. Dans une dernière exception, le Gouvernement flamand fait valoir que les recours en annulation, et par conséquent les demandes de suspension, sont irrecevables, faute d'intérêt.
B.4.2.1. Pour étayer son intérêt, le requérant dans l'affaire n° 5228 se prévaut de sa qualité de candidat aux élections communales de 2006 et de membre du conseil de l'aide sociale de la commune d'Oostkamp. Il déclare qu'il entend se porter candidat, à titre individuel ou sur une liste encore à créer, aux futures élections communales. Il soutient que les dispositions attaquées l'affectent en ce que le « système Imperiali » lèse les petits partis ou les candidats individuels lors de ces élections.
B.4.2.2. La première partie requérante dans l'affaire n° 5256 participe aux élections en tant que parti « Groen! ».
Les deuxième à dixième parties requérantes dans cette affaire se prévalent de leur qualité d'électeur et de candidat aux élections communales et provinciales. Elles déclarent qu'elles étaient déjà des candidats du parti « Groen! » aux élections communales ou provinciales mais qu'elles n'ont pas été élues en raison de l'application du « système Imperiali ». Les neuvième et dixième parties requérantes ajoutent que le seuil électoral pour l'apparentement au niveau provincial compromet leurs chances.
B.4.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.4.4. Le droit de vote est le droit politique fondamental de la démocratie représentative. Tout électeur ou candidat justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation de dispositions susceptibles d'affecter défavorablement son vote ou sa candidature.
B.4.5. Le fait que l'article 166, alinéa 1er, du décret du 8 juillet 2011 confirme les règles de l'article 56 de la loi électorale communale, coordonnée par l'arrêté royal du 4 août 1932, ne prive pas les requérants de leur intérêt puisque c'est précisément le maintien de cette réglementation qui fait l'objet de leur critique.
Il en va de même en ce qui concerne le quorum prévu à l'article 181, § 2, alinéa 3, également attaqué dans l'affaire n° 5256, lequel article confirme en grande partie le régime de l'article 20, § 2, alinéa 3, de la loi du 19 octobre 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/10/1921 pub. 24/05/2000 numac 2000000083 source ministere de l'interieur Loi organique des élections provinciales Traduction allemande fermer organique des élections provinciales, tel qu'il a été remplacé par l'article 267 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat.
Il n'est en outre pas nécessaire qu'une éventuelle annulation procure aux parties requérantes un avantage immédiat. La circonstance que les requérants obtiendraient une chance que leur situation soit réglée plus favorablement à la suite de l'annulation des dispositions attaquées suffit à justifier leur intérêt à attaquer ces dispositions.
Enfin, le simple fait que, par le passé, les parties requérantes n'aient pas dénoncé ou alors seulement partiellement des dispositions analogues à celles du décret attaqué en l'espèce n'enlève rien à leur intérêt au présent recours.
B.4.6. L'examen limité de la recevabilité des recours en annulation auquel la Cour a pu procéder dans le cadre des demandes de suspension ne fait pas apparaître, au stade actuel de la procédure, que les parties requérantes ne justifieraient pas de l'intérêt requis.
Quant à la demande de suspension B.5. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.
B.6. Le moyen sérieux ne se confond pas avec le moyen fondé.
Pour qu'un moyen soit considéré comme sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, il ne suffit pas qu'il ne soit pas manifestement non fondé au sens de l'article 72, mais il faut aussi qu'il revête une apparence de fondement au terme d'un premier examen des éléments dont la Cour dispose à ce stade de la procédure.
Moyens relatifs au « système Imperiali » (premier, deuxième et troisième moyens dans l'affaire n° 5228 et premier moyen dans l'affaire n° 5256) B.7.1. Le requérant dans l'affaire n° 5228 fait valoir, dans un premier moyen, que les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le « système Imperiali » privilégie les grands partis pour les élections communales.
