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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 06 mars 2003

Arrêt n° 174/2002 du 27 novembre 2002 Numéro du rôle : 2502 En cause : la demande de suspension du décret de la Région flamande du 29 mars 2002 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, (...)

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Arrêt n° 174/2002 du 27 novembre 2002 Numéro du rôle : 2502 En cause : la demande de suspension du décret de la Région flamande du 29 mars 2002 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le 18 mars 2002 en application du décret du 14 décembre 2001 pour quelques permis de bâtir auxquels s'appliquent des raisons obligatoires de grand intérêt public », introduite par la commune de Beveren et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande de suspension Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 juillet 2002 et parvenue au greffe le 19 juillet 2002, une demande de suspension du décret de la Région flamande du 29 mars 2002 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le 18 mars 2002 en application du décret du 14 décembre 2001 pour quelques permis de bâtir auxquels s'appliquent des raisons obligatoires de grand intérêt public » (publié au Moniteur belge du 30 mars 2002) a été introduite par la commune de Beveren et par les personnes suivantes, agissant pour leur compte propre et, à l'exception de R. Bleijenberg, pour ladite commune, en vertu de l'article 271 de la Nouvelle loi communale : J. Creve, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 111, M. Vergauwen, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 12, R. Van Buel, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 80, M. Rijssens, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 80, L. Adriaenssen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, G. Adriaenssen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, I. Tempelaer, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 11, P. Van Broeck, demeurant à 9130 Kieldrecht, Belgische Dreef 4, C. Coolen, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 87, H. Van Reeth, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 111, J. Soetens, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 12, G. Van De Walle, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 61, M. Aspers, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 61, I. De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 65, B. Brijs, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 51, G. Snoeck, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 16, R. Van Lomberghe, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 16, R. Marin, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 6, R. Marin, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 27, H. Barbieres, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 13, E. Peeters, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 13, J. Fierlefijn, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 14, L. Hack, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 19, M. De Lee, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 20, M. Van Den Keybys, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 21, C. Kimpe, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 21, J. Malcorps, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 11, J. Gillis, demeurant à 9130 Doel, Liefkenshoekstraat 28, M. Windey, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 5, C. De Wael, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 28, W. De Nijs, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 28, S. De Graef, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 47, J. Kouijzer, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 47, M. De Spiegeleer, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 19, M. Janssens, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 78, R. De Maayer, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 78, C. De Caluwe, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 82, A. Cool, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 82, W. Paelinck, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 25, H. Orleans, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 11, S. Collier, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 100, R. Buisseret, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 100, H. Versmissen, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 13, G. Verelst, demeurant à 9130 Doel, Dreefstraat 1, Jeanne De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 55, Jerome De Paepe, demeurant à 9130 Doel, Scheldemolenstraat 65, I. Huybrechts, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 51, L. De Cleene, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 44, L. Lockefeer, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 55, S. Lockefeer, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 55, P. Peeters, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 1, K. Suykens, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 21, D. Barnes, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 21, D. Severius, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 30, S. Geuens, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 10, S. Schoetens, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 10, H. Hermans, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 9c, J. Tronckoe, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 9c, S. Van De Craen, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 9c, A. De Man, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 24, E. Sonck, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 24, L. Hooft, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 25, G. De Pette, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 25, J. Meul, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 27, G. Gillis, demeurant à 9130 Doel, Vissersstraat 33, P. Meulen, demeurant à 9130 Doel, Liefkenshoekstraat 20, L. De Vos, demeurant à 9130 Doel, Liefkenshoekstraat 20, S. Moenssen, demeurant à 9130 Doel, Camermanstraat 41, A. Helmut, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 21, K. Van Gijsel, demeurant à 9130 Doel, Hooghuisstraat 21, N. Poppe, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 18, V. Druyts, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 18, G. Maesen, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 668, P. Borghs, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 68, I. Struys, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 45, D. Boeckling, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 45, L. Gys, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 33, R. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 4, F. Verhulst, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 4, F. Dejonck, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 26, D. Vercauteren, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 26, T. Wille, demeurant à 9130 Doel, Havenweg 30a, K. Caps, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 14, L. De Rijcke, demeurant à 9130 Kieldrecht, Sint-Engelbertusstraat 27, R. Bleijenberg, demeurant aux Pays-Bas, Nieuw Namen, Kerkpad 15, T. Werkers, demeurant à 9130 Doel, Sint-Engelbertusstraat, L. Buysrogge, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 8, J. De Cleene, demeurant à 9130 Doel, Sint-Engelbertusstraat 22, S. De Bruyn, demeurant à 9130 Doel, Sint-Engelbertusstraat 20, L. Fransen, demeurant à 9130 Doel, Hertog Prosperstraat 7, I. Weyenberg, demeurant à 9130 Doel, Ouden Doel 19, M. Jacobs, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 26, C. Smet, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 77, W. Aelbrecht, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 73, W. Faure, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 53, B. De Decker, demeurant à 9130 Kieldrecht, Pillendijk 41, L. D'Hamers, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 116, O. Van As, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 63, B. De Bock, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 26, R. De Bock, demeurant à 9130 Doel, Zoetenberm 26, A. Geerts, demeurant à 9130 Doel, Saftingen 3, P. Onghena, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 26, K. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 24, M. Van Mol, demeurant à 9130 Doel, Oostlangeweg 24, A. Collier, demeurant à 9130 Kieldrecht, Oud Arendberg 118, J. De Vriendt, demeurant à 9130 Doel, Engelsesteenweg 8, J. De Smet, demeurant à 9130 Doel, Pastorijstraat 9, et F. Van Gijsel, demeurant à 9130 Verrebroek, Gemenestraat 22.

Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation de la norme précitée.

II. La procédure Par ordonnance du 19 juillet 2002, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 7 août 2002, la Cour a fixé l'audience au 25 septembre 2002, après avoir dit que les observations écrites éventuelles des autorités visées à l'article 76, § 4, de la loi spéciale susdite devaient parvenir au greffe le 9 septembre 2002 au plus tard.

Cette ordonnance a été notifiée auxdites autorités ainsi qu'aux parties requérantes et à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 7 août 2002.

Des observations écrites ont été introduites par : - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 9 septembre 2002; - le « Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen », ayant son siège social à 2000 Anvers, Entrepotkaai 1, par lettre recommandée à la poste le 17 septembre 2002.

Par ordonnance du 24 septembre 2002, le président A. Arts a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

A l'audience publique du 25 septembre 2002 : - ont comparu : . Me M. Storme, Me F. Judo et Me I. Rogiers, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, et Me H. Sebreghts, avocat au barreau d'Anvers, pour le Gouvernement flamand; . Me J. Bouckaert et Me C. Van Vyve loco Me D. D'Hooghe, avocats au barreau de Bruxelles, pour le « Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen »; - les juges-rapporteurs A. Alen et J.-P. Snappe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions attaquées La demande de suspension est dirigée contre le décret de la Région flamande du 29 mars 2002 « portant confirmation des autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le 18 mars 2002 en application du décret du 14 décembre 2001 pour quelques permis de bâtir auxquels s'appliquent des raisons obligatoires de grand intérêt public » (Moniteur belge , 30 mars 2002). Ce décret est libellé comme suit : «

Article 1er.Le présent décret règle une matière régionale.

Art. 2.Les suivantes autorisations urbanistiques accordées par le Gouvernement flamand le 18 mars 2002 sont confirmées; ces autorisations urbanistiques sont accordées en vue de travaux, opérations et aménagements nécessaires en vue de l'aménagement du et de rendre opérationnel le bassin 'Deurganck' tel que visé au décret du 14 décembre 2001 pour quelques permis de bâtir auxquels s'appliquent des raisons obligatoires de grand intérêt public : 1° l'autorisation urbanistique en vue de la construction des murs de quai du bassin à marées appelé le bassin 'Deurganck', son raccordement aux rives de l'Escaut à l'aide d'un revêtement de rive de palplanches ancrées, la démolition partielle (chemin de halage 'Sigmadijk', partie de la 'Liefkenshoekstraat' et le 'het Geslecht'), l'aménagement d'une infrastructure routière limitée (chemin de halage et remplacement de la 'Liefkenshoekstraat', ainsi que l'aménagement de digues temporaires afin de pouvoir activer une partie du bassin après son dragage. L'autorisation comprend également l'aménagement d'assises de rail en vue du désenclavement du bassin; 2° l'autorisation urbanistique en vue de l'exécution des travaux de dragage au droit du bassin 'Deurganck' - phases 1, 2 et 3, le dragage d'un chenal de liaison avec l'Escaut, le parachèvement des zones de stockage S8, S9;S10, S11, S12 et C34, l'aménagement et le surhaussement des zones de stockage S13, S14, S15, S16, C45, C59, C60, C61, C62 et C63, la construction d'une digue dans le bassin de 'Doel', le remblai d'une partie du bassin de 'Doel', le déboisement des zones de stockage C34. L'agrandissement du 'Drempel van Frederik et Zandvliet'; 3° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement de la zone-tampon de viabilité près de Doel, au bord de la zone portuaire type 2, entre Doel et les terrains autour du bassin "Deurganck";4° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement de routes de désenclavement, l'adaptation de la voie d'accès à la ceinture R2 (Tronçon 'Liefkenshoekstunnel' -'Beverentunnel'), l'aménagement/adaptation du 'Sint-Antoniusweg', du 'het Geslecht' et de la 'Sint-Annalaan', de la 'Ketenislaan', du 'Ploegweg', du 'Oude Dijk' et du 'Sint-Jansweg'.L'aménagement de quatre ponts-routes et d'un pont-rail ainsi que tous les autres travaux tels que décrits sur les 32 dessins; 5° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement des rails au terminal conteneurs autour du bassin 'Deurganck', ainsi que l'aménagement du faisceau ferroviaire 'Kalishoek', 'Doel' et les voies de liaison entre ces faisceaux et le raccordement sur la ligne 208 au droit du 'het Geslecht';6° l'autorisation urbanistique pour le déblaiement du terrain 'Paardenschor' jusqu'au niveau naturel des atterrissement limoneux et la réalisation d'une digue de l'Escaut à hauteur Sigma sur la longueur du terrain à déblayer;7° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement d'un étang avec zones de rive et d'eau dans la zone naturelle 'Drijdijck' et la partie écologique du volume-tampon s'y raccordant;8° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement d'une crique à eau douce dans la partie écologique du volume-tampon pour la zone du port maritime avec affectation agraire temporaire;9° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement d'une digue circulaire en vue d'une zone inondable contrôlée (GOG - Gecontroleerd Overstromingsgebied) à Kruibeke-Bazel-Rupelmonde;10° l'autorisation urbanistique pour l'aménagement d'une réserve de sable temporaire en vue de l'aménagement d'une zone inondable contrôlée (GOG) à Kruibeke-Bazel-Rupelmonde;11° l'autorisation urbanistique en vue de la construction d'un pont Bailey au droit du carrefour de la 'Scheldelei' à Kruibeke avec un chemin de chantier à aménager.» IV. En droit - A - Quant à l'intérêt des parties requérantes A.1.1. Les parties requérantes estiment avoir un intérêt à leur recours en annulation et à leur demande de suspension du décret attaqué, ce qui a déjà été confirmé dans l'arrêt n° 116/2002 et est encore plus évident pour le décret présentement attaqué. Toutes habitent à proximité d'un des travaux déclarés d'intérêt général ou y sont propriétaires ou locataires de terres. Beaucoup d'entre elles sont également demanderesses ou requérantes dans une ou plusieurs des procédures judiciaires pendantes dans lesquelles le décret attaqué s'immisce, selon elles. Ce décret vise, à leur estime, essentiellement, à les priver de la protection juridique devant le Conseil d'Etat et les juridictions ordinaires. Elles ont également intérêt à attaquer la partie qui concerne les compensations naturelles : si la Région flamande entend porter atteinte aux zones naturelles, elle doit au préalable réaliser des compensations d'une manière légitime et licite. Elles sont lésées quant à leurs intérêts en matière de conditions de logement, d'environnement, de santé et de sécurité, de sécurité juridique et de viabilité, ainsi qu'au niveau de leur droit de propriété.

