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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 05 janvier 1999

Arrêt n° 134/98 du 16 décembre 1998 Numéros du rôle : 1138 et 1105 En cause : - le recours en annulation partielle du décret de la Communauté française du 4 février 1997 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmit - les questions préjudicielles relatives à l'article 29 du même décret de la Communauté française, (...)

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Arrêt n° 134/98 du 16 décembre 1998 Numéros du rôle : 1138 et 1105 En cause : - le recours en annulation partielle du décret de la Communauté française du 4 février 1997 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement, introduit par M. Hupet et autres; - les questions préjudicielles relatives à l'article 29 du même décret de la Communauté française, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et du recours en annulation a. Par arrêt n° 66.555 du 4 juin 1997 en cause de J. Fontiny contre la Communauté française, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 juin 1997, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Le décret du 4 février 1997 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement relève-t-il de la compétence de la Communauté française en ce que son article 29 lui donne un effet rétroactif au 1er septembre 1995, qui empêche le Conseil d'Etat de juger la validité d'une décision de mise en disponibilité d'un membre du personnel d'un centre psycho-médico-social, compte tenu de ce que le Conseil d'Etat tient son pouvoir de la loi fédérale et que ses attributions ne peuvent être fixées que par la loi fédérale ? » 2.« Le même décret est-il compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que son article 29 précité rend inopérant le recours introduit devant le Conseil d'Etat contre une décision prise en application d'un arrêté ayant au moins partiellement le même objet, et prive le requérant d'une garantie juridictionnelle dont jouissent tous les autres citoyens, créant ainsi une différence de traitement dont il convient de se demander si elle est objectivement justifiée ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1105 du rôle de la Cour. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 août 1997 et parvenue au greffe le 5 août 1997, un recours en annulation des articles 6, 7, 8, 12, alinéa 2, 18, 19, 28 et 29, ainsi que, dans la mesure rendue nécessaire par l'annulation des articles précités, des articles 22, 23, 24, 25, 26 et 27 du décret de la Communauté française du 4 février 1997 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement (publié au Moniteur belge du 6 février 1997) a été introduit par M.Hupet, demeurant à 6852 Opont, rue Moulin d'Our 3, C. Ponsard, demeurant à 4000 Liège, quai de Rome 64, S. Deneil, demeurant à 1410 Waterloo, clos des Essarts 11, P. Goffinet, demeurant à 6840 Neufchâteau, avenue de la Gare 78, A. Vos, demeurant à 1430 Quenast, rue de Wisbecq 5, M. Burnotte, demeurant à 6960 Manhay, chaussée Romaine 26, H. Vervier, demeurant à 4670 Blégny, rue de la Fontaine 31, C. Collard, demeurant à 5651 Tarcienne, rue Try des Marais 113, A. Decock, demeurant à 5100 Wépion, Bois Saint-Antoine 5, et Y. Fercot, demeurant à 7134 Leval-Trahignies, rue Albert Ier 265.

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1138 du rôle de la Cour.

II. Les faits et la procédure antérieure dans l'affaire portant le numéro 1105 du rôle J. Fontiny a introduit devant le Conseil d'Etat un recours en annulation de l'arrêté ministériel portant sa mise en disponibilité pour cause de maladie à partir du 6 février 1996 et de l'arrêté ministériel par lequel il est admis à la retraite à partir du 1er octobre 1996.

Ces arrêtés sont fondés sur les dispositions de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995 portant modification du régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité des membres du personnel technique des centres psycho-médico-sociaux. Cet arrêté a été annulé par l'arrêt n° 63.463 du Conseil d'Etat du 9 décembre 1996 au motif que les mesures qu'il prenait relevaient du pouvoir décrétal. Les mêmes dispositions ont été reprises par décret le 4 février 1997.

L'auditeur-rapporteur devant le Conseil d'Etat a soulevé un moyen d'office tiré de ce que l'arrêté attaqué, en raison de l'annulation par le Conseil d'Etat, est privé de son unique fondement en droit.

Concluant que des doutes pesaient sur la constitutionnalité du décret du 4 février 1997, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles précitées.

III. La procédure devant la Cour a) Dans l'affaire portant le numéro 1105 du rôle Par ordonnance du 23 juin 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 août 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 19 août 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - J. Fontiny, demeurant à 1200 Bruxelles, avenue Général Lartigue 15, par lettre recommandée à la poste le 24 septembre 1997; - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 29 septembre 1997. b) Dans l'affaire portant le numéro 1138 du rôle Par ordonnance du 5 août 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 septembre 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 19 septembre 1997.

Le recours a été notifié à J. Fontiny conformément à l'article 78 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 23 septembre 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 30 octobre 1997; - J. Fontiny, demeurant à 1200 Bruxelles, avenue Général Lartigue 15, par lettre recommandée à la poste le 7 novembre 1997. c) Dans les deux affaires Par ordonnance du 17 septembre 1997, la Cour a joint les affaires. Les mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 novembre 1997 et le 9 janvier 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - J. Fontiny, par lettre recommandée à la poste le 16 décembre 1997; - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 16 décembre 1997; - M. Hupet et autres, par lettre recommandée à la poste le 10 février 1998.

Par ordonnances du 25 novembre 1997 et du 27 mai 1998, la Cour a prorogé jusqu'aux 23 juin 1998 et 23 décembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 16 septembre 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998.

A l'audience publique du 16 septembre 1998 : - ont comparu : . Me D. Wagner, avocat au barreau de Liège, pour les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1138 du rôle; . Me M. Detry, avocat au barreau de Bruxelles, pour J. Fontiny; . Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. Les dispositions en cause Les articles attaqués du décret du 4 février 1997 disposent comme suit : «

Art. 6.Le membre du personnel visé à l'article 5, en activité de service, qui est empêché d'exercer normalement ses fonctions par suite de maladie ou d'infirmité, peut bénéficier, pendant chaque période scolaire, de congés pour cause de maladie ou d'infirmité à raison de quinze jours ouvrables.

Art. 7.Le membre du personnel nommé ou engagé à titre définitif à la date du 1er septembre 1995, peut également bénéficier de soixante jours ouvrables de congés pour cause de maladie ou d'infirmité, sur l'ensemble de sa carrière.

Le membre du personnel nommé ou engagé à titre définitif après le 1er septembre 1995, peut bénéficier du nombre de jours ouvrables de congé pour cause de maladie ou d'infirmité auquel il aurait eu droit, à la veille de sa nomination ou de son engagement à titre définitif, en application du chapitre III, sans que ce nombre puisse dépasser soixante jours ouvrables.

Pour le membre du personnel invalide de guerre, le nombre de jours de congé fixé aux alinéas 1er et 2 est porté à nonante jours.

