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Arrêt
publié le 14 juillet 2004

Extrait de l'arrêt n° 94/2004 du 26 mai 2004 Numéro du rôle : 2742 En cause : le recours en annulation des articles 20 et « 29 » du décret de la Communauté française du 19 décembre 2002 « modifiant le décret du 14 juille(...) La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, M(...)

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Extrait de l'arrêt n° 94/2004 du 26 mai 2004 Numéro du rôle : 2742 En cause : le recours en annulation des articles 20 et « 29 » (trentième article) du décret de la Communauté française du 19 décembre 2002 « modifiant le décret du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF », introduit par la Centrale générale des services publics.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 juin 2003 et parvenue au greffe le 30 juin 2003, la Centrale générale des services publics, dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, place Fontainas 9-11, a introduit un recours en annulation des articles 20 et « 29 » (trentième article) du décret de la Communauté française du 19 décembre 2002 « modifiant le décret du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF » (publié au Moniteur belge du 28 décembre 2002, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Le texte du décret attaqué, publié au Moniteur belge du 28 décembre 2002 (deuxième édition), comporte une erreur matérielle (corrigée dans la traduction néerlandaise) en ce que l'indication « article 29 » ne précède pas le texte de la disposition qui suit l'article 28. Il s'ensuit que la disposition qui suit elle-même celle-là (et qui est la seconde disposition attaquée) est erronément précédée de la mention « article 29 » et devrait, comme dans la version néerlandaise, être précédée de la mention « article 30 ». Au regard des pièces de la procédure, il ne fait cependant pas de doute que les parties visent la disposition improprement dénommée « article 29 »; afin d'écarter tout risque de confusion, le présent arrêt emploiera, dans sa version française, l'expression « article ' 29 ' (trentième article) » lorsque l'article « 29 » sera visé.

B.1.2. Avant les modifications introduites par le décret attaqué, l'article 19 du décret du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF disposait : « Il est institué dans l'entreprise, une commission paritaire. § 1er. Celle-ci est compétente pour : 1° la concertation et l'information générale du personnel;2° la négociation du statut du personnel, du règlement du travail et du statut syndical sans préjudice des dispositions visées au 7° et de l'article 28 ci-dessous;3° les matières relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs, ainsi que celles relatives à la salubrité du travail et des lieux de travail;4° l'examen de l'information économique et financière concernant l'entreprise et ses filiales et notamment l'examen du rapport annuel, tel que défini à l'article 23;5° la consultation préalable à la conclusion du contrat de gestion et à ses modifications;6° l'adoption des règles visées à l'article 7, § 6;7° l'organisation des élections des représentants du personnel de l'entreprise;8° la consultation préalable à l'établissement du règlement d'ordre intérieur relatif au traitement de l'information et à la déontologie des membres du personnel;9° la désignation du conciliateur social. § 2. Elle est composée : 1° du président du conseil d'administration;2° de l'administrateur général et de sept personnes désignées par le conseil d'administration sur proposition de l'administrateur général parmi celles qui exercent des fonctions de direction au sein de l'entreprise, après consultation des directeurs généraux et responsables de centres régionaux;3° de huit délégués représentant le personnel de l'entreprise, présentés par les organisations syndicales représentatives du personnel de l'entreprise.Celles-ci veilleront à ce que les listes de représentants présentées permettent d'assurer une représentation équilibrée du personnel émanant des centres régionaux de production.

Les délégations patronale et syndicale peuvent chacune se faire accompagner d'un expert.

Est considérée comme représentative du personnel de l'entreprise, toute organisation syndicale qui, cumulativement : 1° est affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail;2° défend les intérêts de toutes les catégories du personnel de l'entreprise;3° compte un nombre d'affiliés cotisants représentant au moins dix pour cent des membres du personnel de l'entreprise. Le contrôle de la représentativité des organisations syndicales est exercée par la commission visée à l'article 9 de l'arrêté de l'Exécutif de la Communauté française du 5 avril 1984 organisant les relations sociales dans les organismes d'intérêt public relevant de la Communauté française; 4° il est nommé un suppléant pour chaque membre de la commission paritaire. § 3. La commission paritaire est présidée par le président du conseil d'administration; le président dispose d'une voix consultative. Elle se réunit sur convocation de son président, soit à son initiative, soit chaque fois que demande en est faite par l'administrateur général ou par au moins la moitié des délégués représentant le personnel de l'entreprise.

