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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 15 janvier 2003

Arrêt n° 189/2002 du 19 décembre 2002 Numéro du rôle : 2373 En cause : le recours en annulation de l'article XIII.2 du décret de la Communauté flamande du 13 juillet 2001 relatif à l'enseignement-XIII-Mosaïque, introduit par l'a.s.b.l. Hib La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, (...)

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Arrêt n° 189/2002 du 19 décembre 2002 Numéro du rôle : 2373 En cause : le recours en annulation de l'article XIII.2 du décret de la Communauté flamande du 13 juillet 2001 relatif à l'enseignement-XIII-Mosaïque, introduit par l'a.s.b.l. Hiberniaschool et l'a.s.b.l. Volwassenenonderwijs L.B.C.-N.V.K. La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 20 février 2002 et parvenue au greffe le 25 février 2002, l'a.s.b.l.

Hiberniaschool, dont le siège est établi à 2000 Anvers, Volksstraat 40, et l'a.s.b.l. Volwassenenonderwijs L.B.C.-N.V.K., dont le siège est établi à 2000 Anvers, Sudermanstraat 5, ont introduit un recours en annulation de l'article XIII.2 du décret de la Communauté flamande du 13 juillet 2001 relatif à l'enseignement-XIII-Mosaïque (publié au Moniteur belge du 27 novembre 2001, première édition).

II. La procédure Par ordonnance du 25 février 2002, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 mars 2002.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 30 mars 2002.

Par ordonnance du 29 avril 2002, le président A. Arts a prorogé de quinze jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Gouvernement flamand du 26 avril 2002.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand par lettre recommandée à la poste le 29 avril 2002.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 16 mai 2002.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 23 mai 2002.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 20 juin 2002.

Par ordonnance du 27 juin 2002Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 27/06/2002 pub. 13/07/2002 numac 2002031370 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 16 juillet 1998 relative à l'octroi de subsides destinés à encourager la réalisation d'investissements d'intérêt public type ordonnance prom. 27/06/2002 pub. 16/07/2002 numac 2002031371 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 7 octobre 1993 organique de la revitalisation des quartiers fermer, la Cour a prorogé jusqu'au 20 février 2003 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 3 juillet 2002, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 25 septembre 2002.

Par ordonnance du même jour, le président A. Arts a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

L'ordonnance de mise en état a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 4 juillet 2002.

A l'audience publique du 25 septembre 2002 : - ont comparu : . Me L. Lenaerts, avocat au barreau d'Anvers, pour les parties requérantes; . Me R. Rombaut, avocat au barreau d'Anvers, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs L. Lavrysen et P. Martens ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - A.1. Un litige oppose l'a.s.b.l. Hiberniaschool, première partie requérante, et la Communauté flamande, concernant la répétition d'une somme indûment payée. Dans un jugement du 29 juin 2001, le Tribunal de première instance d'Anvers a déclaré que la contrainte au remboursement était « nulle et non avenue » et « ne pouvait connaître aucune suite ». La Communauté flamande a interjeté appel de ce jugement le 27 septembre 2001.

L'a.s.b.l. Volwassenenonderwijs L.B.C.-N.V.K., deuxième partie requérante, conteste également la répétition par la Communauté flamande d'une somme payée indûment. Elle souhaite à cet égard se fonder sur l'argumentation avancée par le Tribunal de première instance d'Anvers dans le jugement précité.

Cette argumentation consiste pour l'essentiel à déclarer prescrite la répétition, étant donné que, depuis l'entrée en vigueur de l'article 198, § 1er, du décret du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement-II, le délai de prescription pour le remboursement des sommes payées indûment ne peut plus être interrompu que conformément à l'article 2244 du Code civil et non plus par lettre recommandée à la poste, comme cela était possible antérieurement, en vertu de l'article 7, § 2, de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces (article 106, § 2, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat).

La disposition du décret du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX, qui rendait à nouveau possible l'interruption de la prescription par une lettre recommandée à la poste, a été annulée par la Cour, dans l'arrêt n° 36/2000, en raison de son effet rétroactif. L'article présentement attaqué, adopté après le jugement du Tribunal de première instance d'Anvers, vise à rétablir la forme de l'interruption originaire par une disposition interprétative.

