publié le 01 juin 2002
Extrait de l'arrêt n° 57/2002 du 28 mars 2002 Numéros du rôle : 2048, 2049 et 2158 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 149 et 150 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, (...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 57/2002 du 28 mars 2002 Numéros du rôle : 2048, 2049 et 2158 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 149 et 150 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, posées par la Cour d'appel de Gand.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par deux arrêts du 15 septembre 2000 en cause du ministère public et de la ville de Termonde contre A.De Saeger et en cause du ministère public contre J. Maes et K. Vanhoutte, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 9 octobre 2000, la Cour d'appel de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 149, § 1er, du décret portant organisation de l'aménagement du territoire du 18 mai 1999 (Moniteur belge du 8 juin 1999) viole-t-il l'article 10 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et avec l'article 144 de la Constitution, en ce qu'il n'offre pas au contrevenant au décret portant organisation de l'aménagement du territoire les mêmes garanties juridictionnelles que celles qui sont offertes aux citoyens parties à un litige tranché par les tribunaux, portant sur d'autres droits civils, et en ce que cette disposition prive notamment les cours et tribunaux du droit d'apprécier l'opportunité de l'option de l'inspecteur urbaniste et/ou du collège des bourgmestre et échevins quant à la mesure de réparation à imposer et à la mesure de réparation demandée elle-même, sauf lorsqu'une partie civile a introduit une demande de réparation non correspondante et/ou en ce que cet article prive les cours et tribunaux du droit d'apprécier l'opportunité de l'option des autorités administratives précitées ou d'une d'entre elles quant à la mesure de réparation à imposer et quant à la mesure de réparation demandée elle-même lorsqu'aucune demande de réparation non correspondante n'a été introduite par une partie civile, alors que tel est le cas en vertu de l'article 150 du même décret lorsqu'une partie civile a introduit une demande de réparation qui ne correspond pas à celle de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins ? 2. L'article 149, § 1er et/ou § 2, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, juncto l'article 197 du même décret, viole-t-il les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, en ce compris les règles visées à l'article 124bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 en tant que ces dispositions a.habilitent l'inspecteur urbaniste ou le fonctionnaire délégué et/ou le collège des bourgmestre et échevins à introduire par lettre ordinaire l'une des actions prévues par ces dispositions auprès de la juridiction répressive, b. habilitent la juridiction répressive à prononcer ces mesures de réparation et, le cas échéant, à fixer le délai d'exécution, c.habilitent la juridiction répressive à infliger une astreinte ? » Ces affaires sont inscrites sous les numéros 2048 et 2049 du rôle de la Cour. b. Par arrêt du 30 mars 2001 en cause du ministère public contre G. Lavens et L. Snauwaert, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 9 avril 2001, la Cour d'appel de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Les articles 149, § 1er, et 150 du décret portant organisation de l'aménagement du territoire du 18 mai 1999 (Moniteur belge du 8 juin 1999) violent-ils l'article 10 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et avec l'article 144 de la Constitution, a. en ce qu'ils n'offrent pas au contrevenant au décret portant organisation de l'aménagement du territoire les mêmes garanties juridictionnelles que celles qui sont offertes aux citoyens parties à un litige tranché par les tribunaux, portant sur d'autres droits civils, et en ce que ces dispositions privent notamment les cours et tribunaux du droit d'apprécier l'opportunité de l'option retenue par l'inspecteur urbaniste régional et/ou le collège des bourgmestre et échevins quant à la mesure de réparation à demander et quant à la mesure de réparation demandée elle-même, sauf lorsqu'une partie civile a introduit une demande de réparation discordante, b.et/ou en ce qu'ils n'offrent pas au contrevenant au décret portant organisation de l'aménagement du territoire les mêmes garanties en privant les cours et tribunaux du droit d'apprécier l'opportunité de l'option retenue par les autorités administratives précitées ou par une d'entre elles quant à la mesure de réparation à imposer et quant à la mesure de réparation demandée elle-même lorsqu'aucune demande de réparation discordante n'a été introduite par une partie civile, alors que tel est le cas, en vertu de l'article 150 du même décret, lorsqu'une partie civile a introduit une demande de réparation qui ne correspond pas à celle de l'inspecteur urbaniste et/ou du collège des bourgmestre et échevins, c. et/ou en ce qu'ils n'offrent pas au contrevenant au décret portant organisation de l'aménagement du territoire les mêmes garanties en privant le juge du pouvoir d'ordonner la mesure de réparation qu'il estime la plus adéquate lorsque les demandes de réparation formulées par les autorités administratives précitées ne concordent pas, alors qu'il a ce pouvoir lorsque les demandes de ces autorités administratives compétentes et de la partie civile ne concordent pas ? 