Elle peut créer des sous-commissions pour traiter de compétences précises. § 4. La commission paritaire ne peut délibérer que si la moitié au moins des membres de chaque délégation patronale et syndicale est présente. Si ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle réunion est convoquée endéans les quinze jours. La commission peut alors délibérer valablement si la moitié de ses membres est présente.

Sans préjudice du § 6, elle émet, à la majorité simple des voix exprimées, des avis qu'elle transmet au conseil d'administration. § 5. Dans les trois mois de l'entrée en vigueur du présent décret, la commission paritaire désigne à l'unanimité des voix exprimées un conciliateur social et son suppléant dont la mission est de rechercher les points de convergence permettant la poursuite des négociations en cas de désaccord persistant sur les points soumis à la négociation, à la consultation ou à l'avis de la commission paritaire conformément au § 1er, 1° à 3° et 7°.

Si, à l'issue du délai prescrit à l'alinéa précédent, l'unanimité n'a pu être acquise, la commission paritaire désigne le conciliateur social et son suppléant à la majorité simple des voix exprimées.

Le conciliateur et son suppléant ne présenteront aucun lien de subordination directe avec l'entreprise, avec le Gouvernement ou avec des organisations syndicales. Ils seront désignés par priorité parmi les conciliateurs sociaux relevant du ministère fédéral de l'Emploi et du Travail compétent en matière de conventions collectives.

La commission paritaire pourra requérir, à la majorité simple, l'intervention du conciliateur social dont la mission s'achèvera au plus tard deux mois après la décision de la commission paritaire de le saisir. A l'issue de sa mission, il établira un rapport qu'il transmettra à la commission paritaire. Les commissaires du Gouvernement en informent immédiatement le Gouvernement.

Pour les matières visées à l'article 19, § 1er, 2° et 7°, le conciliateur social est saisi d'office, si les majorités spéciales ad hoc visées au § 6 requises a la commission paritaire n'ont pu être établies, à l'expiration d'un délai de trois mois, renouvelable deux fois à la demande d'au moins une des parties, prenant cours à partir de la réunion de la commission paritaire où la proposition a été déposée. § 6. Pour les matières visées à l'article 19, § 1er, 2°, la commission paritaire émet ses avis à la majorité des 2/3 des voix exprimées. Ces avis lient le conseil d'administration. Si cette majorité n'a pu être réunie, et après l'expiration d'un délai de deux mois prenant cours à partir du jour où le conciliateur social a été saisi conformément au § 5 et en l'absence de conciliation, le conseil d'administration a la faculté d'adopter ladite proposition sans l'avis de la commission paritaire.

Pour les matières visées à l'article 19, § 1er, 7°, la commission paritaire émet ses avis à l'unanimité des voix exprimées. Ces avis lient le conseil d'administration. § 7. Le Gouvernement est habilité à conclure un accord de coopération avec d'autres entités fédérées portant, lorsque celles-ci auront constitué au moins une entreprise publique autonome, sur la création d'une commission paritaire ' entreprise publique ' commune.

Celle-ci sera compétente pour examiner sur recours les propositions déposées à la commission paritaire interne à l'entreprise en vertu du § 1er ci-dessus. L'accord de coopération déterminera la composition, les compétences et le fonctionnement de la commission paritaire ' entreprise publique '.

Les dispositions des §§ 5 et 6 ci-dessus, relatives au conciliateur social, seront inapplicables de plein droit le jour de l'entrée en vigueur de l'accord de coopération. » B.1.3. Les articles 20 et « 29 » (trentième article) du décret du 19 décembre 2002 modifiant le décret du 14 juillet 1997 précité qui font l'objet du recours ont trait à la désignation des représentants des organisations syndicales siégeant à la commission paritaire de la RTBF. Ils disposent : «

Art. 20.L'article 19, § 2, 3°, du même décret est remplacé par la disposition suivante : ' 3° de huit délégués élus par l'ensemble des membres effectifs du personnel de l'entreprise.

