publié le 11 mai 2000
Extrait de l'arrêt n° 40/2000 du 6 avril 2000 Numéros du rôle : 1447, 1623, 1645, 1670, 1706, 1724, 1728, 1729 et 1735 En cause : les questions préjudicielles concernant : - les articles 267 et suivants de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 - les articles 2, § 1 er , 1° et 2°, 36, § 1 er , et 37, § 3, de l(...)
Extrait de l'arrêt n° 40/2000 du 6 avril 2000 Numéros du rôle : 1447, 1623, 1645, 1670, 1706, 1724, 1728, 1729 et 1735 En cause : les questions préjudicielles concernant : - les articles 267 et suivants de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, - les articles 2, § 1er, 1° et 2°, 36, § 1er, et 37, § 3, de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées et l'article 41 du même arrêté royal, tel qu'il a été remplacé par l'article 28 de la loi du 6 juillet 1967, - les articles 11, § 2, 26, § 1er, et 27, § 5, de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente, posées par diverses juridictions.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, A. Arts, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par arrêt du 8 octobre 1998 en cause du ministère public et du ministre des Finances contre J.Heymans et la s.a. Sunco, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 22 octobre 1998, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle de savoir « si les articles 267 et suivants, soit le chapitre 25, de la loi générale du 18 juin [lire : 18 juillet] 1977 relative aux douanes et accises violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure pénale en matière de douanes et accises ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé-administré, puisque l'Administration des douanes et accises fait office : - d'enquêteur qui - conformément à la réglementation en matière d'exportations vers d'autres pays que la Communauté européenne - est le seul à détenir chez lui des pièces à conviction essentielles, dont la production en cours de procédure est de nature à maintenir ou supprimer la prévention; - de partie poursuivante; - et surabondamment d'intéressée, bénéficiaire de droits, à acquitter, en cas de condamnation, par la partie poursuivante [lire : poursuivie] » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1447 du rôle de la Cour. b. Par arrêt du 15 février 1999 en cause du ministère public, du ministre des Finances, de la société de droit allemand Fina Deutschland GmbH, de la société de droit allemand Geschwister Stevens GmbH, de la s.a. Frans Maas Belgium et de la société de droit allemand Frans Maas Internationale Spediteure GmbH contre J. Boersma, Jacobus Jansen, Jozef Jansen, F. de Kerchove d'Exaerde, J. Ryde, P. Piessens, A. Geudens, S. Loonstra, T. Goedeme, D. Rombouts, P. De Sterck, la s.p.r.l. Goosens-Van der Heyden et la s.a. Olympic Oil, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 19 février 1999, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle de savoir « si les articles 267 et suivants, soit le chapitre XXV de la loi générale du 18 juillet 1977 relative aux douanes et accises, violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure pénale en matière de douanes et accises ne garantissent aucune indépendance à l'inculpé-administré, puisque l'Administration des douanes et accises fait office : - d'enquêteur; - de partie poursuivante; - et surabondamment d'intéressée, bénéficiaire de droits, à acquitter, en cas de condamnation, par la partie poursuivie » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1623 du rôle de la Cour. c. Par arrêt du 17 mars 1999 en cause du ministère public et du ministère des Finances contre J.Jansen et M. Van Neer, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 18 mars 1999, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle de savoir « si les articles 267 et suivants, soit le chapitre XXV de la loi générale (coordonnée par arreté royal) du 18 juillet 1977 relative aux douanes et accises, violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure en matière de douanes et accises ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé-administré puisque l'Administration des douanes et accises fait office : - d'enquêteur qui, en plus des recherches, effectue aussi unilatéralement et de manière non contradictoire l'examen chimique de laboratoire et l'enquête comptable dont les résultats sont de nature à établir ou à supprimer la prévention; - de partie poursuivante et - surabondamment d'intéressée, bénéficiaire de droits à acquitter par la partie poursuivie ».
Cette affaire est inscrite sous le numéro 1645 du rôle de la Cour. d. Par jugement du 16 avril 1999 en cause du ministère public et du ministre des Finances contre L.Decock, B. Verhelst et J. De Decker, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 6 mai 1999, le Tribunal de première instance de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 267 à 285 de la loi générale relative aux douanes et accises (arrêté royal du 18 juillet 1977, Moniteur belge du 29 septembre 1977), à savoir le chapitre XXV de cette loi, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que - contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général - l'action publique et la procédure pénale en matière de douanes et accises ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé-administré, puisque l'Administration des douanes et accises fait office : - d'enquêteur, qui conserve seul chez lui des pièces à conviction essentielles, dont la production en cours de procédure est de nature à maintenir ou supprimer la prévention; - de partie poursuivante; - et surabondamment d'intéressée, bénéficiaire de droits, à acquitter, en cas de condamnation, par la partie poursuivante [lire : poursuivie] ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1670 du rôle de la Cour. e. Par arrêt du 16 juin 1999 en cause du ministère public et du ministère des Finances contre D.Bambust, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 17 juin 1999, la Cour d'appel d'Anvers a posé les questions préjudicielles visant à savoir : 1. « si l'article 28 de la loi du 6 juillet 1967, [qui remplace] l'article 41 de l'arreté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées - taxe d'ouverture -, [viole] les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la C.E.D.H., en ce qu'il ne permet pas au tribunal d'appliquer la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation aux matières relatives aux débits de boissons fermentées, tel que cela découle de la loi coordonnée du 3 avril 1953 » et 2. « si les articles 267 et suivants, soit le chapitre XXV de la loi générale (coordonnée par arreté royal) du 18 juillet 1977 relative aux douanes et accises, violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure pénale en matière de douanes et accises ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé-administré puisque l'administration des douanes et accises fait à la fois office d'enquêteur procédant aux constatations, de partie poursuivante et surabondamment d'intéressée, bénéficiaire des droits à acquitter par la partie poursuivie ». Cette affaire est inscrite sous le numéro 1706 du rôle de la Cour. f. Par arrêt du 23 juin 1999 en cause du ministre des Finances contre M.Heyde et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 2 juillet 1999, la Cour d'appel de Gand a posé les questions préjudicielles visant à savoir : 1. « si les articles 267 et suivants de la loi générale du 18 juillet 1977 en matière de douanes et accises violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en droit pénal commun, l'action publique et la procédure pénale en matière de douanes et accises ne garantissent aucune indépendance et objectivité à l'inculpé-administré, étant donné que l'Administration des douanes et accises fait à la fois office, en vertu des articles 267 et suivants précités, - d'une part, d'enquêteur; - d'autre part, de partie poursuivante; - ensuite, de partie ayant un intérêt économique; - et enfin de partie habilitée à décharger le condamné » et 2. « si l'article 2, § 1er, 1° et 2°, de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées et l'article 36, § 1er, et l'article 37, § 3, du même arreté royal, et l'article 11, § 2, et les articles 26, § 1er, et 27, § 5, de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente, en ce sens qu'ils instaurent une interdiction professionnelle ou une privation du droit de participer à l'exploitation d'un débit de boissons fermentées et/ou de laisser une personne participer à l'exploitation d'un débit de boissons fermentées et/ou de laisser une personne participer à l'exploitation d'un débit de boissons fermentées ou d'un débit de boissons fermentées à consommer sur place, violent les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'ils instaurent des interdictions professionnelles automatiques et illimitées dans le temps, ou à tout le moins une privation à durée indéterminée, à vie, du libre choix d'un travail et du droit au travail, garantis sur le plan international ». Cette affaire est inscrite sous le numéro 1724 du rôle de la Cour. g. Par arrêt du 30 juin 1999 en cause du ministre des Finances et du Bureau d'intervention et de restitution belge contre J.-P. Lange et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 5 juillet 1999, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle visant à savoir : « si les articles 267 et suivants, soit le chapitre XXV de la loi générale du 18 juillet 1977 relative aux douanes et accises, [violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que], contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, ils ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé-administré, puisque l'Administration des douanes et accises fait office : - d'enquêteur, qui - conformément à la réglementation en matière d'exportations vers d'autres pays que la Communauté européenne - est le seul à détenir chez lui des pièces à conviction essentielles, dont la production en cours de procédure conditionne le caractère fondé ou non de la prévention; - de partie poursuivante; - et surabondamment d'intéressée, bénéficiaire de droits à acquitter, en cas de condamnation, par la partie poursuivante [lire : poursuivie] ».