L'intérêt de la commune de Beveren, pour laquelle agissent les autres requérants en vertu de l'article 271 de la nouvelle loi communale, est lui aussi évident, dès lors qu'une communauté importante y est menacée. Les travaux autorisés détruisent également des zones naturelles qui présentent un intérêt pour les autres habitants, de sorte qu'une possibilité de récréation disparaît.

A.1.2. Le Gouvernement flamand allègue que les parties requérantes ne justifient pas d'un intérêt à demander la suspension et à requérir l'annulation, étant donné que tous les griefs, ainsi qu'il ressort de l'exposé des préjudices, sont dirigés contre les permis confirmés - qui ne sont toutefois pas eux-mêmes entrepris - et non contre le décret de confirmation. A cet égard, il importe peu que ceux-ci aient été confirmés par le décret entrepris. En effet, il n'existe aucun lien de causalité entre la norme entreprise et le préjudice invoqué, et l'on ne peut à tout le moins déduire de ce préjudice l'intérêt à demander la suspension et l'annulation du décret de confirmation. En outre, les parties requérantes ne sauraient être lésées par des permis qui sont octroyés dans le but de réaliser en particulier des mesures de compensation naturelle sur lesquelles elles insistent précisément, notamment sur le territoire de la commune de Kruibeke, dont elles ne sont pas des habitants.

Selon le Gouvernement flamand, les parties requérantes n'expliquent pas en quoi elles pourraient être défavorablement affectées par les parties du décret qui rendent possible l'exécution de la réglementation européenne. Elles demandent la suspension et l'annulation de dispositions qui ont été adoptées en vue d'exécuter les directives relatives aux oiseaux et aux habitats naturels, alors qu'elles articulent essentiellement leurs moyens autour de leur non-exécution.

En ce qui concerne spécialement la partie requérante qui habite aux Pays-Bas, celle-ci ne démontre pas qu'elle est locataire ou propriétaire d'un bien situé dans la zone concernée par les permis de bâtir. Elle ne démontre pas davantage quel préjudice elle subirait ou en quelle qualité elle agit.

La demande de la commune de Beveren n'est pas davantage recevable.

Seuls les organes de la commune élus démocratiquement peuvent, nonobstant la procédure de l'article 271 de la nouvelle loi communale appliquée en l'espèce, démontrer l'intérêt requis pour entamer une procédure auprès de la Cour d'arbitrage. Le collège des bourgmestre et échevins - qui a par ailleurs émis un avis favorable concernant la majorité des permis de bâtir - a, en tant qu'organe de l'administration active, déjà émis un avis en la matière concernant l'intérêt et la commune ne peut elle-même ester en justice s'agissant de l'intervention de cet organe, même lorsqu'elle a elle-même émis un avis négatif. La commune ne peut pas davantage intervenir à l'encontre de permis qui concernent des terrains qui ne sont pas situés sur son territoire ou pour lesquels elle n'avait aucune compétence consultative.

A.1.3. La partie intervenante, la Régie portuaire communale d'Anvers (« Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen », ci-après : « le G.H.A. »), estime que l'intérêt allégué par les parties requérantes est en contradiction avec les moyens de suspension et d'annulation invoqués.

En effet, ces parties demandent la suspension et l'annulation des dispositions se rapportant à la mise en [009c]uvre des directives sur la conservation des oiseaux et des habitats naturels, alors que leurs moyens sont, pour l'essentiel, tirés de la non-exécution de ces directives. On ne voit dès lors pas très bien, selon le G.H.A., quel intérêt les parties requérantes pourraient avoir pour ce qui concerne les dispositions du décret attaqué qui transposent les directives sur la conservation des oiseaux et des habitats naturels (à savoir l'article 2, 6° à 11°). Il en va de même pour la demande de suspension et le recours contre la confirmation du permis d'urbanisme pour une zone-tampon de viabilité qui doit garantir la viabilité du noyau urbain de Doel (article 2, 3°).

Quant à la capacité d'agir et à l'intérêt de la partie intervenante A.2. Le G.H.A. déclare qu'il dispose de la capacité d'agir requise et qu'il a décidé d'agir, conformément à ses statuts.

Le G.H.A. est titulaire d'un certain nombre de permis d'urbanisme délivrés, en application du décret d'urgence, le 18 mars 2002 et confirmés par le décret entrepris. En tant qu'instance responsable de la gestion et de l'exploitation du port d'Anvers et en tant que titulaire de l'autorisation pour la poursuite de l'aménagement du « Deurganckdok », le G.H.A. a de toute évidence un intérêt à intervenir dans les procédures de suspension et d'annulation du décret attaqué.

Quant au sérieux des moyens A.3.1. Dans un premier moyen, les parties requérantes font valoir que l'article 2 du décret du 29 mars 2002 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il contient une confirmation décrétale de permis d'urbanisme par le biais d'un décret dans le cadre d'un dossier individuel, par dérogation, d'une part, aux règles normalement applicables et, d'autre part, aux affectations existantes, en méconnaissance des procédures applicables en la matière (modification implicite du plan de secteur) et avec privation de garanties procédurales essentielles applicables à tous les citoyens, sans qu'existe pour cette différence de traitement, à l'égard des personnes auxquelles les règles normales sont applicables, un but légitime, sans que la distinction établie soit pertinente ou repose sur des critères objectifs, à tout le moins que la différence de traitement n'est pas proportionnée au but poursuivi.

A.3.2. Le décret entrepris ne mentionne pas d'objectif autonome pour la confirmation, mais ne fait que renvoyer au décret d'urgence, également entrepris, du 14 décembre 2001, qui invoque, comme prétendu objectif de la confirmation, le renforcement du contrôle parlementaire sur l'exercice des pouvoirs attribués au Gouvernement, ce qui ne peut être démontré ni objectivement ni subjectivement et alors que le but réel ne consiste qu'à éliminer l'intervention du Conseil d'Etat et que le motif du contrôle parlementaire n'est invoqué que de manière plutôt fallacieuse. Par ailleurs, les travaux préparatoires du décret entrepris révèlent qu'il n'y a pas eu de contrôle parlementaire indépendant. Ainsi n'a-t-on par exemple pas attendu l'avis préalable, pourtant nécessaire en la matière, de la Commission européenne concernant la dérogation aux directives relatives aux oiseaux et aux habitats naturels en ce qui concerne les habitats prioritaires. Le décret de confirmation n'a pas davantage été amendé là où il le fallait en raison d'objections, du fait que le Parlement flamand a estimé - tout à fait à tort - que cela n'était pas possible. Il fut en outre légiféré sur la base d'estimations des dommages pour la cessation des travaux envisagés, lesquelles ne sont nullement conformes à la réalité. Il n'était pas davantage nécessaire d'agir de toute urgence, étant donné que la procédure ordinaire - qui prévoyait déjà une procédure dérogatoire pour de tels travaux - aurait également conduit à une délivrance non tardive des permis requis. Aucun parmi les autres éventuels objectifs à caractère économique, financier, social (emploi), en rapport avec les infrastructures (mobilité), à caractère militaire et écologique, pas plus que l'aspect sécuritaire ne peut être admis.

A.4.1. Le Gouvernement flamand observe que tous les moyens sont identiques à ceux développés dans l'affaire n° 2392. Il renvoie en ordre principal à la défense qu'il a développée dans cette affaire en joignant le mémoire introduit à l'époque. La Cour maintient quasi intégralement l'exposé de ces arguments, même si leur formulation n'était applicable qu'à l'affaire 2392, et non dans la présente affaire.

A.4.2. Selon le Gouvernement flamand, le premier moyen manque en fait, à divers titres. Le décret d'urgence ne modifie pas un plan de secteur. Il est seulement autorisé, lors de l'octroi de permis, de déroger aux affectations prévues dans les plans d'aménagement, de sorte que le plan d'affectation auquel il est dérogé demeure inchangé.