Art. 8.Lorsque le membre du personnel a bénéficié de jours de congé pour cause de maladie ou d'infirmité en application de l'article 7, le nombre maximum de jours de congé fixé par cet article peut être reconstitué au cours de la carrière, à raison de la moitié du solde des jours de congé pour cause de maladie ou d'infirmité visés à l'article 6, que l'intéressé n'a pas épuisés à la fin de chaque période scolaire, le nombre ainsi obtenu étant, le cas échéant, arrondi à l'unité inférieure.

Art. 12.[...] Le membre du personnel qui a atteint l'âge de cinquante-neuf ans et qui se trouve en disponibilité par application de l'alinéa précédent, est maintenu en disponibilité jusqu'au terme de sa carrière.

Art. 18.Il est attribué au membre du personnel visé à l'article 17, un jour ouvrable de congé rémunéré pour cause de maladie ou d'infirmité, par dix jours de services effectifs accomplis, depuis la date de sa première désignation ou de son premier engagement à titre temporaire, conformément aux alinéas 2 et 3.

Lors de la première interruption de service pour cause de maladie ou d'infirmité, le membre du personnel peut bénéficier du nombre de jours de congé rémunéré calculé en application de l'alinéa 1er, sans que ce nombre puisse dépasser soixante jours ouvrables.

Lorsque le membre du personnel doit à nouveau interrompre son service pour cause de maladie ou d'infirmité, le nombre de jours de congé rémunéré auquel il peut prétendre est égal à la différence entre le nombre de jours de congé rémunéré dont il aurait pu bénéficier lors de la période de maladie précédente et le nombre de jours de congé qu'il a pris, additionnée d'un jour par dix jours de services effectifs accomplis depuis la fin de l'interruption de service précédente, sans que le total des jours de congé pour cause de maladie ou d'infirmité puisse dépasser soixante jours ouvrables.

Par services effectifs accomplis, il faut entendre les jours de présence ou assimilés durant les jours d'ouverture de l'établissement ou les prestations visées à l'article 7 du décret du 25 juillet 1996 relatif aux charges et emplois des Hautes Ecoles organisées ou subventionnées par la Communauté française.

Art. 19.Par dérogation à l'article 18, le membre du personnel, désigné ou engagé pour la durée complète de l'année scolaire ou académique et qui doit interrompre son service pour cause de maladie ou d'infirmité, peut prétendre pour l'année considérée, à dix-huit jours ouvrables de congé rémunéré lorsque l'application de l'article 18 lui est moins favorable.

Toutefois, lorsque le membre du personnel concerné met fin volontairement à ses fonctions avant le terme de l'année scolaire ou académique, son dernier traitement d'activité est diminué d'une somme égale à la différence entre la rémunération qu'il a obtenue sur la base de l'alinéa 1er et celle à laquelle il aurait pu prétendre en application de l'article 18.

Article 28.Par dérogation à l'article 7 du présent décret, le nombre de jours ouvrables de congé pour cause de maladie ou d'infirmité auquel peut prétendre le membre du personnel qui, au 1er septembre 1995, est âgé de 59 ans accomplis et se trouve en activité de service ou en non activité, est diminué jusqu'à concurrence du nombre de jours de congé pour cause de maladie ou d'infirmité pris par l'intéressé au-delà de trente jours, au cours de la période scolaire s'étendant du 1er septembre 1994 au 31 août 1995. En aucun cas, le nombre total de jours de congé auquel peut prétendre le membre du personnel ne peut être inférieur à trente jours ouvrables.

Art. 29.Le présent décret produit ses effets le 1er septembre 1995. » Enfin, les articles 22, 23, 24, 25, 26 et 27 attaqués du décret abrogent la réglementation antérieure.

V. En droit - A - Dans l'affaire portant le numéro 1105 du rôle Mémoire de la partie requérante devant le Conseil d'Etat A.1. En conférant une portée rétroactive au décret du 4 février 1997, la Communauté française a empêché le requérant devant le Conseil d'Etat d'obtenir une solution au recours qu'il avait introduit devant la haute juridiction administrative.

La Cour a estimé, dans son arrêt n° 31/95 du 4 avril 1995, que si la rétroactivité d'un arrêté de réfection d'un arrêté annulé par le Conseil d'Etat avait pour objectif unique ou principal d'influer sur l'issue de certaines procédures juridictionnelles ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit, sans que des circonstances exceptionnelles puissent justifier cette ingérence, elle était illégale.

En l'espèce, la rétroactivité conférée à la mise en application du décret du 4 février 1997, d'initiative gouvernementale, a manifestement pour objet d'empêcher le Conseil d'Etat de statuer sur la régularité des décisions prises en application de l'arrêté illégal que ce décret remplace.

Mémoire du Gouvernement de la Communauté française A.2.1. La première question préjudicielle appelle une réponse négative. A défaut, en effet, on exclurait la possibilité pour les législateurs des entités fédérées de procéder à des validations législatives, en toute matière, alors même qu'il est constant que ces législateurs disposent, au plan de la technique législative, de moyens de mise en oeuvre de leurs compétences matérielles identiques à ceux du législateur fédéral.

Le raisonnement qui sous-tend la question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat revient à opposer deux dispositions constitutionnelles : l'article 24, § 5, de la Constitution, d'une part, l'article 160, d'autre part.

En transférant la politique de l'enseignement aux communautés, le Constituant de 1988 a entendu conférer une compétence de large autonomie, sinon de pleine autonomie aux communautés. Raisonner dans un sens qui revient à privilégier le pouvoir du législateur fédéral de déterminer la compétence du Conseil d'Etat, au détriment du pouvoir conféré par la Constitution en matière d'enseignement aux conseils de communauté, conduit à restreindre indûment la compétence des communautés dans une matière où le Constituant a pourtant entendu leur conférer une compétence exclusive.

A.2.2. La question posée par le Conseil d'Etat doit être résolue à la lumière de la notion des pouvoirs implicites telle que cette notion est consacrée par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 et la jurisprudence de la Cour.

On ne saurait dénier l'impact marginal du décret du 4 février 1997 sur la compétence de la section d'administration du Conseil d'Etat : l'effet rétroactif qui s'attache à ce décret n'a pour seule conséquence que d'affecter le seul recours du requérant. La matière touchée, ensuite, soit l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, ne se prête pas à un traitement différencié, dès lors qu'il est admis, et sous la réserve du respect des articles 10 et 11 de la Constitution, que certains justiciables puissent se voir privés de leur droit à un recours effectif devant le Conseil d'Etat. Enfin, le lien entre les matières en cause apparaît dans la mesure où la Communauté française était tenue de combler le vide juridique résultant de l'arrêt d'annulation du Conseil d'Etat du 9 décembre 1996 et ne pouvait, dès lors, que conférer un effet rétroactif au décret du 4 février 1997.