Cette affaire est inscrite sous le numéro 1728 du rôle de la Cour. h. Par jugement du 23 juin 1999 en cause du ministère public contre D. Ben-David et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 5 juillet 1999, le Tribunal correctionnel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 267 et suivants, soit le chapitre XXV de la loi générale relative aux douanes et accises (LGDA) du 18.7.1977, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que, contrairement à l'action publique et à la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure pénale en matière de douanes et accises ne garantissent aucune indépendance à l'inculpé-administré, étant donné que l'administration des douanes et accises fait office : - d'enquêteur, qui décide seul quelle pièce à conviction cruciale il utilise, conserve, n'utilise pas, pièce dont la production en cours de procédure est de nature à maintenir ou supprimer la prévention; - de partie poursuivante; - et surabondamment de partie intéressée, bénéficiaire des droits qu'elle réclame aux parties citées, à acquitter en cas de condamnation par les prévenus; - et étant donné que de surcroît, les fonctionnaires de recherche perçoivent, en vertu de l'arrêté du Gouvernement du 17 août 1948, une rémunération pour la détection de la fraude, ce qui est contraire à l'exigence d'impartialité ».
Cette affaire est inscrite sous le numéro 1729 du rôle de la Cour. i. Par jugement du 17 juin 1999 en cause du ministère public contre la s.p.r.l. Brandstoffen Vaes et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 19 juillet 1999, le Tribunal correctionnel de Hasselt a posé la question préjudicielle visant à savoir : « si les articles 267 et suivants, soit le chapitre XXV, de la loi générale (coordonnée par arreté royal du 18 juillet 1977) relative aux douanes et accises violent les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que l'action publique et la procédure en général ne garantissent pas d'indépendance à l'inculpé-administré puisque l'Administration des douanes et accises fait office : - d'enquêteur, qui, en plus des recherches, effectue aussi unilatéralement et de manière non contradictoire l'échantillonnage et les analyses ainsi que l'enquête comptable dont les résultats conditionnent le caractère fondé ou non de la prévention; - également de partie poursuivante; - et surabondamment d'intéressée, bénéficiaire des droits à acquitter, en cas de condamnation, par la partie poursuivie ».
Cette affaire est inscrite sous le numéro 1735 du rôle de la Cour. (...) III. La procédure devant la Cour (...) Par ordonnance du 13 janvier 2000, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 9 février 2000, après que les questions préjudicielles relatives à certaines dispositions de l'arrêté royal du 3 avril 1953 et de la loi du 28 décembre 1983 eurent été reformulées comme suit : « Les articles 1er, 4°, 2, § 1er, 1° et 2°, et 37, § 3, de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées et les articles 11, § 1er, 4°, 11, § 2, 12, 2°, et 27, § 5, de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils instaurent des interdictions professionnelles automatiques et non limitées dans le temps dans le secteur des débits de boissons fermentées et des débits de boissons spiritueuses, d'une part, et en ce que, le cas échéant, ils prévoient la fermeture du débit de boissons fermentées ou du débit de boissons spiritueuses jusqu'à ce que les personnes exclues ne participent plus à son exploitation, d'autre part ? » (...) IV. En droit (...) B.1. Dans les affaires jointes, les questions préjudicielles posées concernent trois séries de dispositions, à savoir le chapitre XXV de la loi générale sur les douanes et accises (dans toutes les affaires), l'article 41 de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées (dans l'affaire n° 1706) et d'autres dispositions de l'arrêté royal précité du 3 avril 1953 ainsi que certains articles de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente (dans l'affaire n° 1724).
Pour des motifs de clarté, la Cour examine séparément chacune de ces trois séries de dispositions législatives, dans l'ordre précité. 1) Quant au chapitre XXV de la loi générale sur les douanes et accises (ci-après : L.G.D.A.) Etendue des questions préjudicielles B.2. Les juridictions a quo demandent à la Cour si les dispositions du chapitre XXV de la L.G.D.A. violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, par comparaison avec l'action publique et la procédure pénale en général, l'action publique et la procédure pénale en matière de douanes et accises n'offrent pas les mêmes garanties à l'inculpé.
Les dispositions en cause B.3. Le chapitre XXV de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, confirmé par l'article 1er de la loi du 6 juillet 1978, est intitulé « Procès-verbaux, déclarations en contravention, saisies et poursuites ». Il comprend les articles 267 à 285, qui sont libellés comme suit : «
Art. 267.Lorsque les délits, fraudes ou contraventions à la loi sont constatés au moyen de procès-verbaux, ces actes seront dressés sur-le-champ ou le plus tôt que faire se pourra, par au moins deux personnes qualifiées à cet effet, dont l'une doit être nommée ou munie de commission de la part de l'administration des douanes et accises.