Les candidats délégués sont présentés par les organisations représentatives du personnel. Est considérée comme organisation représentative du personnel, l'organisation syndicale : a) affiliée à une organisation inter-professionnelle représentative des travailleurs constituée sur le plan national, représentée au conseil national du travail;b) qui défend les intérêts de toutes les catégories du personnel de l'entreprise;c) compte un nombre d'affiliés représentant au moins un certain pourcentage des membres du personnel de l'entreprise.Ce pourcentage minimum est arrêté par le Gouvernement.

Le contrôle de représentativité des organisations syndicales est exercé par la commission visée à l'article 9 de l'arrêté de l'Exécutif de la Communauté française du 5 avril 1984 organisant les relations sociales dans les organismes d'intérêt public relevant de la Communauté française.

Sans préjudice de l'application de la législation sociale, la candidature aux élections de délégués du personnel et le mandat de délégué ne peuvent entraîner ni préjudices, ni avantages spéciaux pour celui qui la présente ou qui l'exerce. Le conseil d'administration arrête les modalités de cette disposition sur proposition de la commission paritaire. ' » « Art. ' 29 ' [trentième article]. En dérogation de l'article 19, § 2, du décret 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF modifié par le présent décret et jusqu'aux premières élections visées à l'article 17 du présent décret : 1° la commission paritaire est composée : a) du président du conseil d'administration;b) de l'administrateur général et de huit personnes désignées par le conseil d'administration sur proposition de l'administrateur général parmi celles qui exercent des fonctions de direction au sein de l'entreprise, après consultation des directeurs généraux;c) de neuf délégués représentant le personnel de l'entreprise;2° les neuf délégués visés sous 1°, c) sont présentés par les organisations syndicales représentatives;3° chacune des organisations syndicales représentatives a au minimum un représentant;4° chaque organisation syndicale représentative veille, lorsqu'elle a plus d'un représentant, à ce qu'une représentation équilibrée du personnel émanant des centres régionaux de production soit assurée;5° est considérée comme représentative du personnel de l'entreprise, l'organisation syndicale : a) affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail;b) qui défend les intérêts de toutes les catégories du personnel de l'entreprise;6° les délégations patronale et syndicale peuvent chacune se faire accompagner d'un expert.» Quant à la recevabilité du recours B.1.4. Dans son mémoire en réplique, le Syndicat libre de la fonction publique (S.L.F.P.) met en cause la recevabilité de la requête en faisant valoir qu'elle est déposée par le bureau exécutif communautaire du sous-secteur « RTBF » de la requérante (alors que la requête engage celle-ci dans son ensemble) et que les statuts de la requérante n'ont pas été déposés au dossier.

B.1.5.1. Aux termes de l'article 20, e, des statuts de la C.G.S.P., il appartient à son bureau exécutif fédéral de « désigner les personnes appelées à représenter la C.G.S.P. comme demandeur, comme défendeur ou comme partie intervenante dans les procédures juridictionnelles ».

En sa séance du 13 juin 1994 (point 1.1 du procès-verbal), cet organe a décidé que la personne amenée à représenter la C.G.S.P. ou l'un de ses secteurs agissant en justice devait avoir été préalablement mandatée par le « Bureau exécutif de la Centrale ou du secteur, selon le cas ».

La partie requérante a joint à son recours un extrait du procès-verbal de la réunion du bureau exécutif communautaire du sous-secteur « RTBF » du 18 juin 2003, dont il résulte que A. Poitoux, secrétaire communautaire, a été mandaté pour représenter la C.G.S.P. dans cette affaire.

B.1.5.2. Dès lors que les dispositions en cause ont trait à la RTBF et qu'elles relèvent, par leur objet, du domaine de compétence particulier du sous-secteur « RTBF », il n'est pas contraire aux statuts de la C.G.S.P., compte tenu des décisions relatives à la création de secteurs ou de sous-secteurs, que A. Poitoux ait été mandaté par le bureau exécutif du sous-secteur « RTBF » pour représenter la C.G.S.P. B.1.6. Le Gouvernement de la Communauté française et le S.L.F.P. estiment, dans leur mémoire en réplique, que l'intérêt de la requérante n'est pas justifié, les dispositions attaquées ne lui causant pas de grief.