En toute hypothèse, à reprendre - quod non - l'enseignement de l'arrêt n° 46 de la Cour du 11 avril 1988, encore faut-il constater qu'il n'y aurait pas, en l'occurrence, d'empiétement du Conseil de la Communauté française sur les compétences du législateur fédéral.Le décret entrepris n'a été adopté que pour confirmer un texte dont seule la compétence de l'auteur de l'acte était en cause. Même plus, à ce jour, aucun recours en annulation n'a été formé devant la Cour, qui aurait soutenu que ce décret violerait les articles 10, 11 et 24 de la Constitution. Sur ce point, on retiendra que le délai de recours est aujourd'hui expiré, dès lors qu'il a commencé à courir à compter du 6 février 1997.

En outre, le décret du 4 février 1997 a validé un arrêté du Gouvernement, c'est-à-dire un acte réglementaire. En raison de ce caractère, l'effet exclusif de cette validation ne se borne pas à paralyser la saisine du Conseil d'Etat.

Au contraire, l'acte validé a une portée générale. Il produit, par conséquent, des effets juridiques envers toute personne entrant dans son champ d'application.

A.3.1. La seconde question appelle, elle aussi, une réponse négative.

La technique de la validation législative n'est pas en soi illégale ni contraire au principe d'égalité contenu dans les articles 10 et 11 de la Constitution. Certes, il ne saurait être nié que, s'agissant de la notion de situations comparables, le requérant doive voir sa situation comparée par rapport aux autres justiciables. Or, il est certain que le requérant se voit privé, de par l'effet rétroactif du décret du 4 février 1997, de son droit à voir le Conseil d'Etat examiner la légalité de décisions individuelles qui l'affectent directement.

Cependant, le requérant étant le seul des agents de la Communauté française visés non seulement par le décret du 4 février 1997, mais également par son article 1er, 4°, à avoir introduit devant le Conseil d'Etat un recours en annulation contre des mesures d'exécution de l'arrêté du 28 août 1995, il ne saurait y avoir en l'espèce de discrimination, dès lors que le requérant ne peut voir sa situation comparée à d'autres justiciables.

A.3.2. Quoi qu'il en soit, le seul objet de cette validation n'est pas d'empêcher le Conseil d'Etat de juger la légalité d'un acte administratif attaqué devant lui. En procédant de la sorte, le législateur décrétal a entendu exécuter l'arrêt du Conseil d'Etat et par là se conformer au texte constitutionnel, exerçant une compétence qui lui revenait en vertu de l'article 24, § 5, de la Constitution.

Tout au contraire, accréditer la thèse selon laquelle le législateur décrétal a violé les articles 10 et 11 de la Constitution en faisant rétroagir la norme attaquée reviendrait à retenir une interprétation qui l'empêcherait d'exercer pleinement sa compétence. En outre, il convient de relever qu'en octroyant un effet rétroactif au décret attaqué, le législateur décrétal ne s'est aucunement approprié les vices qui entachaient l'arrêté du 28 août 1995, annulé par le Conseil d'Etat.

Mémoire en réponse de la partie requérante devant le Conseil d'Etat A.4.1. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement de la Communauté française, le requérant a intérêt à ce que la Cour réponde aux questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat puisque l'annulation de l'acte entrepris aurait pour conséquence qu'il serait censé ne pas avoir été mis à la pension à la date de l'arrêté annulé et qu'on devrait alors considérer qu'il est resté en service jusqu'à l'âge normal de la pension.

A.4.2. Sur le fond, quant à la seconde question préjudicielle, la circonstance que le requérant soit le seul à avoir demandé l'annulation de dispositions prises est sans incidence sur les arguments selon lesquels le décret emporte discrimination entre le requérant, les enseignants et les autres agents de la fonction publique : le constat d'inconstitutionnalité fait par la Cour vaut, en effet, erga omnes.

Mémoire en réponse du Gouvernement de la Communauté française A.5. Dans le cadre de l'instruction du recours en annulation que la partie requérante avait introduit, l'auditeur avait estimé que le recours était fondé, en considérant d'office que les arrêtés pris à l'encontre du requérant devaient être annulés pour défaut de base légale, à raison de l'annulation de l'arrêté du 28 août 1995 portant modification du régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité des membres du personnel technique des centres psycho-médico-sociaux de la Communauté française. Il concluait, en outre, que « la requête semble devoir être rejetée pour le surplus ».

Dans son dernier mémoire, le requérant a évoqué l'adoption, par le Conseil de la Communauté française, du décret du 4 février 1997 et a fait valoir que le moyen invoqué d'office par l'auditeur-rapporteur manquait de fondement.

Lors de l'audience du 14 mai 1997, le requérant était absent. Ainsi, les questions dont la Cour est saisie aujourd'hui ont été soulevées d'office.

Dans l'affaire portant le numéro 1138 du rôle Requête A.6.1. Un premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution dont sont victimes les seuls membres du personnel de l'enseignement relevant de la Communauté française par rapport, d'une part, aux autres agents de la fonction publique relevant tant de l'Etat fédéral que des régions, des communautés et des autres autorités administratives et, d'autre part, par rapport aux membres du personnel de l'enseignement relevant respectivement de la Communauté flamande et de la Communauté germanophone.

A.6.2. Dans une première branche, la violation du principe d'égalité et de non-discrimination est invoquée par rapport aux agents de la fonction publique en général relevant tant des autorités publiques fédérales que des autorités publiques fédérées ainsi que d'autres autorités administratives en ce que la Communauté française a modifié le régime des congés pour cause de maladie et d'infirmité sans fixer au préalable les droits minimaux en cette matière et en conséquence sans soumettre le projet de décret à la négociation syndicale au sein du comité commun à l'ensemble des services publics, dénommé le comité A, alors que, pour les membres du personnel statutaire relevant du comité des services publics nationaux, communautaires et régionaux, le Roi a fixé par arrêté royal du 22 novembre 1991 les droits minimaux dans cette matière, imposant ainsi à toute autorité de soumettre les propositions relatives aux matières faisant l'objet des droits minimaux à la négociation syndicale au sein du comité A (article 3, § 1er, de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, modifié par l'article 1er de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses).

La seule catégorie du personnel de l'enseignement relevant de la Communauté française est ainsi privée d'une procédure de négociation syndicale devant lui garantir une plus grande protection dans la matière des congés et mises en disponibilité pour maladie et infirmité.

Le nouveau régime imposé dans le seul secteur de l'enseignement est manifestement beaucoup moins favorable aux membres du personnel qui y sont soumis, à la fois par rapport au régime antérieur analogue au régime généralement en vigueur de la fonction publique et par rapport au régime généralement applicable dans la fonction publique tant au niveau fédéral qu'au niveau fédéré, sur la base de l'arrêté royal fixant les droits minimaux et sur la base de l'arrêté royal du 26 septembre 1994 fixant les principes généraux précités.

Les agents de la Communauté française autres que ceux relevant de l'enseignement bénéficient ainsi d'un système de capitalisation des jours de congé de maladie rémunéré auxquels ils ont droit en cours de carrière beaucoup plus avantageux que les membres du personnel de l'enseignement.