Art. 268.Le procès-verbal devra contenir un narré succinct et exact de ce que l'on a reconnu, comme aussi de la cause de la déclaration en contravention, avec désignation des personnes, qualités, jour et lieu, et en observant les dispositions de l'article 176, pour les cas particuliers y mentionnés.
Art. 269.Les procès-verbaux pourront être rédigés et les infractions constatées tous les jours de l'année, et par conséquent aussi les dimanches et jours fériés légaux.
Art. 270.Dans les cinq jours de la rédaction d'un procès-verbal visé à l'article 267, l'original est soumis au visa ne varietur d'un chef hiérarchique des verbalisants, et copie en est remise aux contrevenants. Si les contrevenants refusent cette communication ou sont inconnus, la notification est faite au bourgmestre de la commune où l'infraction a été constatée, ou à son délégué.
Art. 271.Le prévenu, étant présent à la saisie, sera invité à assister aussi à la rédaction du procès-verbal et à le signer s'il le désire, et en recevoir immédiatement une copie; en cas d'absence, une copie du procès-verbal est envoyée au prévenu par lettre recommandée à la poste.
Art. 272.Les procès-verbaux des agents, relatifs à leurs opérations et à l'exercice de leurs fonctions, font foi en justice, jusqu'à ce que la fausseté en soit prouvée; les inexactitudes qui se seraient glissées dans un procès-verbal et qui ne se rapportent point aux faits, mais uniquement à l'application de la loi, n'atténueront en rien la force de l'acte, mais devront être redressées dans l'exploit d'assignation; lorsque le procès-verbal sera rédigé par un seul agent, il ne fera pas preuve par lui-même.
Art. 273.§ 1er. Lors de la saisie de marchandises, les agents les transporteront au plus prochain bureau pour y être vérifiées, dûment inventoriées, pesées, mesurées, jaugées ou comptées en présence du receveur et de la partie intéressée, si elle s'y trouve et veut assister à cette opération, d'après l'invitation qui lui en sera faite et qui sera mentionnée au procès-verbal. § 2. L'administration a le droit de faire transporter ensuite les marchandises saisies au chef-lieu de la direction, dans laquelle la saisie a été pratiquée, et, en cas de vente, de la faire effectuer là où elle le jugera le plus avantageux.
Art. 274.On retiendra uniquement les marchandises, navires ou bateaux, voitures et attelages, ustensiles, instruments ou autres objets à l'égard desquels ou avec lesquels il a été prévariqué, et dont, en conformité de l'article 253, la saisie doit avoir pour effet l'application d'une peine, ou qui sont affectés au recouvrement d'un droit.
Art. 275.§ 1er. Si le saisi le réclame, il sera donné mainlevée des marchandises, navires, voitures et attelages, sous caution suffisante de leur valeur convenue entre le receveur et la partie intéressée ou du montant de l'amende encourue. § 2. Si cependant la saisie est motivée sur une prohibition à l'entrée, il ne pourra être accordé mainlevée pour les marchandises dont l'importation est prohibée. § 3. La mainlevée pourra également être refusée lorsque la saisie a lieu pour déclaration erronée relativement à l'espèce des marchandises, et qu'on ne pourrait pas, au moyen d'échantillons, maintenir l'affaire en entier jusqu'à décision de la contestation; comme aussi lorsque les marchandises sont saisies sur des personnes inconnues, par lesquelles on entend, en général, celles qui se mettent dans le cas de ne pouvoir être désignées dans le procès-verbal de saisie. § 4. Lorsqu'il n'aura pas été donné mainlevée sous caution, les marchandises resteront sous la surveillance et direction de l'administration jusqu'à ce qu'on puisse en disposer soit provisoirement, soit définitivement, suivant la loi. § 5. En cas de mainlevée sous caution de marchandises imposées d'après la valeur, l'estimation convenue servira en même temps de base pour la fixation de l'amende encourue.
Art. 276.§ 1er. Les marchandises saisies ne pourront être vendues avant que la confiscation n'ait été prononcée en justice. Cependant le receveur procédera à la vente immédiate de toutes les marchandises saisies, susceptibles de dépérir par un dépôt prolongé. § 2. La vente de chevaux, ou de toute espèce de bétail, pourra être faite immédiatement par ordre du receveur du lieu où ces animaux auront été conduits, lorsqu'ils ont été saisis sur des inconnus, ou lorsque la partie saisie refuse de fournir caution pour frais de nourriture et d'entretien, jusqu'à ce qu'il soit définitivement prononcé sur la saisie; ce refus devra être constaté par un procès-verbal en due forme. § 3. Le receveur qui aura procédé à la vente, sans se conformer aux dispositions ci-dessus mentionnées, sera personnellement responsable des suites. § 4. Toute vente d'effets saisis doit se faire publiquement et au plus offrant. § 5. Si, après la vente d'effets dont la confiscation n'était pas encore prononcée, la saisie est annulée en justice et que la vente ait été effectuée, en observant les dispositions prérappelées, le saisi devra considérer le produit de la vente comme représentant la valeur entière que les marchandises avaient au moment [où] cette vente a eu lieu.
Art. 277.§ 1er. Toute saisie de marchandises à charge d'inconnus sera valable sans jugement si, dans un délai de trente jours à partir de la clôture du procès-verbal, le propriétaire des marchandises ne les a pas revendiquées par lettre recommandée adressée au directeur régional des douanes et accises dans le ressort duquel la saisie a eu lieu. § 2. Seront de même valables sans jugement, les saisies régulièrement faites à charge de personnes connues pourvu que la valeur de la marchandise ne dépasse pas dix mille francs et que l'administration ne réclame pas contre le propriétaire de la marchandise l'application d'une peine d'emprisonnement ou d'une amende.
Art. 278.Les dommages-intérêts occasionnés par des saisies illégales et qui pourraient être réclamés par le propriétaire des marchandises ou des personnes y intéressées ne seront, en aucun cas, alloués par les juges à un montant plus élevé que celui de 1% par mois de la valeur des objets saisis, à compter du jour de la saisie jusqu'à celui de la mainlevée.
Art. 279.On observera, pour ce qui concerne la poursuite et l'instruction des affaires relatives aux douanes et accises, les dispositions contenues dans les articles 280 Ã 285.
Art. 280.Les causes purement civiles qui ne sont accompagnées d'aucune action en application d'emprisonnement, d'amende ou de confiscation, sont jugées suivant les règles prévues par le Code judiciaire en matière de compétence et de procédure.
