publié le 03 février 2003
Arrêt n° 1/2003 du 8 janvier 2003 Numéro du rôle : 2226 En cause : le recours en annulation totale ou partielle des articles 2, alinéa 7, 4, 10 à 12, 18, 20 et 29, 1, 2 et 5, du décret de la Communauté française du 12 décembre 2000 définis La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, (...)
Arrêt n° 1/2003 du 8 janvier 2003 Numéro du rôle : 2226 En cause : le recours en annulation totale ou partielle des articles 2, alinéa 7, 4, 10 à 12, 18, 20 et 29, 1, 2 et 5, du décret de la Communauté française du 12 décembre 2000 définissant la formation initiale des instituteurs et des régents, introduit par l'a.s.b.l.
Blaise Pascal - Haute école catholique du Luxembourg et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 juillet 2001 et parvenue au greffe le 18 juillet 2001, un recours en annulation totale ou partielle des articles 2, alinéa 7, 4, 10 à 12, 18, 20 et 29, 1, 2 et 5, du décret de la Communauté française du 12 décembre 2000 définissant la formation initiale des instituteurs et des régents (publié au Moniteur belge du 19 janvier 2001) a été introduit par : 1. l'a.s.b.l. Blaise Pascal - Haute école catholique du Luxembourg, dont le siège est établi à 6700 Arlon, rue des Déportés 140, 2. l'a.s.b.l. Haute école catholique Charleroi-Europe, dont le siège est établi à 6280 Loverval, place Brasseur 6, 3. l'a.s.b.l. Haute école Galilée, dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, rue de l'Etuve 58, 4. l'a.s.b.l. Haute école Léonard de Vinci, dont le siège est établi à 1200 Bruxelles, Clos Chapelle-aux-Champs 43, 5. l'a.s.b.l. Haute école libre du Hainaut occidental, dont le siège est établi à 7500 Tournai, Quai des Salines 28, 6. l'a.s.b.l. Haute école mosane d'enseignement supérieur, dont le siège est établi à 4000 Liège, rue de Harlez 9, 7. l'a.s.b.l. Haute école namuroise catholique, dont le siège est établi à 5000 Namur, rue de l'Arsenal 10, 8. l'a.s.b.l. Haute école « Roi Baudouin », dont le siège est établi à 7000 Mons, avenue de l'Hôpital 22, 9. l'a.s.b.l. Institut supérieur d'enseignement libre liégeois, dont le siège est établi à 4000 Liège, Mont Saint-Martin 41, 10. l'a.s.b.l. Institut d'enseignement supérieur de Namur, dont le siège est établi à 5000 Namur, rue Joseph Calozet 19, et 11. l'a.s.b.l. Secrétariat général de l'enseignement catholique en Communautés française et germanophone, dont le siège est établi à 1040 Bruxelles, rue Guimard 1, ayant élu domicile avenue Louise 523 à 1050 Bruxelles.
II. La procédure Par ordonnance du 18 juillet 2001, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 24 septembre 2001.
Par ordonnance du 26 septembre 2001, la Cour a complété le siège par le juge E. Derycke.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 2 octobre 2001.
Par ordonnance du 8 novembre 2001, le président M. Melchior a prorogé de trente jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Gouvernement flamand du 7 novembre 2001.
Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand par lettre recommandée à la poste le 8 novembre 2001.
Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 9 novembre 2001; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 10 décembre 2001.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 20 février 2002.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 22 mars 2002; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 22 mars 2002.
Par ordonnances des 30 octobre 2001 et 27 juin 2002, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 16 juillet 2002 et 16 janvier 2003 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 9 octobre 2002, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.
Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 6 novembre 2002.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 11 octobre 2002.
A l'audience publique du 6 novembre 2002 : - ont comparu : . Me F. Tulkens, avocat au barreau de Bruxelles, qui comparaissait également loco Me P. Gérard, avocat à la Cour de cassation, pour les parties requérantes; . Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; . Me R. Rombaut, avocat au barreau d'Anvers, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et E. Derycke ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A - Quant à la recevabilité A.1. A l'appui de leur intérêt, les requérantes exposent que les dispositions attaquées règlent de manière très précise les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs et axes fixés par le décret; elles portent atteinte de façon disproportionnée à la liberté d'enseignement des hautes écoles chargées de la formation des instituteurs et des régents, et ce de façon discriminatoire par rapport aux hautes écoles qui forment les agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, qui ne sont pas soumises à une telle réglementation détaillée. Cette réglementation détaillée constitue une régression par rapport à la situation antérieure, telle qu'elle résultait du décret général sur les hautes écoles du 5 août 1995.
Enfin, diverses délégations sont faites, sur des points essentiels, au Gouvernement de la Communauté française.
A.2. Après avoir fait l'historique de la législation et de la réglementation en la matière - et avoir notamment souligné qu'il a été tenu compte d'observations faites par le Conseil d'Etat quant au respect de l'article 24 de la Constitution -, le Gouvernement de la Communauté française estime le recours irrecevable en ce qu'il porte sur l'article 29.2 dès lors qu'aucun moyen n'est formulé contre cette disposition.
En ce qui concerne le premier moyen A.3. Dirigé contre l'article 2, en ce qu'il instaure les « activités d'enseignement de type A », ce moyen est pris de la violation de l'article 24 de la Constitution, en ses paragraphes 1er et 5.
Quant à la première branche A.4.1. La première branche est prise de la violation de l'article 24, § 1er. Les requérantes allèguent que le regroupement, pour les activités d'enseignement de type « A », des étudiants de l'ensemble des sections de l'enseignement normal impose un choix pédagogique détaillé et, de ce fait, porte atteinte à la liberté d'enseignement, comme il se déduit des arrêts de la Cour nos 76/96 et 49/2001, applicables a fortiori en l'espèce.
Les deux objectifs avancés lors des travaux préparatoires pour justifier, pour les activités de type « A », le travail en grand auditoire û à savoir favoriser la collaboration des étudiants des différentes sections et s'inscrire dans l'enseignement supérieur, où cette forme d'enseignement est fréquente - ne sont pas rencontrés par cette mesure et sont, par ailleurs, contradictoires. Il est relevé, en outre, que ce regroupement sur le plan de la méthode - et non plus seulement sur le plan institutionnel ,- constitue un recul par rapport à l'autonomie auparavant reconnue par l'article 6, § 3, 2°, 3° et 6°, du décret du 5 août 1995.
A.4.2. Après avoir cité de la jurisprudence de la Cour et de la doctrine établissant que la liberté d'enseignement n'est pas illimitée, le Gouvernement de la Communauté française relève les objectifs que, selon les travaux préparatoires, le législateur entendait poursuivre par les cours de type « A », lesquels objectifs sont compatibles avec l'article 24, § 1er. Le Gouvernement de la Communauté française ajoute que l'article 2, alinéa 7, lu en combinaison avec l'article 29.1 du décret du 12 décembre 2000, et l'exécution qui lui a été donnée n'impliquent pas que les activités de type « A » ne soient nécessairement organisées que dans le cadre d'un seul groupe; il en est déduit que la liberté pédagogique n'est pas affectée.