A.6.3. Dans une deuxième branche, la violation du principe d'égalité et de non-discrimination est invoquée par rapport aux membres du personnel de l'enseignement de la Communauté flamande et de la Communauté germanophone, en ce que seule la Communauté française a modifié la réglementation relative aux congés de maladie et d'infirmité dans un sens défavorable aux membres du personnel de l'enseignement, méconnaissant, d'une part, l'article 3, § 1er, de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée (voir première branche) et, d'autre part, l'article 13.2, littera e, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels fait à New York le 19 décembre 1966 et approuvé par la loi du 15 mai 1981 et par le décret de la Communauté française du 8 juin 1982, alors que les deux autres communautés n'ont pas modifié défavorablement cette réglementation et, si elles le font, sont supposées respecter à la fois la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée, en fixant la liste des droits minimaux préalablement en la matière et en soumettant leur projet à la négociation syndicale au sein du comité A, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels fait à New York le 19 décembre 1966, en respectant l'obligation de standstill découlant de l'article 13.2, littera e, de ce Pacte.

Certes, chaque communauté est entièrement et seule compétente pour légiférer en matière d'enseignement. Elles sont cependant toutes trois tenues de respecter les normes fédérales et internationales qui s'imposent à chacune d'elles, y compris les principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination.

A.7. Un deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les dispositions attaquées traitent de manière identique des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard des mesures considérées, sont essentiellement différentes.

Les dispositions attaquées fixent un nombre de jours de congé de maladie rémunéré maximum identique du début de la carrière (après environ quatre années de service) à la fin de la carrière, sans tenir compte, comme le faisaient les dispositions antérieures abrogées par les dispositions attaquées, du risque plus élevé de maladie, tant en fréquence qu'en durée, qu'encourent les personnes plus âgées par rapport aux plus jeunes.

Dès lors, les membres du personnel de l'enseignement les plus âgés épuisent beaucoup plus rapidement leur capital congé que les plus jeunes et le reconstituent avec beaucoup plus de difficulté et beaucoup plus lentement que les plus jeunes, moins sujets aux maladies : il faut en effet neuf ans, à condition de ne pas être malade pendant cette période.

Dès lors, les dispositions attaquées traitent de manière identique, sans justification tenant compte du but et des effets des mesures critiquées, des catégories de personnes se trouvant dans des situations présentant des différences objectives importantes.

A.8. Un troisième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution en ce que, d'une part, l'article 12, alinéa 2, du décret traite de manière différente, sans justification objective, les membres du personnel ayant atteint l'âge de 59 ans et en ce que, d'autre part, l'article 28 du décret traite de manière différente, sans justification objective, les membres du personnel âgés de 59 ans au 1er septembre 1995.

Les membres du personnel âgés de 59 ans et plus subissent un sort nettement plus défavorable que les autres membres du personnel de l'enseignement : dès lors qu'ils sont mis en disponibilité pour cause de maladie suite à l'épuisement de leur capital congé, il ne leur est plus possible de reprendre leur fonction même lorsqu'ils retrouvent l'entièreté de leur aptitude physique.

Une telle situation peut se produire après seulement quinze jours de maladie dès lors que le capital de soixante jours aurait été épuisé précédemment et n'aurait pas encore été reconstitué.

Dès lors, ce sont les seuls membres du personnel de l'enseignement qui, bien que remplissant les conditions d'aptitude physique, se voient privés de leur droit au travail, par exception aux règles statutaires applicables qui prévoient toutes la cessation des fonctions uniquement en cas d'inaptitude physique définitive.

A.9. Un quatrième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les dispositions attaquées rétroagissent au 1er septembre 1995, violant ainsi le principe de sécurité juridique en entravant le processus de prise de décision au sein du Conseil de la Communauté française et en privant les membres du personnel concernés de la possibilité de faire valoir l'illégalité des arrêtés du Gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995 violant leurs droits.

Les arrêtés du Gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995 ont été annulés par le Conseil d'Etat pour violation de l'article 24, § 5, de la Constitution.

Le Constituant a voulu que les matières essentielles de l'enseignement donnent lieu à un débat au sein du pouvoir législatif et non seulement au sein du pouvoir exécutif.

En imposant au Conseil de la Communauté française de voter un projet de décret dont l'entrée en vigueur est fixée rétroactivement au 1er septembre 1995, justifiant cette rétroactivité par le fait que « l'absence de rétroactivité impliquerait la révision de toutes les situations administratives individuelles, ce qui créerait à leur niveau une insécurité juridique majeure et au niveau de l'administration, une désorganisation nuisant au bon fonctionnement et à la continuité du service public » (Doc., Parlement de la Communauté française, 1996-1997, n° 135-1, p. 2), le Gouvernement de la Communauté française a entravé le processus de décision au niveau législatif, aucune modification par rapport aux arrêtés annulés n'étant possible.

Les membres du personnel de l'enseignement se sont vus ainsi privés de facto de la garantie constitutionnelle de l'article 24, § 5, celle-ci ne pouvant jouer pleinement en raison même de la rétroactivité du décret.

Dès lors, cette rétroactivité aboutit à valider au nom de la sécurité juridique des situations créées sur la base de dispositions qui violaient l'article 24, § 5, de la Constitution.

Une telle rétroactivité ne peut être admise car elle aboutit à priver les requérants de la possibilité de faire valoir, sur la base de l'article 159 de la Constitution, auprès des juridictions de l'ordre judiciaire l'irrégularité de leur situation née sous l'empire de normes entachées d'une grave illégalité, s'agissant de la violation d'une norme constitutionnelle.

Requête en intervention de J. Fontiny A.10. La partie requérante devant le Conseil d'Etat dans l'affaire inscrite sous le numéro 1105 du rôle, et qui intervient dans l'affaire ici examinée jointe au dossier précédent, se rallie à l'argumentation développée par les requérants.

Mémoire du Gouvernement de la Communauté française A.11. Les requérants appartiennent aux seules catégories de personnel visées à l'article 1er, 1°, 2° et 3°, du décret entrepris. Il s'ensuit qu'une éventuelle annulation par la Cour ne pourrait s'étendre aux membres du personnel visés par l'article 1er, 4°, 5° et 6°, du décret.

En outre, les requérants n'ayant pas attaqué les décisions individuelles qui ont été prises à leur encontre, des questions se posent quant au caractère actuel et direct de leur intérêt.

A.12.1. En sa première branche, le premier moyen est irrecevable. On ne sait d'ailleurs pas si la critique concerne exclusivement la violation des articles 10 et 11 de la Constitution au regard d'un prétendu non-respect de la formalité de la négociation syndicale en comité A ou si la critique porte également sur une différence des régimes de congé de maladie entre le personnel enseignant et les autres agents de la Communauté française.