2.L'article 149, §§ 1er et 2, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, juncto l'article 197 du même décret, viole-t-il les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, en ce compris les règles visées à l'article 124bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, a. en tant que cette disposition habilite l'inspecteur urbaniste régional et/ou le collège des bourgmestre et échevins à intenter par lettre ordinaire l'une des actions prévues par ces dispositions auprès de la juridiction répressive, b.et/ou habilite la juridiction répressive à prononcer ces mesures de réparation et, le cas échéant, à fixer le délai d'exécution, c. et/ou habilite la juridiction répressive à prononcer une astreinte, d.et/ou est interprétée comme permettant également à l'inspecteur urbaniste régional et/ou au collège des bourgmestre et échevins d'intervenir en tant que partie dans le procès pénal aux fins de soutenir l'action intentée auprès du parquet ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 2158 du rôle de la Cour. (...) IV. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1.1. L'article 149 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire (ci-après : décret sur l'aménagement du territoire) dispose : « § 1er. Outre la peine, le tribunal ordonne, sur requête de l'inspecteur urbaniste, ou du collège des bourgmestre et échevins de la commune sur le territoire de laquelle les travaux, opérations ou modifications visés à l'article 146 ont été exécutés, de remettre le lieu en son état initial ou de cesser l'utilisation contraire, et/ou d'exécuter des travaux de construction ou d'adaptation et/ou de payer une amende [lire : somme d'argent] égale à la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction.
La plus-value ne peut plus être réclamée dans les cas suivants : 1° en cas de répétition d'une infraction, rendue punissable par le présent décret;2° en cas de non-respect d'un ordre de cessation;3° lorsque l'infraction provoque des nuisances urbanistiques inadmissibles pour les voisins;4° lorsque l'infraction constitue une violation grave des prescriptions urbanistiques essentielles en matière de destination en vertu du plan d'exécution spatial ou du plan d'aménagement. Le Gouvernement flamand peut déterminer d'autres modalités pour les cas où la plus-value ne peut pas être réclamée.
Lorsque les actions de l'inspecteur urbaniste et du collège des bourgmestre et échevins ne correspondent [lire : concordent] pas, l'action du premier cité est prioritaire.
Pour l'exécution des mesures de réparation, le tribunal fixe un délai qui ne peut dépasser un an et après l'expiration de ce délai d'exécution, sur requête de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins, une astreinte par journée de retard dans la mise en oeuvre de la mesure de réparation. § 2. L'action en réparation est introduite auprès du parquet par lettre ordinaire, au nom de la Région flamande ou du collège des bourgmestre et échevins, par les inspecteurs urbanistes et les préposés du collège des bourgmestre et échevins. [...] » B.1.2. L'article 150 du même décret énonce : « Lorsque l'action en réparation de la partie civile d'une part, et celle de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins d'autre part, ne correspondent [lire : concordent] pas, le tribunal détermine la mesure de réparation requise qu'il juge appropriée. » B.1.3. L'article 197 du même décret dispose : « Les fonctionnaires autorisés visés au décret relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996, restent compétents pour détecter et établir des infractions et introduire des actions en réparation aussi longtemps que les inspecteurs urbanistes n'ont pas encore été nommés par le Gouvernement flamand. » B.2.1. Les questions préjudicielles ont pour objet de demander à la Cour si les articles 149, § 1er, et 150 du décret sur l'aménagement du territoire violent les articles 10 et 11 de la Constitution combinés ou non avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 144 de la Constitution (première question) et si l'article 149, §§ 1er et 2, combiné avec l'article 197 du même décret, viole les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions (deuxième question).
B.2.2. L'examen de la conformité des dispositions litigieuses du décret aux règles répartitrices de compétences doit précéder l'examen de leur compatibilité avec le principe d'égalité.