A.4.3. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes relèvent que cette branche de leur premier moyen critique tant le caractère obligatoire du regroupement que la méthode utilisée.
Quant à la seconde branche A.5.1. En cette branche, le moyen est pris de la violation de l'article 24, § 5, de la Constitution, en ce que l'article 2, alinéa 7, se borne à définir les termes d'° activités d'enseignement de type 'A' », sans nullement préciser les éléments essentiels de la réglementation envisagée. Une telle délégation au pouvoir exécutif n'est pas compatible avec l'article 24, § 5, tel qu'interprété par la Cour.
A.5.2. Quant à cette seconde branche, le Gouvernement de la Communauté française conteste que l'article 29.1 du décret en cause ait pour effet de conférer au Gouvernement une habilitation illimitée. Il est en effet tenu de respecter le chapitre II de ce décret et, en particulier, il est tenu, lorsqu'il désigne les activités de type « A », d'opérer son choix parmi les activités visées aux articles 4 à 11 du même décret. Le législateur décrétal serait dès lors resté dans les limites admises par la Cour dans son arrêt n° 130/98, transposable en l'espèce.
A.5.3. Dans leur mémoire en réponse, les requérantes contestent cette réponse du Gouvernement de la Communauté française, relevant notamment que le législateur ne donne aucune précision quant à la nature des activités pouvant donner lieu à regroupement et que l'ensemble des activités d'enseignement est soumis à une répartition entre activités de type A, B et C. En ce qui concerne le deuxième moyen A.6. Ce moyen, dirigé contre les articles 4, alinéa 3, et 11, est pris de la violation des articles 10, 11, 24, §§ 1er et 4, de la Constitution et est subdivisé en deux branches.
Quant à la première branche A.7.1. En prévoyant que les activités d'enseignement doivent comprendre 120 heures d'activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle et en précisant leur contenu, leur cadre et leur rythme, les articles 4, alinéa 3, et 11 affectent de façon excessive la liberté d'enseignement. En faisant référence aux arrêts de la Cour nos 76/96 et 49/2001 déjà cités, il est exposé que l'atteinte à la liberté d'enseignement ne peut être justifiée par les objectifs avancés lors des travaux préparatoires - mettre en place une démarche active et participative et accentuer la dimension professionnelle de la formation.
A.7.2. Le Gouvernement de la Communauté française expose successivement que seul un horaire minimal est imposé - 120 sur les 2.125 heures prévues -, que l'organisation concrète, la méthode à suivre de même que le contenu des thèmes minimaux sont laissés à l'appréciation de l'école. Quant à la répartition de ces thèmes par année d'étude, elle est justifiée au regard du concept en cause, à savoir celui de la construction de l'identité professionnelle. Par ailleurs, la comparaison avec les arrêts nos 76/96 et 49/2001 est jugée dénuée de pertinence par le Gouvernement de la Communauté française.
Quant à la seconde branche A.8.1. En érigeant les activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle en une activité à part entière, à laquelle doivent être consacrées 120 heures au moins, alors que ces activités sont rattachées à l'axe du savoir-faire dans le cadre de la formation des agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, l'article 4 du décret du 12 décembre 2000 viole les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.
A.8.2. Le Gouvernement de la Communauté française conteste que la formation des instituteurs et des régents puisse être comparée avec l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur. En se référant aux arrêts de la Cour nos 42/96, 34/2000 et 64/2000, ces catégories d'études non comparables ne devraient pas faire l'objet d'un traitement identique. A les supposer même comparables, la mesure critiquée relève de l'opportunité, et donc du choix du législateur décrétal.
A.8.3. Dans leur mémoire en réponse, les requérantes précisent que la comparaison faite entre les instituteurs et les régents, d'une part, et les agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, d'autre part, ne porte que sur leur formation à caractère pédagogique, qui est commune. Ce trait est confirmé par les décrets du 12 décembre 2000 et du 8 février 2001, qui définissent des compétences identiques et des axes et contenus analogues pour les deux formations et ont, de surcroît, mis en évidence l'« unicité de la fonction enseignante ».
Pour ce motif notamment, la référence faite à l'arrêt n0 34/2000 serait dénuée de pertinence.
En ce qui concerne le troisième moyen A.9. Ce moyen, dirigé contre les articles 4 et 12 du décret, est pris de la violation des articles 10, 11, 24, §§ 1er et 4, de la Constitution et est subdivisé en deux branches.
Quant à la première branche A.10.1. En prévoyant, pour chaque type d'activité d'enseignement, un nombre d'heures tellement élevé que le volume horaire disponible pour dispenser des activités librement déterminées par les hautes écoles s'en trouve nécessairement réduit, l'article 4 porte atteinte à la liberté d'enseignement et à la liberté pédagogique et organisationnelle qu'elle implique. Cette atteinte est disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur, à savoir garantir une certaine cohérence entre les formations données dans les différentes institutions et faciliter la mobilité des étudiants. La comparaison avec la situation passée confirmerait ce caractère disproportionné.
A.10.2. Tout en contestant l'intérêt des parties requérantes à contester tant l'article 4 que l'article 12, le Gouvernement de la Communauté française expose que la thèse des requérantes aboutit à revendiquer, au titre de la liberté d'enseignement, une autonomie pédagogique complète, non compatible avec l'article 24, § 1er, et avec la jurisprudence de la Cour y relative. En considération des objectifs poursuivis par le décret et de la spécificité de la formation du personnel enseignant concerné, « le législateur a pu légitimement estimer qu'un renforcement de la formation s'imposait par rapport à d'autres formations de l'enseignement supérieur ».
Par ailleurs, à l'inverse de l'espèce soumise à la Cour dans l'affaire tranchée par la Cour en son arrêt n° 49/2001, une autonomie pédagogique est laissée aux requérantes. Quant à la détermination du nombre d'heures à consacrer à chaque axe, elle a été suggérée par le Conseil d'Etat, afin d'assurer le respect de l'article 24, § 5, de la Constitution. Enfin, le Gouvernement de la Communauté française relève que, s'agissant de la marge d'autonomie conférée par l'article 12, les parties requérantes critiquent en fait la façon dont le Gouvernement exécutera l'article 29.1, exécution dont le contrôle échappe à la compétence de la Cour. Sur la base des arrêtés du 7 juin 2001, cette marge d'autonomie peut néanmoins être chiffrée à 431 heures.