B.1.7.1. La C.G.S.P., en sa qualité d'organisation syndicale représentative, justifie par ailleurs de l'intérêt requis à demander l'annulation d'un décret qui modifie les conditions auxquelles les organisations syndicales sont jugées représentatives, même si cette modification ne présente d'autre inconvénient pour elle que de conduire à admettre la représentativité d'organisations rivales.

B.1.7.2. L'exception d'irrecevabilité soulevée par les intervenants est rejetée.

Quant au fond B.2. Les moyens sont pris de la violation des articles 10 et 11, lus au regard des articles 23 et 27, de la Constitution, ainsi que de la Convention n° 151 concernant la protection du droit d'organisation et les procédures de détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique, adoptée à Genève, le 27 juin 1978, par la Conférence internationale du travail et approuvée par la loi du 4 avril 1991 (particulièrement de son article 5).

Quant aux premier et deuxième moyens B.3. La requérante estime que les articles 20 et « 29 » (trentième article) du décret attaqué traitent de manière identique des organisations syndicales se trouvant dans des situations essentiellement différentes : les unes, telle la C.G.S.P., requérante, auraient établi leur représentativité réelle en participant au comptage de leurs affiliés cotisants prévu par l'article 19 du décret du 14 juillet 1997 dans sa rédaction initiale (qui exigeait, notamment, qu'une organisation syndicale compte, pour pouvoir être considérée comme représentative, un nombre d'affiliés cotisants représentant au moins dix pour cent des membres du personnel), alors que le S.L.F.P., n'ayant jamais participé à ce comptage, n'aurait jamais établi qu'il répondait à cette exigence précise. Or, ces organisations syndicales pourraient, l'une et l'autre, se prévaloir du régime de représentativité organisé par les dispositions en cause : en régime organique, l'article 20, visé par le premier moyen, prévoit un comptage et un seuil de représentativité mais habilite si largement le Gouvernement à fixer celui-ci qu'il n'est pas exclu que des organisations comptant un nombre extrêmement réduit d'affiliés puissent prétendre au statut d'organisation syndicale représentative; en régime transitoire, jusqu'à l'élection, par les membres du personnel, des candidats présentés par les organisations syndicales représentatives, l'article « 29 » (trentième article), visé par les deux moyens, porte de huit à neuf le nombre de représentants syndicaux à la commission paritaire en prévoyant que les organisations syndicales affiliées à une organisation représentée au Conseil national du travail (C.N.T.) y compteront au moins un représentant, sans prévoir d'exigence relative à leur nombre d'affiliés.

B.4. Selon les travaux préparatoires, le décret attaqué poursuit, en matière de relations sociales, un double objectif.

D'une part, il entend garantir la mise en oeuvre des élections sociales prévues par le décret du 14 juillet 1997 : « Quant à la commission paritaire, au regard des missions qui incombent à celle-ci, il convient de modifier les modalités de représentation du personnel en son sein. En effet, le texte [décret] du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF, bien qu'il prévoie la mise en oeuvre d'élections sociales, n'entraîne aucunement l'obligation de les organiser. Depuis l'adoption de cette disposition en 1997, il n'y a jamais eu d'élections sociales au sein de la RTBF. Dans ce contexte, c'est le système de base prévu par l'article 19, § 2, 3°, qui s'applique. Dès lors, la représentativité des membres du personnel est assurée par un mécanisme de présentation des délégués par les organisations syndicales.

Afin d'assurer une meilleure représentativité du personnel au sein de la commission paritaire, le présent décret a pour objet de rendre obligatoires les élections sociales. » (Doc., Parlement de la Communauté française, 2002-2003, n° 344/1, p. 2) D'autre part, il entend élargir les compétences de la commission paritaire à la négociation et à la concertation portant sur les mesures qui intéressent le personnel et relèvent, non pas du conseil d'administration de la RTBF, mais de l'autorité politique exerçant sa tutelle sur celle-ci : « [L'article 19 du décret du 14 juillet 1997, dans sa version initiale,] institue une Commission paritaire composée d'une part d'une délégation patronale et d'autre part d'une délégation syndicale. Cette commission est notamment compétente pour la négociation du statut du personnel.

Toutefois, cette instance n'a de légitimité et de compétence que lorsque le conseil d'administration est seul compétent pour prendre les décisions.