Quant aux règles répartitrices de compétences B.3. La Cour doit examiner si, en cas d'infraction en matière d'aménagement du territoire, les régions sont compétentes pour faire ordonner des mesures de réparation par le juge et si elles peuvent décider à cet égard que ce juge fixe le délai d'exécution de la mesure et l'astreinte due par jour de retard.
La Cour doit aussi examiner si les régions sont compétentes pour habiliter l'inspecteur urbaniste et le collège des bourgmestre et échevins à introduire une action en réparation par lettre ordinaire auprès du parquet et leur permettre d'intervenir volontairement en tant que parties au procès pénal.
En ce qui concerne les mesures de réparation B.4.1. En vertu de l'article 6, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les régions sont compétentes en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire.
Aux termes de l'article 11 de la même loi spéciale, les décrets peuvent ériger en infraction les manquements à leurs dispositions et établir les peines punissant ces manquements.
B.4.2. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils ne disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées. Sauf dispositions contraires, le législateur spécial a transféré aux communautés et aux régions l'ensemble de la politique relative aux matières qu'il a attribuées.
B.4.3. Leur compétence en matière d'aménagement du territoire ne permet pas aux régions d'édicter des règles relatives à la compétence des juridictions et à la procédure applicable devant celles-ci. En vertu des articles 145 et 146 de la Constitution, c'est au législateur fédéral seul qu'il appartient de définir les compétences des juridictions. Le pouvoir de fixer les règles de procédure devant les juridictions appartient à ce dernier en vertu de sa compétence résiduaire.
B.5.1. L'exercice par les régions de leur compétence en matière d'aménagement du territoire suppose qu'elles puissent déterminer les mesures permettant de restaurer le bon aménagement du territoire après que celui-ci a été perturbé.
B.5.2. En vertu de l'article 149, § 1er, du décret sur l'aménagement du territoire, le tribunal ordonne de remettre les lieux en leur état initial ou de cesser l'utilisation contraire, et/ou d'exécuter des travaux de construction ou d'adaptation et/ou de payer une somme d'argent égale à la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction.
Ces mesures ne sont pas des peines. Toutefois, étant donné qu'elles sont subordonnées à la constatation d'une infraction, la demande concernant ces mesures est liée à l'action publique.
B.5.3. L'article 149, § 1er, du décret sur l'aménagement du territoire détermine les mesures qui peuvent être ordonnées en vue de restaurer le bon aménagement du territoire. Il ne désigne pas la juridiction qui est compétente pour ordonner les mesures concernées; ces mesures seront ordonnées par la juridiction qui est compétente par application des règles de procédure établies par le législateur fédéral.
B.5.4. Les mesures de réparation établies à l'article 149, § 1er, du décret sur l'aménagement du territoire entrent dans le concept de restitution utilisé par l'article 44 du Code pénal.
B.5.5. Bien qu'elle ait un caractère civil, la restitution est liée à l'ordre public et est, par certains aspects, un accessoire indivisiblement lié à la sanction pénale; en effet, elle est le prolongement de celle-ci puisqu'elle tend - au-delà de la condamnation pénale - à empêcher que subsiste une situation perpétuant l'infraction.
B.5.6. En tant qu'il dispose que le juge ordonne les mesures de réparation et fixe le délai d'exécution de celles-ci, l'article 149, § 1er, du décret sur l'aménagement du territoire est conforme à l'habilitation donnée au législateur décrétal par l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980 : le droit d'ériger en infraction les manquements aux décrets et d'établir les peines punissant ces manquements implique celui d'imposer l'élimination de l'objet de l'infraction et d'en régler les modalités.
En ce qui concerne l'astreinte B.6.1. En vertu de l'article 149, § 1er, in fine, du décret sur l'aménagement du territoire, le tribunal fixe, « sur requête de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins, une astreinte par journée de retard dans la mise en oeuvre de la mesure de réparation ».
B.6.2. Les règles relatives à l'astreinte sont contenues dans les articles 1385bis à 1385nonies du Code judiciaire. Etant donné qu'elles régissent certains aspects de la procédure applicable devant les juridictions, ces règles sont en principe du ressort du législateur fédéral.