A.10.3. Dans leur mémoire en réponse, les requérantes contestent tout d'abord leur absence d'intérêt à l'égard de l'article 12, en relevant notamment qu'elles critiquent également l'article 29.1 du même décret, pour violation de l'article 24, § 5, de la Constitution. Elles relèvent ensuite que ce n'est pas l'inscription d'un nombre d'heures par axe de formation qu'elles critiquent, mais l'importance de chacun de ces volumes horaires, le respect de l'article 24, § 5, n'impliquant pas en soi que soit également respecté le paragraphe 1er du même article. Enfin, le chiffre de 431 heures d'autonomie avancé par le Gouvernement est contesté par les requérantes.
Quant à la seconde branche A.11.1. En cette branche du moyen, les requérantes allèguent que les pouvoirs organisateurs qui forment des instituteurs et des régents sont discriminés par rapport à ceux qui forment des agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, et ce à un double titre. D'une part, le volume horaire qui doit être obligatoirement consacré à ceux des axes, communs aux deux types de formation, repris à l'article 4 est plus important pour les premiers que pour les seconds. D'autre part, les premiers disposent d'une marge d'autonomie nettement moins grande que les seconds, ces derniers bénéficiant en effet d'une marge d'autonomie fixée à 30 p.c. du volume horaire de la formation, alors que, s'agissant des pouvoirs organisateurs qui forment les régents et les instituteurs, la marge d'autonomie serait de l'ordre de 4 p.c. Une telle différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée, dès lors que « les compétences à atteindre sont strictement identiques dans les deux cas ».
A.12.2. Le Gouvernement relève tout d'abord que, s'agissant de la marge d'autonomie laissée aux pouvoirs organisateurs, les requérantes comparent le décret du 8 février 2001 (relatif aux agrégés de l'enseignement secondaire supérieur) avec l'exécution que doit donner le Gouvernement à l'article 29.1 du décret, alors que celle-ci échappe au contrôle de la Cour. A titre subsidiaire, il est relevé que le Gouvernement a consacré une marge d'autonomie de 20 p.c., ce qui, comparé à la marge de 30 p.c. d'autonomie applicable dans l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur, est justifié par la différence de formation de base des candidats à l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur.
En ce qui concerne le quatrième moyen A.13. Ce moyen, dirigé contre l'article 10 du décret du 12 décembre 2000, est pris de la violation des articles 10, 11, 24, §§ 1er et 4, de la Constitution et est subdivisé en deux branches.
Quant à la première branche A.14.1. En précisant de façon très détaillée le contenu et les modalités des ateliers de formation professionnelle et des stages pratiques d'enseignement en situation réelle, l'article 10 viole la liberté d'enseignement des pouvoirs organisateurs des hautes écoles concernées. S'agissant de l'obligation d'effectuer le stage par équipe de deux, il ne permet pas d'atteindre l'objectif poursuivi par le législateur - habituer le futur enseignant à la critique d'un collègue -, dès lors qu'il s'agit d'une équipe de deux par établissement et non par classe; par contre, cette mesure rendra encore plus difficile la recherche de stages. Les requérantes soulignent en outre, à l'appui du caractère disproportionné de la mesure, que l'article 10 consacre une régression par rapport à la situation antérieure, résultant de diverses dispositions du décret général du 5 août 1995 sur les hautes écoles.
A.14.2. Le Gouvernement de la Communauté française, estimant non transposables en l'espèce les arrêts de la Cour nos 76/96 et 49/2001, expose ensuite que l'article 10 n'affecte pas la liberté des pouvoirs organisateurs de déterminer le contenu des activités en atelier et des stages ainsi que la méthodologie. La répartition année par année est justifiée par le souci de suivre une juste progression dans l'approche du milieu professionnel, tandis que l'exigence de faire son stage par équipe de deux vise à habituer le futur enseignant au regard critique d'un collègue; il est en outre relevé que l'article 23 permet de déroger à cette obligation.
Quant à la seconde branche A.15.1. En imposant que la totalité (et non une partie) du stage soit opérée par équipe de deux ainsi qu'en en déterminant le contenu, l'article 10 discrimine les écoles en charge de la formation des instituteurs et des régents par rapport à celles en charge de la formation des agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, alors même que « les objectifs à atteindre et la méthode prévue pour ce faire sont similaires dans les deux types de formations »; les requérantes citent en particulier l'objectif précité, identique dans les deux formations, consistant à faire accepter le regard critique d'un collègue.
A.15.2. Relevant que cette branche du moyen ne porte que sur l'alinéa 3 de l'article 10 du décret, le Gouvernement de la Communauté française justifie la différence de traitement par rapport au régime résultant de l'article 9 du décret du 8 février 2001 par le fait que, dès lors que les étudiants en agrégation de l'enseignement secondaire supérieur peuvent déjà être en fonction dans cet enseignement, leur disponibilité peut être moindre que celle des candidats instituteurs ou régents, pour lesquels l'organisation des stages est incluse dans la formation de base.
A.15.3. Quant à cet argument, les requérantes répondent que, s'il peut être de nature à justifier l'existence d'une faculté de dérogation au principe du stage à faire dans la même implantation, il ne peut justifier le régime différent critiqué.
En ce qui concerne le cinquième moyen A.16. Ce moyen, dirigé contre l'article 18 du décret du 12 décembre 2000, est pris de la violation des articles 10, 11, 24, §§ 1er et 4, de la Constitution et est subdivisé en deux branches.
Quant à la première branche A.17.1. En imposant des prescriptions contraignantes et très détaillées en matière, notamment, de parité et d'introduction d'enseignants de terrain comme maîtres de formation pratique, l'article 18 affecte de façon disproportionnée la liberté d'enseignement des hautes écoles, comme il peut se déduire des arrêts précités de la Cour nos 76/96 et 49/2001, jugés a fortiori transposables en l'espèce.
A.17.2. Le Gouvernement de la Communauté française relève tout d'abord que l'article 18 doit être resitué dans l'ensemble du chapitre 4, consacré à l'encadrement des activités d'enseignement - chapitre dont il relève qu'il n'est pas contesté, hormis en son article 20, par les requérantes. Le législateur décrétal aurait entendu, à plusieurs niveaux, faire intervenir concurremment les enseignants titulaires de la formation pédagogique et ceux chargés de la formation disciplinaire et les maîtres de la formation pratique. En ce qui concerne ces derniers, il s'agissait, selon les travaux préparatoires, de « renforcer l'accompagnement des étudiants dans les ateliers de formation professionnelle et d'accentuer la dimension professionnelle de la formation ».
A.17.3. Dans leur mémoire en réponse, les requérantes précisent que, si seuls les articles 18 et 20 sont critiqués, c'est en raison de leur degré de précision à ce point grand qu'il affecte la liberté d'enseignement.
Quant à la seconde branche A.18.1. Dès lors que les prescriptions prévues par l'article 18 s'imposent en ce qui concerne la formation des instituteurs et des régents mais non en ce qui concerne celle des agrégés de l'enseignement secondaire supérieur - les modalités d'intervention des enseignants du secondaire n'étant en effet, dans ce second cas, pas précisées -, les hautes écoles en charge du premier type de formation sont discriminées par rapport à celles en charge du second type de formation, alors même que les objectifs poursuivis sont identiques.