Et d'autres termes, lorsqu'une décision prise par le conseil d'administration seul est sans effet juridique si des lois, décrets ou arrêtés ne sont pas votés, aucun espace de dialogue officiel n'est prévu pour permettre aux parties concernées d'émettre un avis à l'égard des autorités compétentes.

En effet, les anciens comités de négociation et de concertation créés par l'arrêté du 5 avril 1984 (modifié le 15 mars 1985) organisant les relations sociales dans les organismes d'intérêt public relevant de Communauté française ont été supprimés au sein de la RTBF lors du vote, en 1997, du nouveau décret portant statut de la RTBF, parce qu'il avait probablement été estimé que la RTBF en tant qu'entreprise publique autonome n'avait plus besoin de cet espace de discussion.

Ainsi, les dispositions du décret de 1997 traitant des relations syndicales se substituent à l'arrêté de l'exécutif de la Communauté française du 5 avril 1984.

Force est toutefois de constater, au regard de la pratique, qu'il convient de prévoir une instance permettant la rencontre des représentants syndicaux, de la direction et du Gouvernement, représenté par son ministre de l'audiovisuel, préalablement à la prise d'actes législatifs ou réglementaires susceptibles de concerner les parties en présence. » (ibid., p. 3) A cette fin, l'article 21 du décret attaqué modifie l'article 19, § 2, du décret du 14 juillet 1997 pour prévoir, dans les cas qu'il vise, la présence au sein de la commission paritaire du Ministre ayant l'audiovisuel dans ses attributions.

B.5. Il y a lieu d'observer, d'une manière générale, que dans la perspective du second de ces objectifs, il n'est pas dépourvu de pertinence que des organisations syndicales fassent partie d'une organisation interprofessionnelle constituée sur le plan national, c'est-à-dire défendant également les intérêts de toutes les catégories du personnel. Leur présence est en effet de nature à garantir que, lors de l'adoption de décisions relevant des autorités politiques de tutelle, qui sont elles-mêmes représentées, notamment, dans les comités généraux de négociation créés par la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, il soit tenu compte non seulement des intérêts du personnel de la RTBF mais aussi de ceux des travailleurs en général et, notamment, des agents de l'ensemble des services publics.

B.6. Dans le régime organique (article 20 du décret attaqué, modifiant l'article 19 du décret du 14 juillet 1997), les conditions de la représentativité ne peuvent être appréciées sans égard à la fonction toute nouvelle que la modification introduite par le décret attaqué confère à la notion même de représentativité. Dans le système ancien, en effet, les membres de la commission paritaire représentant le personnel de l'entreprise étaient à proprement parler désignés par des organisations; dans le nouveau, ils sont élus par l'ensemble des membres effectifs du personnel de l'entreprise, sur présentation par les organisations.

Il se conçoit que le législateur subordonne le droit de présenter des candidats à une élection à certaines conditions; mais dès lors que le principe démocratique de l'élection des représentants par les représentés est adopté, de telles conditions peuvent difficilement être critiquées comme trop larges. En revanche, le filtre de la représentativité remplit une fonction essentielle lorsqu'il s'agit de désigner les organisations qui, en lieu et place du personnel, sont habilitées à désigner elles-mêmes les représentants de celui-ci. La représentativité étant la condition d'un pouvoir beaucoup plus déterminant et plus direct dans un système de désignation directe que dans un système d'élection, il n'est pas déraisonnable qu'elle soit conçue selon des critères moins exigeants dans ce dernier cas que dans le premier.

B.7.1. Quant à l'article « 29 » (trentième article), l'absence de seuil de représentativité dans le régime transitoire est présentée dans les travaux parlementaires comme résultant du souci du législateur de permettre à chaque organisation syndicale représentative d'avoir la possibilité de démontrer sa capacité d'action dans l'attente des élections sociales : « Afin de laisser la chance à chaque organisation syndicale de remplir les conditions de représentativité nécessaires pour participer aux élections des délégués représentant le personnel de l'entreprise, il est prévu d'intégrer dans la commission paritaire, à titre transitoire, au moins un représentant de chaque organisation syndicale de sorte qu'elles aient la possibilité de démontrer leur capacité d'action à l'égard du personnel. C'est pourquoi la disposition de l'article 29 vise à ce que la composition de la commission paritaire soit augmentée, jusqu'à la tenue des premières élections sociales, d'un délégué par organisation syndicale représentative et non représentée à la date d'entrée en vigueur du présent décret. » (Doc., Parlement de la Communauté française, 2002-2003, n° 344/1, p. 8) Cette même absence de seuil est présentée par la requérante comme traduisant en réalité le souci de favoriser une organisation déterminée.