Art. 281.§ 1er. Toutes actions du chef de contraventions, fraudes ou délits, contre lesquels les lois en matière de douanes et accises prononcent des peines seront portées en première instance devant les tribunaux correctionnels, et, en cas d'appel, devant la cour d'appel du ressort, pour y être instruites et jugées conformément au Code d'instruction criminelle. § 2. Toutes celles des actions susmentionnées qui tendent à l'application d'amendes, de confiscations, ou à la fermeture de fabriques ou usines, seront intentées et poursuivies par l'administration ou en son nom devant lesdits tribunaux, lesquels, en tout cas, ne prononceront sur ces affaires qu'après avoir entendu les conclusions du ministère public. Toutefois, sur la demande écrite qui lui en est faite par un fonctionnaire de l'administration des douanes et accises ayant au moins le grade de directeur, le ministère public peut requérir le juge d'instruction d'informer, l'exercice de l'action publique restant pour le surplus réservé à l'administration. § 3. Dans les cas [où] un même fait de transgression aux lois précitées donne lieu à deux actions différentes, dont l'une doit être intentée par le ministère public et l'autre par l'administration ou en son nom, ces actions seront instruites simultanément, et il y sera statué par un seul et même jugement; mais, dans ces cas, le ministère public n'agira pas avant que l'administration ait, de son côté, porté plainte ou intenté l'action.
Art. 282.Tous délits ou crimes, prévus et punis par le Code pénal, lesquels, quoique commis relativement aux douanes et accises, seront poursuivis et jugés de la manière ordinaire, conformément aux lois générales existantes en matière correctionnelle.
Art. 283.Lorsque les contraventions, fraudes, délits ou crimes dont il s'agit dans les articles 281 et 282 donnent lieu au paiement de droits ou accises, et par conséquent à une action civile, indépendamment de la poursuite d'une peine, le juge compétent soit criminel soit correctionnel, connaîtra de l'affaire sous ce double rapport et jugera l'une et l'autre cause.
Art. 284.Dans tous les cas où, d'après les lois en vigueur, le recours en cassation peut avoir lieu, on pourra, conformément à ces dispositions, faire usage de ce moyen dans les affaires en matière de douanes et accises.
Art. 285.Les amendes prononcées par les tribunaux et les cours en matière de police, en matière correctionnelle ou en matière criminelle sont sujettes à restitution lorsqu'il en est accordé remise après le paiement, pour autant que le condamné ait demandé sa grâce dans les deux mois du jugement ou de l'arrêt s'il est contradictoire, ou de sa signification s'il est par défaut. » Demande de reformulation B.4.1. Une partie dans l'affaire n° 1735 demande à la Cour de reformuler la question préjudicielle, d'une part, en étendant le contrôle aux articles 193 à 197, 189 et 222 de la loi générale sur les douanes et accises et, d'autre part, en lisant les dispositions à contrôler « conjointement avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme » et en les contrôlant ensuite « au regard des articles 10 et 11 de la Constitution ».
B.4.2.1. La loi spéciale du 6 janvier 1989 ne permet pas de modifier le contenu de la question posée ou de faire modifier celui-ci par la Cour. La demande de la partie d'étendre le contrôle à des dispositions au sujet desquelles le juge a quo n'a pas posé de question ne peut par conséquent être accueillie.
B.4.2.2. La Cour constate par ailleurs que les questions préjudicielles ne portent pas sur d'autres dispositions dérogatoires au droit commun que celles qui figurent au chapitre XXV de la L.G.D.A. B.4.3. La Cour limite son examen aux dispositions mentionnées dans les questions préjudicielles.
Quant au fond B.5.1. Les dispositions du chapitre XXV de la L.G.D.A. tendent à fixer, d'une part, la manière dont sont constatées les infractions à la législation sur les douanes et accises et la façon dont il est procédé aux saisies (articles 267 à 278) et, d'autre part, le mode de poursuite et d'instruction de ces infractions, tant sur le plan civil que sur le plan pénal (articles 279 à 285).
B.5.2. Selon les décisions de renvoi, ces dispositions posent un problème de compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, parce que l'action publique et la procédure pénale en matière de délits relatifs aux douanes et accises ne seraient pas entourées des mêmes garanties d'indépendance qu'en droit commun, étant donné que l'Administration des douanes et accises agit en qualité d'autorité chargée de l'enquête, d'autorité poursuivante et de partie intéressée.
B.6.1. Le Conseil des ministres considère que les différentes catégories de justiciables - d'une part, ceux qui sont inculpés de délits en matière de douanes et accises et, d'autre part, ceux qui sont inculpés pour des délits de droit commun -, ne peuvent être comparées.
B.6.2. Même s'il existe des différences entre les infractions douanières et les autres infractions, les conditions de leur répression présentent suffisamment de points communs pour que les catégories de personnes poursuivies soient comparables sous l'angle des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.7.1. Le législateur entendait établir au moyen des dispositions litigieuses, qui constituent une partie de la réglementation relative à la perception des droits de douane et d'accise, un système spécifique de recherche et de poursuites pénales, en vue de combattre l'ampleur et la fréquence des fraudes dans cette matière particulièrement technique et transfrontalière, qui est désormais régie en grande partie par une abondante réglementation européenne.
B.7.2. S'il est vrai que les mesures prises par le législateur ont pour objet de rendre plus efficaces la recherche et la poursuite des abus dans le secteur des douanes et accises, la circonstance que des abus similaires, punissables dans d'autres matières fiscales, font l'objet d'une approche différente, n'est pas de nature à priver à elle seule ces mesures de leur justification.
B.8. Il y a lieu toutefois d'examiner si les dispositions en cause n'instaurent pas une discrimination quant à l'indépendance des autorités chargées de l'enquête et des poursuites, entre les personnes inculpées de délits sanctionnés par la législation en matière de douanes et accises, d'une part, et les personnes inculpées de délits sanctionnés par le droit pénal commun, d'autre part.
B.9. A cette fin, la Cour examine chacune des trois qualités en lesquelles l'Administration des douanes et accises intervient, selon les décisions de renvoi, à savoir : autorité chargée de l'enquête, autorité poursuivante et partie intéressée.
L'Administration des douanes et accises agissant en qualité d'autorité chargée de l'enquête (articles 267 à 278 de la L.G.D.A.) B.10. Il est soutenu que la recherche et l'enquête concernant les délits relatifs aux douanes et accises sont réalisées par des agents de l'Administration des douanes et accises disposant de pouvoirs d'enquête qui, lorsqu'il s'agit de délits de droit commun, ne peuvent être accordés qu'après qu'une instruction judiciaire a été ordonnée et que l'enquête a été placée sous la conduite d'un juge d'instruction.