A.18.2. Le Gouvernement de la Communauté française relève tout d'abord que, s'agissant des agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, le savoir-faire s'acquiert notamment dans des séminaires d'analyse des pratiques qui intègrent, outre les ateliers de formation professionnelle, les activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle, ces deux catégories d'activités n'étant dès lors pas distinctes, à l'inverse de ce que disposent à leur égard les articles 10 et 11 du décret en cause. De plus, il est relevé que les régents et instituteurs sont formés par des diplômés universitaires, auxquels il convient dès lors d'adjoindre des professionnels de terrain - instituteurs ou régents.
A.18.3. Dans leur mémoire en réponse, les requérantes concluent à la non-pertinence de l'argumentation du Gouvernement dès lors que le décret du 8 février 2001 prévoit lui-même l'intervention de professionnels de terrain, et la juge dès lors indispensable même s'il n'en précise pas l'étendue.
En ce qui concerne le sixième moyen A.19.1. Pris de la violation des articles 10, 11, 24, §§ 1er et 4, de la Constitution, ce moyen allègue que, en désignant unilatéralement certaines personnes en qualité de maîtres de stages et en établissant le nombre de visites qu'elles doivent accomplir par semaine, l'article 20 du décret porte atteinte de manière disproportionnée à la liberté d'enseignement, dès lors qu'il opère un « choix méthodologique revêtant un caractère pédagogique ». Il est à nouveau fait référence aux arrêts de la Cour déjà cités nos 76/96 et 49/2001.
A.19.2. Après avoir critiqué l'incohérence consistant à critiquer l'article 20 sans critiquer les articles 16, 17, 19 et 21 - « qui définissent tout autant l'intervention des enseignants visés à l'article 20 » -, le Gouvernement de la Communauté française relève que l'article 20 n'empêche nullement les hautes écoles de déterminer elles-mêmes, parmi les catégories de personnel visées, celles qui sont le mieux à même de superviser les stages. Quant au rythme des visites qu'impose l'article 20, il ne viole pas l'article 24, § 1er, le Gouvernement s'en référant sur ce point à l'arrêt de la Cour n° 25/92.
En ce qui concerne le septième moyen A.20. Ce moyen, dirigé contre l'article 29 du décret, est pris de la violation de l'article 24, §§ 1er et 5, de la Constitution; il est subdivisé en deux parties - qui portent, respectivement, sur les 1 et 5 de l'article 29 -, la première partie de ce moyen comprenant elle-même deux branches et la seconde partie comprenant trois branches.
Quant à la première partie du septième moyen (dirigée contre l'article 29.1) Première branche A.21.1. En confiant au Gouvernement la mission de déterminer l'année durant laquelle les différentes activités d'enseignement seront dispensées, l'article 29.1 réduit de façon disproportionnée la liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er; il constitue en outre une régression par rapport à la situation antérieure, résultant du décret général du 5 août 1995.
A.21.2. A l'appui de cette délégation, le Gouvernement de la Communauté française relève à la fois le souci du législateur de permettre la mobilité des étudiants entre institutions d'enseignement et celui d'assurer la cohérence requise entre les activités d'enseignement, les activités pratiques et les activités interdisciplinaires de construction de l'identité personnelle. Il relève en outre que le contenu des formations reprises à l'article 29.1 est déterminé librement par les écoles.
A.21.3. Dans leur mémoire en réponse, les requérantes exposent notamment que la mobilité des étudiants est déjà assurée par les articles 34 et 35 du décret du 5 août 1995, de telle sorte que l'article 29.1 affecte de façon disproportionnée la liberté d'enseignement. Les requérantes relèvent en outre que celle-ci couvre tant la forme de l'enseignement que son contenu.
Seconde branche A.22.1. En ne précisant lui-même ni le volume horaire maximal par activité d'enseignement (article 4) ni le volume horaire d'autonomie laissée aux pouvoirs organisateurs (article 12), l'article 29.1 du décret laisse au Gouvernement le soin de régler des éléments essentiels de l'organisation de l'enseignement et viole dès lors l'article 24, § 5, de la Constitution.
A.22.2. S'agissant de l'article 4 du décret, le Gouvernement de la Communauté française observe que c'est pour se conformer à l'avis du Conseil d'Etat qu'un volume horaire minimal a été fixé. Quant à l'article 12, il est exposé que la fourchette à l'intérieur de laquelle doit rester le Gouvernement résulte de la différence entre, d'une part, le volume horaire minimal fixé par les articles 4 et suivants et, d'autre part, le seuil maximal de 3.600 heures jusqu'auquel les hautes écoles peuvent augmenter leur horaire; l'article 24, § 5, de la Constitution ne serait dès lors pas violé.
A.22.3. Sur ce second point, les requérantes objectent notamment que l'observation du Conseil d'Etat, à caractère général, n'a pas été respectée en ce qui concerne l'article 12 et que, par ailleurs, le volume horaire maximal auquel fait référence le Gouvernement, à la fois, est théorique et donne lieu à une fourchette horaire à ce point large qu'elle doit être considérée comme n'ayant pas été fixée par le législateur.
Quant à la seconde partie du septième moyen (dirigée contre l'article 29.5) A.23. Cette seconde partie du septième moyen est, de façon générale, prise de la violation des articles 10, 11, 24, §§ 1er, 4 et 5, de la Constitution.
Première branche A.24.1. En habilitant le Gouvernement à prévoir l'agréation des éventuels accords de partenariat avec d'autres établissements d'enseignement - lesquels, par le passé, étaient librement gérés par les écoles dans le cadre de leur projet pédagogique, social et culturel -, l'article 29.5, par le « droit de regard » qu'il confère ainsi au Gouvernement sur ces accords, affecte de façon disproportionnée la liberté d'enseignement et viole dès lors l'article 24, § 1er, de la Constitution; par ailleurs, il ne constitue pas une mesure pertinente au regard des objectifs généraux poursuivis par le décret du 12 décembre 2000.
A.24.2. Le Gouvernement de la Communauté française répond en soulignant que les articles 22 et 23 du décret définissent le cadre des accords de collaboration, l'agréation critiquée ayant pour seuls objets, formels, de vérifier si les contenus des accords sont conformes au prescrit du décret et s'il est fait un usage correct de la faculté de dérogation prévue par l'article 23.
Deuxième branche A.25.1. En soumettant à agréation tous les accords de collaboration conclus avec les établissements de terrain recevant des étudiants en stage, l'article 29.5 fait peser des formalités plus lourdes sur les établissements en charge de la formation des instituteurs et des régents que sur ceux qui forment les agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, auxquels ne s'appliquent pas ces formalités.
Cette différence de traitement n'est pas justifiée, les objectifs poursuivis par les deux formations étant identiques.