Le décret d'urgence prévoit une procédure sui generis et la question de droit posée est de savoir si cette procédure dérogatoire est justifiée à la lumière du principe d'égalité. Selon le Gouvernement flamand, qui fait amplement référence aux travaux préparatoires, la distinction opérée par le décret d'urgence peut être justifiée par des circonstances exceptionnelles et des « raisons impératives d'intérêt public majeur », en particulier les effets économiques et budgétaires et les travaux de sécurité, et le législateur décrétal n'a pas usé de manière (manifestement) déraisonnable de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation. Il appartient en effet au législateur d'apprécier souverainement l'intérêt général. Cette appréciation s'opère en premier lieu sous contrôle politique et ensuite, dans les limites du contrôle marginal, qui revient au juge, lequel exerce toutefois exclusivement un contrôle de légalité et non un contrôle politique ou d'opportunité. Le législateur décrétal est investi d'un pouvoir discrétionnaire pour axer la justification du décret sur l'intérêt général, l'opportunité et l'efficacité. La Cour d'arbitrage ne peut intervenir que lorsque, selon une opinion juridique communément admise, il n'est pas pensable qu'une autorité décidant raisonnablement puisse porter une telle appréciation. Dans l'arrêt n° 116/2002, la Cour a déjà pris position en considérant que l'objectif de la technique employée n'est pas manifestement déraisonnable. Les interminables considérations relatives à l'opportunité développées actuellement dans la requête ne sont pas pertinentes, étant donné qu'elles ne démontrent pas que le législateur décrétal a apprécié de manière manifestement erronée l'intérêt général, l'opportunité ou l'efficacité du décret entrepris.

Le Gouvernement flamand compare la procédure qui a été suivie en l'espèce avec une procédure normale de droit commun et décrit les diverses procédures qui ont été entamées et qui pourraient encore l'être. Pour lui, il est établi que le « Deurganckdok », à l'inverse de ce que soutiennent les parties requérantes, ne pouvait être réalisé à brève échéance sans le décret entrepris et que, à la lumière du calendrier décrit et des éléments de fait, le décret entrepris a réalisé un gain de temps d'au moins 18 mois ainsi que des économies budgétaires et une réduction proportionnelle des coûts.

Le Gouvernement flamand rejette ensuite l'estimation minimaliste du coût de la cessation des travaux, telle qu'elle a été présentée par les parties requérantes. Les estimations des dommages sont concrétisées et chiffrées, et l'éventuel impact des travaux envisagés sur l'emploi réel est déterminé.

Les arguments pris de la circonstance qu'il n'est pas satisfait aux conditions de la directive concernant les oiseaux et les habitats naturels ne sont, à l'estime du Gouvernement flamand, pas fondés.

Celui-ci tente de démontrer qu'à travers les mesures qui ont déjà été attaquées et celles qui le sont actuellement - le décret d'urgence, les permis de bâtir et le décret de confirmation -, le but est de se conformer aux directives précitées. La référence aux mises en demeure par la Commission européenne n'est nullement pertinente en l'espèce.

En effet, la première mise en demeure est antérieure à l'adoption du décret d'urgence et la seconde ne porte pas sur le projet dont les permis ont été confirmés par le décret attaqué, de sorte qu'elle n'est pas davantage pertinente. Du fait de l'exécution des compensations naturelles envisagées, il est fort probable que la Commission européenne, de ce point de vue, ne remette plus le projet en cause. Le Gouvernement flamand estime en outre que les espèces d'oiseaux figurant à l'annexe I de la directive concernant les oiseaux ne peuvent, sur la base d'arguments textuels concrets, être considérées comme « espèces prioritaires » au sens de la directive relative aux habitats naturels, et qu'il n'y avait pas lieu d'attendre l'avis préalable de la Commission européenne en la matière.

Le Gouvernement flamand conteste également la thèse des parties requérantes selon laquelle, en vertu de l'article 4, paragraphe 4, de la directive concernant les oiseaux, des raisons impératives d'intérêt public majeur qui peuvent justifier qu'une zone de protection spéciale soit affectée ne peuvent en aucun cas être de nature sociale ou économique. A cet égard, il se réfère à la jurisprudence de la Cour de justice, et cite l'arrêt du 11 juillet 1996, l'arrêt Lappel Bank, qui concerne l'article 6, paragraphe 4, de la directive concernant les habitats naturels et fait valoir que les règles de l'époque de la directive concernant les oiseaux, s'agissant de l'indication et de la délimitation d'une zone de protection spéciale, à savoir le fait de ne pas prendre en compte les exigences économiques, en vertu de l'article 6, paragraphe 4, de la directive concernant les habitats naturels, n'est pas applicable pour l'atteinte ultérieure portée à une zone de protection spéciale. En ce sens, le Gouvernement flamand rejette la thèse des parties requérantes, basée sur l'article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive concernant les oiseaux, selon laquelle les exigences écologiques primeraient toujours les exigences économiques, budgétaires ou autres, et se réfère à cet effet aux autres textes qui sont liés à cette disposition, dont il apparaît que, pour protéger la population des - très nombreuses - espèces d'oiseaux, même en dehors des zones de protection spéciale, des exigences économiques et récréatives peuvent également être prises en compte.

A.4.3. Le G.H.A. souligne avant tout que le premier moyen procède essentiellement du présupposé que le décret du 14 décembre 2001 est anticonstitutionnel. Un moyen qui, pour étayer son caractère sérieux, renvoie au bien-fondé d'un moyen dans une autre procédure d'annulation ne peut être considéré comme sérieux.

Les catégories de personnes entre lesquelles une inégalité est alléguée dans le moyen doivent en outre être comparées l'une avec l'autre. Les catégories de personnes à comparer sont, d'une part, les personnes qui sont confrontées à des travaux d'intérêt général réalisés en suivant les règles normales de procédure, et, d'autre part, les personnes qui sont confrontées à des travaux d'intérêt général visés dans le décret du 14 décembre 2001. En tant que cette dernière catégorie est comparée aux personnes qui sont confrontées à des travaux qui ne sont pas d'intérêt général, il ne s'agit pas de catégories comparables. La Région flamande et le G.H.A. ne peuvent pas non plus être comparés avec des demandeurs de permis privés. C'est précisément en raison du caractère non comparable que le décret relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996, a prévu une procédure d'autorisation particulière pour les demandes introduites par des personnes morales de droit public ou pour des travaux d'utilité publique. Actuellement, l'article 127 du nouveau décret relatif à l'aménagement du territoire prévoit une procédure spéciale similaire. Selon le G.H.A., les catégories visées ne sont donc pas suffisamment comparables et le principe d'égalité ne saurait être violé en l'espèce.

Dans la mesure où il s'agirait néanmoins de catégories comparables, le G.H.A. estime que la règle résiste au contrôle au regard du principe d'égalité. Le décret entrepris est dicté par l'impérieuse nécessité économique de construire un nouveau bassin à marées, laquelle repose sur des éléments objectivement constatables. Les objectifs économiques, budgétaires, écologiques et sécuritaires sont tour à tour des objectifs légitimes. En tant que les parties requérantes critiquent les postulats du législateur décrétal, leur exposé manque en fait et dans la mesure où elles ne partagent pas les choix politiques du législateur décrétal, leur exposé n'est pas pertinent.

L'intérêt économique de l'intervention décrétale ne peut être sous-estimé. L'extension envisagée de la zone portuaire de la rive gauche de l'Escaut - dont le développement est considéré comme un grand succès - est non seulement à ce point essentielle pour la croissance économique future de la Région flamande qu'une intervention décrétale s'imposait, mais l'on évite en outre un dommage économique direct et indirect réel bien plus grand du fait de la cessation des travaux, dommage qui, bien qu'il s'agisse d'une estimation, atteint le multiple de ce que prétendent les parties requérantes.

Le G.H.A. relève lui aussi le gain de temps réel qui a été réalisé en suivant les procédures entreprises et dérogeant au droit commun, ce qui prouve la pertinence de la mesure. En outre, le champ d'application de la procédure est limité, tant en ce qui concerne les travaux autorisés qu'en termes de temps.

Grâce à la confirmation décrétale, le législateur décrétal peut exercer un contrôle sur le respect notamment du nouveau décret relatif à l'aménagement du territoire ainsi que des directives concernant les oiseaux et les habitats naturels, ce qui a bel et bien été réalisé en l'espèce. En effet, les travaux préparatoires font apparaître que les permis d'urbanisme octroyés, lesquels étaient d'ailleurs dûment motivés, ont effectivement été contrôlés par le législateur décrétal de la manière prescrite par le décret du 14 décembre 2001, notamment quant à leur conformité aux travaux qui ont été déclarés d'intérêt général impérieux et stratégique, et quant au respect des procédures d'obtention du permis, en ce compris les enquêtes publiques, et en ce qui concerne la réglementation environnementale.

Une mesure qui permet de déroger aux prescriptions des plans d'aménagement n'est, par ailleurs, nullement exceptionnelle. En outre, les parties requérantes ne démontrent pas que le décret entrepris porte atteinte de manière substantielle à l'aménagement du territoire tel qu'il est conçu dans les plans d'aménagement actuellement en vigueur.

Il n'y a en tout cas pas lieu de considérer, comme le font les parties requérantes, que le décret entrepris vise à priver les justiciables d'une garantie juridictionnelle essentielle. Par ailleurs, le décret entrepris n'a pas empêché le Conseil d'Etat de se prononcer sur la demande de suspension du second plan de secteur et il ne l'empêchera pas davantage de statuer sur le recours en annulation dirigé contre les permis de bâtir délivrés antérieurement, les arrêtés de compensation et les arrêtés de plans de secteur.

Enfin, le G.H.A., reprenant quasi littéralement les termes utilisés par le Gouvernement flamand, rejette la critique fondée sur les mises en demeure de la Commission européenne, s'agissant de la conformité avec les directives concernant les oiseaux et les habitats naturels. A cet égard aussi, le législateur décrétal a exercé son pouvoir de contrôle comme il se devait, en particulier par la confirmation de permis dans lesquels il a été tenu compte expressément et de manière circonstanciée de la justification écologique des demandes. Eu égard notamment au bref délai (de forclusion) dans lequel les permis octroyés devaient être confirmés, le contrôle effectué était suffisant et la procédure de confirmation était en tout état de cause un moyen adéquat pour réaliser au maximum les objectifs visés.

A.5.1. Les parties requérantes font valoir, comme deuxième moyen, que le décret attaqué, d'une part, méconnaît les règles répartitrices de compétences inscrites dans la Constitution et, d'autre part, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la répartition constitutionnelle des compétences entre les pouvoirs législatif et exécutif, laquelle est notamment formulée dans les articles 33, 36, 37, 39, 115, § 2, et 121, § 2, de la Constitution, ainsi qu'avec l'interdiction du détournement de pouvoir.