D'abord, les catégories de personnes visées à l'article 24 de la Constitution ne sont pas comparables à celles des agents de la fonction publique. Le statut du personnel de l'enseignement est déterminé par l'article 24 de la Constitution tandis que celui des autres agents de la fonction publique se fonde soit sur l'article 87, § 4, de la loi spéciale du 8 août 1980, soit sur des dispositions spécifiques en ce qui concerne les autorités administratives autres que fédérales ou fédérées. Dès lors, s'agissant du prétendu non-respect de la formalité de la négociation syndicale au sein du comité A, la critique des requérants revient à dénoncer une discrimination qui, - à la supposer fondée, quod non -, trouve son origine, non pas dans le décret entrepris, mais dans l'absence de l'adoption par le Gouvernement de la Communauté française d'un arrêté fixant la liste des droits minimaux, au sens de l'article 3, § 1er, alinéa 7, de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée.

Ainsi, le moyen des requérants dénonce la manière dont le Gouvernement de la Communauté française a exercé et exerce ses compétences.

Pareille critique échappe à la compétence de la Cour.

Par ailleurs, et si le moyen veut critiquer le caractère défavorable du régime des congés du personnel enseignant par rapport à celui des autres agents de la Communauté française, cette critique est obscure.

Et à supposer qu'elle soit avérée, sa censure échappe à la compétence de la Cour puisqu'elle résulterait de l'arrêté royal du 1er juin 1964.

A.12.2. En sa deuxième branche, le moyen est irrecevable et non fondé.

Non seulement les catégories de membres du personnel ne sont pas comparables mais le moyen invoque en outre la violation de l'article 13.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, lequel Pacte n'a pas d'effet direct en droit interne - sans compter que l'on ne sait si cette violation est invoquée de manière autonome ou en relation avec les articles 10 et 11 de la Constitution, ce qui dans le premier cas devrait conduire à l'irrecevabilité du moyen -, si bien qu'il y a lieu de s'interroger sur l'effet de standstill qui s'attacherait à cette disposition.

A.13. Le deuxième moyen est contradictoire si on le compare avec le troisième moyen. On ne peut à la fois soutenir dans le deuxième moyen qu'il fallait établir le seuil à 59 ans et le critiquer dans le troisième moyen. Ceci montre combien il est difficile d'appréhender une multitude de situations. Il faut insister sur le fait que l'objectif principal du décret a été d'aménager certaines règles du régime de mise en disponibilité et de congé, afin de mettre fin à une interprétation administrative selon laquelle ces jours de congé étaient cumulables, en telle sorte que les membres du personnel qui étaient peu ou pas malades pendant leur carrière disposaient en fin de celle-ci d'un capital de jours de congé de maladie.

A.14. Le troisième moyen n'est pas fondé. Il est exact que les articles 12 et 28 du décret du 4 février 1997 réservent aux membres du personnel âgés de 59 ans un sort particulier distinct de celui des agents âgés de moins de 59 ans, lorsque ces agents viennent à être placés de plein droit en congé de maladie. Cependant, cette différence de traitement était nécessaire si l'on voulait corriger les dysfonctionnements antérieurs : on ne peut en effet tenir compte de chaque situation individuelle mais seulement de l'ensemble des situations, face à quoi le critère d'âge est adéquat.

A.15. Le quatrième moyen est non fondé.

La validation législative n'est pas en soi illégale ou contraire au principe d'égalité. Aucun des requérants n'a introduit de recours relativement aux décisions individuelles fondées sur les arrêtés du 28 août 1995 annulés par le Conseil d'Etat. Il ne saurait y avoir discrimination dès lors que les requérants ne peuvent voir leur situation comparée à d'autres justiciables de la même catégorie à laquelle ils appartiennent, lesquels autres justiciables pourraient encore prétendre à un recours juridictionnel fondé sur l'article 159 de la Constitution.

Le législateur décrétal n'avait aucunement pour souci de paralyser la saisine des juridictions. La rétroactivité est justifiée par le souci du bon fonctionnement et de la continuité du service.

Mémoire en réponse des requérants A.16.1. Le recours est recevable. Dans l'hypothèse d'une annulation des dispositions entreprises par la Cour, l'article 18 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 permettra aux requérants d'introduire soit un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, soit une procédure devant les juridictions de l'ordre judiciaire à l'encontre des décisions individuelles réglant leur situation statutaire et fondées sur les dispositions en cause, même dans l'hypothèse où les délais pour introduire ces recours seraient expirés. L'arrêt du Conseil d'Etat invoqué par le Gouvernement de la Communauté française ne peut avoir d'autorité de chose jugée, ayant un objet différent de celui du présent recours. Il est relatif à l'annulation des arrêtés de la Communauté française du 28 août 1995 et non du décret entrepris.

A.16.2. Quant au premier moyen, il est fondé en sa première branche.

Les membres du personnel visés à l'article 24 de la Constitution constituent une catégorie particulière d'agents et se distinguent d'autres agents de la fonction publique, notamment en ce qui concerne la compétence exclusive des communautés en matière d'enseignement. Ce constat ne suffit cependant pas pour conclure à l'absence de comparabilité entre cette catégorie et les autres catégories d'agents.

En effet, tant les membres du personnel visés à l'article 24 de la Constitution, dont relèvent les requérants, que les autres agents de la fonction publique sont visés par la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée, et plus particulièrement par l'article 3, § 1er, alinéa 7, de cette loi.

L'exclusion des membres du personnel visés à l'article 24 de la Constitution de la délégation faite au Roi par l'article 3, § 1er, alinéa 8, ne repose que sur le fait qu'en matière d'enseignement, les communautés ont une compétence exclusive. Le Roi aurait empiété sur cette compétence en fixant pour cette catégorie d'agents la liste des droits minimaux.

L'objectif que poursuit l'article 3 de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée tend à limiter les différences de traitement existant entre les catégories d'agents pour atteindre un minimum de cohérence entre les statuts respectifs de ces agents, par le biais de ce qu'on a appelé les droits minimaux. Il n'est pas contestable que les membres du personnel visés à l'article 24 de la Constitution sont également visés par cet objectif, sans quoi ils auraient été entièrement exclus de cette législation.

Les dispositions attaquées sont manifestement nettement moins favorables que celles retenues dans l'arrêté royal du 26 septembre 1994 fixant les principes généraux du statut administratif et pécuniaire des agents de l'Etat applicables au personnel des services des Gouvernements de communauté et de région et des collèges de la Commission communautaire commune et de la Commission communautaire française ainsi qu'aux personnes morales de droit public qui en dépendent. La différence de traitement n'est pas justifiée et la discrimination subie est bien due aux dispositions appliquées et non à l'absence d'adoption par le Gouvernement de la Communauté française d'un arrêté fixant la liste des droits minimaux.

Dès lors que la catégorie dont relèvent les requérants est régie par un régime de congés et de disponibilités pour maladie beaucoup plus défavorable que celui appliqué, dans le respect d'une certaine cohérence de la fonction publique, à tout le reste de la fonction publique, ce sont bien ces dispositions décrétales elles-mêmes qui créent la discrimination et l'inégalité inconstitutionnelle des dispositions attaquées.