A.25.2. Pour le Gouvernement de la Communauté française, l'importance plus grande des stages et des activités de savoir-faire dans la formation initiale des instituteurs et des régents constitue une spécificité de cette formation par rapport à l'enseignement supérieur généralement dispensé dans les hautes écoles, spécificité qui est de nature à justifier que le régime d'agrément prévu par le décret en cause du 12 décembre 2000 ne soit pas identique à celui organisé par le décret du 8 février 2001; il est toutefois souligné, article 12 de ce dernier décret à l'appui, qu'il prévoit néanmoins l'agrément de certains accords de collaboration.
Troisième branche A.26.1. L'habilitation générale conférée au Gouvernement pour déterminer l'agréation des accords de collaboration ne précise aucune modalité, et notamment les éventuelles sanctions attachées au fait de ne pas soumettre à agrément un accord de collaboration. Cette délégation viole dès lors l'article 24, § 5, de la Constitution.
A.26.2. Le Gouvernement de la Communauté française répond que la délégation octroie au Gouvernement non pas un pouvoir réglementaire d'exécution, mais celui de prendre des décisions d'agrément, lesquelles décisions, de nature individuelle, échappent au champ d'application de l'article 24, § 5, de la Constitution.
A.26.3. Les requérantes contestent cette interprétation de l'article 29.5, le Gouvernement se voyant même conférer, selon elles, le pouvoir réglementaire de fixer les critères de l'agréation, sans détermination préalable des principes par le législateur décrétal.
Position subsidiaire du Gouvernement de la Communauté française A.27. A titre subsidiaire - dans l'hypothèse où la Cour déciderait l'annulation de certaines dispositions -, le Gouvernement demande, en application de l'article 8 de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage, que soient maintenus leurs effets jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours lors du prononcé de l'arrêt.
Position du Gouvernement flamand A.28.1. Dans la première partie de son mémoire, le Gouvernement flamand justifie son intérêt à intervenir dans cette affaire. Il souligne en particulier le déficit croissant d'enseignants, le lien entre la qualité de leur formation et la qualité de l'enseignement ainsi que la nécessité d'une offre suffisante d'enseignants pour assurer une réelle liberté d'enseignement.
A.28.2. Dans la seconde partie de son mémoire, le Gouvernement flamand, en recourant largement à la jurisprudence de la Cour, souligne que la liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, n'est pas illimitée. Elle ne s'oppose pas à ce que le législateur décrétal intervienne pour ° assurer la qualité de l'enseignement dispensé au moyen de deniers publics », ce à quoi tend précisément le décret attaqué. Il peut imposer des conditions de subventionnement et d'agréation. Par ailleurs, le Gouvernement expose que le souci d'assurer l'équivalence des diplômes et d'assurer à tous les citoyens une formation de qualité justifie également que soient apportées des limitations à la liberté d'enseignement, pour autant que les mesures adoptées soient « applicables de manière générale aux établissements d'enseignement, indépendamment de la spécificité de l'enseignement dispensé par ceux-ci ». Enfin, il est relevé que l'article 24, § 5, de la Constitution n'interdit pas l'octroi de délégations au pouvoir exécutif, pour autant que le législateur ait fixé les principes essentiels à respecter. Sous cette réserve, la délégation peut être très large, comme il ressort de l'arrêt de la Cour n° 19/99.
A.29. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement flamand, tout en relevant la différence d'approche entre la Communauté flamande et la Communauté française, répète que le souci d'assurer un enseignement de qualité, l'équivalence des diplômes et la disponibilité des enseignants formés parmi tous les réseaux justifient que des conditions d'exigences minimales puissent être imposées pour les différents réseaux, comme le fait le décret attaqué, sans violer de ce fait la liberté d'enseignement. Par ailleurs, est également notée la spécificité de la formation des instituteurs et des régents par rapport « aux formations académiques dispensées dans les universités dans des disciplines éventuellement comparables ». - B - Les dispositions attaquées B.1. Le recours en annulation porte sur le décret du 12 décembre 2000 « définissant la formation initiale des instituteurs et des régents », dont seuls sont attaqués l'article 2, alinéa 7; l'article 4, alinéas 2 et 3; les articles 10 à 12; l'article 18; l'article 20 et l'article 29, 1, 2 et 5.
Ces articles disposent : «
Art. 2.Pour l'application du présent décret, il faut entendre par : Décret : le décret de la Communauté française du 5 août 1995 fixant l'organisation générale de l'enseignement supérieur en hautes écoles.
Décret-missions : le décret de la Communauté française du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre.
Instituteur préscolaire : membre du personnel diplômé de la section normale préscolaire.
Instituteur primaire : membre du personnel diplômé de la section normale primaire.
Régent : membre du personnel qui est agrégé de l'enseignement secondaire inférieur.
Grille de référence : énumération des grands domaines impliqués dans la formation disciplinaire et interdisciplinaire des enseignants.
Activités d'enseignement de type A : activités d'enseignement qui regroupent les étudiants de l'ensemble des sections d'enseignement normal.
Activités d'enseignement de type B : activités d'enseignement qui sont données aux étudiants d'une même section.
Activités d'enseignement de type C : activités d'enseignement à caractère pratique organisées en groupes réduits. Elles sont constituées par les ateliers de formation professionnelle et les activités de séminaire. [...]
Art. 4.Les activités d'enseignement nécessaires pour atteindre les objectifs de formation des étudiants inscrits dans les sections d'instituteur préscolaire, d'instituteur primaire et de régent comportent les mêmes axes.
Ces axes sont constitués par : 1. l'appropriation des connaissances socioculturelles comportant au moins 165 heures;2. l'appropriation d'une démarche scientifique et d'attitudes de recherche comportant au moins 60 heures;3. la maîtrise des connaissances disciplinaires et interdisciplinaires comportant au moins 900 heures;4. l'appropriation des connaissances socio-affectives et relationnelles comportant au moins 120 heures;5. la maîtrise des connaissances pédagogiques comportant au moins 160 heures;6. le savoir-faire comportant au moins 600 heures. Les activités d'enseignement comprennent en outre des activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle comportant au moins 120 heures. [...]
Art. 10.Le savoir-faire repose sur l'articulation de la théorie et de la pratique. Il s'acquiert dans les ateliers de formation professionnelle et en effectuant des stages pratiques d'enseignement en situation réelle.
Les ateliers de formation professionnelle proposent aux étudiants un ensemble d'activités susceptibles de faire émerger des compétences méthodologiques et un regard réflexif sur celle-ci. Ils leur permettent d'expérimenter, d'observer et d'analyser les différentes composantes de la profession.
Les stages en situation réelle sont organisés dans les trois années d'études. En première année, ils consistent en activités d'observation participante, en accompagnant le maître de stage. En 2e et en 3e année, l'étudiant prend effectivement en charge une classe.
Les étudiants effectuent leurs stages par équipe de deux personnes minimum au sein d'une même implantation.
Art. 11.Les activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle sont toujours couplées avec un stage ou une activité pratique.