Les parties requérantes estiment que le législateur décrétal s'arroge des compétences qui appartiennent au pouvoir exécutif, à savoir, rendre exécutoires (et donc en fait délivrer) des permis de bâtir et modifier le plan de secteur en confirmant des permis de bâtir contraires au plan de secteur existant, alors que ces compétences sont celles du pouvoir exécutif, sans que cette appropriation de compétences soit justifiée par un motif légitime ou repose sur un critère objectif ou soit au moins proportionnée.

Pareille appropriation est également contraire aux règles répartitrices de compétences, en ce que les régions ne sont pas habilitées à modifier les rapports entre leur pouvoir législatif et leur pouvoir exécutif, même dans le cadre de leur autonomie constitutive, la procédure qui a été suivie ayant pour seul but de court-circuiter la protection juridique ordinaire du citoyen.

A.5.2. Le Gouvernement flamand affirme que le deuxième moyen n'est pas recevable, d'une part, parce que la Cour n'est pas compétente pour connaître des moyens pris de la violation de la répartition des compétences entre les pouvoirs législatifs et exécutifs et, d'autre part, faute d'un exposé concernant la violation du principe d'égalité.

Selon le Gouvernement flamand, le deuxième moyen est de toute façon non fondé, parce qu'il n'existe aucune règle en vertu de laquelle « aménager le territoire » et « déclarer d'intérêt général des travaux » seraient une compétence réservée au pouvoir exécutif. Les parties requérantes omettent de démontrer pourquoi ces compétences devraient essentiellement appartenir au pouvoir exécutif, dès lors que le pouvoir législatif incarne à tous égards la souveraineté et dispose d'une compétence résiduaire.

Pour autant qu'il serait admis que le deuxième moyen dénonce de manière recevable une inégalité de traitement, celui-ci n'est rien d'autre, selon le Gouvernement flamand, qu'une paraphrase du premier moyen.

A.5.3. Selon le G.H.A. aussi, le deuxième moyen n'est pas recevable, puisque la répartition des compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir « décrétal » ne constitue pas une règle constitutionnelle répartitrice de compétences dont la Cour pourrait contrôler le respect et que cette répartition de compétences ne peut pas non plus être considérée comme une règle d'égalité.

En ordre subsidiaire, le G.H.A. observe que des circonstances exceptionnelles et des motifs d'intérêt général ont contraint le législateur décrétal à élaborer un régime exceptionnel limité permettant une reprise rapide des travaux nécessaires. La procédure de confirmation et le caractère exécutoire qu'elle confère, comprenant des missions distinctes pour le Gouvernement flamand et le législateur décrétal lui-même, étaient un moyen adéquat pour réaliser les objectifs légitimes dont question ci-avant. Cette mesure n'est, en outre, pas disproportionnée, en tant que le législateur décrétal, malgré sa compétence pour agir lui-même en matière d'aménagement du territoire et d'environnement, ne s'est pas arrogé l'ensemble de la matière et a lié à la confirmation ultérieure (et à l'indispensable caractère exécutoire) la condition d'un contrôle, de sorte qu'il a prévu suffisamment de garanties de légalité à l'égard des permis octroyés.

A.6.1. Les parties requérantes allèguent, comme troisième moyen, que le décret attaqué viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la répartition constitutionnelle des compétences entre le pouvoir législatif, d'une part, et le pouvoir judiciaire et le Conseil d'Etat, d'autre part, telle que cette répartition ressort notamment des articles 33, 36, 39, 40, 115, § 2, et 160 de la Constitution, avec les articles 13 et 160 de celle-ci, avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'interdiction du détournement de pouvoir. Selon les parties requérantes, le décret attaqué intervient « volontairement et sciemment » dans une série de procédures pendantes, dans le but de « bloquer » les demandes qu'elles contiennent, et cela sans aucune justification raisonnable. En outre, la Région flamande s'érige en « juge de sa propre cause » et le droit d'accès au juge est limité de manière discriminatoire.

La première branche du moyen est fondée sur le constat qu'il est intervenu dans des litiges pendants, et ce dans le cadre d'un seul litige, et que le législateur décrétal s'immisce dans l'exercice de la compétence juridictionnelle. Les deuxième et troisième branches dénoncent plus particulièrement la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 13 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et du droit d'accès au juge.

A.6.2. Le Gouvernement flamand observe que le troisième moyen manque en fait en tant qu'il est reproché au législateur décrétal d'intervenir dans des procédures judiciaires pendantes. Le décret attaqué ne confirme aucun acte juridique attaqué devant une instance juridictionnelle. Il ne porte pas non plus atteinte à des décisions juridictionnelles coulées en force de chose jugée. Les permis d'urbanisme ne sont pas soustraits au contrôle juridictionnel : ce sont seulement d'autres mécanismes de contrôle qui trouvent à s'appliquer. Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, ceci est lié à la différence objectivement justifiée, en matière de contrôle, entre les actes législatifs et les actes administratifs. Les parties requérantes ne sont pas non plus privées de leur droit à un recours effectif.

Il n'est pas question de « régularisation » ou de « validation » d'actes administratifs illégaux, ni d'illégalités constatées par le Conseil d'Etat. Une procédure de confirmation instaurée préalablement par le législateur n'est, selon la Cour, pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Le troisième moyen des parties requérantes pourrait, selon le Gouvernement flamand, tout au plus être suivi si la confirmation décrétale avait exclusivement pour but de faire échec au pouvoir juridictionnel du Conseil d'Etat, c'est-à-dire de nouveau pour la « régularisation » a posteriori de décisions administratives illégales.

Ce n'est pas le cas en l'espèce. Le raisonnement des parties requérantes aurait du reste pour effet que les législateurs régionaux et communautaires ne pourraient jamais décider, même préalablement, d'aucune confirmation décrétale de décisions de leurs pouvoirs exécutifs respectifs et ne pourraient dès lors obtenir le renforcement du contrôle parlementaire visé par ces confirmations.

Pour autant qu'il serait admis que le troisième moyen dénonce de manière recevable un traitement inégal, il n'est rien d'autre, selon le Gouvernement flamand, qu'une paraphrase du premier moyen.

A.6.3. Le G.H.A. estime que les parties requérantes confondent l'une des conséquences du régime décrétal - le pouvoir juridictionnel de la Cour d'arbitrage au lieu de celui du Conseil d'Etat - avec les objectifs légitimes réels du législateur décrétal. En l'espèce, l'argumentation des parties requérantes manque dès lors en fait.

En outre, prétendre que le législateur décrétal intervient illicitement dans des litiges pendants est erroné dans les faits. Le décret attaqué ne confirme nullement des permis suspendus par le Conseil d'Etat ou des tribunaux ordinaires. Le législateur décrétal ne substitue pas non plus, d'une autre manière, son appréciation à celle du Conseil d'Etat ni ne passe outre aux décisions de ce dernier.

Il est inhérent à toute norme législative que celle-ci doive être attaquée, non pas auprès du Conseil d'Etat, mais devant la Cour d'arbitrage, ce qui ne signifie toutefois pas que l'on soit privé du droit à un recours juridictionnel. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence de la Cour, le législateur décrétal peut instaurer un contrôle sur l'exercice des pouvoirs qu'il a conférés au Gouvernement flamand dans une matière qu'il peut régler lui-même, même lorsque ceci remédie à des litiges pendants.

Selon le G.H.A., c'est en vain que les parties requérantes font référence aux litiges encore pendants en vue de dénoncer « l'objectif réel » du législateur décrétal. Il est inhérent à l'aménagement du territoire que le cadre de référence urbanistique puisse subir des modifications, alors qu'un litige est pendant. Si l'on suivait les parties requérantes, toute modification, par exemple d'un plan de secteur, devrait être considérée comme une ingérence illicite dans le pouvoir de décision des juridictions. Pourtant, une telle modification n'est que le signe du caractère évolutif de l'aménagement du territoire. En outre, il est apparu que le décret entrepris n'a pas empêché le Conseil d'Etat de statuer sur la demande de suspension du second plan de secteur introduite par les parties requérantes, laquelle demande a été accueillie, et, de surcroît, la procédure d'annulation a été poursuivie, au seul motif, toutefois, que les compensations prévues ne seraient pas conformes aux exigences de la directive concernant les habitats naturels, ce qui est contesté.

A.7.1. Les parties requérantes allèguent, dans un quatrième moyen, que le décret attaqué viole les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 16, 22 et 23 de celle-ci, avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, en ce que le décret attaqué contient une limitation discriminatoire de droits fondamentaux, notamment le droit de propriété, l'environnement et la vie privée, qui n'est pas le fait d'une loi, au sens de règle générale, ni n'est justifiée par un motif légitime, ou qui doit tout au moins être considérée comme disproportionnée.

A.7.2. Selon le Gouvernement flamand, le quatrième moyen est irrecevable faute pour la Cour de pouvoir connaître des moyens pris de la violation directe de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des autres dispositions invoquées au moyen, d'une part, et faute d'un exposé concernant la violation du principe d'égalité, d'autre part.

Selon le Gouvernement flamand, le quatrième moyen manque en fait et est en tout cas non fondé, parce qu'aucun droit fondamental n'est absolu. Le moyen manque aussi en fait en tant qu'il considère que le décret attaqué serait une mesure purement individuelle, puisqu'il est applicable in abstracto à un nombre indéterminé de cas.

Pour autant qu'il serait admis que le quatrième moyen dénonce de manière recevable un traitement inégal, il n'est rien d'autre, selon le Gouvernement flamand, qu'une paraphrase du premier moyen.

A.7.3. Selon le G.H.A. aussi, le quatrième moyen est irrecevable puisqu'il n'est pas conçu comme un moyen pris de la violation du principe constitutionnel d'égalité ou d'une autre règle constitutionnelle répartitrice de compétences.

En ordre subsidiaire, le G.H.A. estime que le quatrième moyen n'est pas fondé. L'aménagement du territoire peut en effet impliquer, en toute légalité, des restrictions du droit de propriété. Les restrictions de ce genre qui sont imposées par les autorités sont permises si elles respectent un juste équilibre entre l'intérêt général de la société et la protection des droits fondamentaux de l'individu. Selon le G.H.A., le décret attaqué constitue un exercice d'équilibre qui garantit l'environnement des parties requérantes en confirmant six permis en vue d'exécuter des mesures de compensation naturelle qui étaient d'intérêt général et stratégique majeur et impérieux.