Les garanties du droit commun, qui exigent que l'instruction judiciaire soit effectuée tant à charge qu'à décharge et que le juge d'instruction veille à la légalité des moyens de preuve et à la manière dont ceux-ci sont collectés, feraient défaut dans l'enquête sur les délits en matière de douanes et accises.
B.11.1. Les agents de l'Administration des douanes et accises disposent de pouvoirs étendus pour rechercher les infractions à la législation relative aux douanes et accises et enquêter à leur sujet.
B.11.2. Les pouvoirs dont disposent ces agents ne sont toutefois pas tous institués par les dispositions qui sont soumises au contrôle de la Cour. Ainsi, ne sont pas soumises à ce contrôle les dispositions des chapitres XVIII (« Garde et scellement »), XX (« Visites et recensements »), XXI (« Dispositions particulières concernant les visites et recensements en matière d'accises ») et XXII (« Mesures de contrôle »).
B.11.3. La Cour, qui, dans une procédure préjudicielle, ne peut se prononcer que sur les normes que le juge a quo soumet à son contrôle, limite son examen aux articles 267 à 278 de la L.G.D.A. B.12. Ces dispositions contiennent des prescriptions relatives aux procès-verbaux (articles 267 à 272), d'une part, et aux saisies (articles 273 à 278), d'autre part.
B.13.1. En ce qui concerne les procès-verbaux, il est précisé qu'ils doivent être dressés par au moins deux personnes qualifiées à cet effet (article 267), quelles mentions ils doivent contenir (article 268), quand ils peuvent être rédigés (article 269) et qui en reçoit communication, notamment les contrevenants (article 270). Ensuite, l'article 271 dispose que le prévenu, étant présent à la saisie, sera invité à assister aussi à la rédaction du procès-verbal et à le signer s'il le désire, et qu'il en recevra immédiatement une copie. En cas d'absence, une copie du procès-verbal est envoyée au prévenu par lettre recommandée à la poste.
Ces articles tendent principalement à indiquer les modalités selon lesquelles les procès-verbaux en matière d'infraction à la législation sur les douanes et accises doivent être dressés et à régler la manière dont ils doivent être communiqués, spécialement aux prévenus.
B.13.2. Les parties ne démontrent pas - et la Cour n'aperçoit pas - en quoi cette manière de procéder pourrait être discriminatoire pour ceux à charge desquels un procès-verbal est dressé pour un délit relatif aux douanes et accises. Ces dispositions au contraire leur accordent certaines garanties : les procès-verbaux sont dressés par au moins deux personnes qualifiées à cet effet et les prévenus reçoivent les notifications nécessaires.
B.14.1. L'article 272 de la L.G.D.A. attribue aux procès-verbaux une force probante particulière, faisant exception à la règle générale selon laquelle un procès-verbal vaut en tant que simple renseignement.
Il constitue une exception au régime de la libre administration de la preuve en matière répressive, selon lequel le juge apprécie, en fonction de sa propre conviction, la valeur probante d'un élément déterminé. La Cour doit examiner si la différence de traitement qui résulte de cette exception est raisonnablement justifiée et si les droits du prévenu ne sont pas restreints de manière disproportionnée.
B.14.2. La constatation des infractions à la législation relative aux douanes et accises est souvent rendue difficile par la mobilité des marchandises sur lesquelles les droits de douane et d'accise sont dus.
Il peut être remédié dans une large mesure à la difficulté qui en résulte d'administrer la preuve en attachant une foi particulière aux constatations des faits établies par des personnes qualifiées, désignées à cette fin (article 267).
B.14.3. Compte tenu de la ratio legis de l'article 272 de la L.G.D.A., il convient de souligner que la valeur probante légale particulière ne concerne que les éléments matériels de l'infraction et non les autres éléments constitutifs de celle-ci; elle est attachée seulement aux constatations faites personnellement par le verbalisant.
De surcroît, en ce qui concerne ces procès-verbaux ayant une valeur probante légale particulière, il est permis, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, d'apporter la preuve contraire par tous les moyens de preuve que le juge appréciera.
B.14.4. En conséquence, la valeur probante reconnue par l'article 272 aux procès-verbaux n'est pas disproportionnée par rapport aux objectifs mentionnés en B.7.1.
B.15.1. Les articles 273 à 278 de la L.G.D.A. ont trait aux saisies. A cet égard, ils prévoient où les marchandises saisies doivent être transportées (article 273), quelles marchandises peuvent être saisies, à savoir seulement celles « avec [lesquelles] il a été prévariqué » (article 274), comment il peut être donné mainlevée, sous caution suffisante, des marchandises saisies et dans quels cas la mainlevée est refusée (article 275). L'article 276 règle la manière dont s'opère la vente des marchandises saisies : elle ne pourront être vendues avant que la confiscation n'ait été prononcée en justice, à moins que les marchandises ne soient susceptibles de dépérir (§ 1er) ou lorsqu'il s'agit d'animaux saisis « sur des inconnus », ou encore, lorsque la partie saisie refuse de fournir caution pour frais de nourriture et d'entretien (§ 2); le receveur qui aura procédé à la vente sans se conformer aux dispositions ci-dessus mentionnées, sera personnellement « responsable des suites » (§ 3); toute vente d'effets saisis doit se faire publiquement et au plus offrant (§ 4). L'article 277 concerne deux cas dans lesquels « toute saisie de marchandises [...] sera valable sans jugement », à savoir lorsqu'il s'agit de saisies à charge d'inconnus (§ 1er) et de saisies de marchandises de faible valeur (§ 2). Enfin, l'article 278 prévoit un règlement pour « les dommages-intérêts occasionnés par des saisies illégales ».
B.15.2. La saisie de marchandises est en règle générale une mesure purement conservatoire.
En tant qu'elles fixent des règles selon lesquelles les agents de l'Administration des douanes et accises peuvent opérer les saisies, les dispositions précitées ne dérogent pas, pour l'essentiel, aux principes contenus dans le Code pénal et dans le Code d'instruction criminelle, de sorte que rien ne permet d'apercevoir en quoi elles seraient discriminatoires.
Ces règles contiennent du reste un certain nombre de garanties pour le saisi : elles limitent les marchandises qui peuvent être saisies, elles prévoient la possibilité d'obtenir, le cas échéant, la mainlevée sous caution, elles subordonnent en principe à une décision judiciaire de confiscation la vente des marchandises saisies et entourent cette vente de certaines garanties.
B.15.3. L'article 277 de la L.G.D.A. prévoit cependant la possibilité de « saisie de marchandises [...] sans jugement ».