Elles sont organisées à raison de deux par année académique. Elles concernent, en première année, l'identité enseignante et le dossier de l'enseignant, en deuxième année, l'ouverture de l'école sur l'extérieur et l'éducation à la diversité culturelle, en troisième année, la déontologie de la profession et l'élaboration du projet professionnel.
Art. 12.Les hautes écoles disposent d'un volume d'heures réservées à des activités d'enseignement qu'elles déterminent en toute autonomie. [...]
Art. 18.Les ateliers de formation professionnelle sont assurés par des maîtres assistants, chargés de cours, chefs de travaux ou professeurs titulaires de la formation pédagogique pour un tiers, ceux qui sont chargés de la formation disciplinaire pour un tiers et des maîtres de formation pratique pour un tiers. Ils sont amenés à intervenir tantôt séparément, tantôt par équipe de deux ou de trois enseignants. Les maîtres de formation pratique sont engagés pour au maximum un mi-temps par la haute école et exercent au moins un mi-temps dans l'enseignement fondamental ou secondaire inférieur. [...]
Art. 20.L'accompagnement des stages est assuré par les maîtres assistants, chargés de cours, chefs de travaux ou professeurs de la haute école et par les maîtres de stage.
A partir de la 2e année, les maîtres assistants, chargés de cours, chefs de travaux ou professeurs titulaires de la formation pédagogique d'une part, ceux qui sont chargés de la formation disciplinaire d'autre part supervisent chaque étudiant à raison d'au moins une visite par semaine de stage. Ces prestations sont valorisées dans leur horaire, notamment proportionnellement au nombre d'étudiants visités.
Les maîtres de stage qui accueillent dans leur classe des étudiants de 2e et 3e année sont agréés par les autorités de la haute école dans le cadre de l'accord de collaboration défini à l'article 23 du présent décret. Elles peuvent leur assurer une formation complémentaire.
Art. 29.Le Gouvernement détermine pour le présent décret : 1. le volume des activités d'enseignement mentionnées dans les articles 4 à 12 et les années d'études dans lesquelles elles sont organisées;2. les grilles de référence de la formation disciplinaire et interdisciplinaire prévues dans l'article 7, alinéa 3, après avoir pris l'avis du Conseil général des hautes écoles;3. les conditions particulières du recrutement des maîtres de formation pratique prévus dans [l'article 18];4. les modalités de rémunération et d'exercice de la fonction des maîtres de stage définis à l'article 20, alinéa 3;5. l'agréation par le Gouvernement des accords de collaboration visés aux articles 22 et 23.» Quant à la portée du recours B.2. Le Gouvernement de la Communauté française conteste la recevabilité du recours en ce qu'il vise l'article 29.2.
La Cour constate qu'aucun moyen n'est formulé à l'encontre de cette disposition; le recours est dès lors irrecevable en ce qui la concerne.
Quant au fond B.3. Dans le cadre des sept moyens - subdivisés pour la plupart en plusieurs branches -, les requérantes allèguent la violation de l'article 24 de la Constitution, en ses paragraphes 1er, 4 et 5; chaque moyen est pris, selon le cas, de la violation de tout ou partie de ces dispositions constitutionnelles.
La Cour examine l'ensemble des moyens au regard de l'article 24 de la Constitution, considéré successivement en ses paragraphes 1er, 4 et 5.
Quant aux objectifs poursuivis par le décret du 12 décembre 2000.
B.4. Aux termes des travaux préparatoires, le législateur décrétal entendait, par l'adoption du décret en cause, poursuivre les objectifs suivants : « Les contenus de la formation doivent répondre aux treize compétences de manière progressive au fil des trois années de formation. Ils sont articulés dans l'ordre le plus propice à la qualité de la formation.
Ainsi, le volume des ateliers de formation professionnelle diminue d'importance de manière inversement proportionnelle au volume des stages afin que la responsabilité laissée à l'étudiant en situation de classe soit adaptée à l'évolution de ses aptitudes.
L'acquisition de ces treize compétences ne s'achève pas en fin de formation initiale. A travers le dossier de l'enseignant, l'élaboration du projet de carrière et les ateliers de formation professionnelle, le futur enseignant est amené à planifier son perfectionnement et l'actualisation de ses connaissances au sein de la formation continuée mais également en développant un intérêt pour les recherches en éducation. C'est ici que la formation continuée s'ancre dans la formation initiale.
Le renforcement des connaissances disciplinaires notamment en langue française et la précision des contenus des cours disciplinaires visent à garantir une plus grande homogénéité de la formation dans les différents départements pédagogiques et une adéquation entre ces contenus et les socles de compétences et compétences terminales. La définition de ces contenus, élaborée en collaboration avec des acteurs de terrain, sera soumise au conseil supérieur pédagogique du Conseil général des hautes écoles.
La professionnalisation est au centre du projet dans le sens d'une responsabilisation et d'une autonomisation accrues des futurs enseignants. Cet objectif sera atteint essentiellement par les activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle, les ateliers de formation professionnelle et la formation pédagogique.
La formation est axée sur l'apprentissage et la valorisation du travail en équipe dans le but d'inciter les futurs enseignants à pratiquer leur métier dans un esprit de collaboration. Le projet propose le stage par paire, la formation à la gestion de groupe et la collaboration au travers des ateliers de formation professionnelle.
Ainsi, le projet s'inscrit clairement dans le contexte de l'enseignement de type court. La formation des enseignants est une formation professionnelle dont les principes sont les suivants : - un contact rapide avec le terrain; - la construction d'une identité professionnelle; - l'établissement d'une relation étroite entre la pratique et la théorie; - l'intervention de partenaires multiples : théoriciens, praticiens, experts...; - l'encouragement de synergies entre différents lieux de formation : le département pédagogique, les écoles primaires et secondaires, les universités, les autres départements des hautes écoles, les instituts supérieurs d'enseignement artistique, les organismes d'aide à la jeunesse, le secteur parascolaire... (Doc. , Parlement de la Communauté française, 2000-2001, 109, n° 1, pp. 7 et 8) Quant à l'article 24, § 1er, de la Constitution B.5. En chacun des moyens, les requérantes allèguent la violation de la liberté d'enseignement telle qu'elle est garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution.
Sont ainsi successivement contestés, au motif qu'il serait porté une atteinte excessive à la liberté d'enseignement : le regroupement des étudiants de l'ensemble des sections pour les activités de type A (article 2 - 1er moyen, 1re branche), le règlement des activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle (article 4, alinéa 3, et article 11 - 2e moyen, 1re branche), l'importance du volume horaire imposé par rapport à celui relevant de l'autonomie des établissements (articles 4 et 12 - 3e moyen, 1re branche), les modalités relatives aux ateliers de formation professionnelle et aux stages (article 10 - 4e moyen, 1re branche), les prescriptions relatives à la présence d'enseignants de terrain dans ces ateliers (article 18 - 5e moyen, 1re branche), le règlement de l'encadrement des stages (article 20 - 6e moyen) et la compétence donnée au Gouvernement de déterminer le volume réservé aux différentes activités d'enseignement et leur localisation dans le cursus (article 29.1) ainsi que l'agréation des accords de collaboration visés aux articles 22 et 23 (article 29.5) (7e moyen, subdivisé en 2 « parties » et 5 branches).