Le premier moyen est aussi fondé dans sa seconde branche. Il faut d'ailleurs préciser que le personnel des trois communautés peut être comparé quand il s'agit de respecter l'obligation de standstill qui découle de l'article 13.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

A.16.3. Le deuxième moyen est fondé.

Le système de congé de maladie en vigueur antérieurement organisait une augmentation progressive de la durée des congés de maladie rémunérés au fil de la carrière, ce qui permettait aux membres du personnel plus âgés et donc plus susceptibles d'être malades d'avoir une protection mieux adaptée à leur situation et à leur état physique.

La suppression de cette progressivité place sur un pied d'égalité les membres du personnel qui ont environ quatre ans d'ancienneté et ceux qui ont beaucoup plus d'ancienneté et qui sont donc plus âgés.

Le système de mise en disponibilité pour cause de maladie se trouve également uniformisé, l'ancienneté globale n'intervenant plus pour la fixation du traitement d'attente.

Cette dernière mesure supprime une inégalité entre les membres du personnel victimes de maladie longue alors qu'ils sont jeunes et les membres du personnel plus âgés, ce qui n'est pas contestable.

Cela compense cependant à suffisance l'effet défavorable que pouvait avoir le système antérieur de capitalisation de jours de congé de maladie au préjudice des plus jeunes.

Par contre, la suppression totale de cette évolution parallèle entre la carrière et la protection en cas de maladie pénalise exagérément les membres du personnel âgés sans motif raisonnable et proportionnel à l'objectif poursuivi.

Cet effet défavorable est encore renforcé par le temps beaucoup plus long nécessaire à la reconstitution du capital de jours de congé de maladie, rendant cette reconstitution dans bien des cas illusoire pour les membres du personnel plus âgés.

A.16.4. Le troisième moyen est lui aussi fondé. On ne voit pas en quoi les dysfonctionnements que l'on veut supprimer et leur charge financière seraient corrigés par la mesure entreprise.

Le membre du personnel âgé de 59 ans, maintenu en disponibilité pour cause de maladie alors qu'il est à nouveau tout à fait apte à travailler, va occasionner une double charge budgétaire : son traitement d'attente, d'une part, et le traitement de son remplaçant, d'autre part. Si l'on redoute la perturbation fréquente de la stabilité de l'équipe pédagogique, l'examen d'aptitude d'un membre du personnel en disponibilité pour cause de maladie, qui permet de le mettre à la pension pour inaptitude physique définitive, est un système adéquat pour pallier cet inconvénient, sans créer un double coût budgétaire.

Or précisément, après 59 ans, il ne sera plus possible de mettre un membre du personnel qui est maintenu en disponibilité pour cause de maladie sans être malade à la pension pour inaptitude physique définitive puisque cette mise en disponibilité ne trouvera plus son fondement dans son état de santé.

La privation du droit d'exercer sa profession jusqu'à l'âge de la pension dès lors que toutes les conditions sont réunies pour ce faire, y compris l'aptitude physique, infligée au membre du personnel âgé de 59 ans, et à nouveau apte après une période de maladie, est manifestement discriminatoire à son égard.

Le risque de voir de nombreuses personnes âgées de 59 ans, physiquement aptes à travailler, contraintes à l'inactivité est d'autant plus grand que le capital congé de maladie est, du fait des dispositions entreprises, d'une part, beaucoup moins important et, d'autre part, beaucoup plus difficile à reconstituer.

Il ne sera dès lors pas rare que les membres du personnel plus âgés tombent rapidement en disponibilité pour cause de maladie, même s'ils ne sont malades que pour une courte période d'à peine plus de quinze jours.

Le critère de l'âge n'est pas adéquat en ce qui concerne cette mesure.

Seul le critère de l'aptitude physique à exercer sa fonction est compatible avec l'obligation constitutionnelle imposée par les articles 10, 11 et 24 de la Constitution lorsqu'il s'agit de priver un membre du personnel de son droit fondamental à exercer sa profession.

A.16.5. Sur le quatrième moyen, il faut faire observer d'abord que, pour deux parties requérantes, les décisions individuelles de mise en disponibilité ont été prises entre le moment de l'annulation par le Conseil d'Etat des arrêtés du Gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995 et celui de la publication au Moniteur belge du décret du 4 février 1997. Leur situation devait dès lors être régie par la réglementation antérieure aux arrêtés du 28 août 1995 annulés. Pour ces deux requérantes, il ne peut être question d'une validation législative, mais il s'agit bien d'une application anticipative d'un décret non encore voté ni publié.

Sur le fond, la Cour a admis le mécanisme de la validation législative, bien qu'elle soit de nature à affecter la sécurité juridique, lorsque des circonstances exceptionnelles la justifient et notamment lorsqu'elle est indispensable au bon fonctionnement et à la continuité du service public. En l'espèce, le Gouvernement de la Communauté française ne démontre pas que ces deux conditions sont réunies.

Dans la majorité des cas, l'absence de rétroactivité du décret du 4 février 1997 et les effets de l'annulation des arrêtés du Gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995 par le Conseil d'Etat n'auraient pas entraîné des changements tels que le bon fonctionnement ou la continuité du service public en aient été sérieusement affectés.

Les membres du personnel mis prématurément en disponibilité pour cause de maladie ou à la pension auraient vu la prise de cours de ces mesures individuelles simplement postposée dans le temps et auraient bénéficié d'une régularisation administrative essentiellement d'ordre pécuniaire.

La stabilité des équipes pédagogiques ne se trouverait que très peu ou pas compromise.

La validation législative a, en outre, un effet particulièrement pernicieux en l'occurrence en raison du motif même de l'arrêt d'annulation du Conseil d'Etat du 19 décembre 1996.

Le Conseil d'Etat a sanctionné la violation par la Communauté française de l'article 24, § 5, de la Constitution.

Mémoire en réponse de J. Fontiny A.17. Le « Statut syndical » fixé par la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et son arrêté d'exécution du 28 septembre 1984 sont applicables tant à l'enseignement qu'aux autres autorités administratives entrant dans son champ d'application.

L'exception faite pour le personnel de l'enseignement en matière de fixation des droits minimaux résulte du fait que les communautés détiennent, pour ce qui est de régler cette matière, une autonomie constitutionnelle. Un arrêté royal ne pourrait fixer des dispositions relatives au statut du personnel de l'enseignement.

Cependant, le statut syndical s'appliquant, tout projet de décret ou d'arrêté du Gouvernement de la Communauté française qui a trait aux droits minimaux, tels qu'ils sont définis par la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée, doit faire l'objet d'une négociation au sein du comité A. En effet, l'objet même des dispositions du statut syndical est d'assurer à l'ensemble des agents relevant de la fonction publique, à quelque niveau de pouvoir qu'ils appartiennent, un minimum de droits et de cohésion, dans un souci de respect des règles d'égalité.