En tant qu'elle entraîne une confiscation sans décision judiciaire, cette mesure est en principe injustifiée.
Toutefois, le champ d'application de cette mesure est limité à la saisie à charge d'inconnus, d'une part, et à la saisie faite à charge de personnes connues, pourvu que la valeur des marchandises n'atteigne qu'un montant peu important, actuellement fixé à dix mille francs maximum, d'autre pArt. Compte tenu des limites du champ d'application de la mesure, il peut être admis que les saisies visées à l'article 277 de la L.G.D.A. ne sont pas disproportionnées à l'objectif poursuivi, mentionné au B.7.1.
B.16. Il ressort de ce qui précède que les missions dont sont chargés les agents de l'Administration des douanes et accises dans le cadre de la recherche des délits en matière de douanes et accises, en vertu des articles 267 à 278 de la L.G.D.A., s'apparentent davantage aux tâches accomplies dans le cadre d'une information de droit commun (menée sous la direction du procureur du Roi) qu'aux tâches accomplies au cours d'une instruction judiciaire (menée sous la conduite d'un juge d'instruction).
Il s'ensuit que les dispositions de la loi qui dérogent au droit commun ne sont pas disproportionnées par rapport au but mentionné au B.7.1.
B.17. En ce qu'elles concernent les articles 267 à 278 de la L.G.D.A., les questions préjudicielles appellent une réponse négative.
L'Administration des douanes et accises en tant qu'autorité poursuivante (articles 279 à 285 de la L.G.D.A.) B.18. Il est allégué que les poursuites pénales en matière de délits relatifs aux douanes et accises sont exercées par des agents de l'Administration des douanes et accises, qui relèvent du pouvoir exécutif, alors que pour les délits de droit commun (et pour d'autres délits fiscaux) l'action publique est exercée par le ministère public, qui relève du pouvoir judiciaire. Dès lors, pour les premiers délits cités, la protection juridique de l'inculpé ne serait pas garantie lors de l'exercice de l'action publique, étant donné que des fonctionnaires n'offrent pas les mêmes garanties d'indépendance que les magistrats du parquet. En outre, des transactions arbitraires en matière de délits relatifs aux douanes et accises deviendraient possibles au moment où un juge pénal indépendant serait déjà chargé de traiter l'affaire pénale.
B.19.1. La poursuite et l'instruction des affaires relatives aux douanes et accises sont réglées par les articles 280 à 285 de la L.G.D.A. (article 279).
B.19.2. Les causes purement civiles sont jugées suivant les règles prévues par le Code judiciaire en matière de compétence et de procédure (article 280).
B.19.3. Les délits et les actions civiles intentées simultanément sont poursuivis devant les juridictions pénales compétentes selon les règles ordinaires et traités conformément au Code d'instruction criminelle (articles 282 et 283).
Le juge pénal saisi de l'action publique doit connaître aussi de l'action civile (article 283).
B.19.4. Concernant l'exercice de l'action publique, le droit d'initiative pour poursuivre les délits en matière de douanes et accises n'appartient pas au ministère public mais à l'Administration des douanes et accises (article 281).
A cet égard, la distinction suivante doit être faite : - l'Administration exerce seule toute action publique du chef d'infractions douanières qui ne tend qu'à l'application de peines patrimoniales (amendes, confiscations, fermetures de fabriques ou usines); le ministère public doit toutefois être entendu (article 281, § 2); - en ce qui concerne les infractions douanières qui, à côté des peines patrimoniales, sont punissables d'emprisonnement principal, l'action publique est exercée simultanément par l'Administration et par le ministère public, le ministère public seul pouvant requérir la peine d'emprisonnement principal; le ministère public ne peut toutefois agir que lorsque l'Administration a pris l'initiative d'intenter l'action (article 281, § 3).
B.20. Il ressort de ces dispositions que l'Administration des douanes et accises a des pouvoirs étendus concernant, notamment, l'exercice de l'action publique. Elle a le droit d'initiative en la matière, étant entendu que, le cas échéant, le ministère public doit être associé à l'exercice de l'action publique, soit par la remise d'un avis, soit pour requérir l'emprisonnement principal.
B.21. Pour apprécier si un tel régime est discriminatoire pour les inculpés d'un délit de douanes par rapport au régime applicable dans le droit pénal commun, il convient d'examiner comment des garanties d'indépendance sont assurées en ce qui concerne les magistrats des parquets, d'une part, et les agents de l'Administration, d'autre part.
B.22. A la différence des magistrats du siège, ceux du ministère public ne sont pas titulaires d'un pouvoir juridictionnel : ils remplissent les devoirs de leur office auprès des cours et tribunaux pour requérir une exacte application de la loi ainsi que pour défendre les exigences de l'ordre public et d'une bonne administration de la justice. La Constitution elle-même, en ses articles 40 et 153, contient les bases d'un statut et d'une organisation du ministère public. Ce statut et cette organisation sont notamment caractérisés par des relations de nature hiérarchique entre les magistrats du parquet.
B.23.1. En ce qui concerne les agents fédéraux, dont font partie les agents de l'Administration des douanes et accises, l'article 107, alinéa 2, de la Constitution dispose : « [Le Roi] nomme aux emplois d'administration générale et de relation extérieure, sauf les exceptions établies par les lois. » B.23.2. L'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat traite dans sa partie II « des droits et des devoirs ».
Toute contravention à certaines de ces dispositions est punie d'une peine disciplinaire, sans préjudice de l'application des lois pénales.
B.24.1. L'article 151, § 1er, deuxième phrase, de la Constitution dispose : « Le ministère public est indépendant dans l'exercice des recherches et poursuites individuelles, sans préjudice du droit du ministre compétent d'ordonner des poursuites et d'arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite. » En vertu de cette disposition, le ministère public bénéficie, en matière de poursuites individuelles, d'une indépendance qu'aucune disposition comparable ne garantit aux agents de l'administration. Il existe donc une différence entre les deux catégories d'agents chargés de poursuites pénales.
B.24.2. Cette différence de statut entre les parties poursuivantes n'établit cependant pas, entre les personnes poursuivies, une différence de traitement injustifiée. Compte tenu de ce que les litiges sont tranchés par le juge pénal, qui offre toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité, il n'est pas manifestement disproportionné aux objectifs poursuivis, en raison de la spécificité de la matière, mentionnée en B.7.1, de confier les poursuites à une administration spécialisée, même si celle-ci n'a pas la même indépendance que le ministère public.
B.25. Les dispositions relatives à la transaction n'étant pas mentionnés dans les questions préjudicielles, la Cour ne peut examiner les critiques qui leur sont adressés.