Quoi qu'il en soit, la mesure prise est adéquate à l'objectif déclaré et celui-ci n'est pas déraisonnable. En outre, si les conditions auxquelles est subordonnée la présence des délégués d'une organisation au sein d'une commission paritaire sont toujours susceptibles d'être critiquées comme trop larges ou trop strictes, il convient de rappeler que du point de vue de la liberté syndicale et du droit de négociation collective, fondamentaux en la matière, l'exclusion est en principe plus difficile à justifier que l'admission. Ce qui est primordial est qu'aucune partie substantielle du personnel de la RTBF ne soit privée de représentation.

B.7.2. Il est vrai que le nombre des affiliés constitue un indice pertinent (mais non le seul car les élections sociales ne le seraient pas moins) de la confiance du personnel représenté dans les organisations qui le représentent et qu'en conséquence, l'abandon, pour le système transitoire, de la règle des 10 p.c. représente un abaissement des exigences. Toutefois, ce changement de politique ne saurait constituer une violation des articles 10 et 11 de la Constitution si la politique nouvelle n'institue pas un traitement discriminatoire en lui-même.

En l'espèce, la discrimination alléguée consisterait à traiter également des organisations dont certaines sont réellement représentatives et une autre non. La partie requérante peut estimer que pour cette dernière les indices de représentativité réelle sont ténus. Mais elle ne démontre pas pour autant une non-représentativité à ce point marquée qu'en dépit de la considération exposée au B.5, cette organisation rivale ne puisse raisonnablement se voir reconnaître le droit de désigner ne fût-ce qu'un seul des neuf représentants du personnel que comptera la commission paritaire durant la phase transitoire.

B.8. Les moyens ne peuvent être accueillis.

Quant au troisième moyen B.9. La partie requérante reproche en particulier à l'article 20 du décret attaqué d'habiliter le Gouvernement à fixer le seuil de représentativité prévu par le régime organique et de lui permettre ainsi de favoriser une organisation syndicale déterminée qui ne compterait qu'un nombre réduit d'affiliés au sein de la RTBF. B.10. Pour les raisons indiquées au B.6, la condition dite de représentativité ne remplit pas la même fonction dans le régime organique que s'il s'agissait d'habiliter les organisations qui remplissent cette condition à désigner elles-mêmes, directement, les membres de la représentation du personnel. En outre, de ce que le législateur décrétal s'est abstenu de préciser dans le décret lui-même les critères de représentativité que le Gouvernement devrait appliquer, il ne pourrait être déduit qu'il l'aurait implicitement autorisé à méconnaître le principe d'égalité et de non-discrimination.

Si large soit-elle, l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 2 ne lui permet en aucune façon de déroger au principe selon lequel, lorsqu'une norme établit une différence de traitement entre certaines catégories de personnes, celle-ci doit se fonder sur une justification objective et raisonnable qui s'apprécie par rapport au but et aux effets de la norme considérée. C'est au juge administratif qu'il appartient d'annuler la décision par laquelle le Gouvernement aurait fixé un seuil de représentativité en se fondant sur une conception illégale ou discriminatoire de la notion de représentativité.

Il s'ensuit que le procès d'intention fait par la requérante lorsqu'elle affirme que la mesure attaquée tend à favoriser une organisation déterminée ne peut suffire, fondé ou non, à démontrer le caractère discriminatoire de l'habilitation donnée au Gouvernement.

B.11. En s'abstenant de fixer dans le décret le critère de représentativité en cause, le législateur a pris une mesure qui n'est pas incompatible avec les dispositions invoquées par le moyen.

B.12. Le moyen ne peut être accueilli.

B.13. Les moyens ne tirent pas des dispositions de droit international qu'ils invoquent d'autres arguments que ceux qui ont été examinés plus haut.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise, et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 26 mai 2004.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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