Enfin, l'arrêt Fontiny, n° 60.628 du Conseil d'Etat du 4 juin 1996, auquel se réfère le Gouvernement de la Communauté française, a été rendu en suspension et l'examen des moyens fait par le Conseil d'Etat était donc par définition succinct. - B - Quant à l'affaire portant le numéro 1138 du rôle Sur la recevabilité B.1.1. Le Gouvernement de la Communauté française conteste l'intérêt à agir des parties requérantes qui, à l'exception de C. Collard, seul membre du personnel à titre temporaire parmi les parties requérantes, n'ont pas attaqué les décisions individuelles qui ont été prises à leur encontre. Les parties requérantes, qui ont fait l'objet soit d'une mise en disponibilité pour cause de maladie soit d'une mise à la pension prématurée pour inaptitude physique définitive, perdraient leur intérêt au recours, ces décisions individuelles étant devenues définitives.

B.1.2. Il résulte de l'article 18 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage que, dans l'hypothèse d'une annulation des dispositions attaquées, les parties requérantes pourront introduire soit un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, soit une procédure devant les juridictions de l'ordre judiciaire contre les décisions individuelles réglant leur situation statutaire fondées sur les dispositions en cause, même dans l'hypothèse où les délais pour introduire ces recours seraient expirés. Elles ont donc intérêt à introduire un recours en annulation devant la Cour.

L'exception de non-recevoir est rejetée.

Quant au fond Sur le premier moyen B.2.1. Il est soutenu, dans une première branche, que la Communauté française a modifié le régime des congés pour cause de maladie et d'infirmité du personnel de l'enseignement sans fixer au préalable les droits minimaux en cette matière et sans soumettre, partant, le projet de décret au comité A commun à l'ensemble des services publics fédéraux, communautaires et régionaux. La Communauté française violerait ainsi les articles 10 et 11 de la Constitution, l'arrêté royal du 22 novembre 1991, pris en application de l'article 3, § 1er, de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, fixant les droits minimaux pour les membres du personnel statutaire de l'Etat, des communautés et des régions prévoyant une négociation syndicale obligatoire au sein dudit comité A. B.2.2. Il est soutenu, dans une seconde branche, que le régime des congés du personnel enseignant de la Communauté française serait discriminatoire par rapport à celui des membres du personnel enseignant de la Communauté flamande et de la Communauté germanophone parce que seule la Communauté française a modifié la réglementation relative aux congés de maladie et d'infirmité, méconnaissant ainsi l'article 3, § 1er, de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, sur lequel se fonde l'arrêté royal du 22 novembre 1991 précité, ainsi que l'obligation de standstill respectée par les autres communautés, qui découle de l'article 13.2, littera e, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966.

Sur la première branche B.3. La Cour est compétente pour contrôler la constitutionnalité de dispositions législatives, non quant à leur processus d'élaboration (sous réserve de l'article 124bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989), mais seulement quant à leur contenu.

La Cour n'est pas compétente pour connaître de la première branche du premier moyen.

Sur la seconde branche B.4. L'article 13.2, littera e, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels porte qu'il faut « améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant ». Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, le respect de cet article n'implique pas qu'en Belgique, les membres du personnel enseignant relevant de la compétence de la Communauté française soient traités de façon identique aux membres du personnel enseignant relevant de la compétence des autres communautés.

B.5. Le premier moyen est non fondé.

Sur le deuxième moyen B.6. Il est allégué que le régime des congés et de mise en disponibilité établi par les articles 6, 7, 8, 18 et 19 attaqués du décret traiterait de manière identique des catégories différentes de personnes à défaut de prévoir un régime qui évoluerait proportionnellement à l'âge des membres du personnel de l'enseignement. Les dispositions attaquées du décret, qui fixent un nombre de jours de congé de maladie rémunérés maximum identique du début de la carrière à la fin de la carrière sans tenir compte du risque plus élevé de maladie, tant en fréquence qu'en durée, qu'encourent les personnes plus âgées par rapport aux plus jeunes, violeraient les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elles traiteraient de manière identique, sans justification tenant compte du but et des effets des mesures critiquées, des catégories de personnes se trouvant dans des situations présentant des différences objectives importantes.

B.7. L'objet principal du décret attaqué est d'aménager certaines règles du régime antérieur des congés et de mise en disponibilité, qui permettait de cumuler, au cours de la carrière, des jours de congé de maladie non utilisés de sorte que les membres du personnel qui étaient peu ou pas malades pendant leur carrière disposaient à l'issue de celle-ci d'un capital de jours de congé de maladie que la Communauté était obligée de rémunérer, s'ils étaient utilisés dans le cadre d'une pratique administrative laxiste dans le contrôle de l'octroi des jours de congé de maladie, en même temps qu'elle devait rémunérer les remplaçants des enseignants réputés malades.

B.8.1. Il appartient au législateur décrétal de déterminer les objectifs de la politique qu'il entend poursuivre dans les matières qui sont de sa compétence. Le souci de remédier à une pratique administrative laxiste dans le contrôle de l'octroi des jours de congé de maladie qui impliquait un surcoût budgétaire est un objectif qui n'est pas manifestement déraisonnable. Compte tenu de cet objectif, le législateur pouvait raisonnablement décider d'envisager ce régime dans la perspective d'une carrière considérée de manière uniforme sans qu'il soit distingué, au sein de cette carrière, des seuils liés notamment à l'âge du membre du personnel considéré.

B.8.2. S'il est exact que des personnes se trouvant dans des situations différentes - le risque statistique de maladies croissant avec l'âge tant du point de vue de leur fréquence, que de leur durée ou de leur gravité - sont ainsi traitées de manière identique, ce traitement est fondé parce que la constitution du capital de jours de congé de maladie non utilisés, qui n'est dorénavant plus autorisée au-delà de soixante jours, se faisait naguère précisément au début de la carrière des enseignants étant donné le moins grand risque de maladie à ce moment-là, favorisant ainsi sans justification raisonnable les enseignants qui n'étaient pas malades avant la fin de leur carrière par rapport aux enseignants qui l'avaient été.

B.8.3. Il est exact que, comme l'affirment les parties requérantes, les membres du personnel de l'enseignement plus âgés épuisent plus rapidement que les plus jeunes leur capital de congés de maladie et le reconstituent avec plus de difficulté.

La Cour observe à cet égard que les travaux préparatoires, et plus précisément les statistiques qui y sont jointes, font apparaître que le nombre moyen de jours d'absence pour cause de maladie varie (« Les tranches d'âges pour lesquelles le nombre de jours dépasse la moyenne (à partir de 50-54 ans) [...] » (Doc., Parlement de la Communauté française, 1996-1997, n° 135-2, p. 15)) selon la catégorie d'âge, de trois jours pour les personnes âgées de 20-24 ans à 12,5 jours pour les personnes âgées de 45-49 ans et que ce n'est qu'à partir de l'âge de 50-54 ans que la moyenne de 25,5 jours de maladie par an dépasse la moyenne générale de 14,6 jours.