Selon lui, le principe de la représentation proportionnelle serait violé. La différence de méthode de calcul pour la répartition des sièges au conseil communal et pour la répartition aux autres niveaux de pouvoir ne poursuivrait pas un but légitime et ne serait pas fondée sur des critères objectifs. En outre, une part considérable des électeurs ne serait pas représentée au conseil communal en raison du système appliqué.
B.7.2. Selon les parties requérantes dans l'affaire n° 5256, il n'existe pas de critère objectif ni de justification raisonnable à l'utilisation, d'une part, du « système Imperiali » pour les élections communales et, d'autre part, du « système D'Hondt » pour les élections provinciales et des conseils de district.
B.8.1. A la différence de ce qui est le cas pour les élections de la Chambre des représentants et du Sénat (articles 62, alinéa 2, et 68, § 1er, de la Constitution), la Constitution ne précise pas, pour les élections provinciales et communales, que celles-ci se déroulent selon le système de la représentation proportionnelle.
Le choix de ce système, qui implique que les mandats soient répartis entre les listes de candidats et les candidats proportionnellement au nombre de votes recueillis, découle des articles 19 et 20 de la loi électorale provinciale du 19 octobre 1921 et des articles 56 et suivants de la loi électorale communale coordonnée par l'arrêté royal du 4 août 1932 dont le décret du 8 juillet 2011 s'inspire également.
Le principe de l'application de la représentation proportionnelle pour les élections provinciales et communales a du reste été confirmé par l'article 6, § 1er, VIII, 4°, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, aux termes duquel une majorité des deux tiers est requise lorsque les régions souhaitent modifier la réglementation en la matière dans un sens moins proportionnel.
B.8.2. Pour la réglementation des opérations électorales sur la base du principe de la représentation proportionnelle, le législateur décrétal n'a pas voulu toucher à l'option historique consistant à répartir les sièges disponibles en fonction des voix obtenues par les partis et par les listes selon, respectivement, le « système Imperiali » pour les élections communales et le « système D'Hondt » pour les élections provinciales et, plus récemment, pour l'élection des conseils de districts urbains.
Les deux systèmes font appel à une série de diviseurs, le résultat électoral de chaque parti ou liste (c'est-à -dire le total des votes valables émis en faveur de ce parti ou de cette liste) étant successivement divisé par un dénominateur progressif. Le « système D'Hondt » utilise une série de diviseurs ayant comme dénominateurs successifs 1, 2, 3, 4, etc. Le « système Imperiali » utilise une série de diviseurs ayant comme dénominateurs successifs 1; 1 1/2; 2; 2 1/2; 3; 3 1/2; 4; 4 1/2; etc. Dans les deux systèmes, le premier siège est attribué au parti ou à la liste qui a obtenu le quotient le plus élevé et les sièges suivants - autant qu'il y en a à répartir - sont ensuite attribués au parti ou à la liste ayant le quotient suivant, classé en ordre décroissant.
B.8.3. Même si les élections ont lieu suivant un système de représentation strictement proportionnelle, on ne saurait éviter le phénomène des « voix perdues ». Il s'ensuit que chaque suffrage n'a pas un poids égal dans l'attribution des sièges et que chaque candidat n'a pas les mêmes chances d'être élu.
En outre, aucune disposition de droit international ou de droit interne n'interdit au législateur qui a opté pour un système de représentation proportionnelle de prévoir des limitations raisonnables afin de garantir le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
B.8.4. En ce qui concerne le choix des règles déterminant le poids des votes exprimés dans le résultat des élections, la Cour ne dispose pas de la liberté d'appréciation du législateur décrétal.
L'examen par la Cour de la compatibilité de la disposition attaquée avec le principe d'égalité et de non-discrimination doit dès lors se limiter à vérifier si le législateur décrétal n'a pas pris une mesure qui ne peut être raisonnablement justifiée.
B.8.5. Même s'il peut être admis - comme le soutiennent les requérants, et le Gouvernement flamand ne le contredit pas - que le « système Imperiali » confère un avantage relatif aux « grands partis », il convient d'observer tout d'abord que ce sont les élections mêmes qui font apparaître les partis ou les listes qui sont « plus grands » et que les rapports peuvent être modifiés à chaque nouvelle élection.