B.6.3. L'astreinte est un moyen de coercition pour obtenir l'exécution d'une décision judiciaire, qui consiste en une obligation de faire, de ne pas faire ou de donner une chose. Elle ne s'applique pas aux obligations de paiement de sommes d'argent, dont le respect peut s'obtenir à l'aide des voies d'exécution ordinaires (article 1er de la loi uniforme relative à l'astreinte; exposé des motifs commun de la Convention Benelux portant loi uniforme relative à l'astreinte, Doc. parl., Chambre, 1977-1978, n° 353/1, p. 16).
L'absence d'intention du législateur décrétal d'obliger le juge à infliger l'astreinte, si elle est demandée, lorsque la mesure de réparation consiste dans le paiement d'une somme d'argent égale à la plus-value, peut se déduire des termes de l'article 149, § 1er, in fine. Il peut être inféré de l'utilisation des termes « exécution des mesures de réparation », « délai d'exécution » et « retard dans la mise en oeuvre de la mesure de réparation » que le législateur décrétal a voulu limiter l'application de l'astreinte aux mesures de réparation consistant en une obligation de faire ou de ne pas faire, à savoir la remise du lieu en son état initial, la cessation de l'utilisation contraire ou l'exécution de travaux de construction ou d'adaptation.
B.6.4. En ce qu'elle a pour objet de renforcer la mesure de réparation, l'astreinte est elle-même liée à l'action pénale et, pour les motifs exposés en B.5.5 et B.5.6, il entre dans la compétence du législateur décrétal de décider dans quel cas elle peut être infligée à la partie pénalement condamnée afin de garantir l'exécution de la mesure ordonnée en vue de faire cesser l'infraction.
B.6.5. Il s'ensuit que l'article 149, § 1er, dernier alinéa, du décret litigieux ne viole pas les règles répartitrices de compétences.
B.6.6. Sans doute peut-on se demander si l'article 1er, alinéa 1er, de la loi uniforme relative à l'astreinte, annexée à la Convention Benelux du 26 novembre 1973, selon lequel le juge « peut », à la demande d'une partie, condamner l'autre partie à une astreinte, peut s'interpréter comme interdisant d'obliger le juge à condamner à une astreinte dès qu'elle est demandée.
Dès lors que la Cour a tranché la question du respect des règles répartitrices de compétences, ce n'est pas à elle, mais à la Cour de justice Benelux qu'il appartiendrait, si le juge a quo estimait devoir l'interroger, de trancher cette question d'interprétation, en vertu de l'article 4 de la Convention Benelux.
En ce qui concerne l'introduction de l'action en réparation B.7.1. Aux termes de l'article 149, § 2, du décret sur l'aménagement du territoire, l'action en réparation est introduite auprès du parquet par lettre ordinaire, au nom de la Région flamande ou du collège des bourgmestre et échevins, par les inspecteurs urbanistes et les préposés du collège des bourgmestre et échevins.
B.7.2. Il relève de la compétence des régions en matière d'aménagement du territoire de laisser le choix de la mesure de réparation à l'autorité jugée la plus apte à cette fin.
L'article 149, § 2, du décret sur l'aménagement du territoire laisse en principe ce choix à l'inspecteur urbaniste et au collège des bourgmestre et échevins. Il n'habilite pas ces autorités à saisir les juridictions répressives d'une infraction mais seulement à désigner le mode de réparation qui doit être prononcé dans l'intérêt général si l'infraction est prouvée. L'action en réparation est donc subordonnée à la décision du parquet de poursuivre ou non l'infraction.
B.7.3. En tant qu'il dispose que la demande de réparation est introduite auprès du parquet par lettre ordinaire, l'article 149, § 2, du décret sur l'aménagement du territoire règle seulement la manière dont il est donné connaissance de la mesure de réparation choisie et ne fixe pas des règles de procédure pour le tribunal compétent.
En ce qui concerne l'intervention B.8.1. Dans la question préjudicielle posée dans l'affaire n° 2158, l'article 149 du décret sur l'aménagement du territoire est interprété en ce sens qu'il autoriserait l'inspecteur urbaniste et le collège des bourgmestre et échevins à intervenir en tant que partie au procès pénal en vue d'appuyer l'action intentée par le parquet.
B.8.2. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l'intervention volontaire d'un tiers devant la juridiction répressive est recevable, pour autant qu'une norme législative l'autorise expressément.