Les parties requérantes tentent d'échapper à la mise en balance des intérêts entre leurs intérêts privés et 'intérêt général de la Région flamande en invoquant l'intérêt général de la commune de Beveren, en particulier pour ce qui est de l'agriculture, de l'environnement et des sites, sans démontrer en quoi il serait porté atteinte à cet intérêt de manière disproportionnée. En tout état de cause, cet intérêt est plus réduit que l'intérêt de la Région flamande.

A.8.1. Dans un cinquième moyen, les parties requérantes dénoncent la violation, par le décret attaqué, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'interdiction du détournement de pouvoir et avec les principes de bonne législation et plus précisément le principe de la confiance légitime, le principe objectif de la sécurité juridique, le principe de proportionnalité et le principe de prévoyance. Selon les parties requérantes, le décret attaqué porte atteinte de manière disproportionnée et discriminatoire à leur confiance légitime dans l'affectation de leur région et de leur milieu de vie. Le législateur décrétal confirme dans le seul et unique but d'éviter que les permis d'urbanisme et les modifications d'affectation doivent être soumis au Conseil d'Etat. Les parties requérantes observent en outre que si elle déroge par décret aux affectations fixées par le plan de secteur ou par les plans d'exécution spatiaux et rend ainsi ces affectations inopérantes, l'autorité trompe la confiance légitime et porte atteinte au principe de la sécurité juridique. De plus, le législateur décrétal ne rencontre pas l'objectif d'un bon aménagement du territoire. En partant du principe que le décret de confirmation et les permis ne pouvaient faire l'objet d'amendements de fond, ce qui a empêché un débat quant aux objections fondées des parties requérantes, le législateur décrétal fait également preuve d'une « imprévoyance étonnante ».

A.8.2. Le Gouvernement flamand déclare que le cinquième moyen est irrecevable, faute pour la Cour de pouvoir connaître des moyens pris de la violation directe du principe de la sécurité juridique, d'une part, et faute d'un exposé concernant la violation du principe d'égalité, d'autre part.

En outre, le cinquième moyen manque en fait, selon le Gouvernement flamand, parce que le décret attaqué ne modifie en rien l'affectation des parcelles concernées et qu'il n'est pas question, sur le plan de la sécurité juridique, d'un traitement inégal de différentes catégories de citoyens. En effet, la procédure dérogatoire d'urgence utilisée en l'espèce ne porte pas davantage atteinte aux éventuelles attentes des intéressés que l'autre branche de l'alternative, c'est-à-dire l'application des « procédures standard ». En l'absence d'un décret d'urgence, l'affectation antérieure ne devrait pas davantage être maintenue. Mais même si le décret attaqué modifiait l'affectation des parcelles concernées, il n'en résulterait pas ipso facto , selon le Gouvernement flamand, une violation du principe de la sécurité juridique. On ne peut déduire du principe de la sécurité juridique que toutes les situations existantes, a fortiori en matière d'aménagement du territoire, doivent être maintenues définitivement.

A.8.3. Selon le G.H.A. aussi, le cinquième moyen est irrecevable parce qu'il est tiré seulement des principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime, lesquels ne constituent pas des principes constitutionnels autonomes.

En ordre subsidiaire, le G.H.A. estime que les parties requérantes n'articulent pas vraiment, dans l'exposé du cinquième moyen, d'autres arguments que ceux déjà avancés précédemment. Il suffit par conséquent de renvoyer à la réfutation par le G.H.A. des moyens précédents. Du reste, un plan de secteur peut être modifié à tout instant et les travaux qui font l'objet du décret attaqué cadrent avec la poursuite légalement décidée de l'extension à long terme du port d'Anvers dans la zone de la rive gauche de l'Escaut.

A.9.1. Les parties requérantes allèguent, dans un sixième moyen, que le décret attaqué viole les règles constitutionnelles répartitrices de compétences, prises isolément et combinées avec l'article 160 de la Constitution, parce que la Région flamande n'est pas compétente pour restreindre les attributions du Conseil d'Etat. Selon elles, le décret attaqué revient en fait à modifier de façon implicite notamment l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, ce qui est toutefois une compétence purement fédérale. La Région flamande n'est pas davantage compétente pour limiter l'application de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs, ce qu'elle a fait en l'espèce du fait que des actes juridiques en fait unilatéraux ayant une portée individuelle - des permis de bâtir - ont été confirmés sans motivation.

A.9.2. Selon le Gouvernement flamand, le sixième moyen est dénué de fondement, dès lors qu'aucune disposition du décret attaqué ne vise à limiter la compétence du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat demeure pleinement compétent, conformément aux règles fédérales existantes. Le sixième moyen ne fait d'ailleurs que paraphraser le troisième moyen.

Il souligne ensuite que le grief pris de la violation de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer relative à la motivation formelle des actes administratifs est irrecevable au motif que le décret ne doit pas être motivé. En tant que le grief serait dirigé contre les permis confirmés, il est non fondé parce que la loi n'est pas applicable au Gouvernement flamand, à défaut d'avoir été adoptée par une loi à majorité spéciale, ce qui est obligatoire pour tout règlement spécifique de son fonctionnement. Enfin, le grief manque par ailleurs en fait étant donné que les permis de bâtir ont été dûment motivés et que tous les avis et toutes les objections ont été examinés et ont reçu une réponse. Le Gouvernement flamand étaye ses propos en citant des extraits de l'argumentation qu'il a développée contre les observations des parties requérantes relatives à l'analyse de la terre draguée, à l'affectation des excavations, à la menace de sérieux dommages du fait des travaux de battage, au dommage causé aux eaux souterraines, aux nuisances dues aux travaux, au tampon de viabilité entre Doel et le « Deurganckdok », et à la problématique de la sécurité (en particulier concernant la stabilité des digues).

A.9.3. Le G.H.A. estime que les parties requérantes n'articulent pas d'arguments nouveaux dans l'exposé du sixième moyen. Il suffit par conséquent de renvoyer à la réfutation par le G.H.A. des moyens précédents, et en particulier des premier et troisième moyens.

Le législateur décrétal peut du reste régler la matière, ce qui implique de manière inhérente que les normes concernées peuvent être attaquées devant la Cour d'arbitrage et non devant le Conseil d'Etat.

Ce seul fait ne constitue pas une ingérence prohibée dans les règles de compétence relatives au Conseil d'Etat.

A.10.1. Dans un septième et dernier moyen, les parties requérantes dénoncent la violation, par le décret attaqué, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 10 du Traité C.E., avec l'article 4 de la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 concernant les oiseaux et avec l'article 6 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant les habitats naturels, en ce que le législateur décrétal instaure une discrimination au niveau de la protection juridique équivalente et efficace, qui doit être assurée par le droit national, du citoyen qui invoque des dispositions ayant effet direct du droit communautaire européen.

L'article 10 du Traité C.E. interdit aux Etats membres de prévoir, dans une procédure juridictionnelle dans laquelle est invoquée la violation du droit communautaire européen, une protection juridique moindre que dans les autres procédures devant les autres juridictions.

La procédure devant la Cour d'arbitrage n'offre, en la matière, pas la même protection juridique qu'une procédure devant le Conseil d'Etat, du fait que la Cour n'est même pas compétente pour contrôler directement le décret entrepris au regard du droit communautaire européen.

A.10.2. Le Gouvernement flamand fait valoir que les parties requérantes n'ont plus intérêt au septième moyen - et qu'il est par conséquent non fondé - dès lors que, d'une part, la Région flamande a modifié dans l'intervalle le décret relatif à la conservation de la nature et a exécuté les directives concernant les oiseaux et les habitats naturels et que, d'autre part, le Gouvernement flamand a pris l'arrêté du 24 mai 2002 « fixant les zones qui ont été proposées à la Commission européenne comme zones de protection spéciales en application de l'article 4, alinéa 1er, de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ». Il rejette en tout état de cause l'idée d'appliquer le principe du standstill qui, selon les parties requérantes, a été introduit par les directives concernant les oiseaux et les habitats naturels. Il convient même de déduire de l'article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive concernant les habitats naturels que la possibilité de dérogation offerte par ces directives ne garantissent pas la survie des espèces pour lesquelles les habitats ont été désignés.

A.10.3. Le G.H.A. observe que les parties requérantes n'indiquent pas entre quelles catégories comparables les normes attaquées opèrent une distinction. De même, il n'est pas exposé pour quels motifs cette distinction ne serait pas objective, quel but illégitime serait poursuivi et/ou en quoi les moyens utilisés ne seraient pas pertinents et proportionnés à l'objectif. Il n'est en outre pas précisé de quelle manière la Cour pourrait contrôler le décret attaqué au regard de l'article 6 de la directive concernant la conservation des habitats naturels. Par ailleurs, ce moyen ne retient que la violation des dispositions invoquées qui serait le fait du décret du 14 décembre 2001, alors que ce décret ne fait pas l'objet de la présente demande.

Le septième moyen est dès lors irrecevable.

En ordre subsidiaire, le G.H.A. estime que le septième moyen n'est pas fondé, parce que le décret attaqué prévoit précisément la transposition des directives sur les oiseaux et sur les habitats naturels, en ce qui concerne la zone dans laquelle le « Deurganckdok » est aménagé. On ne voit dès lors pas pour quels motifs il ne pourrait être fait usage de la dérogation prévue à l'article 6, paragraphe 4, de la directive concernant la conservation des habitats naturels. Si un doute quelconque devait exister quant à la transposition correcte de cette directive, la Cour doit utiliser les méthodes d'interprétation du droit interne pour donner au décret attaqué une interprétation conforme à la directive. Enfin, il ne découle pas du droit communautaire européen qu'une procédure constitutionnelle contre des actes législatifs internes offre une protection juridique insuffisante par comparaison avec la protection juridique administrative contre des actes administratifs.

Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable A.11.1. Dans leur demande de suspension, les parties requérantes exposent que le préjudice est double : d'une part, l'atteinte difficilement réparable à la protection juridique et, d'autre part, l'atteinte difficilement réparable aux droits qui doivent de ce fait être protégés, notamment le droit de propriété, l'environnement et la vie privée.

A.11.2. Les parties requérantes soulignent que les permis d'urbanisme sont devenus exécutoires le jour suivant la publication du décret de ratification au Moniteur belge , soit le 31 mars 2002. Il en résulte spécialement que la procédure normale relative à ces permis échappe au Conseil d'Etat.