En outre, les rapports proportionnels entre les listes ne sont pas seulement déterminés par la formule mathématique du « système Imperiali » ou par celle du « système D'Hondt » mais également par une série d'autres facteurs comme le nombre de mandats à attribuer au sein de chaque circonscription électorale, le nombre de listes participantes et les rapports réciproques entre les résultats électoraux des diverses listes.
B.8.6. La volonté d'instaurer ou de maintenir un système de représentation proportionnelle n'empêche pas de tenir également compte des avantages d'une politique suffisamment stable et claire pendant la législature.
Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation étendu quant au mode d'organisation de la représentation proportionnelle, le législateur décrétal peut prendre des mesures destinées à éviter un morcellement du paysage politique, en favorisant, au sein des organes représentatifs, la formation de groupes politiques suffisamment cohérents.
Par ailleurs, le « système Imperiali » contient une forme de seuil électoral naturel qui s'aligne sur les rapports réciproques au sein de chaque circonscription électorale et qui, à cet égard, est donc plus flexible que le seuil électoral absolu de 5 % qui est appliqué pour les élections fédérales et régionales et, conformément au décret spécial du 8 juillet 2011, également pour les élections provinciales dans la Région flamande.
B.8.7. En outre, le législateur décrétal a pu raisonnablement admettre que la représentation proportionnelle s'effectue comme auparavant, conformément au « système Imperiali » pour les élections communales tandis que le « système D'Hondt » est utilisé à d'autres niveaux de pouvoir.
Le principe d'égalité n'exige pas que la répartition des sièges à attribuer entre les listes ou les partis s'effectue selon les mêmes modalités aux divers niveaux de pouvoir.
Le législateur décrétal a pu raisonnablement estimer que c'est surtout pour les élections communales, où les candidats sont plus proches de la population et où la volonté de se porter candidat est généralement plus importante, que les risques de morcellement et, par conséquent, d'une politique moins stable sont également plus grands.
Bien qu'un même système aurait pu être utilisé pour les élections des conseils des districts urbains qui sont des organes territoriaux intracommunaux, le législateur décrétal n'est pas revenu sur l'application déjà en vigueur du « système D'Hondt ». Mais, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, il n'est pas manifestement déraisonnable que le législateur décrétal ait considéré que l'organisation en districts de zones urbaines composée de communes comptant plus de 100 000 habitants est destinée à permettre une meilleure participation des électeurs à la politique intracommunale et non à contrer le risque de morcellement (voy. Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-907/1, p. 9; ibid., n° 1-907, p. 2).
B.8.8. Le premier moyen dans l'affaire n° 5228 et le premier moyen dans l'affaire n° 5256 ne sont pas sérieux.
B.9. Le requérant dans l'affaire n° 5228 allègue dans un deuxième moyen également la violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 3 du Premier Protocole additionnel à cette Convention.
B.10. Même en admettant que la violation de ces dispositions conventionnelles est invoquée en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, le moyen ne saurait être considéré comme sérieux.
En effet, l'article 3 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas d'application en l'espèce, dès lors que les élections communales ne concernent pas le « choix du corps législatif » au sens de cette disposition. De même, l'article 14 de la Convention n'est pas d'application, dès lors qu'il ne peut être invoqué qu'en combinaison avec un droit ou une liberté garantis par cette Convention.
B.11.1. Le requérant dans l'affaire n° 5228 allègue un troisième moyen pris de la violation de l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la répartition des sièges sur la base des dispositions attaquées ne procurerait pas un droit de suffrage égal à tous les électeurs.
B.11.2. L'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables : a) de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis;b) de voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs;c) d'accéder, dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays ». B.12. Même en admettant que la violation de cette disposition conventionnelle est invoquée en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, le moyen ne saurait être considéré comme sérieux.