En fixant de manière égale pour tous à 15 jours le nombre de jours de maladie à prendre en considération, d'une part, et en disposant qu'au total 60 jours de maladie au maximum peuvent être reportés, d'autre part, le législateur décrétal a tenu compte, d'une manière qui n'est pas disproportionnée, de la différence des risques de maladie en fonction de l'âge.

Le deuxième moyen est non fondé.

Sur le troisième moyen B.9. Il est encore allégué que le régime des congés et de mise en disponibilité établi par le décret attaqué violerait les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution parce que, d'une part, l'article 12, alinéa 2, du décret traiterait de manière différente et sans justification objective les membres du personnel ayant atteint l'âge de 59 ans et que, d'autre part, l'article 28 traiterait de manière différente, sans justification objective, les membres du personnel âgés de 59 ans au 1er septembre 1995.

B.10. S'il est vrai que les agents du personnel enseignant se trouvant en fin de carrière présentent un risque plus élevé de maladie, la considération du critère de l'âge, retenu dans les articles 12, alinéa 2, et 28 attaqués du décret, et de celui du risque de maladie lié à cet âge ou à l'exercice prolongé de la profession d'enseignant ne peut aboutir à traiter de manière différente des personnes se trouvant dans des situations identiques, c'est-à-dire qui présentent les mêmes aptitudes physiques au travail, lorsqu'il s'agit de régler leur régime de mise en disponibilité.

En traitant de manière identique des agents qui, bien qu'ils aient le même âge, n'ont pas la même aptitude au travail et en les contraignant tous, sans tenir compte de cette aptitude, à mettre fin à leur activité, le législateur décrétal ne rencontre pas l'objectif d'assainissement financier poursuivi par le décret puisque la Communauté devra indistinctement honorer le surcoût budgétaire lié à la mise en disponibilité, que celle-ci soit justifiée ou non par une inaptitude réelle au travail.

Il résulte de ceci que l'article 12, alinéa 2, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.11. La Cour remarque en outre que l'article 28 attaqué du décret établit, à titre transitoire, un régime de congé pour cause de maladie différent pour les agents âgés de 59 ans au 1er septembre 1995 que celui qui est prévu à l'article 7 du même décret pour les agents du même âge.

Bien qu'il ait été conçu comme un « régime transitoire » (Doc., Parlement de la Communauté française, 1996-1997, n° 135-1, p. 5), ni les travaux préparatoires du décret, ni le Gouvernement de la Communauté française ne s'expliquent sur les critères et les raisons qui ont présidé à l'établissement de ce régime et la Cour n'aperçoit pas en quoi il est conforme tant aux objectifs généraux poursuivis qu'aux mécanismes correcteurs qui ont été reconnus comme justifiés.

Le troisième moyen est fondé.

Sur le quatrième moyen B.12. Il est allégué que l'article 29 du décret attaqué du 4 février 1997 violerait les articles 10 et 11 de la Constitution parce qu'en prévoyant que l'ensemble du décret « produit ses effets au 1er septembre 1995 », il priverait les membres du personnel concernés par le décret de la possibilité de faire valoir, devant le Conseil d'Etat, l'illégalité des arrêtés du Gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995 qui avaient été annulés par le Conseil d'Etat, lequel avait considéré qu'ils violaient l'article 24, § 5, de la Constitution. En imposant au Conseil de la Communauté française de voter un projet de décret dont l'entrée en vigueur est fixée rétroactivement au 1er septembre 1995, le Gouvernement de la Communauté française aurait entravé le processus de décision au niveau législatif, aucune modification par rapport aux arrêtés annulés n'étant possible. Les membres du personnel de l'enseignement se seraient ainsi vus privés de facto de la garantie constitutionnelle de l'article 24, § 5, de la Constitution.

B.13.1. La Cour constate que, par deux arrêts du 9 décembre 1996, le Conseil d'Etat a annulé deux des quatre arrêtés du Gouvernement de la Communauté française adoptés le 28 août 1995, qui fixaient le régime des congés et de disponibilité pour cause de maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement. Le Conseil d'Etat considérait que les arrêtés attaqués comportaient des règles essentielles du statut du personnel de l'enseignement en sorte que, relevant de l'organisation de l'enseignement au sens de l'article 24, § 5, de la Constitution, ces règles auraient dû être définies non par le Gouvernement de la Communauté française mais par le législateur décrétal.

C'est pour se conformer aux arrêts d'annulation rendus par le Conseil d'Etat que le Gouvernement de la Communauté française a soumis au Conseil de la Communauté française le projet de décret (Doc., Parlement de la Communauté française, 1996-1997, n° 135-2, p. 2).

B.13.2. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, l'objet principal du décret est de permettre à une assemblée législative démocratiquement élue de fixer les règles qui, selon la section d'administration du Conseil d'Etat, concernaient, aux termes de l'article 24, § 5, de la Constitution, des matières relevant de la compétence du législateur décrétal et non d'un gouvernement.

B.14. La Cour constate toutefois que l'article 29 attaqué fait rétroagir le décret au 1er septembre 1995, ce qui a pour effet de couvrir pour le passé et sans aucune justification l'inconstitutionnalité constatée par le Conseil d'Etat dans ses arrêts d'annulation et dont le Gouvernement de la Communauté française prétendait pourtant tenir compte pour justifier, dans l'exposé des motifs, le dépôt du projet de décret.

Sans doute a-t-il déclaré dans les travaux préparatoires que c'est pour éviter « la révision de toutes les situations administratives individuelles, ce qui n'aurait pas manqué de créer à leur niveau une insécurité juridique majeure et au niveau de l'administration, une désorganisation nuisant au bon fonctionnement et à la continuité du service public » qu'il a été prévu que le décret rétroagisse au 1er septembre 1995 (ibid., p. 3).

Ces passages sont formulés en termes généraux qui ne constituent pas une démonstration du caractère justifié de la rétroactivité.

Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen est fondé.

Quant à l'affaire portant le numéro 1105 du rôle B.15. Il résulte de ce qui est développé sur le quatrième moyen (B.12 à B.14) et de l'annulation qui doit en découler que les deux questions préjudicielles ont perdu leur objet.

Par ces motifs, la Cour - dans l'affaire portant le numéro 1138 du rôle de la Cour : . annule les articles 12, alinéa 2, et 28 du décret de la Communauté française du 4 février 1997 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement; . annule l'article 29 du même décret; . rejette le recours pour le surplus; - dans l'affaire portant le numéro 1105 du rôle, dit pour droit que, compte tenu de l'annulation de l'article 29 du décret précité, les deux questions préjudicielles sont sans objet.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 16 décembre 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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