A.11.3. Les parties requérantes estiment que l'adaptation des plans d'exécution spatiaux aboutit à ce que leurs propriétés deviennent non conformes à la destination de la zone dans laquelle elles sont situées et qu'elles ne peuvent plus effectuer de nouveaux travaux pour lesquels une autorisation est requise et que, en cas de désastre, les possibilités de reconstruction sont sérieusement limitées, de sorte que leur droit de propriété est gravement restreint. Les bailleurs et les preneurs de terres agricoles sont également directement touchés par le décret attaqué. Leurs terres risquent d'être rehaussées au moyen de boues de dragage et d'être rendues ainsi pour longtemps, sinon définitivement, inutilisables pour l'agriculture. La perte de plusieurs années, dans le cadre de l'exercice d'une profession indépendante, doit être considérée comme un préjudice grave difficilement réparable.

A.11.4. Les parties requérantes soulignent ensuite l'atteinte à leurs conditions de logement, à leur santé, à leur sécurité et à leur environnement : un tel dommage dépasse largement le simple dommage moral que ferait disparaître une annulation.

A l'appui de leurs allégations, les parties requérantes citent plusieurs exemples, tels que : la nécessité de faire un grand détour pour se déplacer entre Doel et Kallo; l'accessibilité réduite de Doel en voiture; l'autorisation de travaux portuaires et d'industries à l'intérieur d'un périmètre de 1.800 mètres autour de la centrale nucléaire et l'installation d'activités qui, selon les normes généralement admises, ne peuvent trouver place dans ce périmètre; le risque de voir complètement disparaître l'environnement visuel et agricole au profit d'activités portuaires et de lagunage, qui comportent également un risque pour la pollution du sol et la perturbation du niveau des nappes phréatiques, etc. La majorité de ces conséquences n'est, selon les parties requérantes, pas susceptible d'une réparation intégrale dans un délai raisonnable, de sorte que le préjudice en question est difficilement réparable.

A.11.5. Le décret attaqué induit également comme préjudice difficilement réparable que les parties requérantes seront restées privées d'une réelle forme de protection juridique contre l'intervention des autorités flamandes. Tous les préjudices signalés par les parties requérantes seront nés totalement ou partiellement dès que les décisions attaquées de l'autorité auront sorti leurs effets et avant que les requérants auront pu faire valoir la moindre forme de protection juridique contre les permis d'urbanisme et leur ratification. A ce niveau, l'application immédiate de la norme entreprise causera aux parties requérantes un préjudice grave qui ne pourrait être utilement réparé par une éventuelle annulation. Dans des procédures comparables devant le Conseil d'Etat, en ce qui concerne notamment la modification du plan de secteur « Sint-Niklaas-Lokeren », il s'est avéré dans l'intervalle que leur préjudice était qualifié de grave et difficilement réparable, si bien qu'il peut également être statué de la sorte dans la procédure devant la Cour d'arbitrage. La nécessité de saisir la Cour constitue une restriction disproportionnée du droit de défense. Du fait de la confirmation, les permis de bâtir ne peuvent quasiment plus être retirés et il est passé outre à l'obligation de motivation.

A.11.6. Les parties requérantes soulignent ensuite toute une série de préjudices factuels spécifiques difficilement réparables. Ces préjudices concernent l'atteinte grave qui est portée à la vie paisible, sûre et saine dans le noyau urbain de Doel, à un environnement social, sain et sûr et au droit de propriété, en particulier eu égard à l'implantation précise des murs de quai qui est essentielle pour la viabilité (ou survie) - conditionnelle - de Doel, mais qui n'est apparemment plus importante, et eu égard à l'affectation des excavations. Ce dommage est irréparable, car non seulement financier mais également humain et moral.

Les parties requérantes examinent ensuite concrètement les implications spécifiques des travaux autorisés par chaque permis de bâtir confirmé pour chacune d'entre elles : dommages dus au battage; dommages causés par le drainage, diminuant ainsi fortement le niveau des eaux souterraines, ce qui causera des effondrements; nuisances sonores et nuisances liées au trafic; accessibilité réduite; prolongement des voies de secours en cas d'incident dans la centrale nucléaire; défiguration du paysage à cause des travaux; assèchement de terres agricoles fertiles du fait du colmatage de terrains voisins; danger d'explosion dû aux munitions de guerre enfouies; déboisement sans réel reboisement et perte de valeur naturelle; danger de brèches dans les digues dans les environs immédiats; perturbation de la gestion des ressources en eau et salinisation et humidification des terres agricoles des polders.

En outre, les permis de bâtir confirmés ont également un effet cumulatif qui doit être pris en compte pour apprécier le préjudice grave difficilement réparable, notamment par le colmatage de boues polluées sur de nombreux hectares de polders par suite de travaux de construction et de dragage, l'exécution de grands travaux d'infrastructure, dommages causés au paysage et pollution visuelle, risques nucléaires à cause des travaux à l'intérieur du périmètre de sécurité de la centrale nucléaire. Les parties requérantes attirent encore l'attention sur l'effet cumulé pour ce qui est de l'atteinte portée à l'environnement naturel, à l'habitat et à l'environnement pour les hommes, la faune et la flore, sur l'effet cumulé de la disparition de zones agricoles et de la viabilité réduite dans le village de Kieldrecht, sur l'effet cumulé lié au problème du dragage et sur l'effet cumulé des nuisances dues au trafic.

L'appréciation du préjudice des parties requérantes ne peut être affectée par le fait que les travaux ont déjà été entamés, étant donné que ceux-ci étaient illégaux après la suspension et le retrait des premier et second permis de bâtir. En effet, l'exécution d'un permis de bâtir illégal ne peut procurer un avantage. La remise en état est toujours possible tant que les rives de l'Escaut ne sont pas elles-mêmes détruites.

A.11.7. Les parties requérantes développent leur exposé au cas où la Cour estimerait devoir procéder à une mise en balance des intérêts.

La mise en balance des intérêts en référé est une mise en balance qui examine le caractère difficilement réparable du préjudice en regard du sérieux des moyens. Si l'on écarte un préjudice grave difficilement réparable sur la base d'une mise en balance d'intérêts, il faut obligatoirement faire intervenir le bien-fondé apparent des moyens dans cette mise en balance.

En outre, il y a lieu de vérifier de manière égale la réalité des intérêts invoqués par les parties. Les parties requérantes contestent en particulier la réalité et l'importance des intérêts qui primeraient, selon la Région flamande, ceux des parties requérantes elles-mêmes, d'autant qu'aucune source n'est citée et qu'aucune pièce à conviction n'est produite. Plus particulièrement, les circonstances exceptionnelles et les motifs impérieux d'intérêt général cités sont sophistiqués, car si ces arguments ne sont pas faux, ils ont à tout le moins été fortement exagérés. Il doit y avoir un juste équilibre entre les intérêts économiques du point de vue national - lesquels doivent être prouvés - et les droits individuels des riverains. Les préjudices financiers ou budgétaires dans le chef de la Région flamande ne peuvent être pris en compte, eu égard à l'égalité des armes et au fait que le préjudice grave difficilement réparable dans le chef des parties requérantes ne peut, lui non plus, être purement financier.

Selon les parties requérantes, l'intérêt du port d'Anvers n'est pas plus important que le leur, car il en va aussi de l'intérêt de toute une communauté, en particulier celle de la commune de Beveren, qui est lourdement frappée au niveau de l'aménagement de son territoire, s'agissant des conséquences sociales, économiques et écologiques, de l'impact particulier sur l'agriculture et la viabilité des entreprises, et de la disparition des lais en tant que stations naturelles d'épuration des eaux. Les parties requérantes soulignent ensuite la valeur des oiseaux pour la collectivité.

A.11.8. Enfin, les parties requérantes insistent une fois de plus sur la portée de l'article 10 du Traité C.E., sur la base duquel les règles de procédure et les restrictions de droit interne doivent, le cas échéant, être écartées si elles rendent quasiment impossible ou exceptionnellement difficile une protection juridique réelle. Elles renvoient à cet effet aux arrêts Factortame-I et Johnson de la Cour de justice. Une interprétation restrictive des exigences d'intérêt ou du préjudice grave difficilement réparable rend illusoire la protection des droits des parties requérantes fondés sur le droit européen. Il en va de même d'une mise en balance des intérêts dans le cadre de laquelle l'intérêt prépondérant des règles de droit européen ne serait pas suffisamment pris en compte. Le fait qu'il s'agit en l'espèce d'un plan qui porte notamment gravement atteinte à des zones (naturelles) soumises à une protection spéciale en vertu du droit (de l'environnement) européen doit être situé dans la perspective d'une appréciation globale de l'ensemble du projet (dans toutes ses décisions partielles).

A.12.1. Le Gouvernement flamand renvoie à l'argumentation de la Cour d'arbitrage concernant l'intérêt des parties requérantes dans l'arrêt n° 116/2002 du 26 juin 2002 et affirme ne pas comprendre pourquoi il faudrait, pour l'actuelle demande de suspension - en l'occurrence de la confirmation elle-même des permis de bâtir concernés - émettre un autre jugement que pour la demande de suspension du décret qui a instauré cette condition de confirmation. A.12.2. Le préjudice qui est invoqué au nom de la commune de Beveren, à savoir qu'une importante communauté au sein de la commune est menacée par l'exécution du décret entrepris, n'est pas grave, étant donné qu'il n'apparaîtra qu'au plus tôt en 2007, dans l'hypothèse où l'éventuel second bassin à flot serait construit, décision qui n'interviendra qu'à cette époque.

A.12.3. La partie requérante qui habite aux Pays-Bas n'invoque aucun préjudice spécifique, de sorte que, pour elle non plus, l'existence d'un préjudice grave difficilement réparable n'est pas démontré.

A.13.1. Le G.H.A. fait valoir en premier lieu que l'article 19 de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage offre à la Cour la possibilité - sans l'y obliger - de procéder à la suspension d'une norme législative lorsque les deux conditions de fond de l'article 20, 1°, sont réunies.

Dans l'arrêt n° 116/2002, la Cour a confirmé cette portée de l'article 19, et l'éventuelle nécessité de procéder à une mise en balance d'intérêts. Le G.H.A. considère dès lors qu'il y a lieu d'examiner, le cas échéant avant de vérifier si les deux conditions à remplir cumulativement sont réunies, si une suspension de la norme entreprise est justifiée, eu égard à l'éventuel bénéfice pour les parties requérantes et à la menace d'un préjudice pour l'intérêt général.