B.26. La référence que font les parties à l'argumentation de l'arrêt n° 67/98 de la Cour d'arbitrage et de l'arrêt Bönisch du 6 mai 1985 de la Cour européenne des droits de l'homme n'est pas pertinente.En effet, l'Administration des douanes et accises n'exerce pas de fonction juridictionnelle et elle n'intervient pas en qualité d'expert ou de témoin.
B.27. De ce qui précède, il résulte que les questions préjudicielles appellent une réponse négative en ce qui concerne les articles 279 à 285 de la L.G.D.A. L'Administration des douanes et accises en tant que « partie intéressée » B.28. Les décisions de renvoi posent la question de savoir si les dispositions du chapitre XXV de la L.G.D.A. offrent suffisamment de garanties d'indépendance, dès lors que l'Administration des douanes et accises a également la qualité « d'intéressée, bénéficiaire des droits à acquitter par la partie poursuivie ».
Certaines parties ajoutent que les agents individuels concernés de cette Administration ont aussi un intérêt personnel direct de nature pécuniaire, compte tenu de l'arrêté du Régent du 17 août 1948.
B.29. Aucune des dispositions du chapitre XXV de la L.G.D.A. soumises au contrôle de la Cour ne concerne l'Administration des douanes et accises en sa qualité d'autorité à laquelle les droits exigibles doivent être versés.
Ces dispositions ne font pas apparaître non plus en quoi consisterait l'intérêt financier propre que cette Administration retirerait de son intervention. La seule circonstance que l'Administration poursuit la perception des droits et accises et, le cas échéant, des amendes qui les accompagnent, - non pour son propre compte, mais au profit du Trésor et, le cas échéant, au profit de l'Union européenne - ne suffit pas pour la qualifier de « partie intéressée et bénéficiaire ».
B.30. Quant à l'arrêté du Régent précité, il tend à motiver les agents en leur accordant certaines indemnités, mais ces avantages ne sont pas de nature, par eux-mêmes, à compromettre leur impartialité.
B.31. Les questions préjudicielles concernant les dispositions du chapitre XXV de la L.G.D.A. appellent une réponse négative. 2) Quant à l'article 41 de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées B.32. L'article 41 de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées, inséré par l'article 28 de la loi du 6 juillet 1967, dispose : « La condamnation avec sursis et la suspension du prononcé de la condamnation, établies par la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation, ne sont pas applicables aux peines prévues par les présentes lois coordonnées, à l'exception de l'emprisonnement principal. » B.33. L'article 20, § 2, de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui a la même portée que l'article 41 litigieux, a été justifié, lors de l'adoption de l'amendement qui est à l'origine de cette disposition, par « l'intensité avec laquelle la fraude sévit dans le domaine de l'alcool [et qui] s'oppose à une atténuation quelconque du système pénal existant en cette matière » (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 28/4, p. 5). L'article 41 a été inséré dans les lois coordonnées du 3 avril 1953 par l'article 28 de la loi du 6 juillet 1967, sur la suggestion du Conseil d'Etat, pour mettre cette législation en concordance avec l'article 20, § 2, de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer (Doc. parl., Chambre, 1966-1967, n° 282/1, p. 17).
B.34. La mesure critiquée répond à l'objectif poursuivi et ne lui est pas disproportionnée. Il appartient en effet au législateur d'apprécier s'il y a lieu de contraindre le juge à la sévérité quand une infraction nuit particulièrement à l'intérêt général, spécialement dans une matière qui, comme celle qui a pour objet la consommation de boissons fermentées et spiritueuses, concerne des comportements présentant des dangers importants pour la salubrité et la moralité publiques et la protection de la jeunesse et donnant lieu à une fraude importante. Cette sévérité peut ne pas affecter seulement le niveau de la peine pécuniaire, mais aussi la faculté offerte au juge, en ce qui la concerne, de suspendre le prononcé de la condamnation ou d'assortir celle-ci du sursis.
B.35. En ce qu'il ne permet pas au juge d'appliquer les dispositions de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation aux condamnations à des peines autres que l'emprisonnement principal, l'article 41 précité ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou conjointement avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. 3) Quant aux articles 1er, alinéa 1er, 4°, 2, § 1er, 1° et 2°, et 37, § 3, de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées, et aux articles 11, § 1er, 4°, 11, § 2, 12, 2°, et 27, § 5, de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente B.36. La question préjudicielle, telle qu'elle a été reformulée par la Cour, pose la question de savoir si les dispositions précitées violent les articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement ou non avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution en ce qu'elles instaurent, dans le secteur des débits de boissons fermentées et des débits de boissons spiritueuses, des interdictions professionnelles automatiques et illimitées dans le temps, d'une part, et en ce qu'elles prévoient, le cas échéant, la fermeture du débit jusqu'au moment où les personnes frappées d'exclusion ne participent plus à son exploitation, d'autre part.
B.37.1. Les articles 1er, alinéa 1er, 4°, 2, § 1er, et 37, § 3, de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées, remplacés respectivement par les articles 1er, 2 et 27 de la loi du 6 juillet 1967 modifiant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées, coordonnées le 3 avril 1953, disposent : «
Art. 1er.Ne peuvent être débitants de boissons fermentées à consommer sur place, au sens des présentes lois coordonnées, soit par eux-mêmes, soit par personne interposée : [...] 4° ceux qui ont été condamnés pour recel; [...] »
Art. 2.§ 1er. Ne peuvent participer, d'une manière quelconque, à l'exploitation d'un débit de boissons fermentées à consommer sur place : 1° à titre de gérants ou préposés, au sens des présentes lois coordonnées, ceux qui se trouvent dans l'un des cas prévus à l'article 1er, 1° à 10°;2° à tout autre titre, ceux qui se trouvent dans l'un des cas prévus à l'article 1er, 2° à 9°. On entend par gérant ou préposé, la personne qui tient un débit dont le débitant est commettant au sens de l'article 21 ou 22. » « Art. 37, [...] § 3. En cas d'infraction à l'article 2, la fermeture du débit est prononcée jusqu'au moment où les personnes exclues ne participent plus à l'exploitation du débit. » B.37.2. Les articles 11, § 1er, 4°, 11, § 2, 12, 2°, et 27, § 5, de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente disposent : «
Art. 11.§ 1er. Ne peuvent être débitant de boissons spiritueuses à consommer sur place : [...] 4° ceux qui ont été condamnés pour recel; [...] » « Art. 11, [...] § 2. Ne peuvent être mandataires au sens de l'article 3, § 2, les personnes mentionnées au § 1er, 2° à 7° et 9°. » «
Art. 12.Les personnes morales ne peuvent être débitant de boissons spiritueuses ni participer à l'exploitation d'un débit de ces boissons: [...] 2° lorsqu'un de leurs organes ou de leurs représentants se trouvant dans l'un des cas prévus à l'article 11, § 1er, 2° à 7° et 9°, est chargé d'accomplir les obligations légales imposées par la présente loi ou intervient d'une manière quelconque dans l'exploitation d'un débit de boissons spiritueuses à consommer sur place.» «
Art. 27.[...] § 5. En cas d'infraction à l'article 12, la fermeture du débit est prononcée; elle cesse ses effets lorsque les personnes exclues ne participent plus à l'exploitation du débit. » B.38. Il apparaît des faits de l'espèce comme du libellé de la question préjudicielle que celle-ci porte uniquement sur l'interdiction qui est faite, par l'article 1er, alinéa 1er, 4°, des dispositions législatives contenues dans l'arrêté royal du 3 avril 1953, aux personnes ayant été condamnées pour recel.