A.2. La recevabilité du recours en annulation n'est pas contestée.

A.3. Avant d'exposer leurs moyens, les parties requérantes observent que l'article 7, § 2, de la loi du 6 février 1970 auquel la disposition attaquée fait référence est repris, en tant qu'article 106, § 2, dans les lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat.

Elles en déduisent que l'article 7, § 2, ne peut plus s'appliquer qu'aux provinces. En tant que l'article attaqué dispose que l'article 198 du décret du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement-II ne porte pas préjudice aux dispositions de l'article 7, § 2, précité, il serait ainsi exclusivement applicable à l'enseignement provincial. Etant donné que le législateur décrétal, selon ce qui ressort des travaux préparatoires, envisageait toutefois une application plus étendue, les parties requérantes attaquent cette disposition à la lumière de la volonté du législateur décrétal.

A.4. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des dispositions répartitrices de compétences, et en particulier des articles 35, 74, 3°, 128 et 129 de la Constitution et de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989.

En ce que la disposition attaquée tend à rendre applicables à une répétition réglée par décret les conditions de forme de l'article 7, § 2, de la loi du 6 février 1970 et de l'article 106, § 2, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat, l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement serait violé. En effet, selon le Conseil d'Etat, cette disposition empêche que des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat puissent être confirmées par décret.

En outre, la disposition attaquée étendrait le champ d'application de l'article 7, § 2, de la loi du 6 février 1970 et de l'article 106, § 2, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat au régime de la répétition d'indu concernant l'enseignement de la Communauté flamande.

L'extension d'une loi fédérale par une disposition décrétale serait cependant impossible, selon les parties requérantes.

A.5. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec les articles 13, 144, 146, 159 et 187 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Elles soulignent que la disposition attaquée n'a nullement un caractère interprétatif mais qu'elle a seulement été adoptée en vue de pouvoir conférer un effet rétroactif aux conditions de forme que l'on entend lier à l'article 198 du décret sur l'enseignement-II et pour empêcher ainsi les tribunaux de se prononcer sur une question de droit déterminée. Ainsi qu'il ressort déjà de l'arrêt n° 36/2000, on n'aperçoit pas quelles circonstances exceptionnelles pourraient justifier cet effet rétroactif qui porte atteinte, au détriment d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

A.6. Dans son mémoire, le Gouvernement flamand n'examine pas chacun des moyens séparément. Il se limite à des considérations sur le caractère interprétatif de la disposition attaquée. A cet égard, il reste ° convaincu qu'on peut pencher en dernière analyse pour la thèse selon laquelle il pourrait bien s'agir en l'espèce d'une disposition interprétative » et souligne que seul un décret peut donner une interprétation authentique des décrets (article 133 de la Constitution). Selon lui, les lois interprétatives sont réputées n'avoir pas d'effet rétroactif et n'entraîner aucune modification des situations juridiques, mais sont censées coïncider avec la loi interprétée. En outre, en vertu de l'article 7 du Code judiciaire, les juges sont tenus de se conformer aux lois interprétatives dans toutes les affaires où le point de droit n'est pas définitivement jugé au moment où ces lois deviennent obligatoires. A l'appui de sa thèse, le Gouvernement flamand fait enfin référence à l'arrêt n° 37/93 de la Cour, à la jurisprudence de la Cour de cassation et aux travaux préparatoires de la disposition attaquée.

A.7. Les parties requérantes maintiennent que la disposition attaquée n'a pas un caractère interprétatif. Le premier critère pour vérifier si une règle de droit est interprétative est, estiment-elles, que la règle originaire soit imprécise, incertaine ou controversable. Depuis l'arrêt n° 36/2000, le décret du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX peut difficilement être considéré comme imprécis, incertain ou controversable. Un deuxième critère implique que l'interprétation ne peut pas donner au droit un tour inattendu, de sorte que le juge doit aussi pouvoir trouver cette interprétation sans aide législative. Il n'est pas non plus satisfait à ce critère, disent les parties requérantes en renvoyant au jugement du Tribunal de première instance d'Anvers mentionné en A.1 et à l'avis du Conseil d'Etat.