A.13.2. Bien que le décret présentement entrepris se distingue du décret du 14 décembre 2001 qui a fait l'objet de l'arrêt n° 116/2002, l'intérêt général présentement en cause coïncide avec l'intérêt général qui a été poursuivi par le décret d'urgence précité et il constitue un pas indispensable pour réaliser les objectifs d'intérêt général majeur qui ont déjà été exposés dans le détail au cours des travaux préparatoires du décret du 14 décembre 2001. Dans l'arrêt de suspension relatif à ce décret, la Cour a déjà procédé à cette mise en balance des préjudices qui menacent, en cas de suspension, l'intérêt général, par rapport aux éventuels préjudices dans le chef des parties requérantes en cas d'exécution immédiate et la Cour a décidé que les préjudices cités en premier lieu seraient plus graves et plus difficilement réparables que le préjudice que pourrait causer l'exécution du décret à l'égard des parties requérantes (arrêt n° 116/2002, considérants B.6.5.1 à B.6.5.3). A l'estime du G.H.A., rien ne justifierait en l'espèce une mise en balance différente, d'autant que l'intérêt de la Région flamande n'est pas purement financier ou budgétaire, mais également social et sociétal et qu'il relève de la stratégie militaire.

Dans cette même perspective, la partie intervenante rappelle l'argumentation de la Cour concernant le préjudice grave difficilement réparable évoqué par les parties requérantes, qui découlerait de la privation, par le décret entrepris, de la protection juridique réelle du Conseil d'Etat à l'égard d'interventions de l'autorité flamande (arrêt n° 116/2002, considérants B.7.3.1 et B.7.3.2), pour conclure que, dans cette affaire non plus, il n'y a pas lieu de retenir la prétendue atteinte portée à la protection juridique.

A.13.3. Enfin, le G.H.A. estime que l'intérêt général invoqué au nom de la commune de Beveren auquel il serait porté atteinte du fait que l'on affecte l'agriculture, le paysage et l'environnement - à supposer que cette atteinte soit réelle et eu égard au fait que, en réalité, seuls quelques agriculteurs de la commune seraient concernés - ne contrebalance pas le préjudice que subirait la Région flamande si le projet ne pouvait pas être réalisé. L'intérêt et le préjudice des parties requérantes, en tant qu'elles agissent au nom de la commune de Beveren, ne peuvent être admis, ce préjudice restreint et à échelle réduite ne faisant du moins pas contrepoids au préjudice que subiraient la Région flamande et la partie intervenante si le décret était suspendu. - B - Quant aux exceptions soulevées B.1.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que les parties requérantes n'ont pas intérêt à la demande de suspension, au motif que tous les griefs sont dirigés contre les permis confirmés - lesquels ne sont par ailleurs pas eux-mêmes entrepris - et non contre le décret de confirmation lui-même, ne fût-ce que parce qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la norme entreprise et le préjudice invoqué.

B.1.2. La demande de suspension des parties requérantes contient un exposé des faits dont il doit apparaître qu'il est porté atteinte à leurs intérêts. Le préjudice qu'elles décrivent ne porte pas seulement sur leurs intérêts en matière de conditions de logement, d'environnement, de santé, de sécurité et de viabilité, mais également sur leurs intérêts en ce qui concerne la procédure qui a été suivie pour octroyer les permis de bâtir, dont le décret de confirmation entrepris constitue un élément indissociable. Il découle de l'article 5 du décret du 14 décembre 2001, qui constitue le fondement de la confirmation, en date du 29 mars 2002, des permis d'urbanisme délivrés, qu'en cas d'annulation du décret de confirmation, les permis d'urbanisme en question, devenus normes législatives, devront eux aussi être réputés n'avoir pas été délivrés.

B.1.3. L'exception est rejetée.

B.2.1. Le Gouvernement flamand conteste en outre l'intérêt de la quatre-vingt-septième partie requérante, qui ne démontre pas qu'elle est locataire ou propriétaire d'un bien situé dans la zone concernée par les permis de bâtir.

B.2.2. Il n'a été précisé ni dans la requête, ni au cours des plaidoiries en quoi pourrait consister l'intérêt de cette partie requérante.

B.2.3. En tant qu'elle est dirigée contre la demande de suspension introduite par cette partie requérante, l'exception est fondée.

B.3.1. Selon le Gouvernement flamand et le « Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen » (ci-après : « G.H.A. »), les parties requérantes ne sauraient être lésées par des permis qui ont été délivrés aux fins de réaliser un tampon de viabilité et de permettre les mesures de compensation naturelle sur lesquelles elles insistent, notamment sur le territoire de la commune de Kruibeke, alors qu'elles n'y habitent pas. Dans cette mesure, l'intérêt qu'elles invoquent serait en contradiction avec les moyens articulés.

B.3.2. Le décret du 14 décembre 2001, le décret entrepris et les permis de bâtir que ce dernier confirme ainsi que toutes les mesures décrétales et autres prises pour respecter et exécuter en particulier les directives concernant les oiseaux et les habitats naturels font apparaître la cohérence entre les permis de bâtir visant à réaliser les objectifs qui ont eu pour effet de déclarer « de grand intérêt général et stratégique obligatoire » les travaux, opérations et aménagements destinés à construire et rendre opérationnel le « Deurganckdok » afin de justifier une dérogation aux procédures existantes, et les permis de bâtir destinés à réaliser des mesures de compensation naturelle et de viabilité. En outre, les griefs ne sont pas exclusivement dirigés contre les objectifs fondamentaux des permis délivrés en question, mais tout autant contre la procédure qui a été suivie, dont le caractère discriminatoire est allégué.

B.3.3. L'exception est rejetée.

B.4.1. Le Gouvernement flamand conteste enfin la recevabilité de la demande de suspension de la commune de Beveren, pour laquelle agissent les parties requérantes - sauf une - par application de l'article 271 de la Nouvelle loi communale. Seuls les organes démocratiquement élus de la commune pourraient justifier de l'intérêt requis pour mener une procédure devant la Cour d'arbitrage. Le Gouvernement flamand souligne ensuite que le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Beveren, en rendant un avis au sujet des permis de bâtir, a déjà émis un jugement concernant l'intérêt communal, et que la commune ne peut en aucun cas agir contre des permis relatifs à des terrains qui ne sont pas situés sur son territoire.

B.4.2. L'article 271, § 1er, de la Nouvelle loi communale dispose : « Un ou plusieurs habitants peuvent, au défaut du collège des bourgmestre et échevins, ester en justice au nom de la commune, en offrant, sous caution, de se charger personnellement des frais du procès et de répondre des condamnations qui seraient prononcées.

La commune ne pourra transiger sur le procès sans l'intervention de celui ou de ceux qui auront poursuivi l'action en son nom. » Rien n'indique que la capacité d'agir prévue par cette disposition soit soumise à des conditions particulières lorsqu'il s'agit de saisir la Cour d'arbitrage d'une demande ou d'un recours. Par conséquent, ce n'est qu'après que la capacité d'agir a été établie qu'il y a lieu d'examiner si la commune, qualitate qua , justifie de l'intérêt requis pour introduire une demande de suspension et un recours en annulation auprès de la Cour.

Aucune partie ne conteste qu'il soit satisfait aux conditions de l'article 271 de la Nouvelle loi communale, de sorte qu'il n'y a pas lieu, dans l'état actuel de la procédure, de douter de la capacité d'agir de la commune de Beveren.

Les parties requérantes invoquent, pour justifier l'intérêt de la commune de Beveren, la menace qui pèse sur une partie importante de la population de cette commune, ainsi que la destruction de zones naturelles de valeur. Dès lors que le décret entrepris et les permis de bâtir, visés à l'article 2, 1° à 8°, qu'il confirme, concernent le territoire de la commune de Beveren ou portent sur la cohérence, mentionnée en B.3.2, entre les différents permis de bâtir, et que la commune de Beveren peut être affectée de la manière indiquée ci-avant par le décret entrepris, celle-ci justifie de l'intérêt requis. Le fait que cette commune, par le biais de ses organes compétents, a participé à l'élaboration des permis de bâtir concernés et qu'elle a même émis un avis favorable concernant certains d'entre eux, notamment à la lumière des objectifs poursuivis par le décret du 14 décembre 2001, n'affecte pas cet intérêt. L'intérêt de la commune de Beveren n'est toutefois pas démontré en tant que la demande de suspension et le recours en annulation sont dirigés contre la confirmation des permis de bâtir visés à l'article 2, 9° à 11°, lesquels ne portent pas sur son territoire.

B.4.3. L'exception est rejetée, sauf en ce qu'elle concerne la confirmation des permis de bâtir visés à l'article 2, 9° à 11°.

Quant à la demande de suspension B.5. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

Quant au préjudice grave difficilement réparable B.6. Selon les parties requérantes, le préjudice qu'elles subissent est double : d'une part, l'atteinte difficilement réparable à une série de droits, comme le droit de propriété, le droit à l'environnement et le droit à la vie privée et, d'autre part, l'atteinte difficilement réparable à la protection juridique qui vise à garantir ces droits.

B.7.1. Les parties requérantes font valoir en premier lieu comme préjudice grave difficilement réparable que l'adaptation des plans d'exécution spatiaux a pour effet que leurs propriétés deviennent non conformes à la destination de la zone dans laquelle elles sont situées et qu'elles ne pourront plus exécuter de nouveaux travaux soumis à l'octroi d'un permis, ce qui limite, notamment en cas de catastrophe, les possibilités de reconstruction au point de restreindre gravement leur droit de propriété. Les bailleurs et les preneurs de terres agricoles seraient également directement touchés par le décret attaqué. Leurs terres risqueraient d'être rehaussées par des boues de dragage et d'être rendues ainsi pour longtemps, sinon définitivement, inutilisables pour l'agriculture. La perte de plusieurs années d'exercice d'une profession indépendante doit être considérée, selon les parties requérantes, comme un préjudice grave difficilement réparable. Les parties requérantes soulignent ensuite à cet égard l'atteinte à leurs conditions de logement et de vie, à leur santé, à leur sécurité et à leur environnement. A l'appui de ce grief, elles mentionnent toute une série d'inconvénients spécifiques et d'implications concrètes des travaux autorisés par les permis d'urbanisme confirmés et elles relèvent l'effet cumulé de plusieurs mesures, qui doit également être pris en considération pour apprécier le préjudice grave difficilement réparable. Un tel dommage dépasserait largement le simple dommage moral que ferait disparaître une annulation. Elles soulignent que leur préjudice n'est pas affecté par la circonstance que les travaux ont déjà été entamés et que la remise en état est toujours possible tant que les rives de l'Escaut elles-mêmes n'ont pas été détruites.