B.6.1. L'article 24, § 1er, de la Constitution dispose : « L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret.
La communauté assure le libre choix des parents.
La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.
Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. » B.6.2. La liberté d'enseignement définie ci-dessus suppose, si on entend qu'elle ne reste pas purement théorique, que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-ci.
Le droit au subventionnement est limité, d'une part, par la possibilité pour la communauté de lier les subventions à des exigences tenant à l'intérêt général, entre autres celles d'un enseignement de qualité et du respect de normes de population scolaire, et, d'autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles entre les diverses missions de la communauté.
La liberté d'enseignement connaît dès lors des limites et n'empêche pas que le législateur décrétal impose des conditions de financement et de subventionnement qui restreignent l'exercice de cette liberté.
De telles mesures ne sauraient être considérées en tant que telles comme une atteinte à la liberté d'enseignement. Il en irait autrement s'il devait apparaître que les limitations concrètes qu'elles apportent à cette liberté ne sont pas adéquates à l'objectif poursuivi ou sont disproportionnées par rapport à celui-ci.
B.7.1. Comme il ressort des travaux préparatoires déjà cités (Doc. , Parlement de la Communauté française, 2000-2001, 109, n° 1, pp. 7 et 8), le législateur décrétal entendait en particulier assurer l'adéquation entre les activités d'enseignement et les compétences recherchées, l'homogénéité et la progressivité de la formation, la professionnalisation des futurs enseignants et la valorisation du travail en équipe, permettre un contact rapide avec le terrain ainsi que le développement de synergies avec les autres lieux de formation.
Chacune des dispositions attaquées par les requérantes poursuit divers objectifs.
B.7.2. La poursuite de ces objectifs relève de l'intérêt général, en particulier en ce qu'ils tendent à assurer la qualité et l'équivalence de la formation des instituteurs et des régents et les mesures contestées sont en adéquation avec ces objectifs. Elles sont en effet applicables à l'ensemble des établissements chargés de la formation des instituteurs et des régents, indépendamment de la spécificité de l'enseignement dispensé par ces établissements, dont les diplômés sont appelés à enseigner indistinctement dans les différents réseaux d'enseignement organisés ou subventionnés par la Communauté française indépendamment du réseau dans lequel ils ont été formés.
B.8. Il y a lieu toutefois d'examiner si les dispositions attaquées n'affectent pas de façon disproportionnée la liberté d'enseignement des établissements auxquels elles s'appliquent.
Ces mesures laissent - chaque fois que cela n'est pas incompatible avec la bonne fin de l'objectif poursuivi - une liberté substantielle dans la mise en oeuvre des options retenues par le législateur décrétal.
Tel est le cas, notamment : - de la détermination des volumes horaires au delà des minima fixés par le législateur (articles 4 et 12); - de la détermination de la taille des groupes scolaires pour les activités de type A (article 2, alinéa 7), qui ne doivent pas nécessairement être organisées dans le cadre d'un seul groupe, pour autant que, le cas échéant, chaque groupe comporte des étudiants de chaque section; - des modalités concrètes d'organisation des activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle (article 4, alinéas 3 et 11), pour lesquelles, dans le respect de l'article 11, l'organisation concrète, la méthode et le contenu à donner aux thèmes minimaux sont laissés à l'appréciation de l'école.
La Cour observe encore que : - en ce qui concerne les ateliers de formation professionnelle et les stages (article 10), le contenu et la méthodologie restent à l'initiative des écoles, dans le respect des finalités et modalités prescrites à l'article 10, alinéas 2 à 4; - en ce qui concerne la supervision de ces stages, les écoles déterminent le rôle des intervenants visés à l'article 20 du décret et, en outre, agréent les maîtres de stage (alinéa 3); - les écoles déterminent librement le contenu des formations visées à l'article 29.1 du décret, dans le respect des articles 4 à 12 de celui-ci.
Il s'ensuit qu'il n'est pas porté à la liberté d'enseignement une limitation qui soit disproportionnée.
B.9. En ce que les moyens allèguent la violation, par les dispositions contestées, de l'article 24, § 1er, de la Constitution, ils ne sont pas fondés.
Quant à l'article 24, § 4, de la Constitution B.10.1. L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.
La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. » B.10.2. Les parties requérantes allèguent le caractère discriminatoire du régime réservé par le décret aux établissements qui forment les instituteurs et les régents par rapport à ceux qui forment les agrégés de l'enseignement secondaire supérieur.
Sont successivement visés par cette critique : le règlement des activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle (article 4, alinéas 3 et 11 - 2e moyen, 2e branche), l'importance du volume horaire imposé (articles 4 et 12 - 3e moyen, 3e branche), les modalités relatives aux ateliers de formation professionnelle et aux stages (article 10 - 4e moyen, 2e branche), les prescriptions relatives aux enseignants de terrain dans ces ateliers (article 18 - 5e moyen, 2e branche) et, enfin, la compétence donnée au Gouvernement en matière d'agréation des accords de collaboration visés aux articles 22 et 23 (article 29.5 - 7e moyen, 2e partie, 2e branche).
B.11. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
L'article 24, § 4, de la Constitution réaffirme expressément, en matière d'enseignement, les principes d'égalité et de non-discrimination.
B.12. Il existe, entre les établissements en charge de la formation des instituteurs et régents, d'une part, et ceux qui sont en charge de la formation des agrégés de l'enseignement secondaire supérieur, d'autre part, des différences objectives.
Tout d'abord, l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur constitue un cycle d'études qui présente la caractéristique d'exiger comme prérequis que les candidats à cette agrégation soient titulaires d'un diplôme universitaire ou de niveau universitaire, ce qui n'est pas le cas des candidats instituteurs et régents dont la formation combine simultanément les aspects scientifiques et pédagogiques.
En outre, les établissements qui délivrent l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur, d'une part, et le diplôme d'instituteur ou de régent, d'autre part, se différencient au regard du type d'élèves auxquels seront habilités à enseigner les titulaires des diplômes que ces établissements délivrent : alors que les établissements qui délivrent l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur forment, à ce titre, des diplômés destinés à former, principalement, les étudiants de l'enseignement secondaire supérieur, par contre les établissements qui forment les instituteurs et les régents forment ainsi des enseignants susceptibles de former des étudiants situés dans d'autres fourchettes d'âge. D'autre part, tous les élèves de l'enseignement secondaire supérieur ont déjà été orientés dans le choix de leurs études par l'orientation qui s'est déroulée aux niveaux inférieurs.