B.8.3. Sans se prononcer sur l'interprétation donnée par le juge a quo, la Cour constate qu'une telle autorisation donnée par un décret ne modifie pas les règles de la procédure concernant l'intervention volontaire, mais désigne seulement une catégorie supplémentaire de parties intervenantes qui est en rapport avec la matière attribuée au législateur décrétal. Une telle mesure peut s'inscrire dans la compétence des régions en matière d'aménagement du territoire.
Quant au principe d'égalité B.9. La Cour doit examiner si les dispositions en cause portent atteinte de manière discriminatoire aux garanties juridictionnelles dont disposent les personnes à l'encontre desquelles une mesure de réparation est demandée par les autorités compétentes, en l'absence d'une demande de réparation différente émanant de la partie civile.
Cette catégorie de personnes doit être comparée, de façon générale, avec la catégorie des personnes impliquées dans un litige relatif à d'autres droits et obligations civils et, en particulier, avec la catégorie des personnes à l'encontre desquelles une mesure de réparation est requise par les autorités compétentes et une demande de réparation non concordante est formulée par la partie civile.
B.10. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.11. En matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire, il est essentiel que l'appréciation soit laissée à une autorité qui décide en se fondant sur l'intérêt général. La demande visant à faire ordonner les mesures de réparation prévues à l'article 149, § 1er, du décret sur l'aménagement du territoire a été instaurée par le législateur décrétal en vue de sauvegarder le bon aménagement du territoire. Des mesures de réparation ne peuvent être ordonnées sur cette base qu'à la demande de l'inspecteur urbaniste et/ou du collège des bourgmestre et échevins. Leur intervention s'appuie sur leur mission légale de défense de l'intérêt général en matière d'urbanisme.
L'article 149 du décret sur l'aménagement du territoire n'empêche pas qu'une personne lésée par une infraction en matière d'urbanisme réclame la réparation de son dommage personnel devant le juge pénal ou le juge civil, conformément aux règles de droit commun.
B.12.1. Le juge est compétent pour contrôler la légalité externe et interne de la demande visée à l'article 149 et pour examiner si elle est conforme à la loi ou si elle est entachée d'excès ou de détournement de pouvoir.
Les cours et tribunaux doivent, dans chaque cas, examiner si la décision du fonctionnaire délégué et/ou du collège des bourgmestre et échevins de demander une mesure de réparation déterminée est exclusivement prise en vue du bon aménagement du territoire. S'il apparaissait que la demande de l'autorité s'appuie sur des motifs étrangers à l'aménagement du territoire ou sur une conception du bon aménagement du territoire qui serait manifestement déraisonnable, les cours et tribunaux, en application de l'article 159 de la Constitution, ne devraient pas y donner suite.
B.12.2. Un tel pouvoir de contrôle ne s'écarte pas de ce qui relève de la mission du juge dans toutes les contestations. En vertu de l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunaux ne peuvent pas donner suite aux actes administratifs qui ne sont pas conformes aux lois. Ce pouvoir de contrôle ne s'étend pas au-delà du domaine de la légalité externe et interne de ces actes. Lorsqu'il examine ces derniers, le juge ne peut se placer sur le plan de l'opportunité, car cela reviendrait à lui reconnaître une compétence incompatible avec les principes qui régissent les rapports entre l'administration et les juridictions. Ni l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ni l'article 144 de la Constitution n'exigent que l'opportunité d'un acte administratif puisse être soumise au contrôle du juge.
B.12.3. En tant que la catégorie des personnes à l'encontre desquelles une mesure de réparation est demandée est comparée à la catégorie des personnes impliquées dans une contestation portant sur d'autres droits et obligations civils, les questions préjudicielles appellent une réponse négative.
B.13.1. Reste la question de savoir si, en ce qui concerne le pouvoir d'appréciation du juge, il existe une justification de la différence de traitement au sein de la catégorie de personnes à l'encontre desquelles une mesure de réparation est requise selon que la mesure de réparation requise par les autorités compétentes et celle demandée par la partie civile sont concordantes ou non.
B.13.2. L'article 150 du décret sur l'aménagement du territoire dispose de manière générale que lorsque l'action en réparation de la partie civile et celle de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins ne concordent pas, le tribunal détermine la mesure de réparation requise « qu'il juge appropriée ».
Selon les travaux préparatoires, il devra, à cet égard, « naturellement être tenu compte du fait que le préjudice subi par la partie civile est un préjudice personnel, alors que l'inspecteur urbaniste ou le collège poursuit la défense de l'intérêt général en matière d'aménagement du territoire » (Doc., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1332-1, p. 72).