Si la Cour devait procéder à la mise en balance des intérêts, les parties requérantes estiment qu'elle devrait apprécier le caractère difficilement réparable du préjudice en fonction du sérieux des moyens, lequel devrait dès lors être examiné à ce stade de la procédure. En outre, la réalité des intérêts invoqués par les parties devrait être contrôlée de la même manière en tenant compte de ce que les parties requérantes agissent également dans un intérêt général, à savoir celui de la commune de Beveren, et de ce que leur préjudice n'est pas purement financier. Enfin, conformément à l'article 10 du Traité C.E., les règles de procédure et restrictions de droit interne belge devraient être écartées si elles rendent pratiquement impossible ou exceptionnellement difficile une protection juridique effective.

Une interprétation restrictive de la condition du préjudice grave difficilement réparable rendrait illusoire la protection de droits fondés sur le droit européen. Il en irait de même d'une mise en balance d'intérêts qui prendrait insuffisamment en compte l'incidence du droit européen.

B.7.2. Le Gouvernement flamand se réfère à l'argumentation que la Cour a développée dans l'arrêt n° 116/2002 concernant le décret du 14 décembre 2001 et ne voit pas ce qui pourrait à présent donner lieu à une autre décision, s'agissant de la demande de suspension du décret de confirmation. Le préjudice de la commune de Beveren ne serait pas actuel étant donné que la prétendue menace pesant sur une partie importante de sa population ne pourrait apparaître au plus tôt qu'en 2007.

B.7.3. Le G.H.A. examine de façon plus approfondie la mise en balance des intérêts à laquelle la Cour a procédé dans son arrêt n° 116/2002 et estime que l'intérêt général qui est poursuivi par le décret du 14 décembre 2001 et celui qui est poursuivi par le décret de confirmation présentement attaqué sont identiques. Il souligne que le préjudice de la Région flamande n'est pas purement financier ou budgétaire. Le préjudice de la commune de Beveren, à supposer qu'il existe et qu'il soit d'intérêt général, ne fait pas contrepoids au préjudice que subirait la Région flamande en cas de suspension du décret entrepris.

B.7.4. Certains préjudices allégués par les parties requérantes peuvent être considérés comme étant d'une gravité telle qu'ils pourraient justifier une suspension des normes entreprises si le caractère sérieux des moyens était établi. Dès lors que les deux conditions énoncées à l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sont réunies, la Cour suspend, en règle, les dispositions attaquées.

Il peut toutefois apparaître que des dispositions entreprises mettent en jeu des intérêts essentiels de la collectivité et concernent des personnes qui ont un intérêt tout aussi légitime au maintien de ces dispositions que celui des parties requérantes à leur suspension.

Lorsqu'en outre, la suspension pourrait avoir des conséquences irréversibles, il incombe à la Cour, faisant la balance des intérêts en présence, d'examiner si une mesure de suspension n'aurait pas des effets disproportionnés. Ce pouvoir, qui ne s'exerce qu'à titre exceptionnel, se déduit de l'emploi du mot « peut » à l'article 19 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

B.7.5.1. A l'article 2 du décret du 14 décembre 2001 - décret qui constitue le fondement des permis d'urbanisme confirmés par le décret entrepris -, le législateur décrétal a déclaré « de grand intérêt général et stratégique obligatoire » une série de travaux, d'opérations et d'aménagements destinés à agencer et à rendre opérationnel le « Deurganckdok » et il a considéré que les permis d'urbanisme nécessaires à cette fin devaient être délivrés, par dérogation à certaines règles, sous certaines conditions et sous son contrôle (article 5 du décret du 14 décembre 2001).

Les motifs pour lesquels le législateur décrétal a agi de cette manière ont été exposés de manière détaillée au cours des travaux préparatoires du décret du 14 décembre 2001 (Doc ., Parlement flamand, 2001-2002, n° 872/1, pp. 1-16; n° 872/5, pp. 6-7, 9 et 19-27) et peuvent être résumés comme suit : - le « Deurganckdok » est considéré comme un projet stratégique pour la Région flamande, dont la réalisation a été décidée depuis longtemps déjà et dont l'exécution a été entamée mais a été arrêtée après que des irrégularités dans la procédure administrative eurent été constatées; - le projet revêt une très grande importance, tant du point de vue social, collectif et économique que du point de vue écologique et du point de vue de l'aménagement du territoire, et il doit être réalisé et rendu opérationnel sans délai; - l'intérêt social réside dans les effets sur l'emploi qui sont censés liés à la réalisation dudit projet et à la perte d'emplois en cas de non-exécution de celui-ci; il concerne également l'aspect de la sécurité après l'arrêt des travaux; - l'intérêt économique concerne aussi bien les conséquences économiques et budgétaires de l'arrêt des travaux (dont le coût direct est estimé à 9,4 millions de francs par jour et le coût total à au moins 18,4 millions de francs par jour) que la perte d'attractivité du port d'Anvers pour le transport par conteneurs si le projet n'est pas réalisé; - l'intérêt pour la collectivité tient à l'économie escomptée en matière de mobilité; - l'intérêt écologique tient à l'obligation de réaliser conjointement les mesures compensatoires des préjudices environnementaux imposée par la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

B.7.5.2. Ces motifs ont été réitérés à l'occasion de l'examen des permis d'urbanisme délivrés qui ont été confirmés par le décret présentement entrepris (Doc ., Parlement flamand, 2001-2002, n° 1120/3, p. 4). Les motifs qui ont été invoqués pour justifier la procédure fixée par le décret du 14 décembre 2001 valent aussi pour apprécier la demande de suspension du décret de confirmation entrepris du 29 mars 2002.

B.7.5.3.1. Le décret attaqué poursuit des objectifs à ce point importants pour la collectivité qu'une suspension de ce décret risquerait de causer à l'intérêt général et à l'intérêt de tiers un préjudice plus grave et plus difficilement réparable que celui que son exécution immédiate pourrait causer aux parties requérantes.

B.7.5.3.2. Le Gouvernement flamand produit des données chiffrées faisant apparaître l'ampleur du préjudice qui pourrait être causé, en cas de suspension, à l'intérêt général et à l'intérêt de tiers. Les parties requérantes allèguent à tort qu'en raison de son caractère financier, ce préjudice serait réparable. Il faut avoir égard, en particulier, aux conséquences que le projet élaboré par le décret du 14 décembre 2001 et le décret entrepris génère dans un contexte social plus large. De même, le dommage que subirait l'intérêt général en cas de suspension devra principalement être supporté par la Région flamande. La Cour peut prendre en compte ces éléments lors de la mise en balance des intérêts respectifs.

B.7.5.3.3. Les conditions d'une suspension mentionnées au B.5 s'appliquent de la même manière, que la demande de suspension concerne ou non le droit européen. En outre, l'existence de la demande de suspension et du recours en annulation introduits par les parties requérantes démontre que celles-ci ont pu s'adresser à une juridiction, notamment pour faire valoir qu'elles risquent de subir un préjudice grave difficilement réparable. Elles ont disposé d'un délai de six mois pour introduire leurs demandes, elles se sont exprimées à l'audience et ont pu déposer, jusqu'à la clôture des débats, toutes les pièces qu'elles estimaient utile d'invoquer. Elles n'indiquent pas en quoi la procédure à laquelle elles ont recours serait organisée de manière telle qu'elle rendrait impossible l'exercice de droits reconnus par le droit européen.

S'il est vrai que la Cour ne peut contrôler directement si le droit européen est méconnu, elle n'en est pas moins habilitée à examiner le moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les normes européennes invoquées.

B.7.5.3.4. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, la mise en balance d'intérêts n'exige pas l'examen préalable du caractère sérieux des moyens. Le préjudice invoqué par les parties requérantes ne pouvant justifier une suspension, pour les motifs exposés en B.7.5.3, toute considération concernant le bien-fondé des moyens serait inopérante puisque leur caractère sérieux, fût-il même établi, ne pourrait motiver une décision de suspendre.

B.7.6. Il n'y a donc pas lieu d'accueillir la demande de suspension en ce qui concerne les préjudices invoqués au B.7.1.

B.8.1. Les parties requérantes font valoir ensuite que le décret attaqué engendre également comme préjudice grave difficilement réparable le fait qu'elles auront été privées d'une forme effective de protection juridique contre l'intervention des autorités flamandes.

Tous les préjudices invoqués se seront produits, entièrement ou partiellement, dès que les permis d'urbanisme auront sorti leurs effets. L'application immédiate de la norme entreprise causera, selon elles, un préjudice grave qui ne pourra être utilement réparé par une éventuelle annulation. Le Conseil d'Etat a déjà estimé qu'une modification du plan de secteur pouvait causer un préjudice grave difficilement réparable. La nécessité de saisir la Cour d'arbitrage grèverait de façon disproportionnée le droit de défense.

B.8.2. Le G.H.A. rappelle l'argumentation par laquelle la Cour a répondu, dans l'arrêt n° 116/2002, à l'allégation selon laquelle un préjudice grave difficilement réparable découlerait du fait que le décret alors entrepris ferait obstacle à la protection juridique effective du Conseil d'Etat contre l'intervention des autorités flamandes et conclut que la prétendue atteinte à la protection juridique n'est, en l'espèce, pas davantage établie.

B.8.3. Le décret confirmant les permis d'urbanisme est attaqué devant la Cour par une demande de suspension et un recours en annulation, de sorte que les parties requérantes ne sont pas privées de leur droit à une protection juridictionnelle effective. Par ailleurs, dans les limites de l'examen auquel la Cour a pu se livrer dans le cadre de la demande de suspension, il n'apparaît pas que le décret présentement attaqué intervienne dans des affaires pendantes.

B.8.4. Il n'y a donc pas lieu d'accueillir la demande de suspension en ce qui concerne le préjudice visé au B.8.1.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 27 novembre 2002.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Arts

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