B.13.1. Les dispositions du décret du 12 décembre 2000, visées en B.10.2, dont les requérantes allèguent qu'elles violeraient l'article 24, § 4, de la Constitution ont, en substance, deux objets.
D'une part, elles déterminent le volume horaire minimal imposé pour les différents axes communs à la formation des instituteurs et des régents (articles 4 et 12) ainsi que le volume horaire dont disposent librement les établissements.
D'autre part, elles réglementent les ateliers de formation professionnelle et les stages (article 10), ainsi que les activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle (articles 4, alinéa 3, 10, 11 et 18); l'article 18 impose la présence d'enseignants de terrain en ce qui concerne les ateliers de formation professionnelle et l'article 29.5 réglemente l'agréation des accords de coopération visés aux articles 22 et 23 du décret, y compris ceux relatifs aux stages.
B.13.2. En considération des caractéristiques objectives, exposées en B.12, qui différencient les candidats instituteurs et candidats régents par rapport aux candidats à l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur, d'une part, ainsi que, d'autre part, les établissements qui forment les premiers par rapport à ceux qui forment les seconds - et, en particulier en considération du profil différent des candidats à l'agrégation sur le plan de leur formation préalable -, il n'apparaît pas dénué de justification raisonnable que le législateur décrétal n'ait pas retenu pour la formation des instituteurs et des régents, en ce qui concerne les aspects visés en B.10.2, alinéa 2, le même régime que celui de l'agrégation de l'enseignement secondaire supérieur.
B.14. En ce qu'ils sont pris de la violation de l'article 24, § 4, de la Constitution, les moyens ne sont pas fondés.
Quant à l'article 24, § 5, de la Constitution B.15.1. L'article 24, § 5, de la Constitution dispose : « L'organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l'enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret. » B.15.2. Les parties requérantes, dans leurs premier et septième moyens, reprochent au législateur décrétal, d'une part, de ne pas avoir déterminé lui-même le contenu et les modalités des activités d'enseignement de type A visées à l'article 2 et, d'autre part, d'avoir, à l'article 29, 1 et 5, laissé une marge d'appréciation excessive au Gouvernement dans la détermination des volumes horaires visés aux articles 4 à 12 du décret, de même que dans la fixation des modalités d'agréation des accords de coopération visés aux articles 22 et 23 du décret.
B.16. L'article 24, § 5, traduit la volonté du Constituant de réserver au législateur compétent le soin de régler les aspects essentiels de l'enseignement en ce qui concerne son organisation, sa reconnaissance et son subventionnement, mais n'interdit cependant pas que des habilitations soient données sous certaines conditions à d'autres autorités.
Cette disposition exige que ces habilitations ne portent que sur la mise en oeuvre des principes que le législateur décrétal a lui-même adoptés. A travers elles, le Gouvernement ne saurait combler l'imprécision de ces principes ou affiner des options insuffisamment détaillées.
B.17.1. La détermination des activités d'enseignement - y compris de celles, dites de type A, qui s'adressent aux étudiants de l'ensemble des sections d'enseignement normal - et de leur volume horaire - que ce soit celui imposé aux établissements ou celui laissé à leur libre appréciation - relève de l'organisation et du subventionnement de l'enseignement au sens de l'article 24, § 5, de la Constitution. Il en va de même de la réglementation des accords de coopération conclus entre les établissements d'enseignement visés par le décret et les autres institutions, notamment en ce qu'ils ont pour objet ceux visés à l'article 23, relatifs à l'organisation des stages des étudiants.
Il y a lieu dès lors d'examiner si, s'agissant de ces matières, les délégations contestées par les requérantes restent dans des limites compatibles avec l'article 24, § 5, de la Constitution, définies ci-dessus.
B.17.2. S'agissant de la délégation faite au Gouvernement, à l'article 29.5, de « détermine[r] [...] l'agréation par le Gouvernement des accords de collaboration visés aux articles 22 et 23 », il ressort des travaux préparatoires de cette disposition qu'elle résulte d'un amendement visant à confier au Gouvernement le soin « de vérifier si les contenus de ces accords sont conformes au prescrit du décret et d'apprécier la motivation des dérogations visées à l'article 23 » (Doc. , Parlement de la Communauté française, 2000-2001, 109, n° 3, p. 39).
Il s'ensuit que la compétence ainsi déléguée au Gouvernement a pour objet le contrôle de la compatibilité de chaque accord de collaboration avec le décret en cause, y compris en ses articles 22 et 23, ainsi que le contrôle de l'admissibilité des dérogations à l'article 10, alinéa 4, qu'autoriseraient, le cas échéant, lesdits accords. Ce contrôle s'exerçant par référence à des normes définies par le législateur décrétal, sa délégation au Gouvernement est conforme à l'article 24, § 5, de la Constitution. Pour le surplus, il appartient, le cas échéant, aux juridictions et au Conseil d'Etat de contrôler le respect par le Gouvernement des dispositions constitutionnelles et décrétales qui l'habilitent à agir.
B.17.3. Les autres délégations critiquées par les requérantes - relatives à la détermination des activités d'enseignement, notamment de type A, et aux volumes horaires - n'excèdent pas non plus les limites permises par l'article 24, § 5, de la Constitution.
En effet, la compétence déléguée au Gouvernement de déterminer les activités de type A est limitée par des choix opérés par le législateur décrétal lui-même : d'une part, il s'agit d'activités qui regrouperont les étudiants de l'ensemble des sections d'enseignement normal (article 2, alinéa 7) et, d'autre part, elles doivent comporter les différents axes énumérés à l'article 4, le contenu de chaque axe étant précisé aux articles 5 à 12 du décret. Enfin, ces activités doivent poursuivre les objectifs de formation que, au titre de compétences à développer, l'article 3 décrit de façon exhaustive.
La compétence de déterminer le volume horaire à consacrer à chacun de ces axes et celui relevant de l'autonomie des établissements d'enseignement est, elle aussi, encadrée par des choix faits par le législateur décrétal lui-même : d'une part, pour chaque axe et pour les activités interdisciplinaires de construction de l'identité professionnelle, visés par l'article 4, cette disposition fixe un volume horaire minimal, en dessous duquel le Gouvernement ne peut descendre; d'autre part, la comparaison entre ce volume horaire minimal et le volume horaire maximal prévu par le décret du 5 août 1995 détermine la fourchette à l'intérieur de laquelle le Gouvernement doit se situer lorsque, sur la base de l'habilitation prévue par l'article 29.1, il porte exécution des articles 4 et 12 du décret.
Pour le surplus, il appartient aux juridictions compétentes de contrôler l'exercice qui est fait par le Gouvernement de cette délégation.
B.18. En ce qu'ils sont pris de la violation de l'article 24, § 5, de la Constitution, les moyens ne sont pas fondés.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 8 janvier 2003.
Le greffier, L. Potoms Le président, M. Melchior