B.13.3. S'il se déduisait des termes employés à l'article 150 du décret sur l'aménagement du territoire - » le tribunal détermine la mesure de réparation requise qu'il juge appropriée » - que le législateur décrétal, en cas d'action en réparation non concordante de la partie civile, d'une part, et de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins, d'autre part, a autorisé un contrôle d'opportunité, cette disposition aurait pour effet que l'auteur d'une infraction en matière d'urbanisme pourrait en pareil cas, contrairement à la situation dans laquelle l'auteur n'est pas confronté à des actions en réparation non concordantes, faire contrôler l'opportunité de la mesure requise contre lui. Pour la raison exposée au B.12.2, cette différence de traitement serait injustifiable.
B.13.4. Comme le soutient le Gouvernement flamand, la disposition en cause doit cependant être interprétée d'une autre manière.
B.13.5. De même que la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, le décret sur l'aménagement du territoire vise à sauvegarder le bon aménagement du territoire dans l'intérêt général.
B.13.6. L'article 150 du décret sur l'aménagement du territoire a été adopté en vue d'améliorer la protection juridique de la partie civile.
Sous l'empire de l'ancienne législation, les droits de la partie civile, en cas de réparation directe, étaient limités au mode de réparation choisi par l'autorité compétente, sans préjudice du droit à une indemnisation à charge du condamné (article 68, § 1er, in fine, du décret relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996).
En application de cette législation, la personne lésée par une infraction en matière d'urbanisme ne pouvait réclamer, ni devant le juge pénal ni devant le juge civil, la réparation en nature - la remise en état des lieux - du dommage causé par cette infraction, lorsque le fonctionnaire délégué et le collège des bourgmestre et échevins avaient demandé une autre forme de réparation, à savoir l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement ou le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien par suite de l'infraction.
B.13.7. Le législateur décrétal tend également à prendre en compte les intérêts de la partie lésée lorsque les autorités compétentes demandent des travaux de construction ou d'adaptation, ou uniquement une somme d'argent. Il pouvait raisonnablement en pareil cas autoriser le juge à donner la priorité à une demande de la partie civile qui va plus loin et qui peut a fortiori être présumée conforme à l'intérêt général en matière d'urbanisme.
Si la remise en état des lieux demandée par les autorités compétentes est jugée légale et si un tiers lésé introduit une demande recevable en vue de l'exécution de travaux d'adaptation, l'intérêt général commanderait au juge d'ordonner la remise en état des lieux; si des travaux d'adaptation demandés par les autorités compétentes sont jugés conformes à la loi et si un tiers préjudicié introduit une demande recevable et fondée en vue de la remise en état des lieux, le juge doit, dans le respect de l'intérêt général en matière d'aménagement du territoire, mettre en balance les intérêts privés en présence. Ce faisant, il ne procède pas plus que le juge constatant un abus de droit à un jugement d'opportunité.
B.13.8. Ainsi compris, l'article 150 du décret sur l'aménagement du territoire n'est pas dépourvu de justification raisonnable.
B.14. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 149, § 1er, du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire ne viole pas les règles répartitrices de compétences en tant qu'il dispose que le juge ordonne les mesures de réparation et fixe le délai pour l'exécution de celles-ci ni en tant qu'il autoriserait l'inspecteur urbaniste et le collège des bourgmestre et échevins à intervenir en qualité de partie au procès pénal. - L'article 149, § 1er, in fine, du même décret ne viole pas les règles répartitrices de compétences en tant qu'il dispose que le juge, à la demande de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins, impose une astreinte par jour de retard apporté à l'exécution de la mesure de réparation. - L'article 149, § 2, du même décret ne viole pas les règles répartitrices de compétences en tant qu'il dispose que la demande de réparation émanant des inspecteurs urbanistes et des préposés du collège des bourgmestre et échevins peut être introduite auprès du parquet par lettre ordinaire. - L'article 149, § 1er, du même décret ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 144 de la Constitution, en tant qu'il n'autorise pas le juge à apprécier l'opportunité de la demande de réparation formulée par l'inspecteur urbaniste et par le collège des bourgmestre et échevins. - L'article 150 du même décret ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 mars 2002.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux A. Arts