B.39. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.40.1. La mesure en cause apporte une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie, voire à la liberté d'association. Il y a lieu de vérifier si elle est pertinente et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre elle et l'objectif poursuivi.
B.40.2. Il faut à cet égard observer d'abord que la restriction est limitée à une activité tout à fait spécifique et qui, dans la mesure notamment où les débits de boissons fermentées peuvent être fréquentés par la jeunesse, est susceptible de représenter un danger social.
Les faits qui valent à leur auteur l'interdiction en cause sont de ceux dont le législateur peut penser, sans erreur manifeste, que ceux qui les ont commis risquent plus que d'autres s'ils tiennent un débit de boissons fermentées à consommer sur place, de favoriser ou de commettre des faits de même nature.
B.41.1. Il est vrai que le caractère automatique d'une interdiction peut la rendre disproportionnée à l'objectif poursuivi, particulièrement lorsque cette interdiction est large, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Sous réserve des vérifications qui suivent, une telle orientation n'est pas en soi manifestement déraisonnable.
B.41.2. En outre, comme l'interdiction ressort clairement du texte de la loi, le prévenu connaît le risque qu'il encourt : rien ne lui interdit, notamment lorsqu'il demande une suspension du prononcé, de faire état, devant le juge, des effets que la loi attache aux condamnations qu'il pourrait prononcer.
B.42. L'individualisation des peines est une politique répressive choisie parmi plusieurs concevables, plutôt qu'un principe général de droit s'imposant au législateur. Sous la réserve qu'il ne peut prendre une mesure manifestement déraisonnable, le législateur démocratiquement élu peut vouloir déterminer lui-même la politique répressive et exclure ainsi le pouvoir d'appréciation du juge. Ces considérations valent autant pour les mesures de sûreté que pour les peines proprement dites.
Sans doute le législateur a-t-il opté à diverses reprises pour l'individualisation des peines, en abandonnant au juge un choix (limité toutefois par un maximum et un minimum) quant à la sévérité de la peine, en lui permettant de tenir compte de circonstances atténuantes et en l'autorisant à accorder des mesures de sursis et de suspension du prononcé.
Toutefois, de ce que, dans la matière qui fait l'objet de la question préjudicielle, il ne permet pas de moduler l'interdiction en fonction de la personne du prévenu ou des circonstances en cause, il ne se déduit pas que le législateur aurait violé le principe d'égalité.
C'est à lui qu'il appartient d'apprécier s'il y a lieu de se montrer sévère quand une infraction nuit particulièrement à l'intérêt général.
La Cour ne pourrait censurer ce choix que s'il était manifestement déraisonnable, ce qui, pour les raisons rappelées en B.40.2, n'est pas le cas en l'espèce.
Les mêmes raisons justifient que les débits de boissons restent fermés jusqu'à ce que les personnes exclues ne participent plus à leur exploitation. Une telle mesure est de nature à garantir l'effectivité de l'interdiction et elle n'est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi.
B.43. A propos des interdictions professionnelles, le contrôle de proportionnalité doit tenir compte notamment de la mesure dans laquelle les chances de réinsertion sociale sont compromises, mesure réduite lorsque, comme en l'espèce, l'interdiction professionnelle se limite à un type très restreint d'activité. L'objectif, choisi par le législateur en présence du danger social particulier qu'entraînent les débits de boissons fermentées à consommer sur place, de prendre un maximum de précautions, pourrait n'être pas atteint si les personnes présentant le risque exposé plus haut ne se voyaient interdire la tenue de tels débits que durant un délai fixé d'avance. En revanche, il est d'une rigueur disproportionnée à l'objectif poursuivi de ne pas même permettre, fût-ce après l'écoulement d'un délai important, à celui qui subit l'interdiction en cause de demander à une autorité habilitée à cet effet de constater que sa conduite est de nature à démentir la supposition, fondée selon la loi sur le fait générateur de cette interdiction, qu'il représente un risque particulier.
La question appelle une réponse positive en ce qu'aucune possibilité n'est prévue de limiter l'interdiction dans le temps.
B.44. La disproportion qui vient d'être indiquée ne peut être constatée dans l'interprétation, proposée par le Conseil des ministres et permise par le texte de l'article 634, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, combiné avec la disposition en cause, selon laquelle la réhabilitation fait cesser l'interdiction portée par celle-ci.
Dans cette interprétation, la question appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1) Les articles 267 à 285 de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'ils prévoient, en matière de douanes et accises, un régime de l'action publique et de la procédure pénale qui diffère de celui de l'action publique et de la procédure pénale en général, en ce que l'Administration des douanes et accises agit à la fois en qualité d'autorité chargée de l'enquête et en qualité d'autorité poursuivante.2) L'article 41 de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou conjointement avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en tant qu'il ne permet pas au juge d'appliquer les dispositions de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation aux peines fixées par la loi précitée du 3 avril 1953, à l'exception de la peine d'emprisonnement principal.3) - Les articles 1er, alinéa 1er, 4°, 2, § 1er, 1° et 2°, et 37, § 3, de l'arrêté royal du 3 avril 1953 coordonnant les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées et les articles 11, § 1er, 4°, 11, § 2, 12, 2°, et 27, § 5, de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente violent les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle aucune possibilité n'est prévue de limiter l'interdiction professionnelle dans le temps. - Les mêmes dispositions ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution dans l'interprétation selon laquelle la réhabilitation fait cesser l'interdiction professionnelle.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 6 avril 2000.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, G. De Baets.