A.8. En tant que le deuxième moyen fait référence à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les parties requérantes se réfèrent enfin à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, en vertu de laquelle le pouvoir législatif ne peut s'immiscer dans l'administration de la justice avec l'intention d'influencer l'issue juridique d'un litige; dans ces hypothèses, les principes de l'Etat de droit et du traitement équitable d'une cause s'opposent à l'effet rétroactif, à moins qu'existent pour cela des raisons impératives d'intérêt général. - B - La disposition attaquée et sa genèse B.1.1. La disposition attaquée porte sur la prescription des actions en recouvrement intentées par la Communauté flamande pour des sommes indûment payées aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement et aux membres du personnel enseignant.

B.1.2. Avant d'avoir été complété par un paragraphe 4 inséré par l'article 9 entrepris du décret du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX, l'article 198 du décret de la Communauté flamande du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement-II disposait : « § 1er. En ce qui concerne les moyens de fonctionnement ou subventions alloués, ainsi que les traitements, subventions-traitements, avances sur ceux-ci et allocations ou indemnités qui forment un complément aux traitements et subventions-traitements ou y sont assimilées, les sommes payées indûment par la Communauté flamande ou son prédécesseur aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement et aux membres du personnel sont définitivement acquises à ces bénéficiaires si le recouvrement n'est pas demandé dans un délai d'un an à dater du 1er janvier suivant la date de paiement.

Le délai fixé au 1er alinéa est porté à trente ans si les sommes indues ont été obtenues par fraude ou par des déclarations fausses ou sciemment incomplètes. § 2. Par dérogation au § 1er, premier alinéa, le délai de prescription est de : - trois ans, prenant cours le 1er janvier 1991, pour toutes les sommes payées entre le 1er janvier 1986 et le 1er janvier 1991, étant entendu que le recouvrement ne peut être demandé pour une période dépassant cinq années; - deux ans, prenant cours le 1er janvier 1992, pour toutes les sommes payées entre le 1er janvier 1991 et le 1er janvier 1992. § 3. En matière de traitements, de subventions-traitements, d'avances sur ceux-ci et en matière d'indemnités qui forment un complément à ces traitements et subventions-traitements ou y sont assimilées, il n'est pas demandé de remboursement des sommes payées indûment par la Communauté flamande aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement et aux membres du personnel, dont le montant total ne dépasse pas 1.000 francs, sauf si le montant payé indûment peut être récupéré sur les traitements ou subventions-traitements encore à payer ou sur des montants encore à payer aux mêmes fins.

Sur la proposition du Ministre flamand de l'Enseignement, le Gouvernement flamand peut augmenter le montant fixé à l'alinéa précédent. » Selon l'exposé des motifs du décret du 31 juillet 1990, cette disposition (l'article 197 du projet, qui est devenu l'article 198) « entendait accroître la sécurité juridique pour les pouvoirs organisateurs de l'enseignement s'agissant des subventions ou moyens de fonctionnement alloués et des subventions-traitements octroyées » (Doc. , Conseil flamand, 1989-1990, n° 365-1, p. 58).

Cet article 198 est entré en vigueur le 1er septembre 1990.

B.1.3. L'article 9 du décret du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX dispose : « A l'article 198 du décret du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement II, un paragraphe 4 est inséré, libellé comme suit : ' § 4. Pour être valable, la demande de remboursement doit être portée à la connaissance du débiteur par lettre recommandée à la poste, moyennant mention : 1° du montant total de la somme réclamée, accompagnée d'un relevé, sur base annuelle, des paiements indus;2° des dispositions auxquelles les paiements sont contraires. A compter de la date du dépôt de la lettre recommandée, le montant indu peut être réclamé durant une période de trente ans. ' » Cet article est issu d'un amendement justifié comme suit : « La loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces, publiée au Moniteur belge du 28 février 1970, contient, en son chapitre II, les dispositions relatives à la prescription des créances au profit de l'Etat (art. 7, §§ 1er à 3). L'article 7, § 1er, de la loi précitée dispose notamment que les sommes indûment payées par l'Etat sont définitivement acquises lorsque le remboursement n'en a pas été réclamé dans un délai de cinq ans à partir du 1er janvier de l'année du paiement, sauf pour les sommes indues obtenues par des manoeuvres frauduleuses ou par des déclarations fausses ou sciemment incomplètes, pour lesquelles est applicable un délai de trente ans.