Le grief du requérant, selon lequel il est porté atteinte à la garantie du « suffrage égal » visé à l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, se confond avec le grief relatif au traitement inégal des électeurs et des candidats, qu'il a déjà exposé dans le cadre du premier moyen.
Moyen relatif à la répartition en districts électoraux pour les élections provinciales et au quorum pour le groupement de listes pour ces districts (second moyen dans l'affaire n° 5256) B.13.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5256 prennent un second moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 7, § 1er, alinéa 2, et par l'article 181, § 2, alinéas 1er à 3, du décret du 8 juillet 2011, en ce que la division en circonscriptions électorales pour les élections provinciales, annexée au décret et à laquelle renvoie l'article 7, § 1er, alinéa 2, du décret du 8 juillet 2011, entraîne de grandes différences en matière de seuil électoral naturel, ayant pour effet de créer des différences de traitement entre les électeurs, les candidats et les partis politiques, selon la province, l'arrondissement administratif et le district électoral, et en ce que, en vertu de l'article 181, § 2, alinéa 3, seuls sont admis à participer à la répartition complémentaire les groupements de listes qui ont obtenu, dans au moins une circonscription électorale de la province, un nombre de voix égal ou supérieur à 66 % du diviseur électoral - ce que l'on appelle le quorum. Combiné à la fixation des arrondissements électoraux provinciaux et des districts électoraux, cet élément conduirait à une répartition disproportionnée et inégale des sièges complémentaires, au détriment des plus petits partis et de leurs candidats.
Dans une première branche du moyen, les parties requérantes opèrent une comparaison avec le quorum requis lors des élections du Parlement flamand et de la Chambre des représentants.
La seconde branche établit une comparaison au sein de la Région flamande et au sein d'une même province, où le seuil électoral naturel varierait entre 3,14 % et 11 %.
B.13.2. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, ce moyen est suffisamment clair, en ce qu'il est dirigé contre l'article 7, § 1er, alinéa 2, et contre l'article 181, § 2, alinéa 3, du décret du 8 juillet 2011.
D'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit en B.2.2, le moyen est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre les autres dispositions de l'article 181 du décret attaqué, en l'absence de griefs formulés contre celles-ci.
B.14.1. Il appartient en principe au législateur décrétal d'apprécier s'il est souhaitable d'organiser les élections provinciales sur la base d'une seule ou de plusieurs circonscriptions électorales.
Toutefois, lorsqu'il opte pour un système électoral basé sur plusieurs circonscriptions électorales, il doit prendre en considération le fait que le chiffre de la population d'une circonscription électorale détermine le seuil électoral naturel qui doit être atteint afin d'obtenir un siège.
Le seuil naturel est intrinsèquement lié au nombre de sièges à pourvoir dans une circonscription électorale et au chiffre de la population de cette circonscription électorale. La hauteur du seuil naturel est inversement proportionnelle au nombre de sièges à pourvoir et aussi au chiffre de la population de la circonscription électorale.
B.14.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret du 8 juillet 2011 que le législateur décrétal a voulu donner suite à l'arrêt n° 149/2007 du 5 décembre 2007, par lequel la Cour a annulé l'annexe au décret du 2 juin 2006 modifiant le décret provincial du 9 décembre 2005 (Doc. parl., Parlement flamand, 2010-2011, n° 1084/1, pp. 4 et 9, n° 1084/8, pp.5-6, et Ann., Parlement flamand, 2010-2011, n° 43, 29 juin 2011, pp. 109 et 132).
Dans cet arrêt, la Cour a jugé ce qui suit : « B.24.7. Bien qu'il puisse être admis qu'un district électoral où quatre mandats sont à répartir est compatible avec le système de la ' représentation proportionnelle ' utilisé aux élections provinciales, tel n'est pas le cas pour les districts où seuls deux ou trois mandats sont à répartir et où le seuil électoral naturel est, pour cette raison, déraisonnablement élevé ».
Selon les travaux préparatoires du décret du 8 juillet 2011, les nouvelles règles visent à garantir qu'il y ait, dans la nouvelle division en districts électoraux, au moins six sièges à répartir par district (Doc. parl., Parlement flamand, 2010-2011, n° 1084/1, pp. 4, 9 et 10; ibid., n° 1084/8, pp. 6, 8, 11, 14, 17, 22, 26 et 51; Ann., Parlement flamand, 2010-2011, n° 43, 29 juin 2011, pp. 113 et 131).
B.14.3. En donnant ainsi suite à l'arrêt n° 149/2007 précité, le législateur décrétal a garanti que les différences entre les candidats des différents districts provinciaux, qui découlent du seuil électoral naturel, restent dans des limites raisonnables et soient compatibles avec le système de la représentation proportionnelle applicable aux conseils provinciaux.
B.14.4. Dans la mesure où il est dirigé contre l'article 7, § 1er, alinéa 2, du décret du 8 juillet 2011 et contre l'annexe à laquelle cet alinéa fait référence, le moyen n'est pas sérieux.
B.15.1. Pour le surplus, le moyen est dirigé contre la disposition de l'article 181, § 2, alinéa 3, qui a pour effet que seuls sont admis à la répartition complémentaire des sièges les groupements de listes qui ont atteint, dans au moins un district électoral provincial de l'arrondissement électoral provincial concerné, le quorum de 66 % du diviseur électoral.
B.15.2. L'article 101 du décret du 8 juillet 2011 offre la possibilité aux candidats d'une liste de déclarer - avec l'assentiment des électeurs ou des conseillers provinciaux sortant qui les ont présentés - qu'ils forment un groupe avec : « 1° [...]; 2° les candidats nominativement désignés des listes portant le même nom qui sont présentées dans d'autres districts provinciaux du même arrondissement électoral provincial en vue de la répartition complémentaire de sièges, visée à l'article 181, § 2 à § 4 inclus ». Lorsqu'il n'a pas été fait usage de cette possibilité, la répartition des sièges s'opère conformément aux articles 179 et 180 du décret du 8 juillet 2011.
L'article 181 du décret du 8 juillet 2011, dont fait partie la disposition attaquée, règle la répartition des sièges lorsqu'il a été fait usage de la possibilité dite d'apparentement de listes.
Ce régime s'inspire de celui de l'article 20 de la loi du 19 octobre 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/10/1921 pub. 24/05/2000 numac 2000000083 source ministere de l'interieur Loi organique des élections provinciales Traduction allemande fermer organique des élections provinciales, remplacé par l'article 267 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure de l'Etat fédéral.
Lors de la première répartition, on détermine le diviseur électoral en divisant le total général des votes valables par le nombre de sièges à attribuer dans le district provincial. Ensuite, pour chaque district provincial, le chiffre électoral de chaque liste est divisé par ce diviseur électoral. Le quotient entier ainsi obtenu détermine le nombre de sièges qui peut déjà être attribué. Pour chaque liste, on inscrit le nombre de voix non encore utilisées (article 181, § 1er, du décret du 8 juillet 2011).
Pour la répartition complémentaire des sièges, le chiffre électoral de chaque groupement de listes est établi par addition des chiffres électoraux des listes qui font partie du groupe. Les autres listes conservent leur chiffre électoral. Par arrondissement électoral provincial, on détermine, en totalisant les unités des quotients établis auparavant, le nombre de sièges que les différents groupements de listes et les listes isolées ont déjà obtenu pour l'ensemble de l'arrondissement électoral provincial et le nombre de sièges complémentaires encore à attribuer (article 181, § 2, du décret du 8 juillet 2011).
Enfin, à la lumière des chiffres électoraux visés dans l'alinéa précédent, on détermine dans quel ordre les sièges successifs reviennent aux listes et dans quel district provincial le ou les sièges complémentaires peuvent être attribués aux listes apparentées (article 181, § 2, in fine, et § 3, du décret du 8 juillet 2011).