L'article 198 du décret du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement II a ramené de cinq à un an, à partir du 1er septembre 1990, pour l'enseignement en Communauté flamande, le délai de prescription cité en premier lieu et a prévu une période transitoire.

Les lois relatives à la comptabilité de l'Etat ont été coordonnées par arrêté royal du 17 juillet 1991, publié au Moniteur belge du 21 août 1991. Cette coordination a pris en compte la loi du 6 février 1970, modifiée par la loi du 24 décembre 1976, en tant que les dispositions sont applicables à la comptabilité de l'Etat.En faisant abstraction des pensions, l'article 7, §§ 1er et 2, de la loi du 6 février 1970 constitue l'article 106 de la loi coordonnée et dispose : '

Art. 106.§ 1er. Sont définitivement acquises à ceux qui les ont reçues les sommes payées indûment par l'Etat en matière de traitements, d'avances sur ceux-ci ainsi que d'indemnités ou d'allocations qui sont accessoires ou similaires aux traitements lorsque le remboursement n'en a pas été réclamé dans un délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année du paiement.

Le délai fixé à l'alinéa 1er est porté à trente ans lorsque les sommes indues ont été obtenues par des manoeuvres frauduleuses ou par des déclarations fausses ou sciemment incomplètes. § 2. Pour être valable, la réclamation doit être notifiée au débiteur par lettre recommandée à la poste et contenir : 1° le montant total de la somme réclamée avec, par année, le relevé des paiements indus;2° la mention des dispositions en violation desquelles les paiements ont été faits. A dater du dépôt de la lettre recommandée, la répétition de l'indu peut être poursuivie pendant trente ans. ' L'article 198 du décret du 31 juillet 1990 prévoit quant à lui les délais dans lesquels les sommes indûment payées sont définitivement acquises à ceux qui les ont reçues, mais ne prévoit pas de quelle manière le remboursement de ces sommes doit être demandé et comment la prescription est interrompue. Il semblait à ce moment superflu de prévoir une disposition en la matière étant donné que les dispositions figurant à l'article 7, § 2, de la loi du 6 février 1970 et ultérieurement à l'article 106, § 2, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées le 17 juillet 1991, demeuraient entièrement applicables à l'enseignement en Communauté flamande et ont été appliquées sans restriction.

Dans un souci de clarté et afin d'éviter toute contestation à cet égard, il semble toutefois souhaitable de compléter l'article 198 du décret du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement II par un paragraphe 4, reprenant les dispositions de l'article 106, § 2, précité des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées le 17 juillet 1991. » (Doc. , Parlement flamand, 1997-1998, n° 1057-2, pp. 3-4) B.1.4. L'article 15, 1°, du décret du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX disposait : « L'article 9 produit ses effets le 1er septembre 1990. » Il s'agit de la date à laquelle l'article 198 du décret du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement-II est entré en vigueur.

Dans son arrêt n° 36/2000 du 29 mars 2000, la Cour a annulé l'article 15, 1°, du décret du 14 juillet 1998.

B.1.5. L'article XIII.2 présentement attaqué du décret du 13 juillet 2001 relatif à l'enseignement-XIII-Mosaïque dispose : « L'article 198 du même décret [du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement-II] est interprété comme suit : ' Cet article ne porte pas préjudice aux dispositions de l'article 7, § 2, de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces. ' » Selon les travaux préparatoires de cette disposition, il ne ressortait pas suffisamment du texte des articles 9 et 15, 1°, du décret du 14 juillet 1998 « que le but n'était pas de créer une nouvelle réglementation mais seulement d'insister sur l'applicabilité des dispositions de la loi du 6 février 1970. Le projet d'article donne une interprétation authentique à l'article 198 du décret relatif à l'enseignement II. Une telle interprétation implique qu'un article doit être interprété dans ce sens dès le moment de son entrée en vigueur » (Doc. , Parlement flamand, 2000-2001, n° 729/1, p. 42).

Quant au premier moyen B.2. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des dispositions répartitrices de compétences et, en particulier, des articles 35, 74, 3°, 128 et 129 de la Constitution et de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

Elles estiment, plus précisément, que l'article 71, § 1er, précité empêche que les dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat puissent être confirmées ou étendues par décret.

B.3. En vertu de l'article 50, § 2, alinéa 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, la loi détermine les dispositions générales applicables aux budgets et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle exercé par la Cour des comptes.

Tant que cette loi déterminant les dispositions générales n'est pas entrée en vigueur, ce sont les dispositions en vigueur relatives à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes et du contrôle de l'octroi et de l'emploi de subventions, ainsi que les dispositions en matière de comptabilité de l'Etat qui, en vertu de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement, sont applicables aux communautés et aux régions.

B.4. L'article 7 de la loi du 6 février 1970 contient, en ce qui concerne les créances de l'Etat, une dérogation à la règle de prescription du droit commun. Cette dérogation a donc une influence directe sur la comptabilité et les comptes de l'Etat. Les dispositions de l'article 7 ont du reste été reprises dans les lois sur la comptabilité de l'Etat coordonnées le 17 juillet 1991 (articles 106 et 107).

L'article 7 de la loi du 6 février 1970 doit dès lors être considéré comme une disposition relative à la comptabilité de l'Etat. Il est, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi visée à l'article 50, § 2, de la loi spéciale de financement, applicable par analogie aux communautés et régions.

B.5. En vertu de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, les décrets peuvent porter des dispositions relatives à des matières pour lesquelles ce n'est pas le législateur décrétal mais le législateur fédéral qui est en principe compétent. Il est requis à cet effet que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région ou de la communauté, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions en cause sur cette matière ne soit que marginale.

B.6. La disposition attaquée se donne pour objectif d'interpréter l'article 198 du décret du 31 juillet 1990 relatif à l'enseignement-II. Pour vérifier si la disposition attaquée pouvait être adoptée en application de l'article 10 de la loi spéciale, la Cour doit d'abord examiner si cet article 198 répond aux conditions d'application de l'article 10.

B.7. L'article 198 du décret du 31 juillet 1990 a pour objet principal de ramener de cinq à un an le délai de prescription applicable à la répétition des sommes indûment payées par la Communauté flamande aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement et aux membres du personnel enseignant.

Il se déduit des travaux préparatoires que le législateur décrétal a jugé que cette disposition était nécessaire pour améliorer, en faveur des pouvoirs organisateurs de l'enseignement, la sécurité juridique concernant les moyens ou subventions de fonctionnement et les subventions-traitements accordés (Doc. , Conseil flamand, 1989-1990, n° 365-1, p.58).

Il n'apparaît pas que cette appréciation soit manifestement inexacte.

La matière de la prescription des actions en répétition des sommes indûment payées par la Communauté flamande dans le secteur de l'enseignement se prête à un règlement différencié et l'incidence de la disposition examinée sur la matière qui fait l'objet de la loi du 6 février 1970 est marginale.

B.8. En application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, l'article 198 du décret du 31 juillet 1990 a pu prévoir, pour les créances de la Communauté flamande nées du paiement indu de subventions aux pouvoirs organisateurs et de traitements aux enseignants, une réglementation spécifique, différente des règles générales établies par l'article 7 de la loi du 6 février 1970.

B.9. Dès lors que l'article 198 du décret du 31 juillet 1990 a été adopté dans le respect des règles répartitrices de compétences, il convient de conclure de la même manière en ce qui concerne la disposition attaquée, qui se donne pour objet d'interpréter cet article 198.