B.15.3. Dans le cadre du premier moyen, il a déjà été observé (B.8.3) que, même dans un système de représentation strictement proportionnel, on ne saurait éviter le phénomène des « voix perdues » et que le législateur qui a choisi un système de représentation proportionnelle peut y apporter des limitations raisonnables afin de garantir le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
Ainsi qu'il a aussi été observé dans le cadre du premier moyen (B.8.4), la Cour ne dispose pas de la marge d'appréciation du législateur décrétal quant au choix des règles déterminant le poids des votes exprimés dans le résultat des élections.
B.15.4. Le décret du 8 juillet 2011 coordonne la réglementation électorale pour les niveaux de pouvoir pour lesquels la Région flamande est devenue compétente. Néanmoins, plusieurs adaptations ont été effectuées, notamment pour les élections provinciales. C'est ainsi que, d'une part, le nombre de membres des conseils provinciaux a été réduit et que, d'autre part, il est garanti qu'au moins six sièges seront à répartir par district provincial.
En ce qui concerne le groupement de listes au niveau provincial, le législateur décrétal a en grande partie repris la réglementation existante.
A cet égard, il a, d'une part, conservé la possibilité pour les candidats de différentes listes d'augmenter leurs chances en groupant des listes présentées sous une même dénomination dans différents districts provinciaux. Grâce à cet apparentement, les voix restantes des divers districts provinciaux peuvent en effet être additionnées et utilisées.
D'autre part, il a limité cette possibilité dans une certaine mesure - comme c'était aussi le cas auparavant - en prévoyant, dans la disposition attaquée, que seules les listes isolées ou apparentées ayant atteint réellement 66 % du diviseur électoral sont prises en compte pour l'attribution des sièges complémentaires. Alors que ce quorum devait auparavant être atteint dans un seul des districts au sein de la province concernée, il est dorénavant requis qu'il soit atteint au sein d'un même arrondissement électoral provincial.
B.15.5. Confronté à une multitude de facteurs parfois contradictoires, le législateur décrétal a tenu compte à la fois de la possibilité existante d'une représentation davantage proportionnée, au niveau des conseils provinciaux, grâce à l'apparentement, et du souhait tout aussi légitime d'éviter le morcellement du paysage politique. Il n'apparaît pas qu'il ait fait, à cet égard, des choix excédant son pouvoir d'appréciation.
B.15.6. Les parties requérantes dans l'affaire n° 5256 font observer que le quorum requis pour l'apparentement lors de l'élection des membres de la Chambre des Représentants s'élève à 33 % et non à 66 %, et que le quorum requis pour l'apparentement lors de l'élection du Parlement flamand s'élève certes à 66 %, mais alors sur la totalité de la province.
Ainsi qu'il a déjà été dit dans le cadre du premier moyen (B.8.7), le principe d'égalité n'exige pas que les élections organisées à différents niveaux de pouvoir aient lieu selon les mêmes modalités, en ce qui concerne la répartition des sièges à attribuer entre les partis ou listes ayant pris part aux élections.
En ce qui concerne la comparaison avec le système d'apparentement pour la Chambre des représentants, il y a lieu d'ajouter qu'une telle différence, qui est le fruit de l'exercice autonome, par la Région, de ses propres compétences, n'est pas, pour cette seule raison, contraire au principe constitutionnel d'égalité.
B.15.7. A ce stade de l'examen de la demande de suspension dans l'affaire n° 5256, il n'apparaît pas qu' en adoptant l'article 181, § 2, alinéa 3, le législateur décrétal ait pris une mesure manifestement déraisonnable.
Dans la mesure où il est dirigé contre cette disposition, le moyen n'est pas sérieux.
B.16. Dès lors qu'il n'est pas satisfait à l'une des conditions requises pour que la suspension puisse être décidée, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre condition.
Par ces motifs, la Cour rejette les demandes de suspension.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 16 février 2012.
Le greffier, F. Meersschaut.
Le président, M. Bossuyt.