B.10. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au second moyen B.11. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution considérés isolément et combinés avec les articles 13, 144, 146, 159 et 187 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes estiment que, par la disposition attaquée, le législateur décrétal a voulu empêcher que la Cour d'appel d'Anvers puisse se prononcer sur la question de droit dont elle est saisie et que l'effet rétroactif de cette disposition a pour conséquence que le déroulement de la cause est influencé dans un sens déterminé, de sorte qu'une catégorie de personnes se voit privée des garanties juridictionnelles offertes à tous.

Selon le Gouvernement flamand, les lois interprétatives sont réputées n'avoir pas d'effet rétroactif et n'entraîner aucune modification des situations juridiques, mais censées s'incorporer à la loi qu'elles interprètent.

B.12.1. C'est le propre d'une loi interprétative de sortir ses effets à la date d'entrée en vigueur des dispositions législatives qu'elle interprète. Une loi interprétative est, en effet, celle qui donne à une disposition législative le sens que, selon le législateur, elle aurait dû avoir dès son adoption.

B.12.2. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que chacun puisse prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise. Cette garantie ne pourrait être éludée par le seul fait qu'une loi ayant un effet rétroactif serait présentée comme une loi interprétative. La Cour ne pourrait donc se dispenser d'examiner si une loi qualifiée d'interprétative est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12.3. Abstraction faite du droit répressif, l'effet rétroactif qui s'attache à une disposition législative interprétative est justifié lorsque la disposition interprétée ne pouvait, dès l'origine, être raisonnablement comprise autrement que de la manière indiquée dans la disposition interprétative.

B.12.4. Si tel n'est pas le cas, la disposition dite interprétative est en réalité une disposition rétroactive pure et simple. Par conséquent, sa rétroactivité ne peut se justifier que lorsqu'elle est indispensable pour réaliser un objectif d'intérêt général, tel que le bon fonctionnement ou la continuité du service public. S'il s'avère que la rétroactivité a en outre pour effet d'influencer dans un sens déterminé l'issue de procédures judiciaires ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit dont elles sont saisies, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles justifient cette intervention du législateur qui porte atteinte, au détriment d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.13. L'article 198 du décret du 31 juillet 1990 prévoit, pour la répétition de subventions et de traitements indûment payés en matière d'enseignement, une réglementation qui déroge à celle de l'article 7 de la loi du 6 février 1970.

Le décret du 31 juillet 1990 ramenait de cinq à un an le délai de prescription mais ne contenait aucune règle relative au mode d'interruption de cette prescription.

B.14. Le point de savoir si cette prescription d'un an est interrompue par une citation en justice ou par une lettre recommandée dépend non de l'interprétation des termes du décret mais de celle qui peut être déduite de son silence sur ce point.

B.15. Le législateur décrétal pouvait, ainsi qu'il l'a fait en adoptant le décret du 14 juillet 1998, considérer que la Communauté flamande, comme toute autre autorité publique à laquelle s'applique la loi du 6 février 1970, devait avoir la possibilité d'interrompre la prescription par lettre recommandée. Mais en ne prévoyant cette possibilité que dans le décret du 14 juillet 1998, avec effet rétroactif au 1er septembre 1990, il a pris une mesure dont la rétroactivité ne s'appuie pas sur des raisons d'intérêt général ou sur des circonstances exceptionnelles l'autorisant à intervenir dans des procédures pendantes.

B.16. En reprenant, dans la disposition attaquée, une mesure qui a les mêmes effets que celle que la Cour a annulée par son arrêt n° 36/2000, mais en la qualifiant cette fois d'interprétative, alors qu'elle ajoute au décret du 31 juillet 1990 une disposition qui ne s'y trouvait pas, le législateur décrétal a pris une mesure qui n'est pas davantage compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.17. Le moyen est fondé.

Par ces motifs, la Cour annule l'article XIII.2 du décret de la Communauté flamande du 13 juillet 2001 relatif à l'enseignement-XIII-Mosaïque.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 décembre 2002.

Le greffier, L. Potoms Le président, A. Arts

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